CA Nîmes, 2e ch. B, 10 décembre 1998, n° 88-3565
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Avena
Défendeur :
Coop Provence (Sté), De Saint Rapt (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
MM. Bestagno, Bancal
Avoués :
SCP Tardieu, Me Everlange
Avocats :
Me Combastet, SCP Fortunet.
Faits et procédure - Prétentions et moyens des parties :
Attendu que par un jugement rendu contradictoirement le 22 janvier 1988, le Tribunal de commerce d'Aubenas a condamné Madame Annie Avena en sa qualité alléguée d'ancienne gérante non salariée d'une succursale d'alimentation de détail, à payer à la société Coop Provence une somme de 188 374,23 F en principal et ce, au titre d'un déficit d'inventaire ;
Attendu que par déclaration en date du 17 juin 1988, Madame Annie Avena a interjeté appel du jugement du 22 janvier 1988 ; que dans ses écritures, l'appelante sollicite l'infirmation de la décision déférée ; qu'à titre principal, elle invoque une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la décision rendue par le Conseil des prud'hommes d'Avignon ; qu'elle soulève l'incompétence de la juridiction consulaire ; qu'elle allègue la prescription de la demande dirigée contre elle par la société Coop Provence ; qu'à titre subsidiaire, elle demande le rejet des demandes présentées par la société Coop Provence ; qu'elle réclame la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 30 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle fait notamment valoir :
- que par un jugement en date du 17 janvier 1990, le Conseil des prud'hommes d'Avignon s'est déclaré compétent et a qualifié de contrat de travail de droit commun ses relations contractuelles avec la société Coop Provence ;
- que ce jugement a désormais l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne " la qualification de la relation salariale et la compétence exclusive du conseil des prud'hommes " ;
- que le statut des gérants mandataires non salariés est inapplicable en raison de sa totale subordination de fait qui justifie la requalification de son contrat en contrat de travail ;
- que la société Coop Provence, qui n'a formé aucun contredit, a acquiescé au jugement du 17 janvier 1990 ;
- que le premier juge a qualifié de déficit de gestion le solde des sommes que la société Coop Provence prétend se faire rembourser ;
- qu'elle ne peut en aucun cas " se trouver responsable d'un déficit de gestion, ce dont elle n'avait pas la charge quel que soit le statut contractuel applicable " ;
- qu'un déficit d'inventaire ne constitue pas une faute lourde ;
- que les conclusions du rapport d'expertise sont critiquables ;
- que la société Coop Provence a commis de lourdes fautes de gestion dont elle ne saurait être tenue pour responsable en tant que gérante salariée ;
Attendu que dans leurs écritures, la société Coop Provence et Monsieur Bernard de Saint Rapt, concluant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de cette dernière société, sollicitent la confirmation de la décision déférée, l'allocation d'une somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que le versement d'une somme de 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'ils soutiennent notamment :
- que " le fait que le conseil des prud'hommes se soit retenu comme compétent pour connaître du litige prud'homal initié par Madame Avena n'est certainement pas exclusif de la compétence commerciale concernant l'appréciation de sa gestion " ;
- que la décision du conseil des prud'hommes d'Avignon n'a pas autorité de la force jugée en ce qui concerne la qualification du contrat signé par Madame Avena ;
- qu'il y a lieu à appliquer les articles L. 782-1 et suivants du Code du travail ;
- que l'expert judiciaire Gineste qui avait pour mission de faire les comptes entre les parties a constaté l'existence d'un déficit d'inventaire d'un montant de 188 374,23 F ;
- que Madame Avena ne verse aux débats aucun document suffisamment déterminant pour permettre à la cour d'écarter les conclusions expertales ;
Attendu que la mise en état de la procédure a été clôturée le 16 octobre 1998 ;
Motifs de la décision :
Attendu que par un arrêt en date du 27 septembre 1989, la cour a réformé l'ordonnance rendue le 27 octobre 1988 par le conseiller de la mise en état et a déclaré recevable l'appel interjeté par Madame Annie Avena ;
Attendu que la cour constate que Madame Annie Avena ne sollicite plus, dans ses conclusions récapitulatives, le sursis à statuer qu'elle demandait dans ses écritures du 5 septembre 1991 à la suite de sa plainte pour escroquerie et abus de confiance ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la décision du 17 janvier 1990 :
Attendu que Madame Annie Avena invoque l'autorité de la chose jugée de la décision rendue le 17 janvier 1990 par le Conseil des prud'hommes d'Avignon ;
Attendu qu'il est constant que par un jugement en date du 17 janvier 1990, le Conseil des prud'hommes d'Avignon s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant Madame Avena à la société Coop Provence et a renvoyé les parties " à la première audience utile après l'expiration du délai pour former contredit " ;
Attendu qu'il est également constant que la société Coop Provence n'a pas formé contredit ;
Attendu que la cour est restée dans l'ignorance des suites données à la procédure engagée devant le Conseil des prud'hommes d'Avignon par Madame Annie Avena; que dans leurs écritures les parties n'ont discuté que de l'autorité de la chose jugée de la décision du 17 janvier 1990 ;
Attendu que la cour constate que pour rejeter l'exception d'incompétence invoquée par la société Coop Provence au profit de la juridiction consulaire, le conseil des prud'hommes a jugé que le contrat liant Madame Annie Avena était un contrat de gérant salarié de succursale aux motifs d'une part que " l'exclusion de toute politique personnelle de prix fait du gérant mandataire un salarié " et d'autre part que l'article 13 du contrat de gérance qualifie ce dernier de contrat de travail ;
Attendu cependant que dans ses écritures Madame Annie Avena, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que les exigences de l'article 1351 du Code civil soient réunies en l'espèce ; qu'il convient de relever à cet égard :
- que le jugement du Conseil des prud'hommes d'Avignon en date du 17 janvier 1990 est postérieur au jugement rendu le 22 janvier 1988 par le Tribunal de commerce d'Avignon et qui sur assignation de la société Coop Provence a condamné Madame Annie Avena au paiement d'une somme de 188 374,24 F ;
- qu'assignée devant le Tribunal de commerce d'Avignon en paiement d'un solde d'inventaire, Madame Avena n'a pas soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction consulaire ;
- que Madame Annie Avena ne rapporte pas en l'état de ses écritures et de ses pièces la preuve de l'identité d'objet et de cause telle qu'exigée par l'article 1351 du Code civil ;
- qu'en l'état des débats, le Tribunal de commerce d'Avignon a été saisi en 1988 par la société Coop Provence d'une demande en paiement d'un déficit d'inventaire dirigée contre Madame A. Avena prise en sa qualité alléguée d'ancienne gérante non salariée d'une succursale de maison d'alimentation de détail au sens des articles L. 782 et suivants du Code du travail ;
- que le Conseil des prud'hommes d'Avignon a été saisi, en novembre 1988 par Madame Annie Avena et après que le Tribunal de commerce de cette ville l'ait condamnée au paiement du déficit d'inventaire, d'une demande tendant à l'allocation d'indemnités à la suite de la résiliation qualifiée d'abusive d'un contrat de gérant salarié d'une succursale de maison d'alimentation de détail ;
- que Madame Annie Avena n'a pas contesté devant le Tribunal de commerce d'Avignon sa qualité de gérant non salarié de succursale de maisons d'alimentation de détail au sens des articles L. 782 et suivants du Code du travail ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la décision rendue le 17 janvier 1990 par le Conseil des prud'hommes d'Avignon ;
Sur la prescription de l'action intentée par la société Coop Provence à l'encontre de Madame Annie Avena :
Attendu que Madame Annie Avena soutient que l'action engagée à son encontre par la société Coop Provence serait prescrite ;
Attendu que Madame A. Avena ne fonde nullement en droit son allégation ;
Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société Coop Provence à l'encontre de Madame A. Avena ;
Sur l'exception d'incompétence :
Attendu que la cour constate que Madame Annie Avena n'a pas invoqué devant le Tribunal de commerce d'Avignon l'incompétence de la juridiction consulaire tout comme elle n'a pas contesté sa qualité de gérante non salariée ;
Attendu qu'il convient en conséquence de déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Madame Annie Avena ;
Sur l'existence d'un déficit d'inventaire :
Attendu que l'expert judiciaire Gineste qui a fait les comptes entre les parties a constaté l'existence d'un solde en faveur de la société Coop Provence d'un montant de 188 374,23 F ;
Attendu que les documents versés par Madame A. Avena et qui pour la plupart ont déjà été soumis à l'examen de l'Expert, ne sont pas suffisamment déterminants pour permettre à la cour d'écarter les conclusions comptables du rapport expertal ou ordonner une nouvelle expertise ;
Attendu que la cour constate que pour chiffrer la somme de 188 374,23 F la créance de la société Coop Provence à l'encontre de Madame Avena, l'expert judiciaire a comparé la valeur du stock initial de la succursale et la valeur de ce même stock lors du tout dernier inventaire ; que l'expertise judiciaire permet ainsi à la cour de caractériser l'existence d'un déficit d'inventaire ;
Sur l'obligation de rembourser le déficit d'inventaire et l'existence d'une faute lourde commise par Madame Annie Avena :
Attendu que dans ses écritures devant la cour, Madame Avena soutient que la société Coop Provence ne peut lui demander le remboursement du déficit d'inventaire, sauf à prouver qu'en sa qualité de gérante salariée elle aurait commis une faute lourde;
Attendu que la cour relève que Madame Annie Avena n'a pas contesté devant le Tribunal de commerce d'Avignon sa qualité de gérante non salariée au sens des articles L. 782 et suivants du Code du travail ;
Attendu que devant la cour Madame A. Avena soutient qu'elle aurait en réalité la qualité de salariée de la société Coop Provence ;
Attendu cependant qu'il résulte de la lecture du contrat de gérance signé le 13 juillet 1982 et notamment de la combinaison des articles 2, 3 et 15 que ce contrat entre dans les prévisions des articles L. 782 et suivants du Code du travail et relatifs aux gérants non salariés des succursales de maisons d'alimentation de détail ; que dès lors l'appelante ne peut invoquer l'existence d'un contrat de travail de droit commun;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré ;
Attendu qu'en l'état des débats, l'appel interjeté par Madame Annie Avena n'est pas constitutif d'une faute ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner Madame Avena, qui succombe, au paiement d'une somme de 8 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR : statuant publiquement par décision contradictoire et après avis du Ministère Public, Vu l'arrêt en date du 27 septembre 1989 ; Donne acte à Monsieur Bernard de Saint Rapt de son intervention en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la société Coop Provence ; Au fond : Rejette les fins de non recevoir invoquées par Madame A. Avena ; Déclare irrecevable l'exception d'incompétence invoquée par Madame A. Avena ; Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ; Rejette la demande présentée par la société Coop Provence et Monsieur B. de Saint Rapt es qualités et tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Y ajoutant : Condamne Madame Annie Avena à payer à la société Coop Provence et à Monsieur de Saint Rapt es qualités, la somme globale de 8 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Madame Annie Avena aux dépens et autorise Maître d'Everlange, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.