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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 12 juin 1998, n° 97-01637

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Union Nationale des Mousquetaires (Association), Société civile des Mousquetaires (SCI), ITM Entreprises (SA), ITM Logistique internationale (SA), Norminter (SA), Base de Peynier (SA), OPE Intermarché (SA), ITM Marchandises International (SA)

Défendeur :

Brehm

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pinot

Conseillers :

Mme Radenne, M. Cailliau

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Pamart

Avocats :

Mes Marière-Lambert, Clément.

TGI Paris, 4e ch. sect. 2, du 18 oct. 19…

18 octobre 1996

Par arrêt du 16 mai 1997, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, et des prétentions et moyens initialement soutenus par les parties, la cour (25e chambre B), dans le litige opposant les époux Brehm aux sociétés du groupe Intermarché, l'Union Nationale des Mousquetaires, la Société Civile des mousquetaires, la société ITM Logistique Internationale, la société ITM Entreprises, Norminter, la Base de Peynier, la OPE Intermarché, la SA ITM Marchandises International, a déclaré les prétentions des premiers recevables, et sur le fond, sur les moyens tiré du manquement à l'exécution de bonne foi des obligations des secondes et de la faute de gestion ayant justifié l'exclusion du groupement, a ordonné une expertise à l'effet de lui fournir les éléments permettant d'apprécier la réalité et l'importance des griefs allégués.

L'expert a déposé son rapport le 17 décembre 1997.

Intimés et appelants incidemment, Union Nationale des Mousquetaires et M. Marc Brehm demandent à la cour de leur adjuger le bénéfice de leurs prétentions initiales tendant à voir dire que l'acte du 31 juillet 1992 a été obtenu par dol et violence, de dire encore que Union Nationale des Mousquetaires et M. Marc Brehm ont appliqué de mauvaise foi les diverses conventions, d'annuler la décision d'exclusion dont ils ont été l'objet, et sollicitent la condamnation de l'ensemble des sociétés du groupe à leur payer une indemnité de 21 550 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 1992, outre la somme de 200 000 F en application de l'article 700 NCPC.

Ils soutiennent que l'ensemble des documents produits comme les investigations de l'expert mettent en évidence la stratégie d'éviction dont ils ont fait l'objet, que la mesure de leur préjudice doit s'apprécier au regard des pertes subies lors de la cession des actions de la société Nagre (7 MF), de leur exclusion du groupe qui leur a fait perdre la chance d'exploiter deux surpermarchés (14 550 000 F).

Appelantes, Union Nationale des Mousquetaires, la SCI des Mousquetaires, la SA ITM Entreprises, la SA ITM Logistique Internationale, la SA Norminter, la SA Base de Peynier, la SA OPE Intermarché, la SA ITM Marchandises Intermational sollicitent la cour :

- de leur adjuger le bénéfice de leurs précédentes écritures tendant à voir dire que la cession des actions détenues par les époux Brehm dans le capital de la société Nagre ne peut être remise en cause, de dire encore que la décision d'exclusion du groupe n'est pas intervenue de manière abusive, de dire enfin que la preuve du préjudice résultant des fautes prétendues n'est pas établie,

au vu des conclusions du rapport de l'expert, de débouter M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm de l'intégralité de leurs prétentions, subsidiairement de réduire le montant des indemnités réclamées à de plus justes proportions.

Elles font valoir,

qu'aucune faute ne peut leur être reprochée à l'occasion de l'attribution du point de vente de Tressol, que la non-réalisation des projets de Béziers Clémenceau et de Villeneuve-les-Béziers ne leur est pas imputable, que les rapports des commissaires aux comptes établis pour les exercices 1990 et 1991 ont justifié leur exclusion du groupe, que le préjudice allégué n'est pas démontré dans la mesure où d'une part, elles sont étrangères à l'acquisition des actions de la société Nagre comme à leur cession, et d'autre part, que l'indemnité réclamée au titre de la perte de chance d'exploiter deux points de vente ou même un seul, repose sur des éléments inexacts.

En réplique, les parties ont à nouveau précisé leur argumentation respective.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'il convient de rappeler que les époux Brehm ont détenu, depuis le mois d'avril 1988, les actions de la société Nagre, exploitant le point de vente Béziers Liberté à Béziers;

Qu'un compromis de vente a été conclu, le 31 juillet 1992, avec M. Lariche représentant la société Inter MS, la cession définitive étant intervenue, le 22 décembre suivant;

Considérant que la cession des actions détenues respectivement par M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm dans le capital de la société Nagre au profit de la cessionnaire représentée par M. Lariche, qui n'est pas dans la cause n'est pas discutée ainsi que l'a relevé la cour dans son précédent arrêt;

Que la nullité de cette cession n'est d'ailleurs pas poursuivie;

Considérant qu'il ressort des écritures des époux Brehm que ceux-ci font en réalité grief aux sociétés du groupe Intermarché d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en orchestrant la concurrence déloyale pratiquée par M. Lariche, obligation qui leur était imposée aux termes des conventions qui les liaient;

Considérant qu'aucun élément probant et objectif ne démontre que l'Union Nationale des Mousquetaires ou l'une des sociétés du groupe aient exercé une quelconque pression sur les cédants;

Que les conditions et modalités de cette cession ont été librement débattues entre les parties, sans que Inter MS ait, de quelque manière, pesé sur le choix adopté par les époux Brehm comme le met clairement en évidence les termes du courrier du 25 mars 1992, sous la signature de la société Norminter précisant "nous sommes d'accord sur l'une ou l'autre de ces solutions. Il vous appartient de négocier au mieux les modalités";

Que la mention figurant dans le rapport de l'expert selon laquelle "les époux Brehm ont signé sous la pression un compromis de vente..." ne constitue que la simple reprise de la position adoptée par ces derniers;

Que la preuve dont la charge incombe aux époux Brehm n'est pas rapportée d'un comportement déloyal fautif des sociétés du groupe Inter MS;

Considérant qu'il ressort des investigations circonstanciées et précises auxquelles l'expert a procédé, qui ne sont pas utilement contredites par les documents produits par les époux Brehm, que le projet dit Béziers Clémenceau ne s'est pas réalisé;

Qu' aucun élément sérieux ne vient étayer l'affirmation des époux Brehm selon laquelle ce projet n'aurait été qu'un leurre proposé par Inter MS pour les faire patienter alors que leurs courriers des 23 janvier et 23 février 1992 mettent en évidence qu'ils avaient connaissance de ce projet et de son évolution négative;

Considérant que la non-réalisation du projet de Villeneuve-les-Béziers ne peut être imputée à faute à Inter MS dès lors que le projet a porté sur l'implantation d'un Marché des Mousquetaires (6 enseignes) pour lequel les autorisations administratives n'ont pu être obtenues et ne le sont pas à ce jour, comme l'a relevé l'expert (pages 18 et 19 du rapport);

Que vainement, les époux Brehm invoquent le fait que l'autorisation aurait été donnée pour l'ouverture d'un intermarché et d'un restomarché et qu'ultérieurement une extension aurait été sollicitée et refusée, alors que la demande a été présentée dès le mois d'avril 1991 pour 4 enseignes supplémentaires, la solution d'un marché mousquetaire ayant été d'ailleurs préconisée par eux dans un courrier du 19 novembre 1990;

Considérant que les époux Brehm ne sont pas fondés à faire grief à Inter MS d'avoir autorisé l'ouverture, au mois de mai 1992, du magasin Tresol, situé à 675 m du point de vente exploité par la société Nagre, au mépris de leurs droits, dans la mesure où cette attribution au profit de la société exploitée par M. Lariche n'a pas été réalisée en contravention aux règles écrites du Groupement, s'agissant d'un secteur limitrophe, et alors que les époux Brehm ont eu connaissance de l'implantation projetée qu'ils n'ont émis aucune réserve ni protestation comme le démontrent les courriers des mois d'octobre 1991 et de janvier 1992;

Considérant qu'il ressort des investigations de l'expert que les conditions dans lesquelles les époux Brehm ont assuré la gestion sous couvert de la société dont ils détenaient les actions, ne présentaient pas de graves défauts;

Que le manque de rigueur relevé à l'occasion des bilans des exercices 1990 et 1991, qui se retrouve dans la gestion de ce type de magasins comme l'a relevé l'expert ne justifiait pas la sévérité de la mesure d'exclusion qui a été prise sans qu'une mise en garde leur fût adressée;

Que les sociétés du groupe Inter MS doivent répondre des conséquences de cette décision non justifiée et intervenue dans des conditions hâtives;

Considérant qu'il résulte des motifs ci-dessus retenus que la mesure du préjudice souffert par les époux Brehm doit s'apprécier en considération seulement de la décision d'exclusion fautive;

Qu'à cet égard, Inter MS fait justement valoir qu'à défaut d'avoir été cooptés, les époux Brehm ne peuvent prétendre être indemnisés du préjudice résultant de la perte de chance d'exploiter deux points de vente;

Considérant que la mesure d'exclusion a fait perdre à ceux-ci leur droit, en qualité d'associé de la SMC et d'adhérent de l'association, d'exploiter un point de vente et a rendu vains les efforts déployés pendant de longues années;

Qu'en considération de la perte des revenus pouvant être raisonnablement attendus et de la juste rémunération des efforts déployés, une indemnité de trois millions de francs doit leur être allouée;

Que les intérêts au taux légal sont dus à compter du présent arrêt conformément à l'article 1153-1 du Code civil;

Considérant que l'équité commande de faire bénéficier les époux Brehm de la somme de 30 000 F au titre des frais non recouvrables exposés en cause d'appel;

Par ces motifs : Vu l'arrêt du 16 mai 1997 rendu par la 25e chambre section B de la Cour d'appel de Paris, Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés du groupe Inter MS ont commis une faute en défavorisant M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm au profit d'un autre adhérent du groupement et sur le montant du préjudice alloué à M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm, Statuant à nouveau de ces chefs, Dit que la faute de Inter MS porte seulement sur la décision d'exclusion des époux Brehm, Condamne in solidum les sociétés du groupe inter MS, l'Union Nationale des Mousquetaires, la SCI des Mousquetaires, la SA ITM Entreprises, la SA ITM Logistique International, la SA Norminter, la SA Base Peynier, la SA OPE Intermarché, la SA ITM Marchandises International, à payer à M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm une indemnité de trois millions de francs, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Alloue à M. Marc Brehm et Mme Michèle Brehm la somme de 30 000 F par application de l'article 700 NCPC, Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties, Condamne les sociétés du groupe inter MS aux dépens d'appel qui comprendront les frais d'expertise et Admet Me Pamart, Avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.