CA Nancy, 2e ch. civ., 9 juin 1993, n° 1255-93
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sodim'Eur (SARL)
Défendeur :
Keim
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lilti
Conseillers :
MM. Bloch, Garrabos
Avoués :
SCP Cyferman Chardon, Me Berlet
Avocats :
Mes Lanotte, Berlet.
Faits et procédure
Par déclaration au Greffe de la Cour d'appel de Nancy en date du 1er juin 1991, la SARL Sodim'Eur a interjeté appel d'un jugement rendu le 8 avril 1991 par le Tribunal de commerce de Nancy qui a :
Condamné M. Keim à payer à la société Sodim'Eur :
- la somme de 22 589,07 F pour les causes sus énoncées,
- la somme de 15 000 F pour concurrence déloyale.
Débouté la société Sodim'Eur de ses autres chefs de demande.
Condamné M. Keim en tous les dépens.
Elle a conclut en ces termes :
Déclarer la société Sodim'Eur recevable et bien fondée en son appel.
Y faisant droit :
Infirmer le jugement rendu le 8 avril 1991 par le Tribunal de commerce de Nancy.
Et, statuant à nouveau :
Condamner Monsieur Keim à payer à la société Sodim'Eur la somme de 47 016,96 F, due au titre de l'exécution contractuelle.
Le condamner en outre à lui payer la somme de 94 990,30 F pour la résiliation anticipée du contrat.
Le condamner à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour non respect des obligations contractuelles, ainsi que celle de 300 000 F à titre de dommages et intérêts, pour concurrence déloyale.
Et le condamner enfin à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en disant que ces derniers pourront être recouvrés directement par la SCP Cyferman & Chardon, Avoués Associés, aux offres de droit.
Au soutien de son appel la SARL Sodim'Eur estime que les premiers juges n'auraient pas examiné la totalité des griefs formulés par elle à l'encontre de Monsieur Keim ; elle fait valoir : réservant à Maître Berlet, Avoué, le droit de recouvrer ceux dont il a fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 700 du NCPC.
Il reproche essentiellement à la société Sodim'Eur de l'avoir utilisé comme agent ou " franchisé " pour la Meurthe-et-Moselle en lui faisant croire qu'il bénéficierait " d'un réseau de franchisé permettant ainsi une autonomie de décision et une meilleure efficacité du système télématique ainsi que de la fourniture de prestations télématiques supplémentaires, de prestations d'annonces publicitaires... etc ", alors qu'il n'existait aucun réseau constitué et opérationnel.
Qu'il affirme ainsi s'être retrouvé seul à fonctionner au sein d'une organisation défaillante et inexistante, deux autres agents " franchisés " en Savoie et en Loire-Atlantique étant partis sans laisser d'adresse ; qu'étant ainsi placé dans l'impossibilité de travailler normalement et de rentabiliser son affaire, privé de toute publicité émanant du siège social ou d'ordre télématique, il ne pouvait que constater, lors de son bilan d'exercice 1989, des pertes financières sensibles puisqu'au terme de 5 mois de travail ses gains étaient réduits à 7 157,24 F (Recettes Sodim'Eur : 140 276,92 - Frais 135 119,68) ; d'où, la nécessité pour lui de ne pas poursuivre, dans de telles conditions, à engager des dépenses en puisant dans ses fonds personnels et donc de démissionner.
Par conclusions additionnelles du 25 janvier 1993, Monsieur Keim a en outre demandé :
Constater que la société Sodim'Eur dissoute le 30 juin 1991 ne dispose plus d'une capacité à agir.
La déclarer irrecevable en son action.
La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Pour le surplus, adjuger au concluant le bénéfice de ses précédentes conclusions.
En réponse la société Sodim'Eur persistait en ses premières écritures mais élevait à 400 000 F le montant des dommages-intérêts toutes causes confondues.
Elle a en outre indiqué, par conclusions du 24 février 1993, qu'étant dissoute depuis le 30 novembre 1991, son liquidateur désigné, Monsieur Guy Boisdenghien déclarait intervenir dans la présente instance et demandait que lui soit adjugé l'entier bénéfice des conclusions précédemment prises au nom de la société Sodim'Eur.
Sur ce, LA COUR
1. Sur la recevabilité des appels
Attendu que tant l'appel principal relevé par la société Sodim'Eur que l'appel incident relevé par Monsieur Keim, réguliers en la forme et formulés dans les délais légaux sont recevables ;
2. Au fond
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du contrat signé le 20 avril 1989 entre les parties et enregistré auprès de la Recette des Impôts de Nancy-Nord-Ouest, le 8 août 1989, que la société Sodim'Eur a conclu un accord de franchise avec Monsieur Keim, et lui a concédé le droit d'exploiter la marque Sodim'Eur, sur le secteur de Nancy ;
A cette fin, elle s'est engagée à lui fournir les services suivants :
a) Formation professionnelle du franchisé par un stage... jours, au siège Sodim'Eur à Nancy, avant l'ouverture du secteur et par la constante possibilité pour le franchisé de bénéficier de l'assistance technique du franchisseur.
b) Formation professionnelle :
c) Assistance technique constante, notamment par la communication de toutes techniques de traitement des informations, de gestion ou de vente, mises en œuvre dans les secteurs pilotes, dès qu'elles auront été suffisamment expérimentées pour être généralisées.
d) Actions de notoriété destinées à promouvoir l'image de marque Sodim'Eur.
e) Conseil de gestion financière, juridique et sociale en réponse aux demandes de renseignements ou d'études émanant du franchisé.
En contrepartie, Monsieur Keim avait l'obligation envers elle d'assumer strictement chacune des obligations suivantes :
1°) assurer à la clientèle un service de qualité, conforme aux normes de la formule, telles qu'elles sont décrites en annexe aux présentes, et telles qu'elles seront modifiées pour tenir compte de l'amélioration constante du service rendu qui est le but de la formule,
2°) veiller à la conservation du prestige de l'enseigne Sodim'Eur qui lui est confiée et qui doit être pour le public un standard non seulement de traitement technique de qualité, mais encore de courtoisie et de parfaite correction et en conséquence :
- veiller au respect des dispositions légales en vigueur, notamment celles relatives au démarchage à domicile et aux délais de réflexion qui s'y appliquent ainsi que celles relatives aux interdictions s'appliquant à la tenue et à la gestion de fichiers informatiques nominatifs,
- veiller à ne pas créer de confusion sur son absence de qualité d'agent immobilier,
- veiller à ce que sa réputation commerciale ne soit jamais suspectée et en particulier éviter tout impayé à l'égard de quiconque,
- participer aux charges des actions publicitaires menées par le franchiseur pour la promotion de l'enseigne et de la formule Sodim'Eur sans que la participation due par le franchisé à ce titre puisse dépasser ... % de son chiffre d'affaires des douze mois précédent.
Etant précisé que le contrat était conclu pour une durée de cinq ans, laquelle expirerait donc le 20 avril 1994.
1. Sur la rupture du contrat
Attendu qu'il n'est contesté par aucune des parties que Monsieur Keim a démissionné de la SARL Sodim'Eur le 14 août 1989 au motif que cette société n'aurait pas rempli toutes ses obligations à son égard ;
Qu'il convient de rappeler, à la suite des premiers juges, qu'antérieurement à la signature de ce contrat de " franchise " des discussions s'étaient engagées début janvier 1989 entre Monsieur Keim d'une part et Messieurs Boisdenghien et Stock, créateurs de la société Sodim'Eur, à la suite du fait que Monsieur Keim, employé antérieurement par la société Immotel-France, en qualité d'agent commercial dont l'objet était exactement similaire à celui de la société Sodim'Eur, risquait de perdre son emploi à la suite du dépôt de bilan de la société Immotel-France auprès du Tribunal de commerce de Toulouse ;
Que c'est dans ces conditions que la création de la société Sodim'Eur se mit en place, celle-ci apportant, selon ses propres affirmations, " un réseau de franchise permettant ainsi une autonomie de décision et une meilleure efficacité du système télématique, ainsi que la fourniture de prestations télématiques supplémentaires et de prestations annexes. "
Attendu que pour critiquer la décision entreprise la société Sodim'Eur prétend que la rupture du contrat de franchise par Monsieur Keim serait abusive en ce que ce dernier n'aurait pas été régulier dans le respect du contrat et qu'il lui serait redevable d'une somme de 47 016,96 F ; que par ailleurs elle serait victime d'actes de concurrence déloyale de sa part, par la création d'une société Euro-Infos-Finances s'inspirent des méthodes et des mêmes moyens que les siens ;
Attendu que si l'existence juridique de la société Sodim'Eur est incontestable en ce qu'elle a disposé de statuts, de matériels informatiques et télématiques ainsi que de locaux professionnels à Nancy, en revanche elle ne rapporte aucunement la preuve de ce que, contrairement à ses promesses, elle avait mis en place un réseau de franchise ainsi que fourni des prestations télématiques supplémentaires ou autres prestations annexes;
Qu'à tout le moins elle ne saurait en faire grief à Monsieur Keim qui ne saurait donc pas être tenu pour entièrement et seul responsable de la rupture du contrat;
Que dès lors en limitant à 22 589,07 F le solde dû, sur redevances contractuelles, par Monsieur Keim - qui n'en a pas contesté le montant - et à défaut d'éléments de preuve contraire les premiers juges ont fait une juste appréciation des stipulations contractuelles dont s'agit ;
Qu'il apparaît également qu'à l'appui de sa demande d'une somme de 94 990,30 F au titre de la rupture estimée abusive de contrat, la société Sodim'Eur n'a fourni aucun décompte précis ni aucun document de nature à établir la réalité et le montant exact de son préjudice, alors cependant qu'elle était tenue de fournir un décompte du calcul " des sommes égales au total des redevances versées (par le franchisé) en exécution de l'art. 6 a 2 durant les douze mois précédents la rupture et ce conformément aux dispositions de l'article 8 b 2 du contrat de franchise ;
Que la société appelante doit donc être, de plus fort, déboutée de ce chef de demande également écarté par les premiers juges ;
2. Sur la concurrence déloyale
Attendu que la société Sodim'Eur estime que Monsieur Keim, qui aurait fondé une société Euro-Infos-Finances lui aurait fait une concurrence déloyale en utilisant les mêmes méthodes de prospection et de travail, les mêmes outils informatiques et télématiques allant jusqu'à imiter son enseigne et les en-tête de ses documents : drapeau de l'Europe pour Sodim'Eur et carte de l'Europe pour Euro-Infos-Finances ;
Que cette dernière aurait encore " copié " son centre serveur 3614 TI Sodim, ECF 3616 EIF et ce en travaillant avec la société Tilt, partenaire de Sodim'Eur et utilisé les mêmes sociétés de financement (Ficofrance SA) ainsi que les mêmes procédés publicitaires ;
Mais attendu que la société Sodim'Eur ne rapporte en rien la preuve de ses allégations ; qu'elle n'a même pas cru devoir demander et produire tant au tribunal que devant la cour un extrait " K bis " du registre du commerce ; que pour seuls éléments concrets elle se borne à produire un spécimen de bon de commande de diffusion d'informations immobilières, vierge, émanant d'une société Euro-Infos-Finances ayant un siège à Paris, 66 avenue des Champs Elysées, ainsi qu'une publicité effectuée dans une publication hebdomadaire " PAG ", sans précision de date, et qu'une autre date du 6 octobre 1991 destinée au recrutement d'agents commerciaux dans le journal " Centre Le Progrès-Dimanche " et ce sans que le nom de Keim soit mentionné ;
Attendu que Monsieur Keim, en sa qualité d'agent commercial a parfaitement le droit de travailler avec plusieurs sociétés alors même que depuis le 14 août 1991 il n'était plus en position de franchisé par rapport à la société Sodim'Eur ;
Attendu qu'au vu de ces éléments et contrairement à l'appréciation des premiers juges qui, par ailleurs, n'ont en rien motivé leur décision, il y a lieu de constater que l'appelante n'établit en rien une concurrence prétendument déloyale de Monsieur Keim à son encontre ; qu'elle sera donc déboutée de ce chef de demande ;
Attendu qu'aucune des parties n'établit l'existence d'un préjudice quelconque ; qu'il n'y a donc pas lieu à condamnation à dommages-intérêts ;
Attendu que chacune des parties ayant partiellement succombé il n'apparaît pas inéquitable en l'espèce de laisser à leur charge les frais irrépétibles de la présente instance ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Déclare réguliers en la forme les appels principaux et incident de la société Sodim'Eur et de Monsieur Michel Keim ; Déclare régulière l'intervention volontaire de Monsieur Guy Boisdenghien, es-qualités de mandataire liquidateur de la société Sodim'Eur ; Confirme pour partie le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 8 avril 1991 ; En conséquence : Condamne Monsieur Michel Keim à payer à la société Sodim'Eur la somme de vingt deux mille cinq cent quatre vingt neuf francs sept centimes (22 589,07 F) au titre des redevances contractuelles ; Dit qu'il n'y a pas rupture abusive du contrat de la part de Monsieur Michel Keim non plus que non respect par ce dernier des obligations contractuelles ; Déboute la société Sodim'Eur de ces chefs de demande ; Pour le surplus infirme le jugement entrepris ; En conséquence : Déclare mal fondée la demande de la société Sodim'Eur en dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; L'en déboute ; Dit n'y avoir lieu à condamnations en dommages-intérêts ; Déboute les parties de ces chefs de demande ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit que les dépens de la présente instance seront supportés par moitié par chacune des parties.