Cass. com., 19 novembre 2002, n° 00-13.154
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Fédération nationale des artisans de taxi
Défendeur :
L'Age d'or expansion (SA), Bourscheidt, Ronsiaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Boinot
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Blondel, SCP A. Bouzidi
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de I'arrêt confirmatif attaqué (Reims, 23 février 2000) que la société L'Age d'or expansion (société L'Age d'or), exerçant sous I'enseigne " L'Age d'or services ", a pour objet le transport, I'accompagnement et l'assistance de personnes ; qu'elle est inscrite au registre des transports routiers de personnes de l'Aube au titre de l'article 5-1. du décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes, et dispose d'un réseau de franchises dans plusieurs villes de France ; que la Fédération nationale des artisans du taxi (FNAT) I'a assignée, ainsi que deux de ses franchisés, MM. Ronsiaux et Bourscheidt, en concurrence déloyale en leur reprochant d'exercer leur activité de transport de personnes seules illégalement, faute de satisfaire aux conditions administratives préalables exigées par le décret du 2 mars 1973 concernant les taxis et voitures de remise ou la loi du 30 janvier 1977 relative à I'exploitation des voitures dites de " petite remise " ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en ses quatre branches, réunis : - Attendu que la FNAT fait grief à I'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à se référer aux " diverses pièces produites " pour constater que la société L'Age d'or et ses franchisés avaient des activités plus larges que le transport de personnes, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait, ni les analyser, fût-ce de façon sommaire, la cour d'appel méconnaît les exigences de I'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'il s'infère nécessairement de l'exercice d'actes de concurrence déloyale un préjudice, fût-il moral ; qu'en écartant la demande de la FNAT au motif qu'elle n'établissait pas son préjudice, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'exercice illégal de l'activité de transport relevant des chauffeurs de taxis ou de voitures de petite remise prive nécessairement ces derniers de leur clientèle et porte atteinte aux intérêts de I'ensemble des membres de ces professions ; qu'en écartant la demande de la FNAT au motif qu'elle n'établissait pas son préjudice, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil ; 4°) que la désorganisation générale du marché résultant de l'exercice illégal de l'activité de transport réservée aux chauffeurs de taxis ou de véhicules de petite remise porte atteinte aux intérêts de I'ensemble des membres de ces professions et justifie suffisamment qu'iI soit fait interdiction de poursuivre I'activité litigieuse ; qu'en écartant la demande de la FNAT au motif qu'elle n'établissait pas son préjudice, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil ; 5°) qu'en affirmant que les chauffeurs de taxis et de voitures de petite remise ne se trouvaient pas en situation de concurrence avec la société L'Age d'or et ses franchisés, après avoir pourtant constaté qu'ils réalisaient des prestations de transports de clients seuls, fussent-elles accessoires et au profit de personnes à mobilité réduite, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, se référant, tant par motifs propres qu'adoptés, aux mentions des inscriptions au registre du commerce et des sociétés de la société L'Age d'or et des franchisés en ce qu'elles décrivaient I'objet social de la première et définissaient l'activité des autres, enfin à des coupures de presse relatant les services proposés par la société, I'arrêt relève que l'activité de la société L'Age d'or et de ses franchisés ne peut être réduite au transport de personnes mais est orientée vers l'aide aux personnes âgées ou handicapées, à mobilité réduite, sa vocation première étant sociale et le transport n'étant que I'une des modalités de l'aide apportée ; qu'iI retient encore que sa clientèle, constituée de personnes plus ou moins dépendantes, à tout le moins en termes de mobilité et d'autonomie, et recherchant avant tout aide et assistance dans les actes matériels de la vie courante, n'a pas recours aux services d'artisans taxis, qui n'ont pas vocation à apporter une telle aide et demanderaient, pour la seule prestation de transport, un coût particulièrement élevé pour la population considérée ; qu'ayant ainsi estimé que, faute de clientèle commune, la société L'Age d'or et les artisans-taxis n'étaient pas en situation de concurrence, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu décider que la FNAT n'était pas fondée à reprocher à la société L'Age d'or et à ses franchisés de s'être Iivrés à des actes de concurrence déloyale à leur égard ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Et sur le premier moyen, pris en ses cinq dernières branches : - Attendu que la FNAT fait le même reproche à I'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte de la combinaison de l'article 29 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 et des articles 1, 2, 5 et 32 du décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, d'une part, que les services occasionnels de transport sont soumis à autorisation délivrée par le préfet du département où est inscrite l'entreprise et, d'autre part, que les seuls services de transport pouvant être effectués en vertu de cette autorisation sont, soit les circuits à la place, " dont chaque place est vendue séparément et qui ramènent... les voyageurs à leur point de départ ", soit " les services collectifs qui comportent la mise d'un véhicule à la disposition exclusive d'un groupe ou de plusieurs groupes d'au moins dix personnes... ayant été constitués avant leur prise en charge " ; qu'en affirmant que l'activité de la société L'Age d'or et de ses franchisés pouvaient être exercée au titre de la loi du 30 décembre 1982 et de son décret d'application du 16 août 1985, sans constater ni l'exercice de " circuits à la place ", ni l'exercice des services collectifs, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 29 de la loi du 30 décembre 1982 et 1, 2, 5 et 32 du décret du 16 août 1985, ensemble l'article 1382 du Code civil ; 2°) que, selon les articles 5-2, 6-1 et 7 du décret du 16 août 1985, l'inscription de l'entreprise au registre tenu par le préfet du département est subordonnée à des conditions de capacité professionnelles et financières ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était expressément invitée, si la société L'Age d'or et ses franchisés remplissaient les conditions financières et professionnelles auxquelles était subordonné l'exercice de l'activité de transport, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 2, 5-2, 6 et 7 du décret du 16 août 1985, ensemble l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'article L. 129-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1996, n'envisage que l'assistance à domicile aux personnes âgées, handicapées, ou qui ont besoin d'une aide personnelle ; qu'en décidant que l'activité de transport de la société L'Age d'or et de ses franchisés pouvait être exercée au titre de la loi du 23 janvier 1996, la cour d'appel viole les articles L. 129-1 du Code du travail et 1382 du Code civil ; 4°) que même si une circulaire revêt un caractère moins interprétatique réglementaire et ajoute certains droits ou obligations à la loi, elle constitue une simple instruction administrative et se trouve dépourvue d'effet obligatoire ; qu'en affirmant qu'il s'évinçait d'une circulaire du ministère du Travail et des Affaires sociales du 30 mai 1997 que l'activité de la société L'Age d'or et de ses franchisés s'inscrivait dans les prévisions légales en faveur du développement des emplois de services aux particuliers, la cour d'appel viole l'article L. 129-1 du Code du travail ; 5°) que les voitures de petite remise sont des véhicules automobiles mis, à titre onéreux, avec un chauffeur, à la disposition des personnes qui en font la demande pour assurer leur transport et celui de leur bagage ; qu'on affirmant que l'activité de la société L'Age d'or et de ses franchisés se distinguait de celle relative à l'exploitation de voitures de petite remise, après avoir pourtant constaté que ceux-ci effectuaient des prestations accessoires de transport onéreuses à la demande de clients, fussent-ils des personnes à mobilité réduite, la cour d'appel viole les articles 1er de la loi du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de petite remise, et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la décision attaquée étant légalement justifiée par les motifs qui ont été vainement critiqués par le second moyen, le premier moyen ne peut être accueilli, dès lors qu'iI fait état de motifs surabondants ; qu'iI est par suite innopérant ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.