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Décisions

Conseil Conc., 15 mai 2002, n° 02-A-07

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

relatif à l'acquisition dune partie des actifs du groupe Moulinex par le groupe Seb

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Wibaux, M. Komiha, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Nasse, Jenny, vice-présidents, M. Bidaud, membre.La rapporteure générale adjointe, Nadine Mouy La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen

Conseil Conc. n° 02-A-07

15 mai 2002

Le Conseil de la concurrence (section III A),

Vu la lettre du 4 mars 2002 enregistrée sous le numéro 02/0038/A, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions des articles L. 430-1 à L. 430-7 du Code de commerce, d'une demande d'avis relative à l'acquisition par la société SEB SA d'actifs de la société Moulinex SA dans le secteur de la vente d'appareils de petit électroménager ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par les représentants de la société SEB SA et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société SEB SA entendus ; Les représentants de la société DeLonghi France entendus conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce, Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :

I. - Les entreprises parties à l'opération

A. - Le groupe SEB

Le groupe SEB est constitué d'une société holding, SEB SA et de ses filiales. Il opère dans le secteur du petit électroménager (PEM), à travers quatre marques (SEB, Téfal, Rowenta et Calor). En 2000, sept familles d'appareils ont représenté plus de (60-70) % des ventes consolidées : les articles culinaires anti-adhésifs, les autocuiseurs, les fers et générateurs vapeur, les bouilloires électriques, les friteuses électriques, les repas conviviaux et les préparateurs culinaires à moteur.

Le groupe est présent dans 120 pays. Pour l'exercice 2000, SEB a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 1 825 millions d'euros, dont 56 % dans l'Union européenne et 485 millions d'euros en France (soit 26,6 %).

Le groupe SEB dispose de 16 sites de production ou d'assemblage dans le monde. Ces sites sont ainsi répartis : huit en France, un en Allemagne, quatre sur le continent américain (Etats-Unis, Mexique, Brésil et Colombie), trois dans le reste du monde (Chine, Russie et Iran). Ces sites industriels sont spécialisés par lignes de produits. Le budget de recherche et développement représente environ 2 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe. L'effectif total est de 12 400 personnes, dont 6 600 en France.

B. - Le groupe Moulinex

En 1990, Jean Mantelet, fondateur de la société, cède la FINAP (holding de Moulinex SA) à la Financière Moulinex (société regroupant le personnel de Moulinex SA et de ses filiales). Les sociétés FINAP et Financière Moulinex, dont le capital est ouvert en 1994, sont absorbées en octobre 1997 par Moulinex SA. En 1991, le groupe s'est agrandi avec le rachat de la société allemande Krups.

A partir des années 1990, Moulinex, qui connaît des difficultés croissantes (2600 emplois supprimés entre 1996 et 1999), poursuit néanmoins son expansion à l'étranger : en Chine (1997), au Brésil (1998), en Argentine et en Inde (1999-2000). En décembre 2000, le groupe Moulinex-Brandt fusionne avec la société EL.FI., détentrice de 100 % des titres de Brandt SA, et entre sur le marché du gros électroménager. Cette activité est cédée au groupe israélien Elco en janvier 2002.

Dans le secteur du petit électroménager, la société Moulinex est présente sur plusieurs familles de produits, vendues sous les marques Moulinex et Krups. Le petit électroménager représente, en 2000, 40 % du chiffre d'affaires mondial consolidé. Au 31 août 2001, Moulinex employait 9 000 personnes dans le monde, dont environ 5 000 en France. Après la dernière restructuration, l'outil industriel de Moulinex pour la production du petit électroménager comprenait dix-huit sites au total, dont neuf en France, deux en Espagne, un en Allemagne, un au Mexique, un en Irlande, un en Chine, un en Egypte et deux au Brésil.

Pour l'exercice 2000, Moulinex a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 2 663 millions d'euros, dont 35 % en France et 49 % pour le reste de l'Union européenne. En France, le chiffre d'affaires en petit électroménager s'est élevé à (...) millions d'euros, dont (...) % sous la marque Moulinex et (...) % sous la marque Krups.

II. - Les modalités de l'opération et la décision de la Commission européenne

A. - L'opération

1. Les difficultés de Moulinex et les offres de reprise présentées au tribunal de commerce

Début 2001, la mise en place d'un plan de sauvetage du groupe Moulinex a échoué, faute d'accord entre les actionnaires et les banques pour son financement. Sur déclaration de cessation de paiement de la société, le Tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 7 septembre 2001, ouvert une procédure de redressement judiciaire. Deux administrateurs judiciaires, chargés de dresser le bilan économique et social de l'entreprise, ont été nommés et ont écarté la solution d'un plan de continuation au profit d'un plan de cession. Treize propositions de reprise ont été adressées au tribunal de commerce.

Neuf d'entre elles étaient des manifestations d'intérêt portant sur la reprise partielle de certains actifs incorporels, essentiellement la marque Krups, et ne pouvaient être analysées comme de véritables offres répondant aux conditions posées par l'article L. 621-83 du Code de commerce (propositions des sociétés Arcelik, Conair, Sunbeam, Taurus, TTI, Electrolux, Princess Household et SAECO).

Trois autres propositions portaient sur la reprise totale ou partielle des actifs pour un franc symbolique. Celle présentée par les cadres de l'usine de Falaise ne répondait pas aux conditions des articles L. 621-83 du Code de commerce, puisqu'elle ne prévoyait pas la reprise des salariés. Celle de la société Euroland a été rejetée faute de garanties financières réelles. L'offre de la Société de participations industrielles a été écartée car, d'une part, elle n'était accompagnée d'aucune justification quant à sa faisabilité au plan financier, d'autre part, elle était assortie d'une condition suspensive prévoyant l'abandon quasi total de leurs droits par les créanciers, condition n'ayant pu être levée. Par jugement du 22 octobre 2001, le Tribunal de commerce de Nanterre a donc arrêté, au profit de SEB, un plan de cession prévoyant la reprise de la totalité des éléments incorporels et de l'essentiel des actifs corporels, pour un montant de 15 millions d'euros. Cette décision a été assortie d'une clause d'inaliénabilité des actifs pendant une période de deux ans après l'entrée en jouissance, fixée au 29 octobre 2001, et d'une interdiction de tout licenciement économique des salariés repris.

Au soutien de sa décision, le Tribunal de commerce de Nanterre a retenu les éléments suivants : SEB est un groupe important dont la capacité industrielle et les moyens financiers sont établis ; plus du tiers des contrats de travail sont maintenus, malgré la fermeture de certains sites ; toutes les conditions suspensives ont été levées ; enfin, il apparaît que si cette offre est écartée, la seule solution restante est la liquidation judiciaire immédiate, défavorable pour tous les intéressés (salariés, créanciers, organismes sociaux et clients).

L'appel interjeté par le comité central d'entreprise de la société Moulinex a été déclaré irrecevable par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 2 mai 2002.

2. Le périmètre de la reprise

Il ne comprend pas l'ensemble des actifs industriels de Moulinex. Huit sites industriels sont conservés, dont quatre en France, deux sites en Espagne, un site au Mexique et un site en Egypte. Au plan commercial, SEB conserve quatre des vingt-six filiales commerciales dans le monde (France, Allemagne, Espagne, Etats-Unis). En ce qui concerne les emplois, sur 5 000 personnes environ, 1 856 sont reprises en France, soit 45 % de l'effectif. De plus, SEB a conclu un contrat d'approvisionnement de deux ans avec CGME, sous-traitant de Moulinex pour la fabrication des moteurs électriques, devant permettre le maintien de 600 emplois.

B. - La notification de l'opération et la décision de la Commission européenne

Dès le 25 septembre 2001, la Commission européenne a été informée par la société SEB de son projet de reprise du groupe Moulinex. Le 28 septembre 2001, elle a accordé à SEB une dérogation au caractère suspensif de sa saisine, pour les trois motifs suivants : en premier lieu, si l'opération envisagée pouvait présenter une menace pour la concurrence, cela ne conduirait pas à un préjudice irréparable pour le marché ; en second lieu, la dérogation concernerait non la réalisation de la totalité de l'opération mais seulement la gestion immédiate des actifs repris, le transfert de propriété devant intervenir après l'autorisation de la Commission ; enfin, un refus empêcherait SEB de confirmer au tribunal de commerce son offre de reprise faute de remplir les conditions exigées par les administrateurs judiciaires. La Commission souligne qu'" un tel refus, et donc l'élimination d'une offre, diminuerait aussi les chances de Moulinex d'être repris et donc de rester un acteur actif sur le marché ".

La Commission européenne a reçu notification du projet de reprise partielle des actifs de Moulinex le 13 novembre 2001. Elle a accepté, le 8 janvier 2002, de renvoyer aux autorités françaises compétentes l'analyse des effets de l'opération sur certains marchés français des appareils de petit électroménager. Concernant les treize autres marchés européens affectés, la commission a autorisé l'opération le 8 janvier 2002, sous réserve d'engagements.

Dans sa décision, la Commission retient une définition des marchés de produits selon la fonction de l'appareil. Elle distingue ainsi treize marchés : les friteuses, les mini-fours, les grille-pain, les appareils à sandwichs et les gaufriers, les appareils pour repas informels, les barbecues et grils d'intérieur, les cuiseurs de riz et les cuiseurs à vapeur, les cafetières électriques, les bouilloires électriques, les machines expressos, les mélangeurs et préparateurs culinaires, les fers à repasser/stations vapeur, les appareils de soin personnel.

En ce qui concerne la dimension géographique des marchés, la Commission opte pour une définition nationale des marchés en cause, en s'appuyant sur les facteurs suivants : des parts de marché très hétérogènes, une pénétration des marques différente selon la zone géographique, une politique d'approvisionnement nationale, des niveaux de prix variables selon les différents pays, des structures logistiques et de distribution nationales.

Sur les marchés examinés, la Commission constate un renforcement substantiel des parts de marché de la nouvelle entité au Portugal, en Grèce, en Belgique et aux Pays-Bas, et une augmentation des parts de marché moindre en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suède et en Norvège. Le nombre de marchés affectés varie selon les pays : 10 au Portugal, de 1 à 6 dans les autres pays. La Commission a autorisé l'opération sous réserve que SEB s'engage à accorder une licence exclusive de fabrication des produits de la marque Moulinex pendant cinq ans, pour l'ensemble des treize catégories de produits du petit électroménager, pour les neuf Etats précités. Cet engagement est assorti d'une interdiction de vendre sur ces marchés pendant trois ans supplémentaires.

III. - Contrôlabilité

Aux termes de l'article L. 430-1 du Code de commerce : " Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante, peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence. " Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits, ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs. "

Par ailleurs, l'article 27 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 précise que : " Le chiffre d'affaires pris en compte à l'article 38 de l'ordonnance (article L. 430-1 du Code de commerce) est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou par mandataires vers l'étranger. "

Le seuil exprimé en chiffres d'affaires n'étant pas atteint par les entreprises parties à l'opération, il convient de rechercher si, sur les marchés concernés par cette opération, le seuil exprimé en parts de marché est atteint.

En 2000, sur les principaux marchés de produits, tels qu'ils sont définis ci-dessous, la part du nouvel ensemble a été de (70-80) % en friteuses, (70-80) % en mini-fours, (50-60) % en grille-pain, (60-70) % en cafetières, (60-70) % en préparateurs culinaires, (70-80) % en " repas informels " et (60-70) % en fers vapeur.

L'opération est donc contrôlable par le conseil, en application de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Aux termes de l'article L. 430-2 du Code de commerce : " La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise, ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou un groupe d'entreprise d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante. "

Le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre, agréant le plan de reprise de Moulinex par SEB, prévoit la cession de l'ensemble des éléments incorporels, de la majorité des éléments corporels, de cinq filiales et de tous les salariés maintenus en activité. Les autres salariés sont licenciés économiquement et les éléments corporels non repris ne sont plus exploitables dans le cadre de l'activité d'origine du groupe Moulinex. En conséquence, la présente opération est contrôlable par le conseil, en application de l'article L. 430-2 du Code de commerce.

Le conseil note cependant que la mise en œuvre par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie des dispositions de l'article L. 430-5 pourrait entrer en conflit avec la décision juridictionnelle prise par le Tribunal de commerce de Nanterre, en vertu de la législation relative au redressement judiciaire. L'article L. 620-1 du Code de commerce prévoit que cette procédure est destinée " à permettre la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif. Le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à l'issue d'une période d'observation. Ce plan prévoit soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession. "

L'article L. 621-83 du Code de commerce, qui concerne spécifiquement la cession, précise qu'elle " a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif. Elle peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d'éléments d'exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d'activités ".

La Cour de cassation a déduit de ces dispositions, d'une part, le caractère forfaitaire du plan de cession qui implique l'existence d'un aléa exclusif de l'application des garanties prévues dans le droit commun de la vente, d'autre part, que ce plan obéit à des règles propres édictées, en vue du maintien, au moins partiel, de l'activité, par une loi d'ordre public. En application de ces deux principes, la chambre commerciale a, par exemple, décidé que l'administration fiscale ne peut procéder à un redressement de la valeur des biens cédés (arrêt du 16 juin 1998, société Audax c/ Direction générale des impôts).

L'article L. 621-63 du Code de commerce précise, en son alinéa 3, que " les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d'associés, ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation ". Ce principe d'intangibilité du plan de reprise a également été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 avril 1993, Dessaye c/ Boye.

Certes, les buts d'ordre public économique poursuivis par les dispositions du Code de commerce relatives aux plans de cessions ne coïncident pas nécessairement avec ceux poursuivis par ses articles L. 430-1 à L. 430-7 relatifs au contrôle des concentrations. Toutefois, le ministère public a la possibilité de présenter devant le tribunal de commerce des observations relatives aux avantages et aux inconvénients des différentes solutions en discussion au regard de leur impact, tant sur le maintien de l'activité de l'entreprise que sur la concurrence sur les marchés concernés, et de telles considérations sont susceptibles d'être prises en compte par le tribunal dans le choix de la solution la plus appropriée. En l'espèce, le procureur de la République devant le Tribunal de commerce de Nanterre a soutenu le projet de SEB, sans émettre de réserves quant à ses risques éventuels pour la concurrence.

IV. - La délimitation des marchés concernés par l'opération

A. - Les marchés de produits

Au préalable, il apparaît que n'entrent pas dans le champ de l'opération, soit parce qu'ils n'étaient pas commercialisés par l'un des deux groupes, soit parce que, après la cession, la production Moulinex en a été abandonnée, les appareils de soins et d'hygiène corporelle, ainsi que les fours micro-ondes.

Le groupe SEB conteste la définition des marchés de produits retenue par la Commission européenne, estimant que son pouvoir de marché suite à l'opération doit s'apprécier en tenant compte de l'existence de produits non électriques, parfaitement substituables, vers lesquels la demande peut se reporter. Il considère que le taux d'équipement des ménages est un indicateur pertinent des possibilités réelles de substitution des produits non électriques par rapport aux appareils électriques remplissant la même fonction. Un taux d'équipement faible indiquerait que les appareils ou techniques traditionnels restent suffisamment substituables, tandis qu'un taux d'équipement élevé caractériserait une faible possibilité de substitution avec d'autres produits ou techniques.

Cependant, la fonction de l'appareil est certes un critère à prendre en compte pour apprécier la possibilité de substitution entre les appareils électriques et non électriques, mais la substituabilité des produits du point de vue des demandeurs dépend également d'autres facteurs, tels que:

- les contraintes d'utilisation: les friteuses ou les cafetières non électriques doivent être utilisées avec une autre source d'énergie ou un autre appareil, par exemple, une plaque de cuisson ou une bouilloire électrique ;

- le confort d'utilisation des appareils électriques par rapport au non électrique;

- les écarts de prix.

Compte tenu de ces éléments, le conseil est d'avis qu'il convient de distinguer les petits appareils électroménagers des appareils non électriques.

De même, au sein du petit électroménager, aucun élément d'appréciation particulier à la situation des marchés en France ne justifie une remise en cause de l'analyse faite par la Commission. Les marchés de produits à retenir sont donc les suivants:

- le marché des friteuses électriques: cet appareil comporte un élément chauffant intégré et, le plus souvent, un couvercle et il est destiné à faire cuire un aliment dans un bain de friture ;

- le marché des mini-fours: les mini-fours, d'un poids d'environ 20 kg et d'une capacité variant de 10 à 35 litres qui servent à la cuisson de tous aliments, dans la limite de leur capacité, peuvent comporter des options telles que gril, chaleur tournante, tournebroche, grille-pain, préchauffage, catalyse ou encore plaque de cuisson intégrée. Selon SEB, les cuisinières et fours encastrables seraient parfaitement substituables aux mini-fours. Cette substituabilité est toutefois faible, compte tenu de la nette différence de capacité avec les autres fours, des fonctions plus complètes pour les encastrables et les cuisinières, et des différences de prix très sensibles ;

- le marché des grille-pain: la fonction de cet appareil consiste à griller le pain au moyen de résistances électriques appliquées de chaque côté de la paroi. Certaines fonctions peuvent être ajoutées telles que décongélation ou encore chauffe-baguette, petits pains et viennoiseries ;

- le marché des cafetières électriques: cet appareil chauffe l'eau qui traverse ensuite le café moulu retenu dans un filtre, le café liquide obtenu ayant pour réceptacle un récipient d'une capacité de 0,5 à 1,5 litre ;

- le marché des expressos: cet appareil est dérivé des machines professionnelles servant à faire du café plus serré. Il est parfois doté d'une pompe qui assure la pression. Le réceptacle est constitué en général de 1 à 2 tasses individuelles. Certains modèles récents sont mixtes et combinent une fonction cafetière. Leur prix moyen en France est de 131 euros contre 27 euros pour la cafetière électrique ;

- le marché des bouilloires électriques: ce type d'appareil est constitué d'un récipient muni d'une résistance intégrée qui permet de chauffer l'eau ;

- le marché des barbecues et grils électriques: ce segment regroupe les barbecues et grils d'intérieur et d'extérieur utilisés pour la cuisson des viandes, poissons, brochettes, etc. Les produits de substitution seraient, selon SEB, les mêmes appareils assurant la cuisson au charbon de bois ou au gaz, comme le confirmerait un taux d'équipement limité à 28 %. Les barbecues électriques représentent actuellement un marché de 600 000 appareils, contre 6 millions pour le charbon de bois et 1 million pour le gaz. Cependant, il semble que l'utilisation des barbecues et grils électriques se soit développée car, générant peu de fumées, elle est plus facile à l'intérieur, et notamment en appartement. A l'inverse, les autres appareils sont réservés à l'usage extérieur ;

- le marché des cuiseurs de riz/cuiseurs vapeur;

- le marché des fers vapeur: ces appareils intègrent une chambre de vaporisation qui, sous l'effet de la chaleur, transforme l'eau du réservoir en vapeur pour assurer l'humidification du linge. Le taux d'équipement des ménages, particulièrement élevé (98 %) confirme l'absence de substituabilité avec d'autres appareils, y compris les fers électriques dits " secs " ;

- le marché des aspirateurs;

- le marché des appareils de préparation des aliments: cette famille de produits regroupe une multiplicité d'appareils utilisés pour la préparation culinaire qui ne remplissent pas nécessairement des fonctions similaires.

- Les produits spécifiques ont une fonction unique: les moulins à café, les centrifugeuses, les hachoirs à viande, les mini-hachoirs (moulinettes), les couteaux électriques, les ouvre-boîtes, les tranche-tout, les sorbetières, les yaourtières, les sauciers et les presse-agrume.

- Les robots ménagers complexes intègrent de nombreuses fonctions: hacher, mixer battre ou fouetter, râper, pétrir, presser des fruits, centrifuger des jus, mélanger ou émulsionner. Ces différentes fonctions se rapportent, en général, à un accessoire spécifique du robot qui est placé sur la sortie du moteur principal ou secondaire. D'autres appareils multifonction ne sont généralement dédiés qu'à quelques types de préparations (de 1 à 3 types de fonctions). Il s'agit, notamment, des mélangeurs (ou blenders), des mixers plongeants et des batteurs.

Chacun de ces appareils, compte tenu, soit de son caractère monofonction, soit de prix unitaires sensiblement différents pour les monofonctions, d'une part, et les multifonctions, d'autre part, pourrait constituer un marché distinct. Toutefois, en l'absence de données statistiques par produits et en tenant compte du fait que chaque type d'appareils pris séparément représente une faible part des ventes de l'ensemble du petit électroménager, l'impact de l'opération peut être apprécié sur un marché regroupant l'ensemble de cette famille de produits.

- Le marché des appareils de repas informels : ce marché regroupe lui aussi des appareils très divers, qui ont pour caractéristique commune de servir à la préparation de plats ou desserts conviviaux autour d'une recette à caractère régional ou exotique. Il s'agit notamment des pierrades (cuisson de la viande par contact sur une pierre chaude), des raclettes, des crêpières, des fondues (fromage, viande, poissons et crustacés), des appareils permettant la cuisson des gaufres, des croque-monsieur et des sandwichs, ainsi que des appareils divers inspirés par les cuisines mondiales ou exotiques (hamburger, mini pizzas, tex-mex, tajine, paninis, brochettes, etc.). Certains de ces appareils proposent plusieurs fonctions grâce, notamment, à des plaques de cuisson interchangeables (gaufres, sandwichs, grils pour la cuisson des viandes, pierrades, raclettes et crêpières).

Comme pour les préparateurs culinaires, chaque appareil de cette famille est difficilement substituable à une autre du point de vue de sa fonction. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, un marché unique sera retenu, englobant les appareils à sandwichs et les gaufriers, que la Commission avait distingués, mais pour lesquels les données disponibles au niveau français ne permettent pas un suivi distinct de l'évolution des ventes dans le temps.

B. - La dimension géographique des marchés

La Commission, relevant que les parts de marché des différents fabricants étaient très hétérogènes d'un pays à l'autre, que les niveaux de prix variaient selon les pays et que les structures logistiques, d'approvisionnement et de distribution étaient nationales, a défini des marchés de produits limités aux territoires nationaux, avant de renvoyer aux autorités françaises l'examen de la situation sur les marchés français. Le conseil n'entend donc pas remettre en cause la délimitation nationale des marchés de produits concernés.

V. - Bilan de l'opération sur la concurrence

A. - Les effets de l'opération sur les parts de marché

Les parts de marché du nouvel ensemble ont été déterminées, à fin 2001, par croisement des statistiques du Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager (Gifam), des données communiquées par SEB et des chiffres retenus par la Commission pour son analyse des parts de marché. Par ailleurs, il a été tenu compte de l'effet sur les ventes de la cessation d'activité de certaines usines Moulinex et des réductions de capacités prévues à la suite du transfert de certaines productions des usines Moulinex vers des usines SEB (mini-fours et friteuses).

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Pour deux catégories d'appareils, l'opération n'affecte pas sensiblement la structure du marché. Ainsi, les ventes de cuiseurs vapeur/cuiseurs riz du nouveau groupe représentent (30-40) % du total, dont seulement (moins de 10) % provenant de Moulinex. De plus, les importations de produits dits " sans marques " sont fortement présentes sur ce marché avec 52 % des ventes. De même, sur le marché des aspirateurs, l'addition des marques du groupe SEB, Calor ((moins de 10) %) et Rowenta ((20-30) %) avec Moulinex ((moins de 10) %) aboutit, pour 2001, à une part consolidée de (20-30) %, qui ne tient pas compte de la réduction de la production Moulinex prévue par le plan de reprise, après fermeture de l'usine de Falaise. Le nouvel ensemble est précédé sur ce marché par Electrolux ((20-30) %) et suivi par Philips ((10-20) %), Hoover ((10-20) %) et Miele ((10-20) %).

L'opération permet au nouvel ensemble d'acquérir une part de marché importante pour trois catégories de produits : les grille-pain ((50-60) %), les cafetières ((50-60) %) et les appareils de préparation culinaire ((60-70) %). Elle renforce sensiblement (plus de 10 %) la part déjà importante antérieurement détenue par SEB sur deux marchés de produits : les mini-fours ((60-70) %) et les bouilloires ((70-80) %). Elle modifie peu la structure du marché en renforçant légèrement (moins de 10 %) la part déjà importante de SEB sur cinq marchés de produits : les friteuses ((60-70) %), les expressos ((40-50) %), les appareils de repas informels ((80-90) %), les barbecues et grills ((70-80) %) et les fers vapeur ((50-60) %). Les cinq catégories de produits pour lesquelles le nouveau groupe renforce significativement sa part de marché représentent ensemble (30-40) % des ventes de petit électroménager en France.

Sur ces différents marchés, après l'opération, le deuxième offreur en termes de parts de marché est Kenwood pour les friteuses ((moins de 10) %) et pour les mini-fours ((10-20) %), Philips pour les grille-pain ((10-20) %), les cafetières ((10-20) %), les fers vapeur ((10-20) %) et les bouilloires ((10-20) %), Magimix pour les expressos ((20-30) %), Braun pour les préparateurs culinaires ((10-20) %), Séverin pour les repas informels ((moins de 10) %) et les barbecues/grills ((10-20) %).

Les parts de marché désormais détenues par SEB sur certains marchés sont importantes, mais la part de marché n'est cependant que l'un des facteurs susceptibles de conférer à une entreprise une position dominante, c'est-à-dire le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. D'autres facteurs peuvent constituer des obstacles à l'exercice de ce pouvoir de marché. En particulier, la pression concurrentielle à laquelle sera soumis le groupe SEB après la réalisation de l'opération ne dépendra pas seulement de l'état actuel des marchés mais aussi des possibilités de développement des autres opérateurs, et donc des facilités d'accès aux marchés concernés.

B. - La présence sur les marchés concernés de grands groupes détenant des marques notoires

La notoriété des marques commercialisées par le groupe SEB pourrait ainsi, en cas d'attachement des consommateurs à la marque, constituer une barrière à l'entrée puisque l'acquisition d'une forte notoriété suppose des dépenses de publicité importantes qui sont éventuellement perdues en cas d'échec.

Les autres marques principales commercialisées sur le marché français sont cependant adossées à de grands groupes d'envergure internationale, tels Philips, Gillette-Braun, De Longhi/Kenwood, Bosch/Siemens, de taille et de réputation au moins équivalente à celle de SEB/Moulinex, qui disposent des moyens, tant financiers que techniques, de développer des gammes de produits nouvelles dans l'hypothèse où ils envisageraient de le faire. Ces groupes détiennent des marques notoires soit sur les marchés du petit électroménager, soit sur des marchés connexes. Ainsi, Bosch/Siemens a annoncé son intention de devenir un intervenant significatif en petit électroménager en France, en investissant dans la communication et en s'appuyant sur la notoriété acquise sur le marché voisin du gros électroménager. De même, Fagor, fabricant espagnol de gros électroménager, a annoncé son intention de capitaliser sur sa notoriété dans ce secteur afin de pénétrer le secteur du petit électroménager en France. De Longhi, également propriétaire de la marque Kenwood, qui ne commercialisait que deux produits il y a dix ans, est aujourd'hui actif sur tous les marchés du petit électroménager (hormis les couteaux électriques et les repas informels). Ses ventes d'appareils expressos ont progressé de 44 % par an en moyenne au cours des cinq dernières années, pour atteindre une part de marché de près de (10-20) %. Le groupe Conair/Babyliss, déjà présent sur le marché des appareils de soins de la personne, est sur le point de lancer une gamme de produits culinaires sous la marque " Cuisinart ". Cette gamme sera développée dans les catégories de produits suivantes : mini-fours, grille-pain, cuiseurs vapeur, préparateurs culinaires et expressos.

Ces groupes sont en mesure de consentir des efforts importants en matière d'investissements publicitaires pour développer la renommée de leurs marques. Philips consacre environ 4 % de son chiffre d'affaires total mondial (soit 1,2 milliard d'euros) à son budget publicitaire, qui est douze fois plus élevé que celui de SEB. Braun (groupe Gillette) bénéficie également, pour son activité de petit électroménager, des investissements très importants en termes de communication effectués par Braun sur l'ensemble de ses activités, soit 9 % environ de son chiffre d'affaires total mondial, ce qui représente deux fois le budget publicitaire de SEB.

Par ailleurs, ces groupes disposent sur le nouvel ensemble d'un avantage concurrentiel en termes de coûts de production, lié à la localisation géographique de leur production. Pour l'essentiel, ces groupes produisent, en effet, en Asie, soit qu'ils y aient implanté leurs propres usines, soit qu'ils achètent des productions locales sur lesquelles ils font apposer leurs marques.

Les évolutions récentes constatées sur les marchés concernés confirment ce potentiel de développement des marques concurrentes de celles du groupe SEB sur les marchés français. En 2001, dans un contexte de net recul de la demande, ces groupes ont enregistré des progressions des volumes vendus très importantes. Ainsi, les ventes de cafetières du groupe Braun ont progressé de 18 %. De Longhi a multiplié ses ventes d'expressos par 3,3. En ce qui concerne les bouilloires, le groupe Bosch a enregistré une progression de 54 %, tandis que De Longhi a multiplié ses ventes par 3,4. Les ventes de De Longhi de fers à vapeur ont été multipliées par 6 et celles de mini-fours, par 2. En robots ménagers, Bosch a progressé de 63 % alors que, l'année précédente, De Longhi avait déjà multiplié ses ventes par 9.

Le conseil constate donc que les concurrents du groupe SEB sur les marchés du petit électroménager sont de grands groupes au potentiel de recherche développement important, qui détiennent également des marques notoires et que, en ce qui les concerne, l'entrée sur les marchés ne pose pas de difficultés.

C. - Un fort potentiel de développement des produits " sans marques " et des marques distributeurs

Une étude, effectuée à la demande de la Digitip, caractérise les faiblesses structurelles des deux fabricants français SEB et Moulinex, en particulier face aux producteurs asiatiques de petit électroménager :

- une faible croissance du petit électroménager dans les pays industrialisés (+ 3 %) contre une croissance forte (+ 10 %) dans les pays émergents ;

- la forte progression en Europe des ventes des produits d'entrée de gamme avec une amélioration de leur qualité tant au niveau technique qu'au plan du design ;

- les économies d'échelle constatées pour certaines productions jouent désormais en faveur des producteurs asiatiques compte tenu des volumes produits ;

- la diminution des barrières liées à l'innovation, d'une part, en raison d'un ralentissement des innovations des producteurs européens, d'autre part, en raison de l'augmentation de la capacité des Asiatiques à copier les dernières innovations ;

- l'accélération de la vitesse de développement des acteurs asiatiques caractérisée par l'émergence de leaders mondiaux chinois en termes de production, le fort développement des marques distributeurs et des produits dits " sans marques ", associé à une logistique et un transport à un coût limité.

L'accroissement rapide de la pénétration du marché français du petit électroménager par les importations en provenance des pays asiatiques est illustré par les données suivantes pour cinq catégories de produits, représentant 60 % des ventes d'appareils de petit électroménager.

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En 2000, les importations de grille-pain ont progressé de 24 %, celles d'expressos de 12 % et celles de bouilloires de 17 %.

Selon les distributeurs, l'accroissement des importations en provenance des pays asiatiques est l'une des principales causes de la baisse des prix constatée dans le secteur du petit électroménager.

Il ressort de ce qui précède que, pour les produits entrée de gamme ou à faible contenu technologique, aucun obstacle ne s'oppose au développement des importations de produits dits " sans marque " d'Asie du Sud-Est.

Le potentiel de production à bas prix en provenance des pays asiatiques peut également permettre le développement des marques de distributeurs. Les faibles écarts de prix avec les produits de marque sur l'entrée de gamme expliquent que, pour le moment, les efforts des distributeurs n'ont pas porté sur ce secteur. L'absence d'obstacles à l'entrée sur ces marchés est, cependant, de nature à renforcer le pouvoir de négociation des distributeurs.

D. - Le contrepoids de la grande distribution

Dans le secteur du petit électroménager, l'essentiel des ventes s'effectue par le canal de la grande distribution. Pour le groupe SEB, avant l'opération, la grande distribution alimentaire représentait environ (50-60) % de son chiffre d'affaires et la grande distribution spécialisée, (10-20) %, soit, ensemble, les trois quarts de ses débouchés. Les produits du groupe Moulinex étaient distribués à hauteur de (80-90) % par la grande distribution, soit (60-70) % pour la grande distribution alimentaire et (20-30) % pour la grande distribution spécialisée.

De plus, au sein de la grande distribution, les achats sont fortement concentrés. Les cinq premiers clients du groupe SEB en 2000 ont représenté (60-70) % de ses ventes. Les cinq mêmes premiers clients ont représenté, pour le groupe Moulinex, selon les types de produits, entre (60-70) % (friteuses) et (70-80) % (grille-pain) des ventes. En revanche, le poids des ventes de petit électroménager dans le chiffre d'affaires des distributeurs est faible. En grande distribution alimentaire, la part du petit électroménager varie entre 0,9 % et 1,2 %. En grande distribution spécialisée, le poids du petit électroménager sur l'ensemble du chiffre d'affaires varie de 2 % à 12 % selon les enseignes.

La forte concentration de la grande distribution en France et la puissance d'achat qu'elle confère aux enseignes donnent aux distributeurs un fort pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs. L'étude commandée par la Digitip, déjà citée, signale le développement des marques de distributeurs sur les produits d'entrée et de milieu de gamme, ainsi que le développement des premiers prix, dits " sans marques ", et la pression croissante qu'ils exercent sur les prix. L'étude constate ainsi, sur longue période, une baisse continue et significative des prix et des marges du groupe SEB, malgré ses fortes positions sur les marchés en cause, alors que, dans le même temps, les marges brutes de la distribution augmentent.

Les déclarations des distributeurs font valoir leur liberté de choix face aux marques et leur volonté de diversifier leurs sources d'approvisionnement face au renforcement des parts de marché d'un fournisseur. Certains signalent qu'ils ont déjà réagi à la concentration SEB/Moulinex en offrant l'opportunité aux fournisseurs concurrents de développer leur notoriété et leur présence dans les linéaires. Ainsi, Auchan s'est tourné vers Philips et vers Braun. Conforama a réorienté pour partie ses achats, notamment vers Magimix pour les expressos, De Longhi pour les fours et Bosch pour les friteuses et précise que : " La concentration SEB/Moulinex a créé une opportunité véritable pour les marques qui voulaient se faire connaître et qui avaient du mal à se faire référencer. Ces marques ont permis de pallier les ruptures de livraison de Moulinex et ont conservé leur référencement pour 2002. Elles ont pu ainsi se développer dans le PEM. " Le BHV signale pour sa part que : " Le risque monopolistique (de la part du groupe SEB/Moulinex) ne saurait subsister que pendant une courte durée : en règle générale, les centrales d'achat ont réagi et déjà demandé aux autres fournisseurs-partenaires de prévoir des produits concurrentiels afin de ne pas laisser le groupe SEB en position monopolistique. " Leclerc note que : " Sur le plan concurrentiel, la volonté des acteurs de la grande distribution et des concurrents de SEB/Moulinex sera sans aucun doute de développer d'autres produits et d'autres sources d'approvisionnement. " Enfin, le Gitem affirme que les effets de la concentration (permettront) " au consommateur final la découverte d'autres marques, d'autres design, d'autres spécificités techniques et (donneront) la possibilité à certaines marques de développer leur part de marché et leur notoriété en France ".

Les déclarations des fabricants confirment que certains d'entre eux ont été contactés et référencés par les distributeurs en réaction au regroupement SEB/Moulinex. Ainsi le groupe Bosch/Siemens a précisé : " Nous avons d'ailleurs étoffé notre gamme parce que nous avons été sollicités par ces distributeurs. Nous espérons d'ici à 2005 être reconnus comme fabricants de PEM. " De même, la société Magimix, opérateur qui commercialise des friteuses, des grille-pain, des expressos, des bouilloires, des robots à fonctions multiples, a indiqué : " Le nouvel ensemble ne bénéficiera pas d'un effet de gamme ou de portefeuille. La distribution s'y opposera et prendra les actions nécessaires en maintenant un niveau de concurrence élevé. En effet, pour la distribution, le marché du petit électroménager génère un niveau élevé de fréquentation des magasins. La distribution souhaite que l'innovation soit permanente afin d'inciter à l'innovation et au lancement de nouveaux produits. Afin de préserver un niveau de prix attractif pour les consommateurs et pour elle-même, la distribution voudra maintenir ou développer la concurrence et favorisera de nouveaux entrants dans les différentes catégories de produits sur chacun des segments. " Philips signale pour sa part que " la distribution a d'ores et déjà orienté ses référencements vers ses marques propres ou vers les importations de produits dits "no names" ".

Ainsi, il apparaît que, sur les marchés français, la grande distribution constitue l'un des principaux débouchés des fabricants de petit électroménager et qu'elle exerce une pression concurrentielle forte sur ces fabricants en raison de sa puissance d'achat.

E. - L'absence d'effet de portefeuille

L'opération permet au groupe SEB d'ajouter les marques Moulinex et Krups à celles qu'il détenait déjà (SEB, Tefal, Rowenta et Calor), et de constituer ainsi un portefeuille de marques notoires, inégalé par ses concurrents. Un tel portefeuille pourrait renforcer le pouvoir de négociation du groupe vis-à-vis des distributeurs si une ou plusieurs de ces marques étaient incontournables, au sens où les distributeurs seraient contraints de les faire figurer dans leur rayon petit électroménager. Plusieurs éléments permettent toutefois de considérer qu'il n'est pas possible de faire jouer un effet de portefeuille sur ces marchés.

En premier lieu, les marques détenues par le groupe SEB/Moulinex bénéficient d'une grande notoriété mais ne peuvent être considérées comme incontournables.

La présence dans ce secteur d'autres marques à forte notoriété contrebalance en effet la valeur des marques détenues par le groupe SEB. De fait, il existe dans chaque catégorie de produit des marques de notoriété équivalente que le vendeur peut recommander au consommateur. Comme l'indique Bosch/Siemens : " Même pour les friteuses, où la notoriété de SEB est très importante, De Longhi est présent sur le marché, et un vendeur peut très bien recommander une friteuse de cette marque. En effet, dans la grande distribution spécialisée (Darty, Boulanger) le vendeur a un rôle de prescripteur en matière d'achat. " Pour sa part, De Longhi présente la marque Magimix comme un concurrent redoutable sur les marchés de l'expresso et des robots ménagers. Comme le conseil l'a déjà noté ci-dessus, des marques comme Philips, Gillette-Braun, Bosch/Siemens sont également notoires et le sont sur des gammes de produits beaucoup plus larges que SEB.

Par exemple, le fait que la reprise de la marque Moulinex n'ait suscité que deux manifestations d'intérêt devant le tribunal de commerce et que les licences exclusives d'utilisation de la marque Moulinex, que SEB s'est engagé, auprès de la Commission européenne, à accorder à des tiers n'ont pas encore trouvé preneur, relativise le caractère incontournable de la marque Moulinex.

De même, les démarches, déjà décrites ci-dessus, entreprises par les distributeurs, depuis l'annonce de la concentration SEB/Moulinex, afin de trouver d'autres interlocuteurs, confirment les déclarations des distributeurs, selon lesquelles ils ne considèrent pas qu'il existe dans ce secteur plusieurs marques, voire même une seule marque, incontournable.

De Longhi, concurrent de SEB, confirme également cette valeur toute relative de la marque lorsqu'il soutient que SEB est une marque incontournable sur le marché des friteuses, mais pas sur celui des bouilloires.

Au surplus, l'importance de la marque comme critère de choix doit elle-même être relativisée, les distributeurs et les principaux fabricants de PEM ne la plaçant qu'en 3e ou 4e position, selon les produits, après le prix et la qualité. Selon Carrefour, le développement des marques propres ainsi que le renouvellement permanent de l'offre prouve qu'il n'y a pas de marques dites " incontournables ". De même, Magimix indique qu'il ne lui " apparaît pas qu'une marque soit actuellement incontournable sur le marché du petit électroménager ". Enfin, Philips souligne qu'il " existe un certain nombre de marques très fortes dans l'esprit du consommateur (Moulinex, Philips, SEB, Calor) (mais que) la puissance relative des marques doit être pondérée (par le fait) que le premier critère retenu par les consommateurs est le prix ".

En second lieu, les distributeurs ne se fournissent pas auprès du même fabricant pour l'ensemble de leur rayon petit électroménager, mais, au contraire, diversifient leurs approvisionnements, comme le font valoir les déclarations ci-dessous :

" Nous n'achetons pas obligatoirement toute la gamme d'un fournisseur. Cela dépend de la pertinence des produits et de la négociation. Nous réalisons nos choix de gamme en fonction de leur poids sur le marché et nous conservons une offre large et représentative de toutes les marques apportant une valeur ajoutée sur le marché. " (Carrefour)

" Nous achetons uniquement par sous-ensemble de produits. Le critère prioritaire de sélection du produit passe par son adéquation aux attentes de nos consommateurs et non sur des remises possibles accordées par les fournisseurs sur des détentions de références où détentions de gamme. " (Opera)

" Les relations avec les fournisseurs et les critères de sélection sont les suivants : nombre suffisant de produits, connaissance des dates de sortie et de fin de vie des produits, garantie d'approvisionnement, souplesse de réapprovisionnement, prix marché avec marge suffisante. Compte tenu de ces critères, il ne peut être question d'effet de gamme ou d'effet de portefeuille. " (La Redoute)

" Notre politique est d'offrir des gammes larges à nos clients. Cette politique n'entraîne pas d'inconvénients. " (Darty)

" Conforama n'achète que des sous-ensembles et des sélections de produits en fonction de l'année N-1. Conforama n'achète pas toute une gamme chez un fournisseur mais effectue sa propre sélection à l'intérieur de cette gamme. " (Conforama)

" Printemps n'achète jamais toute la gamme chez un fournisseur et ne travaille pas par gamme de produit, mais par fonctionnalité produit et gamme de prix. " (Printemps)

" Auchan est libre de sa politique fournisseur, en fonction du positionnement de l'enseigne, nous déterminons l'intérêt de collaborer avec telle ou telle marque... Notre comportement de sélection des fournisseurs de produits de petit électroménager est variable selon les fournisseurs. S'agissant de SEB/Moulinex, l'historique récent de nos relations commerciales atteste que Galec a sélectionné l'ensemble des gammes, étant précisé qu'aucun d'eux n'accordait d'avantages particuliers pour le fait de sélectionner certains produits ou certaines gammes en relation avec d'autres. Les ristournes de volume, en particulier, sont prévues dans les conditions générales de vente de ces fournisseurs, mais le calcul du volume des ventes pour l'octroi de la ristourne correspondante est effectué sans distinction des produits. " (Leclerc)

Le chevauchement des marques du groupe SEB/Moulinex pour certaines catégories de produits (cafetières, bouilloires, friteuses) peut au contraire conduire le distributeur à arbitrer entre ces deux marques (Moulinex et SEB) pour n'en retenir qu'une seule. Comme en attestent certaines des déclarations citées ci-dessus, il existe pour ces produits des remises de volume, mais aucune remise liée au nombre de modèles achetés chez un même fabricant.

Il ressort des éléments d'analyse qui précèdent que malgré les fortes parts de marché détenues par le groupe SEB sur certains marchés français du petit électroménager, il n'occupera pas une position dominante dans la mesure où l'entrée sur ces marchés est aisée, sur les segments haut de gamme, en raison de la présence de grands groupes détenant des marques notoires et, sur les segments entrée et milieu de gammes, en raison de la possibilité pour les fabricants asiatiques de tirer profit des économies d'échelle et de proposer des produits à des prix particulièrement attractifs. De plus, la puissance d'achat de la grande distribution en France est un autre facteur susceptible de limiter le pouvoir de marché du nouveau groupe, notamment en ouvrant les linéaires à cette concurrence. L'un des principaux concurrents du groupe SEB, la société Magimix, estime ainsi que le rapprochement de SEB et Moulinex n'aura pas d'impact négatif sur ses activités : " Le rapprochement entre SEB et Moulinex ne nous semble pas une menace ni pour le niveau de concurrence sur le marché, ni pour les consommateurs finaux. En effet, le marché du PEM tant en France qu'en Europe est un ouvert avec de multiples intervenants, y compris en provenance d'Asie, ce qui a pour effet d'entretenir un niveau de concurrence élevé. D'autre part, la distribution cherchera à équilibrer ses sources d'approvisionnements tant en terme de fournisseurs qu'en termes de marques. Il est ainsi probable que la part de marché future de SEB/Moulinex sera inférieure à l'addition des parts de marché de chaque entité avant leur rapprochement. "

La pression concurrentielle décrite ci-dessus est d'ores et déjà perceptible dans les données statistiques du début de l'année 2002. Moulinex a ainsi continué à perdre des parts sur le marché des friteuses et, parallèlement, durant les mois de décembre 2001 et février 2002, SEB a également vu sa part de marché reculer, alors que celle de ses concurrents, essentiellement De Longhi/Kenwood et Philips, augmentait (respectivement + 6,1 points et + 8,4 points). Au total, De Longhi/Kenwood a augmenté substantiellement sa part sur ce marché, passant de (moins de 10) % en août 2001 à (10-20) % en février 2002.

Cependant, le commissaire du Gouvernement a estimé en séance que des doutes subsistaient quant à certaines conditions du fonctionnement concurrentiel du secteur du petit électroménager en France, sans cependant apporter d'éléments contraires à ceux mentionnés ci-dessus. En l'absence d'autres éléments d'analyse, tels que les différences de prix avec les autres pays européens ou les taux de rentabilité des fabricants présents sur les marchés concernés, qui auraient pu permettre de préciser les conditions de la concurrence sur les marchés en cause, le conseil estime que SEB n'occupera pas une position dominante sur ces marchés, que ce soit en raison des parts de marché ou du portefeuille de marques détenus.

Il apparaît de plus qu'une dégradation éventuelle du fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés pourrait être imputée non à l'opération elle-même, mais à la défaillance du groupe Moulinex.

VI. - L'impact de la défaillance du groupe Moulinex

Cette défaillance a conduit à la cessation de paiement de la société et à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Nanterre, le 7 septembre 2001. Les deux administrateurs judiciaires, chargés de dresser le bilan économique et social de l'entreprise, ont écarté la faisabilité d'un plan de continuation au profit d'un plan de cession.

De plus, aucune des autres offres déposées devant le tribunal de commerce n'a été considérée par celui-ci comme une alternative crédible à l'offre de SEB. D'une part, certaines d'entre elles ont été analysées comme de simples manifestations d'intérêt, ne pouvant être retenues, compte tenu des conditions posées par l'article L. 621-83 du Code de commerce selon lequel la cession a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés, et d'apurer le passif. Or, les offres présentées par Philips, Electrolux, Arcelik, Babyliss, Saeco, Sunbeam, Taurus et TTI ne portaient que sur certains actifs du groupe sans reprise d'emplois ni apurement du passif. De surcroît, ces différentes propositions n'ont pas évolué après leur dépôt, bien que les administrateurs judiciaires aient fait valoir leur non-conformité à l'article L. 621-83 et aient reporté à plusieurs reprises la date limite de dépôt des offres pour laisser aux candidats intéressés un délai suffisant pour modifier ou finaliser leurs offres de reprise. D'autre part, les offres de reprise totale ou partielle des actifs de Moulinex (Euroland et Société Participation Industrielle) n'ont pas été considérées comme une solution substituable à celle de SEB, faute de garanties financières suffisantes pour justifier de leur faisabilité, et faute de levée, à la date de l'audience, des conditions suspensives dont elles étaient assorties. Cette analyse a été confirmée par la Cour d'appel de Versailles. Le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre indique que (l'offre) " présentée par la société SEB reste donc en réalité la seule subsistant (...). Que, si elle ne porte que sur une partie des sites, elle a le mérite de sauvegarder malgré tout plus du tiers des contrats de travail ".

Le conseil constate également que le fait que ces offres n'étaient que de simples manifestations d'intérêt, que la majorité d'entre elles ne comportaient pas de prix de cession, qu'elles n'étaient pas assorties de garanties bancaires suffisantes ou qu'elles étaient subordonnées à la réalisation de conditions qu'il n'a pas été possible de lever, et donc, au total, qu'elles n'étaient ni réelles ni sérieuses, aurait empêché d'en apprécier l'impact sur le fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés, quand bien même ce critère d'analyse aurait été mis au premier plan par le tribunal de commerce.

De même, l'éventualité d'une reprise d'actifs dans l'hypothèse d'une liquidation judiciaire de Moulinex ne peut être envisagée avec suffisamment de certitude. Du fait de l'absence de matérialité et de sérieux des offres déposées devant le tribunal de commerce, il est loin d'être certain qu'elles auraient été renouvelées dans l'hypothèse d'une liquidation de Moulinex. En tout état de cause, les deux dernières offres qui comportaient un prix (Sunbeam, Conair) ne concernaient que la marque Krups qui n'occupe qu'une très faible position en France et ne concerne que le marché des expressos. Aucune de ces offres ne portait sur la marque Moulinex ou sur un actif corporel du groupe. Postérieurement à la décision du tribunal de commerce arrêtant le plan de reprise partielle au profit de SEB, la société Conair/Babyliss a adressé, le 15 février 2002, aux administrateurs judiciaires chargés de la liquidation des actifs restants non compris dans le périmètre de la cession à SEB, une offre portant sur la reprise de trois sites industriels (sans reprise d'emplois) mais à la condition expresse d'y inclure les marques Moulinex et Krups ainsi que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle et industrielle y afférents. Or ces actifs incorporels sont inclus dans le périmètre de la cession à SEB et ne peuvent donc être cédés à un tiers. Les administrateurs ont donc logiquement écarté cette offre qui ne peut être considérée comme sérieuse dans la mesure où elle comporte une condition irréalisable. Elle ne peut donc servir d'élément de comparaison dans l'analyse concurrentielle. Il s'agit de la seule offre déposée à ce jour auprès des administrateurs judiciaires portant sur les actifs restants non compris dans le périmètre de la cession à SEB.

De ce fait, l'unique alternative qui peut être envisagée, du point de vue de son effet sur la concurrence, est soit l'offre de SEB, soit la disparition pure et simple des moyens de production de l'entreprise Moulinex ainsi que de la marque.

Or, le transfert des parts de marché constaté entre Moulinex et SEB, alors que la cession n'était pas encore effective, laisse penser que, en cas de retrait du marché des produits Moulinex, comme cela a été le cas pendant quelques mois, les parts de marché détenues par le groupe SEB n'auraient pas été très différentes de celles résultant de l'opération. En effet, en septembre 2001, l'activité industrielle et commerciale de Moulinex a brutalement cessé. Les distributeurs ont été approvisionnés sur les stocks existants à la fin août 2001, non renouvelés après cette date. Au surplus, une partie des consommateurs, inquiets des éventuelles répercussions des difficultés de Moulinex sur la qualité du service après-vente, ont pu se détourner des produits de la marque. Ainsi, l'entreprise s'est trouvée momentanément dans une situation voisine de celle qu'aurait généré sa disparition, à une période où se concentrent les plus fortes ventes annuelles en petit électroménager.

Le tableau suivant montre l'évolution entre 2000 et 2001 des parts de marché de SEB et Moulinex calculées sur les quatre derniers mois de l'année :

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L'importance du transfert des ventes de Moulinex vers SEB, à la suite de la disparition momentanée des produits de Moulinex du marché, est confirmée pour les sept marchés d'appareils culinaires sur lesquels, à la suite de l'opération de reprise, le groupe SEB acquerra une part de marché importante ou verra cette part renforcée, ces sept marchés représentant (60-70) % des ventes en valeur d'appareils culinaires du nouveau groupe.

Ces données sont confirmées par les chiffres et les graphiques fournis par Philips qui indiquent que les reports de parts de marché des produits de marque Moulinex ont suivi une évolution régulière en faveur de SEB, à partir du mois de septembre 2001 jusqu'en janvier 2002. Les statistiques Gifam pour ce même mois indiquent également des reports de parts de marché identiques pour les mêmes catégories de produits, aussi bien sur les produits pour lesquels Moulinex a quasiment disparu (friteuses, fours, cuiseurs vapeur et fers à vapeur) que pour ceux où Moulinex est resté présent (grille-pain, cafetières, bouilloires et préparateurs culinaires).

L'ensemble des éléments ci-dessus répond aux conditions définies par la jurisprudence communautaire (arrêt de la CJCE du 31 mars 1998, Kali + Saltz) pour considérer que la concentration n'est pas la cause du renforcement des parts de marché de l'entreprise qui a acquis l'entreprise en difficulté et que l'opération est donc neutre quant à son impact sur la concurrence. S'agissant des transferts de parts de marché, la Cour a considéré que : " En fait, l'introduction de ce critère vise à assurer que l'existence d'un lien de causalité entre la concentration et la détérioration de la structure concurrentielle du marché ne peut être exclue qu'au cas où la détérioration de la structure concurrentielle du marché, faisant suite à l'opération de concentration, se produirait pareillement même en l'absence de cette opération. Dès lors, le critère de l'absorption des parts de marché, bien qu'il ne soit pas considéré par la Commission elle-même comme suffisant à lui seul pour exclure le caractère préjudiciable de l'opération de concentration pour le jeu de la concurrence, concourt à assurer la neutralité de cette opération par rapport à la dégradation de la structure concurrentielle du marché, ce qui est conforme à la notion de causalité figurant à l'article 2, paragraphe 2, du règlement. "

VII. - Le bilan économique

Le rapport commandé par la Digitip mettait l'accent sur les handicaps du secteur du petit électroménager en France : une production localisée en France, alors que la plupart des autres producteurs européens ou américains ont délocalisé leur production, avec pour conséquence une moindre compétitivité du secteur en termes de coûts face à la concurrence asiatique ; des difficultés de positionnement des produits ; des surcapacités chroniques.

Pour compenser ces handicaps, ce rapport suggérait, en particulier, le regroupement des productions à fort effet d'échelle sur un seul site et le recentrage sur les produits haut de gamme ou à fort contenu technologique, pour lesquels les atouts compétitifs face à la concurrence asiatique sont les plus forts.

Les restructurations envisagées par SEB répondent à ces recommandations. Le regroupement de certaines lignes de produits sur un site unique favorisera l'exploitation des économies d'échelle et permettra la résorption partielle des surcapacités. Selon les sites, l'augmentation des volumes, l'optimisation des effectifs et les économies de coûts de structure industrielle devraient permettre, selon SEB, de réduire les coûts unitaires de (moins de 10) % à (10-20) %. Au total, le gain d'efficience provenant du regroupement et d'une meilleure productivité est estimé à (...) MEuro pour les usines françaises de SEB et Moulinex.

De plus, l'opération doit permettre le maintien des sites de production en France, favorisant une production de qualité avec des standards supérieurs aux normes réglementaires et des processus exigeants de contrôle de la qualité et de sélection des fournisseurs et une plus grande réactivité et flexibilité de l'approvisionnement des distributeurs.

Enfin, la reprise de Moulinex permet de maintenir les 270 centres de réparation agréés qui réalisent environ 25 % de leur chiffre d'affaires avec Moulinex et d'assurer ainsi la continuité du service au consommateur final. SEB s'est engagé à assurer les garanties des produits Moulinex vendus avant la reprise et à produire les pièces détachées nécessaires aux réparations pendant cinq ans.

Les gains d'efficience ainsi obtenus doivent permettre au groupe SEB, tout en maintenant des emplois en France, de rester compétitif sur des marchés sur lesquels les prix moyens ont constamment baissé au cours des cinq dernières années, principalement sous la pression des importations.

SUR LA BASE DES CONSIDERATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURENCE ET D'AVIS :

Que la concentration résultant du plan de reprise partielle d'actifs du groupe Moulinex par le groupe SEB arrêté par le Tribunal de commerce de Nanterre n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés, et contribue au progrès économique.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.