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Décisions

Ministre de l’Économie, 18 juillet 2002, n° ECOC0200346Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Armatis

Ministre de l’Économie n° ECOC0200346Y

18 juillet 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Messieurs,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 1er juillet 2002, vous avez notifié l'acquisition par la société Armatis de l'activité française de centres d'appels (centre téléphonique de relations diverses avec la clientèle, ou call center) du groupe américain Convergys par achat de l'intégralité du capital de sa filiale française Convergys Customer Management SA, dite " Convergys France ".

La société Armatis est détenue majoritairement par le Fonds Commun de Placements à Risques (FCPR) Industries & Finances via son holding Taoris. L'objectif du fonds est d'investir principalement dans le capital de sociétés françaises de taille moyenne, en prenant des participations essentiellement majoritaires, avec l'objectif d'accroître la valeur de l'entreprise. Les porteurs de parts du fonds n'ont aucun rôle décisionnel ; le FCPR est représenté et géré par sa société de gestion Industries & Finances Partenaires, détenue à hauteur de 33 % chacun par deux associés gérants et de 34 % [...]. Trois administrateurs, dont les deux actionnaires gérants, prennent les décisions d'investissement ; le troisième administrateur n'a aucun lien avec [...], laquelle, en vertu du règlement du fonds, ne prend aucune décision d'investissement.

Le chiffre d'affaires total réalisé en 2001 par la société de gestion du FCPR Industries & Finances Partenaires et par les entreprises dont elle détient le contrôle, notamment les sociétés Armatis, active dans le marketing par téléphone, et [...], entreprise de distribution de produits alimentaires d'impulsion, s'est élevé à 152 millions d'euros. Ce chiffre d'affaires a été calculé conformément aux principes fixés par la Commission dans sa communication sur la notion d'entreprises concernées (1) et sa communication sur le calcul du chiffre d'affaires (2) pour les chiffres d'affaires des sociétés gérant un fonds d'investissement. Les chiffres d'affaires des différentes participations détenues ont été additionnés en prenant en compte la totalité du chiffre d'affaires de l'entreprise, indépendamment du montant de la participation détenue dans le capital, dans la mesure où la société de gestion du fonds détenait dans tous les cas le contrôle exclusif. Au cas d'espèce, les chiffres d'affaires générés par ailleurs par les investisseurs du fonds n'ont pas été pris en compte dans le calcul de son chiffre d'affaires, dans la mesure où l'instruction a permis d'établir l'absence d'influence des porteurs de parts du fonds sur les décisions de la société de gestion.

Seule l'activité de centre d'appels de Convergys France est acquise par la société Armatis ; ce centre d'appels a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires de 21,9 millions d'euros.

Les seuils exprimés en chiffres d'affaires mentionnés à l'article L. 430-2 du Code de commerce étant franchis, l'opération est contrôlable.

Le holding Taoris aurait aussi l'intention d'acquérir la société [...], active dans le même secteur des téléservices ; [...]. Néanmoins, cette seconde opération, venant renforcer le groupe dans le même secteur que la première, peut être prise en compte dans l'analyse concurrentielle.

Les parties considèrent que le marché pertinent est le marché des centres d'appels externalisés. En effet, l'acquéreur (Armatis) et la cible (Convergys France) exercent tous deux pour le compte des entreprises clientes une activité de fourniture à distance de services de relation commerciale. Il peut s'agir de prospection, d'information, de prise de rendez-vous, de réservations, de vente en direct, d'installation d'équipement, de service après-vente, de facturation, de gestion des comptes. On peut s'interroger sur la nécessité de distinguer un marché des grands contrats, supérieurs à un million d'euros. Toutefois, une telle distinction ne modifierait pas les conclusions de l'analyse. Selon les parties, qui se fondent sur les chiffres publiés par le journal Centre d'appels, les centres d'appels externalisés ont réalisé en 2000 un chiffre d'affaires global de 724 millions d'euros et représenteraient seulement 20 % de l'activité totale des centres d'appels, la grande majorité étant des services internes aux entreprises. L'externalisation évite à l'entreprise d'investir massivement dans les matériels, les locaux et la technologie nécessaires, mais elle est rarement une option absolue ; le centre d'appels externe peut ainsi gérer un débordement durant une période de pointe ou un besoin plus complexe. En tout état de cause, même si la possibilité d'internalisation des services peut être prise en compte, on retiendra, conformément à la pratique constante du ministre et du Conseil de la concurrence, le marché des centres d'appels externalisés pour apprécier les effets de l'opération.

Selon les parties, le marché géographique pertinent serait national ; il y aurait en effet très peu d'appels d'offres au niveau européen. On retiendra, pour les besoins de l'analyse, une dimension nationale. En tout état de cause, quelle que soit la dimension géographique du marché, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Sur le marché français des centres d'appels externes aux entreprises, les sociétés Armatis et Convergys France ont réalisé en 2000 un chiffre d'affaires total de 32,44 millions d'euros (respectivement 5,48 et 26,96 millions d'euros), correspondant à une part de marché de 4,5% ; cette part a dû diminuer en 2001, [...].

L'acquéreur a pour objectif [...], de recentrer l'entreprise sur l'activité de centre d'appels et d'en faire le quatrième opérateur du marché, présent sur le segment des grands appels d'offres de plus de 1 million d'euros, Armatis et [...] restant sur le segment des appels d'offres moyens. Le segment des grands contrats est estimé par les parties à 535 millions d'euros pour l'année 2000. Convergys France représentait alors 5 % de ce segment, [...]. Les chiffres d'affaires additionnés sur le segment des petits et moyens contrats des sociétés Armatis, [...] et pour une faible part de Convergys France, représenteraient environ 8,5% de la valeur globale de ce segment.

Les parts de marché de l'acquéreur et de la cible semblent a priori trop modestes pour que la concentration puisse constituer un risque concurrentiel sur le marché concerné. L'examen de la structure et du fonctionnement du marché n'infirme pas cette première appréciation.

Il existe certes des barrières à l'entrée d'ordre financier : l'activité de centre d'appels requiert des investissements en technologie d'autant plus importants que la prestation à traiter est complexe(parmi les plus complexes, on relève notamment les services d'assistance à l'utilisateur, ou " hotlines ") ; ces investissements représentent, selon le Guide Call Center 2002, entre 15 000 euros et 30 000 euros par poste de travail.

Cependant, plusieurs éléments laissent à penser que le marché est fortement concurrentiel.

Tout d'abord, le marché n'est pas mature. Il a connu une forte croissance, estimée à plus de 20 % par an de 1997 à 2000 ; il devrait continuer à croître de plus de 10 % par an au cours des années à venir. En dépit des investissements à consentir, le marché demeure attractif pour de nouveaux entrants.

Ensuite, les opérateurs sont nombreux et dispersés: le journal Centre d'appels recense plus de cinquante opérateurs externes en 2000 ; les sociétés Armatis et [...] y sont respectivement 25e et [...] en termes de chiffre d'affaires et la société Convergys 8e ; les trois premiers opérateurs réalisent des chiffres d'affaires compris entre 61 et 148 millions d'euros, sensiblement supérieurs à celui de Convergys France [...]. Certaines entreprises comme Webhelp, à la recherche d'une meilleure compétitivité, se délocalisent dans des pays francophones à plus faible coût de main-d'œuvre.

Enfin, les positions des entreprises ne semblent pas assurées: d'après les parties, les contrats sont de courte durée, ils ne sont pas reconductibles automatiquement et sont résiliables suivant un préavis de trois mois. En outre, les clients peuvent choisir d'être leur propre fournisseur en mettant en place leur centre d'appels ou en ne recourant que partiellement ou ponctuellement à un centre extérieur à l'entreprise.

Il ressort de ces éléments que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante sur le marché concerné. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

(1) communication de la Commission sur la notion d'entreprises concernées au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE C 66 du 2 mars 1998, p. 14).

(2) communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE C 66 du 2 mars 1998, p. 25).

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002.