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Décisions

CA Angers, 3e ch., 2 mai 1989, n° 1026-88

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prod'homme

Défendeur :

Ibex (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Linden

Conseillers :

MM. Dubois, Guillou

Avocats :

Mes Papin, Boyer.

Cons. prud'h. Angers, sect. encadr., du …

18 mai 1988

M. Prod'homme a été engagé suivant contrat du 3 juin 1985 en qualité de VRP multicartes par la SARL Ibex ; il a été licencié pour motif économique par lettre du 30 juin 1987, avec un préavis de trois mois.

Par jugement du 18 mai 1988, le Conseil de prud'hommes d'Angers a condamné la société Ibex à payer à M. Prod'homme une somme de 20 000 F au titre de l'indemnité de clientèle, mais a débouté le salarié de ses demandes de contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de dommages-intérêts pour rupture abusive.

M. Prod'homme a régulièrement interjeté appel de cette décision et réclame les sommes suivantes :

- 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- 60 918 F à titre d'indemnité de clientèle,

- 40 612 F à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

La société Ibex conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la condamnation au titre de l'indemnité de clientèle, dont elle entend être déchargée.

Motifs

1) Sur le licenciement

Le licenciement a été prononcé pour motif économique.

Il résulte des éléments versés aux débats, et notamment du bilan, que malgré une forte croissance du chiffre d'affaires, les résultats de l'entreprise ont été constamment déficitaires depuis sa création au mois d'avril 1984.

Ainsi, une perte de 300 455 F apparaissait dès la clôture du premier exercice ; elle passait à 327 544 F pour l'exercice 1985, à 479 264 F pour l'exercice 1986 et 647 689 F pour les neuf premiers mois de l'année 1987.

L'évolution de ces résultats a logiquement amené les associés à décider la liquidation amiable de la société le 31 août 1987. En effet, s'il n'est pas contesté que la SARL était la filiale d'une importante société britannique, il n'en reste pas moins que l'évolution de ses résultats démontrait que son activité n'était pas économiquement viable et obligeait même ses dirigeants à y mettre un terme.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et débouté M. Prod'homme de sa demande de dommages-intérêts.

2) Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

Pour contester la demande de M. Prod'homme sur ce point, la société Ibex fait valoir en premier lieu qu'en vertu du contrat de travail, elle pouvait libérer le VRP de la clause de non-concurrence dans un délai de huit jours à compter de la fin du contrat, et qu'elle l'a donc fait valablement par lettre du 13 août 1987, soit en cours de préavis.

Cependant, la clause du contrat individuel invoquée par l'intimée, est moins favorable au salarié que les dispositions de l'Accord National Interprofessionnel des VRP, selon lesquelles l'employeur doit prévenir le représentant dans les quinze jours suivant la notification de la rupture s'il entend le dispenser de l'obligation de non-concurrence. Ce sont donc ces dispositions qui sont applicables en l'espèce.

En second lieu, la société Ibex entend se prévaloir des dispositions particulières de l'article 17 alinéa 10 de l'Accord Interprofessionnel, prévues en cas de cessation d'activité de l'entreprise ; mais celles-ci ne sauraient trouver application en l'espèce, le licenciement de M. Prod'homme ayant été prononcé deux mois avant la dissolution de la société.

Ainsi, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence était acquise à M. Prod'homme dès lors que l'employeur ne l'avait pas délié de cette clause dans les quinze jours de la notification du licenciement.

Il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement entrepris sur ce point et de faire droit à la demande de l'appelant, le montant de cette demande ayant été calculé conformément aux dispositions de l'article 17 de l'Accord National Interprofessionnel des VRP, et les bases de calcul étant justifiées par les pièces versées aux débats.

3) Sur l'indemnité de clientèle

Si la société Ibex peut prétendre à une certaine notoriété, il n'est cependant pas contestable que sa propre connaissance du marché et ses relations dans les milieux professionnels concernés ont permis à M. Prod'homme d'apporter et de développer une clientèle appréciable pour son employeur, favorisant ainsi l'implantation de celui-ci sur son secteur.

De plus, la société Ibex n'a cessé de se féliciter de l'activité déployée par M. Prod'homme et des résultats obtenus.

Il est donc indéniable que l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé l'appelant de continuer à bénéficier du travail de prospection qu'il avait accompli lui a causé un préjudice qui doit être réparé en vertu de l'article L. 751-9 du Code du Travail, et ce, nonobstant la cessation d'activité de la société Ibex, d'ailleurs postérieure au licenciement, puisqu'il n'est pas prétendu que M. Prod'homme ait continué à prospecter la même clientèle pour des entreprises concurrentes.

Le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation de ce préjudice, en limitant le montant de la somme réclamée à 20 000 F, pour tenir compte du temps de travail effectif de M. Prod'homme au service de la société Ibex (2 ans).

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ; il lui sera alloué 3 000 F de ce chef.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - débouté M. Prod'homme de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, - condamné la société Ibex à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'indemnité de clientèle ; Le réformant pour partie ; Condamne la société Ibex à payer à M. Prod'homme la somme de 40 612 F à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence ; Y ajoutant, Condamne la société Ibex à payer à M. Prod'homme une somme de 3.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit que les sommes allouées, à l'exception de l'indemnité pour frais irrépétibles, produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ; Condamne la société Ibex aux dépens.