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Décisions

CA Paris, 22e ch. A, 20 janvier 1999, n° 30116-98

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pouey International (SA)

Défendeur :

Grandel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perony

Conseillers :

M. Clavière-Schiele, Mme Froment

Avocats :

Mes Gourion, Fried.

Cons. prud'h. Paris, sect. act. div., du…

26 septembre 1997

Alban Grandel embauché le 1 décembre 1992 en qualité " d'inspecteur commercial " attaché de direction par la SA Pouey International a été licencié par lettre du 16 janvier 1996 pour non atteinte des objectifs, insuffisance de résultats, annulation de rendez-vous avec des clients et investissement insuffisant dans le travail et a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 26 septembre 1997, le Conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la SA Pouey International à verser à Alban Grandel la somme de 75 689,16 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté Alban Grandel du surplus de ses demandes ;

- condamné la SA Pouey International aux dépens.

Les deux parties ont relevé appel de cette décision.

La SA Pouey International, première appelante, soutient en effet que c'est à tort qu'elle a été condamnée à payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à Alban Grandel dans la mesure où :

- il est constant que l'intéressé, qui n'ignorait pas qu'il avait un objectif mensuel de 120 000 F et qui n'a jamais discuté le montant de celui-ci, ne l'a pas atteint pendant plusieurs mois, ce qui légitimait la rupture, le chiffre d'affaires réalisé étant en baisse constante, les grèves de décembre 1995 n'ayant eu aucune influence en l'espèce puisqu'elles n'ont pas empêché les autres inspecteurs commerciaux de réaliser leurs objectifs ;

- Alban Grandel avait en outre eu une attitude déloyale car il avait indiqué à son chef d'agence qu'un client était absent pour un rendez-vous alors qu'il l'avait décommandé.

Elle conclut en conséquence à l'infirmation de la décision attaquée de ce chef et au rejet de toutes les demandes formées par l'intéressé, étant observé en outre que :

- il ne saurait prétendre au statut de VRP car :

* il a lui-même admis en ne saisissant pas la section encadrement qu'il ne pouvait bénéficier de ce statut ;

* il ne bénéficiait pas d'un secteur fixe, la société s'étant réservée le droit de modifier le secteur et ayant fait usage de ce droit ;

* il ne prospectait pas lui-même la clientèle, cette prospection étant assurée par les services commerciaux, sa secrétaire prenant ses rendez-vous ;

* il devait, enfin, rendre compte régulièrement de son activité auprès de son supérieur hiérarchique et était soumis à une réunion hebdomadaire à Joinville avec son directeur et il ne jouissait pas d'autonomie ;

- la convention collective Syntec n'est pas applicable en l'espèce car :

* son activité ne rentre pas dans le champ d'application de cette convention ;

* le Code NAF qui lui a au demeurant été reconnu par l'INSEE n'est pas visé dans cette convention collective ;

* c'est la raison pour laquelle elle a décidé de faire application volontaire d'une autre convention, à savoir la convention collective du commerce de détail non alimentaire de la Gironde.

Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a rejeté les demandes fondées sur ce statut et sur cette convention et sollicite sa réformation pour le surplus et le rejet de toutes les demandes adverses et l'octroi de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Alban Grandel conclut au contraire à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la société Pouey International à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et entend voir pour le surplus dire :

- à titre principal que le statut de VRP lui est applicable et se voir allouer :

* 16 232,77 F à titre de préavis ;

* 1 623,27 F de congés payés corrélatifs ;

* 264 034,38 F d'indemnité de clientèle ;

* 203 632,56 F d'indemnité de non-concurrence ;

* 200 000 F d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- à titre subsidiaire que la convention collective applicable est la convention de bureaux d'études Syntec et se voir allouer :

* 16 232,77 F à titre de préavis ;

* 1 623,27 F de congés payés corrélatifs ;

* 10 854,77 F d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 200 000 F d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 15 000 F de prime de vacances.

Il sollicite l'octroi en tout état de cause de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et fait valoir que :

- en ce qui concerne son licenciement, il faisait partie d'une équipe dont tous les membres ont été licenciés pour des motifs fallacieux et en ce qui le concerne on a recherché son remplaçant avant même qu'il ne soit licencié et les griefs formés à son encontre ne sont pas sérieux dans la mesure où :

* les résultats qui lui sont reprochés ne lui sont pas imputables mais sont dus tant à une mauvaise conjoncture qu'à la volonté de l'employeur qui a interdit qu'on lui donne des rendez-vous et la situation était temporaire et exceptionnelle comme le démontrent les résultats qu'il a obtenus en janvier 1996, les grèves de décembre 1995 ayant par ailleurs gêné son activité de prospection ;

* les salariés auxquels le compare la société adverse ne sont pas dans une situation comparable à la sienne car il s'agit de chefs de ventes qui avaient en charge une clientèle différente ;

* l'annulation d'un rendez-vous avait par ailleurs déjà été sanctionnée ;

* rien n'établit un défaut d'investissement de sa part ce qu'il conteste ;

* les autres griefs ne sont pas invoqués dans la lettre de licenciement ;

- il doit bénéficier du statut de VRP car :

* ses fonctions consistaient, sur un secteur déterminé, à démarcher la clientèle issue tant de la liste fournie par la société que de sa prospection personnelle et à prendre des commandes afin de vendre les services de la société ;

* il exerçait ces fonctions de manière exclusive et constante et ne passait aucune commande pour son compte personnel ;

* le fait qu'il ait été soumis au contrôle de son employeur n'est pas exclusif du statut de VRP ;

* il exerçait ses fonctions auprès d'une catégorie de clientèle déterminée par le chiffre d'affaires et le nombre de salariés, à savoir des petits et moyens comptes, dans le ressort de l'agence où il était affecté et il avait donc bien un secteur ;

* les produits offerts à la vente étaient déterminés ;

- la convention collective appliquée par la société Pouey International ne correspond pas à son activité principale qui la soumet à la convention collective Syntec, le Code NAF de la société étant jusqu'en septembre 1994 un Code relevant de cette convention et n'ayant été changé qu'après la revendication formée par plusieurs salariés, l'indice figurant sur les contrats de travail correspondant au demeurant à cette convention.

Sur ce, LA COUR

Considérant, sur la procédure, qu'il y a lieu, les deux appels interjetés tendant à la réformation d'une décision unique d'ordonner la jonction des procédures d'appel enrôlées ;

Considérant, au fond, que c'est à juste titre que la juridiction de première instance a décidé qu'Alban Grandel ne pouvait bénéficier du statut de VRP dans la mesure où non seulement il ne disposait pas d'un secteur fixe, les départements par lui visités, même s'ils se trouvaient dans le champ de l'agence à laquelle il était rattaché, ayant varié dans le temps et la définition de la catégorie de clients qu'il devait visiter étant extrêmement large, mais encore où l'essentiel de la prospection commerciale était assuré par le service commercial de la SA Pouey International, Alban Grandel disposant au demeurant d'une secrétaire qui prenait ses rendez-vous conformément aux ordres de l'employeur auquel il reproche par ailleurs d'avoir interdit en décembre 1995 que des rendez-vous soient pris pour son compte, et où il ne jouissait que d'une autonomie limitée, devant rendre compte chaque jour de son activité et se rendre un jour entier par semaine au siège de la société ; qu'il a donc été débouté à bon droit de ses demandes d'indemnité de clientèle et d'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence, étant de surcroît observé que s'il pouvait être amené à faire de la prospection, ce n'était, vu le planning des rendez-vous versés aux débats que de manière très accessoire à son activité principale qui était d'honorer les rendez-vous fixés par son employeuret qu'il n'établit au demeurant pas avoir créé la moindre clientèle ;

Considérant, sur la convention collective applicable qu'il résulte des divers documents versés aux débats, qu'à l'époque de la relation contractuelle, l'activité principale de la SA Pouey International était le recouvrement de créances et le renseignement commercial, la première activité représentant 60% de cette activité ; que celle-ci n'entrait nullement dans le champ d'application de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs, conseils, sociétés de conseils, du 15 décembre 1987 ; que c'est donc à juste titre que les demandes formées sur ce fondement ont été rejetées ;

Considérant, sur la rupture du contrat de travail, que si jusqu'au mois d'août 1995 les résultats obtenus par Alban Grandel étaient très satisfaisants, ces résultats ont dès septembre 1995 chuté sans qu'il ne soit démontré que ce soit par suite d'un changement d'attitude de l'employeur ni d'une faute de sa part, l'attestation de Nadjia Laidi dont il résulte qu'elle aurait entendu le supérieur hiérarchique d'Alban Grandel interdire à sa secrétaire de lui prendre des rendez-vous étant contredite par ces derniers, l'examen du planning de rendez-vous versé aux débats démontrant par ailleurs que le nombre de rendez-vous pris était normal, par rapport notamment à ceux des autres salariés ; que, bien que mis en demeure d'améliorer ses résultats, Alban Grandel est resté très en deçà des objectifs qui lui avaient été fixés et dont il n'allègue pas qu'ils auraient été irréalistes ; qu'il s'ensuit que le licenciement dont il a fait l'objet était justifié peu important qu'en janvier 1996, alors qu'il avait été licencié le 16, les objectifs aient été atteints ; qu'il y a lieu par conséquent, infirmant la décision attaquée de ce chef, de débouter Alban Grandel de sa demande d'indemnisation de ce chef ;

Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles ;

Considérant que succombant Alban Grandel supportera les dépens.

Par ces motifs : Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros S98-30116 et S98-30546 ; Confirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a alloué à Alban Grandel une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Statuant à nouveau de ce chef, Déboute Alban Grandel de toutes ses demandes ; Déboute la SA Pouey International de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Alban Grandel aux dépens d'appel.