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Décisions

CA Angers, 3e ch., 23 novembre 1989, n° 1450-88

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Renault

Défendeur :

Groh (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Linden

Conseillers :

MM. Dubois, Guillou

Avocats :

Mes Papin, Descamps.

Cons. prud'h. Angers, sect. encadr., du …

29 juin 1988

M. Renault a été employé en qualité de VRP Multicartes par la société Groh du 1er janvier 1982 au 1er octobre 1987, date à laquelle il a été licencié pour insuffisance de résultats.

Par jugement du 29 juin 1988, le Conseil de prud'hommes d'Angers a dit que le licenciement n'avait pas de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Groh à payer à M. Renault les sommes suivantes :

- 5 130 F à titre de dommages intérêts pour rupture abusive,

- 855 F à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure,

- 13 685 F à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- 4 748 F à titre d'indemnité de clientèle,

- 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Renault a interjeté appel de cette décision en limitant son recours au rejet de sa demande concernant une commission, pour laquelle il réclame une somme de 22 697 F, outre 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

La société Groh conclut au principal à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement et par voie d'appel incident, elle sollicite l'infirmation du jugement et le déboutement de M. Renault.

Motifs

Sur la recevabilité de l'appel

Pour " prendre acte " de ce que M. Renault avait perçu les commissions qu'il réclamait, le conseil de prud'hommes a cru devoir retenir que les pièces versées aux débats par la société Groh prouvaient le paiement desdites commissions.

Ce faisant, les premiers juges ont bien statué sur la demande, en considérant qu'elle n'avait plus d'objet, ce dont la SARL Groh n'a jamais convenu dans ses écritures de première instance.

L'appel est donc recevable.

Sur le fond

a) Le licenciement

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les relations entre M. Renault et son employeur n'ont jamais été très faciles, le VRP reprochant à la société de compromettre ses efforts par l'insuffisance de son aide, la défectuosité de certaines livraisons et le coût de ses produits par rapport à la concurrence, tandis que la société Groh faisait grief à son représentant de mal défendre son " image " et ses réalisations.

Sans dénier certaines insuffisances ponctuelles de l'employeur, il faut relever, au vu des correspondances versées aux débats, que la société Groh a généralement soutenu l'action de l'appelant, lui proposant des arguments de vente et poursuivant l'étude des projets de ses clients. En revanche, M. Renault adoptait facilement une attitude critique à l'égard des produits qu'il était chargé de promouvoir et manifestait assez systématiquement un certain pessimisme. Contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, rien en tout cas ne permet d'imputer à l'entreprise les mauvais résultats de M. Renault. La meilleure preuve en est que, licencié une première fois en septembre 1983, l'appelant a promis dans une lettre du 3 octobre 1983 de " faire un effort supplémentaire ", et qu'effectivement son chiffre d'affaires a sensiblement progressé par la suite, passant de 19 240 F en 1984 à 142 219 F en 1985, puis à 236 261 F en 1986.

Aux exigences exprimées par la société Groh au mois de mai 1986, M. Renault a répondu en proposant comme objectif une augmentation de 10 % de son chiffre d'affaires. A la date de son licenciement, l'appelant était loin d'un tel résultat puisque, si l'on projette sur un an le chiffre d'affaires de 126 776 F réalisé à l'époque, on obtient un chiffre de 190 164 F sensiblement inférieur à celui de 1986.

Ainsi, compte tenu du sérieux avertissement donné à la fin de l'année 1983 pour le même motif, la société Groh était bien fondée à licencier M. Renault lorsque l'insuffisance de ses résultats a été de nouveau évidente.

Il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement entrepris et de débouter M. Renault de sa demande de dommages intérêts.

b) La procédure de licenciement

Le licenciement ayant été prononcé sans entretien préalable, c'est à bon droit qu'a été allouée à M. Renault une indemnité correspondant à un mois de salaire.

c) La contrepartie financière de la clause de non-concurrence

La société Groh ne peut se prévaloir du fait qu'en septembre 1983 elle avait libéré M. Renault de la clause de non-concurrence pour prétendre qu'elle n'était pas tenue de renouveler cette formalité en 1987. En effet, le licenciement de 1983 ayant été annulé, l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie dans toutes ses dispositions.

Faute d'avoir libéré M. Renault de l'obligation de non-concurrence dans les formes et délais prévus par l'Accord National Interprofessionnel des VRP, la société Groh est donc tenue de lui verser la contrepartie financière que les premiers juges ont calculée conformément à l'article 17 de l'accord susvisé.

d) L'indemnité de clientèle

Ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, même si la société Groh a contribué à sensibiliser la clientèle par sa publicité, M. Renault a prospecté un secteur totalement vierge, et c'est bien lui qui a presque intégralement créé cette clientèle dont l'employeur a continué à profiter après son départ.

De ce fait, c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué au VRP une indemnité de clientèle dont le montant tient compte de ces éléments, et ce malgré la baisse de résultats constatée en 1987.

e) Le rappel de commission

La commission de 22 697 F à laquelle prétend l'appelant se rapporte à une commande de 360 275 F passée au mois de mars 1987 par Mme Dessert-Legendre pour l'aménagement d'un parc de loisirs à Poses (27).

Il résulte effectivement des pièces versées aux débats que M. Renault a rendu visite à M. et Mme Dessert-Legendre au début de l'année 1985. Cependant, dans une lettre du 2 août 1988, Mme Dessert-Legendre a rappelé que cette visite n'avait eu aucun résultat positif, si bien qu'elle s'était adressée à la concurrence et que la maquette de son projet ne comportait aucun jeu Groh; ce n'est qu'à la fin de l'année 1986 que Mme Dessert-Legendre a renoué avec la société Groh en n'adressant directement à M. Matzen, son gérant. Dans ces conditions, l'appelant ne peut prétendre à une commission sur la commande passée au mois de mars 1987, qui ne doit rien à ses diligences.

Enfin, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. Renault la totalité des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens d'appel ; il sera également débouté de sa demande de ce chef.

Par ces motifs : Déclare recevable l'appel formé par M. Renault ; Réformant pour partie le jugement entrepris ; Dit que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse et déboute en conséquence M. Renault de sa demande de dommages intérêts ; Confirme le jugement en ses autres dispositions, notamment en ce qu'il a considéré que M. Renault avait été rempli de ses droits au titre des commissions ; Déboute M. Renault de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ; Le condamne aux dépens d'appel.