CA Versailles, ch. soc., 29 octobre 1986, n° 5555-85
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Diététique Gallia
Défendeur :
Nocaudie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Berlamont
Conseiller :
MM. Garrec Poirier
Avocats :
Mes Gisserot, Laherre-Loignon.
Statuant sur l'appel relevé par la société Diététique Gallia d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) du 18 décembre 1984 qui l'a condamnée à payer à Monsieur Michel Nocaudie les sommes de 8 687 F à titre de complément d'indemnité de préavis, 200 F à titre de commissions de retour sur échantillonnage, 138 992 F à titre de contrepartie pécuniaire de clause de non-concurrence et 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a ordonné la rectification du certificat de travail en ce qui concerne la date de cessation d'emploi.
Considérant que Monsieur Michel Nocaudie, engagé le 4 décembre 1972 en qualité de délégué pharmaceutique avec le statut de VRP exclusif dans le secteur " Paris et banlieue (à déterminer exactement) " par la société Diététique Gallia, a été licencié, après entretien préalable du 27 août, par lettre du 1er septembre 1981 reçue le 4 septembre qui l'a dispensé d'effectuer son préavis ; que les motifs du licenciement lui ont été énoncés le 16 septembre 1981 dans les termes suivants :insuffisance de visite de la clientèle - mauvaise tenue de votre fichier clients aboutissant à une insuffisance de résultats " ; que Monsieur Michel Nocaudie a saisi le 8 octobre 1981 le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour inobservation de la procédure à laquelle il a joint en cours d'instance de nouveaux chefs de demande tendant au paiement d'indemnité de préavis, de commissions sur échantillonnages, d'indemnité de clientèle et de contrepartie pécuniaire de clause de non-concurrence ; qu'après une mesure d'expertise ordonnée par jugement du 19 avril 1983 et nouvelle modification des différents chefs de demande et demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 11 520 F à titre de remboursement d'un prêt consenti par la société Gallia à Monsieur Nocaudie, le conseil de prud'hommes, faisant droit à la demande reconventionnelle, a prononcé la décision dont la teneur est rappelée plus haut ;
Considérant que la société Gallia déclare vouloir limiter son appel à la condamnation au paiement de la somme de 138 992 F à titre d'indemnité de clause de non-concurrence et conclut à l'infirmation du jugement de ce chef et au débouté de Monsieur Nocaudie de sa demande d'indemnité, assorti de la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle fait valoir à cet effet d'une part que Monsieur Nocaudie a été dispensé verbalement de l'exécution de la clause de non-concurrence au cours de l'entretien préalable du 27 août 1981, ce qu'elle entend établir par une attestation de Monsieur Christian Mourgues, animateur pharmaceutique ayant assisté à l'entretien, et d'autre part à titre subsidiaire que Monsieur Nocaudie a été embauché comme VRP le 4 février 1982 par la société Laboratoires Merck-Clevenot dont I'activité serait concurrente de celle de la société Gallia et qu'il n'aurait donc pas respecté les termes de la clause ;
Considérant que l'intimé, que les premiers juges avaient débouté de sa demande en paiement d'une somme de 63 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive fait appel incident et des demandes additionnelles pour réclamer devant la Cour paiement des sommes de 9 843,71 F à titre de complément d'indemnité de préavis (au lieu de 8 687 F), 4 349,04 F à titre de complément d'indemnité de licenciement, 820,30 F à titre de complément de prime de fin d'année, 170 624 F (au lieu de 138 972 F) à titre d'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence, 63 984 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il reconnaît devoir à la société Gallia en deniers ou quittance la somme de 11 520 F à titre de prêt non remboursé ; qu'en ce qui concerne sa demande de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, Monsieur Nocaudie, qui dément formellement que son employeur l'en ait dispensé au cours de l'entretien préalable, fait valoir qu'il n'a pas été libéré de ses obligations dans le délai de quinze jours imparti à l'employeur par la convention collective et, d'autre part, que l'activité de la société Merck-Clevenot n'est nullement concurrente de celle de son précédent employeur, et, en ce qui concerne sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il n'a jamais reçu la moindre mise en garde ni le moindre avertissement de son employeur en neuf ans de service et qu'une étude comparative de ses résultats et de ceux des autres VRP démontrerait qu'il se situait largement dans la moyenne ;
Sur ce,
Sur les demandes en paiement de complément d'indemnité de préavis, de complément de " prime de fin d'année et complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, considérant qu'il est pas contesté que conformément à l'article 12 de la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP et à l'article 34 de l'accord d'Etablissement du 1er janvier 1981, Monsieur Michel Nocaudie avait droit à un préavis de trois mois ; que le complément d'indemnité de préavis, égal à un troisième mois de salaire ne saurait cependant correspondre à la moitié de la somme de 19 687,42 F, comme le demande Monsieur Nocaudie, mais a été exactement chiffré par les premiers juges, au vu de l'avis de l'expert, à celle de 8 687 F, somme qui est d'ailleurs supérieure à celle du dernier salaire effectivement perçu par l'intéressé ; que Monsieur Nocaudie peut alors prétendre au titre du treizième mois è un complément de 724 F ; qu'en revanche l'indemnité de licenciement, d'un montant de 34 041 F, perçue par Monsieur Nocaudie a été calculée conformément à l'article 35 de l'Accord d'Etablissement à raison de deux cinquièmes de mois par année de présence et pour une ancienneté de neuf années, le salaire mensuel retenu comme base de calcul (dernier salaire mensuel ou douzième du meilleur salaire annuel des trois dernières années) étant le plus favorable pour l'intéressé ; que la prétention de Monsieur Nocaudie à un complément d'indemnité de licenciement doit dès lors être rejetée ;
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, considérant qu'il ressort de plusieurs correspondances adressées par l'employeur à Monsieur Michel Nocaudie, notamment des 19 mai 1979, 28 mai 1980, 29 juin 1981 qu'à plusieurs reprises l'attention de Monsieur Michel Nocaudie avait été attirée sur son insuffisance d'activité et des négligences concernant des visites à certains clients (telle la visite qu'il devait faire à la Pharmacie Muller, aux Mureaux, en juin 1981) ; que la cadence des visites journalières (7, 5 contre un objectif de 9) allait en décroissant ; que la société Gallia était dès lors fondée à reprocher à Monsieur Nocaudie son manque de dynamisme ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse et ont débouté Monsieur Nocaudie de la demande de dommages-intérêts formée de ce chef ;
Sur la demande en paiement de la somme de 170 624 F à titre d'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence, considérant que l'article 9 du contrat du 4 décembre 1972 faisait interdiction à Monsieur Nocaudie, en cas de cessation de son activité pour le compte de la société Gallia de " s'intéresser directement ou indirectement ou pour le compte d'un tiers à une entreprise concurrente ou d'entrer au service d'une telle entreprise en qualité d'employé ou de représentant ou à tout autre titre " et ce pendant deux ans à compter de la rupture du contrat, l'interdiction étant limitée au secteur attribué au représentant ; que, pour refuser le paiement de la contrepartie pécuniaire de l'obligation de non-concurrence, prévue par l'article 17 de la convention collective, la société Diététique Gallia prétend à titre principal avoir, conformément au dernier alinéa de cet article, libéré Monsieur Nocaudie de l'obligation de non-concurrence, et, à titre subsidiaire, que son ancien salarié aurait contrevenu à cette clause en s'engageant le 4 février 1982 au service de la société des Laboratoires Merck-Clevenot en qualité d'attaché au développement des ventes avec le statut de VRP ;
Considérant, sur l'argument avancé è titre subsidiaire par la société Gallia qu'à supposer même que les activités de la société Gallia et des Laboratoires Merck-Clevenot soient concurrentes, ce qui est contesté, les produits diététiques commercialisés par la société Merck-Clevenot étant essentiellement destinés aux adultes, le secteur d'activité confié à Monsieur Nocaudie par cette société (départements 27 , 60, 76, 93, 95) était différent de celui dont il était chargé par la société Gallia au moment de la notification de la rupture qui d'après les dernières feuilles ce visite produites par la société Gallia elle-même, ne comprenait aucun de ces départements, et notamment pas ceux de la Seine-Saint-Denis et du Val d'Oise ; qu'on ne saurait donc faire le reproche à Monsieur Nocaudie d'avoir enfreint la clause de non-concurrence alors que, d'après l'article 17 de la convention collective, celle-ci n'est valable qu'en ce qui concerne les secteurs que le représentant était chargé de visiter au moment de la notification de la rupture du contrat ;
Considérant, sur la connaissance qu'aurait eue Monsieur Nocaudie de ce qu'il était délié de la clause de non-concurrence, que la société Gallia n'avait pas l'obligation de prévenir son salarié par écrit de sa renonciation au bénéfice de la clause, l'exigence d'un écrit ne résultant que d'un avenant en date du 12 janvier 1982 à la convention collective; que la société Gallia affirme avoir fait connaître à Monsieur Nocaudie lors de l'entretien préalable du 27 août 1981 qu'il serait libéré des effets de la clause de non-concurrenceet produit une attestation de Monsieur Christian Mourgues, " animateur pharmaceutique France Nord " de la société Diététique Gallia indiquant que " Monsieur Michel Nocaudie a été libéré oralement de toute contrainte vis-à-vis de la concurrence au cours de l'entretien préalable à son licenciement ", et rappelle que le certificat de travail délivré le 29 octobre 1981 mentionne que Monsieur Michel Nocaudie quitte la société " libre de tout engagement " y compris vis-à-vis de la concurrence ;
Considérant que l'employeur avait l'obligation, s'il entendait renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence, d'en prévenir son représentant dans les quinze jours suivant la notification de la rupture; que celle-ci étant intervenue le 4 septembre 1981, la mention portée sur le certificat de travail le 29 octobre ne remplissait pas la condition de date exigée par la convention collective pour emporter exonération du salarié de son obligation de non-concurrence et, par voie de conséquence, exonération de l'employeur de son obligation au paiement de la contrepartie; qu'à supposer même que, ainsi qu'il ressort de l'attestation de Monsieur Mourgues, l'employeur ait fait connaître à Monsieur Nocaudie au cours de l'entretien préalable du 27 août 1981 qu'il entendait le dispenser de l'exécution de la clause de non-concurrence, une telle renonciation, antérieure à la rupture, à un droit qui n'était pas encore acquis au renonçant, ne pouvait avoir d'effet qu'à condition d'être confirmée dans le délai de quinze jours suivant la notification de la rupture; qu'aucun élément de preuve n'établit que Monsieur Nocaudie ait reçu cette confirmation dont la nécessité s'imposait pour dissiper toute équivoque en sorte qu'il est fondé à soutenir n'avoir pas eu connaissance, dans le délai imparti par la convention collective, de ce qu'il était dispensé de l'obligation de non-concurrence ;
Considérant que la contrepartie pécuniaire de l'obligation de non-concurrence ne constituant pas une peine au sens de l'article 1152 du Code civil, c'est-à-dire la réparation forfaitaire du dommage résultant de l'inexécution d'une obligation, mais au contraire l'objet même de l'obligation pesant sur l'employeur en application de la convention collective, le juge n'a pas le pouvoir de modifier le contenu de cette obligation quant bien même le montant de celle ci paraîtrait excessif ; que sur la base d'une rémunération mensuelle moyenne de 8 687 F (et bon pas, comme il est demandé, de 10 664 F) le montant de la contrepartie pécuniaire doit être liquidé, conformément à la convention collective, à la somme de 8 687 x 2/3 x 24, soit 138 992 F ;
Sur la demande de rectification du certificat de travail, considérant qu'il y a lieu à confirmation pure et simple du jugement en ce qu'il a ordonné la rectification du certificat en ce qu'il mentionne la date du 4 décembre 1981 au lieu du 4 novembre comme terme de la période de préavis ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Diététique Gallia, considérant que l'intimé reconnaît devoir la somme de 11 520 F è titre de solde de prêt non remboursé ;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge ce Monsieur Michel Nocaudie la totalité des frais par lui exposés qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il échet de lui allouer sur le fondement de ce texte la somme de 1 000 F en sus de celle de 3 000 F octroyée pour ses frais devant la juridiction de première instance ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme, reçoit la société Diététique Gallia en son appel principal et Monsieur Michel Nocaudie en son appel incident et ses demandes additionnelles ; Au fond, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Diététique Gallia à payer à Monsieur Michel Nocaudie la somme de 724 F à titre de quote-part de treizième mois ou " prime de fin d'année " ; Condamne en outre la société Diététique Gallia à payer à Monsieur Michel Nocaudie la somme de mille francs (1 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de celle de 3 000 F déjà allouée sur le fondement de cet article par les premiers juges ; Dit Monsieur Michel Nocaudie mal fondé quant au surplus de ses demandes faites en cause d'appel, et l'en déboute ; Condamne la société Diététique Gallia aux dépens d'appel.