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Décisions

Conseil Conc., 27 septembre 2002, n° 02-D-62

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur du déménagement des personnels de la marine nationale en Bretagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Deparis en remplacement de M. Muller, empêché, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, M. Gauron, M. Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-62

27 septembre 2002

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 16 février 1999 sous le numéro F 1124, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques constatées dans le secteur du déménagement des personnels de la marine nationale basés en Bretagne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Transports Déménagements Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique, Boulouard, Aux aménageurs Bretons et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Transports déménagements Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique, Boulouard, entendus au cours de la séance du 26 juin 2002, la société Aux aménageurs Bretons et l'entreprise Acropole Déménagements ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - Constatations

A. - Le secteur concerné

Un déménagement est une opération globale qui est constituée d'un ensemble de prestations. Il comprend l'emballage et le chargement des biens dans l'ancien domicile, leur transport par voie routière, ferrée, maritime ou aérienne de façon exclusive ou combinée et leur déchargement au nouveau domicile du client. La gamme des prestations offertes dépend des souhaits exprimés par le client, allant du simple transport à une offre complète intégrant l'emballage et le déballage de la totalité ou d'une partie des objets à transporter ainsi que le démontage et le remontage des meubles, outre des prestations spécifiques concernant les meubles de grande valeur et les objets précieux ;

Cet ensemble de prestations est identique, que le client soit une entreprise ou un particulier, mais le service demandé varie en fonction, notamment, du nombre de mètres cube de mobilier à déménager ou de la distance de l'ancien au nouveau domicile ;

Un devis établissant le coût réel du déménagement selon les différentes prestations possibles est effectué gratuitement. Suivant les règles rappelées par la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France, le devis doit détailler l'ensemble des conditions d'intervention, c'est-à-dire la description précise des prestations demandées par le client, les dates d'exécution, la distance kilométrique à parcourir, le volume total à transporter, sa valeur ainsi que le prix proposé et les conditions de paiement. Le devis, une fois accepté, est complété par une déclaration de valeur détaillée établie par le client et par une lettre de voiture, l'ensemble formant le contrat de déménagement. La chambre syndicale conseille aux clients intéressés de consulter plusieurs entreprises afin de comparer les devis proposés ;

S'agissant du déménagement des fonctionnaires, ceux-ci perçoivent, pour cette opération, une indemnité forfaitaire et négocient avec les entreprises, comme n'importe quelle personne privée, les conditions du contrat afin d'obtenir la meilleure prestation au moindre coût ;

Le déménagement des militaires est régi par des dispositions particulières ; le décret n° 68-298 du 21 mars 1968, qui fixe les modalités du règlement des frais occasionnés par le déplacement des militaires sur le territoire métropolitain, dispose en son article 1er, que ces agents sont remboursés "selon les conditions et les modalités fixées par le décret du 10 août 1966" mais l'article 27 du texte précise "qu'à titre transitoire, et jusqu'à une date qui sera fixée par arrêté du ministre de l'Economie et du ministre des aAmées, les bénéficiaires du présent décret continueront à être remboursés de leurs frais de transport de mobilier (...) dans les conditions prévues aux articles 19, 20 et 22 du décret du 1er mars 1954."

L'arrêté conjoint des ministres chargés de l'Economie et des Armées prévu par l'article 27, précité, n'étant pas intervenu, le régime du remboursement des frais de déménagement des militaires sur le territoire métropolitain reste, à ce jour, soumis aux dispositions du décret du 1er mars 1954, précisées par l'instruction interarmées n° 3000-DEF-C30 du 1er septembre 1974, qui prévoit le remboursement des frais réellement exposés dans la limite d'un plafond, sur présentation à l'administration de deux devis d'entreprises concurrentes, les agents pouvant bénéficier d'une avance limitée à 90 % des frais.

Le calcul du plafond de remboursement pour chaque opération de déménagement résulte d'une formule intégrant le volume total autorisé du déménagement (variant en fonction du grade et de la situation de famille du militaire), la distance à parcourir et une liste de paramètres financiers fixés périodiquement par l'administration et régulièrement publiés. De la sorte, il est possible à tout militaire concerné de connaître la limite du prix au-delà de laquelle les frais exposés resteront à sa charge, et à toute entreprise de déménagement de connaître le montant en deçà duquel le client sera intégralement remboursé de ses frais.

Le secteur du déménagement est représenté en France par 12 000 entreprises spécialisées ayant réalisé un chiffre d'affaires global de 6 milliards de francs en 2000. Il s'agit essentiellement de petites entreprises de caractère familial, 90 % d'entre elles employant moins de 50 salariés. Nombre de ces petites structures sont, toutefois, affiliées à des groupements comme Déméco ou Interdem ;

En l'espèce, les pratiques relevées concernent un marché qui présente plusieurs caractéristiques :

- un cadre géographique correspondant au ressort territorial des départements situés dans la région Bretagne. L'importance de ce marché est directement liée aux restructurations des forces armées et à l'évolution de leurs implantations territoriales.

- des modalités intrinsèques de choix des prestataires et de règlement des prestations, les militaires devant fournir à leur administration deux devis établis dans les règles de la profession afin de démontrer la mise en concurrence des entreprises postulantes.

- une possibilité pour les entreprises du secteur de connaître à l'avance la période de la demande, les départs des militaires étant réguliers, compte tenu de la limitation impérative de leurs affectations.

L'importance économique de l'activité en cause n'est pas négligeable et a été soulignée par les déclarations de certains dirigeants des entreprises mises en cause dans le présent dossier. Ainsi, selon le gérant de l'entreprise Le Floch, la clientèle militaire, toutes armées confondues, représente 60 % environ du chiffre d'affaires hors taxe des entreprises de déménagement de la région Bretagne ; pour l'entreprise Boulouard, cette clientèle représente environ 50 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des agences de son groupe et, pour la société Roussel, 17 à 28 % du chiffre d'affaires global de son agence de Lorient pour les années 1994 à 1997.

B. - Les pratiques relevées par l'enquête

L'enquête menée par les services territoriaux de la DGCCRF porte sur 127 dossiers relatifs à des déménagements de militaires de la marine nationale basés en Bretagne effectués entre 1995 et 1997. Un de ces dossiers a fait l'objet d'une déclaration spontanée auprès des services de la DGCCRF de la part d'un militaire qui s'est plaint d'avoir directement reçu, de l'entreprise Déméco Roussel, contactée pour son déménagement, un devis établi par l'entreprise "Les Déménageurs Bretons", sans avoir jamais reçu la visite du commercial de cette dernière entreprise, pourtant mentionnée en-tête de ce second devis. Compte tenu de l'importance des sommes en cause, l'épouse du militaire concerné avait alors consulté l'entreprise de déménagement Boulouard sur la base d'un inventaire de mobilier que celle-ci avait précédemment établi lors d'une visite à son domicile, sans l'informer que deux de ses confrères avaient déjà réalisé des devis. Ce troisième devis s'est révélé inférieur de 32,80 % au moins-disant des deux autres devis.

Les 126 autres dossiers ont été communiqués aux services de la DGCCRF par le service de gestion compétent de la marine nationale, dans le cadre de l'enquête administrative. Chacun comporte les deux devis exigés par l'administration. Le croisement des informations contenues dans ces dossiers révèle les points de convergence suivants :

- l'écart entre les deux devis fournis à l'administration militaire n'est supérieur ou égal à 2 % que dans 9 cas ;

- 6 entreprises, sur les 19 ayant réalisé des devis, obtiennent à elles seules 90 % des contrats de déménagement ;

- des erreurs similaires portant sur l'orthographe du nom ou de l'adresse ont été relevées dans la rédaction de devis d'entreprises distinctes pour une même opération ;

- dans 77,4 % des cas en moyenne, l'entreprise moins-disante a réalisé son devis antérieurement ou le même jour que l'entreprise plus-disante et, s'agissant des 6 entreprises les plus souvent moins-disantes, cette proportion va jusqu'à 90 % des cas ;

- les 5 entreprises qui font le plus grand nombre de propositions moins-disantes, et qui appartiennent, en outre, au groupe de celles qui réalisent plus de 90 % des prestations de déménagement sur le marché de référence, réalisent leur devis antérieurement ou le même jour que l'entreprise plus-disante dans 66 à 90 % des cas ;

- la mention d'une visite effectuée chez le client par un commercial figure sur chacun des deux devis dans 43 % des cas, sur le seul devis moins-disant dans 25 % des cas, sur le seul devis plus-disant dans 24 % des cas et sur aucun des deux devis dans 12 % des cas.

Enfin, les investigations menées au sein des entreprises apparaissant comme les plus souvent bénéficiaires de contrats de déménagement de militaires ont permis diverses saisies de papiers à en-tête vierges, au nom d'entreprises concurrentes.

Les éléments recueillis à l'encontre de chaque entreprise concernée sont les suivants :

1. L'entreprise de déménagement Le Floch

Pendant la période faisant l'objet de l'enquête, l'entreprise Le Floch a établi 61 devis et réalisé 30 opérations de déménagement.

Quatre dossiers contenant des devis d'entreprises concurrentes plus-disantes ont été saisis dans les locaux de cette entreprise et trois exemplaires d'inventaires de mobilier, nécessaires à la constitution d'un dossier de déménagement de militaire, revêtus du cachet de l'entreprise Le Floch et signés en blanc, ont été saisis dans les locaux de l'entreprise Démex Joncqueur.

De plus, l'examen comparatif des devis concurrents figurant dans huit dossiers a permis de relever un certain nombre d'éléments.

Ainsi, dans deux devis moins-disants émanant des entreprises Acropole Déménagements et Déméco Roussel, on constate des erreurs d'orthographe identiques à celles figurant sur les devis établis pour les mêmes clients par l'entreprise Le Floch ; dans le premier cas, le nom du client est orthographié Wodjick au lieu de Wojcik (devis de l'entreprise Acropole Déménagements et devis de l'entreprise Le Floch, tous deux datés du 27 septembre 1996) et, dans le second, Reberioux au lieu de Rebrioux (devis de l'entreprise Déméco Roussel du 3 mai 1995 et devis de l'entreprise Le Floch en date du 6 juin 1995). Par ailleurs, dans un dossier au nom de Perrot, les enquêteurs ont constaté que le devis moins-disant de l'entreprise Boulouard avait été utilisé comme support pour l'écriture du devis plus-disant de l'entreprise Le Floch, les mentions manuscrites du second devis apparaissant, par l'effet du carbone, en surimpression sur la surface du premier.

L'entreprise Le Floch a, par ailleurs, obtenu d'entreprises concurrentes des devis d'un montant plus élevé comportant les mêmes erreurs d'orthographe que ses propres devis quant au nom des clients concernés. Ainsi, sur un devis obtenu le 13 août 1996 de l'entreprise Acropole Déménagements, le nom de Le Sauce est orthographié Le Sausse et le lieu de destination est inexact, comme sur le devis de l'entreprise Le Floch. De la même manière, les devis fournis par l'entreprise Déméco Roussel en date des 28 février, 3 et 9 mai 1995, orthographient, comme les devis Le Floch, Tamarel au lieu de Tamarelle, Le Brun au lieu de Lebrun, Azario au lieu de Azzario. Enfin, dans un dernier cas, l'examen des deux devis au nom de Dréau, fournis par les entreprises Le Floch et Déméco Roussel, fait apparaître une même rature concernant la date prévue pour l'exécution du déménagement.

2. L'entreprise Déméco Roussel

Pendant la période considérée, la société Transports Déménagements Roussel exploitant sous l'enseigne Déméco Roussel a établi 44 devis et réalisé 17 déménagements.

Des erreurs d'orthographe identiques dans les devis de cette entreprises et dans ceux de l'entreprise Le Floch ont, ainsi qu'il a déjà été exposé, été constatées dans les dossiers Tamarelle, Lebrun, Azario et Rebrioux. S'agissant du dossier Dréau, les deux devis présentent la même rature au même endroit.

De la même manière, une erreur a pu être relevée sur un devis Déméco Roussel du 22 mai 1995 et sur un devis plus élevé émanant de l'entreprise Boulouard, en date du 2 juin 1995 en ce qui concerne le nom du client Vallar, orthographié Vallard. Dans le dossier du client Bidault, une rature manuscrite identique a été constatée, en ce qui concerne la mention de la période d'exécution du déménagement, sur le devis de l'entreprise Roussel et sur le devis plus élevé de l'entreprise Boulouard. Par ailleurs, s'agissant du dossier Truffaut, déjà évoqué, le client a indiqué avoir reçu, de l'agent commercial de Déméco Roussel, la proposition d'un deuxième devis concurrent à en-tête de l'entreprise Les Déménageurs Bretons sans qu'un agent commercial de celle-ci ne lui ait rendu visite.

3. L'entreprise Acropole Déménagements

Pendant la période de référence, l'entreprise Acropole Déménagements a établi 14 devis et réalisé 9 opérations de déménagement.

Parmi les documents saisis dans les locaux de l'entreprise se trouvaient des feuilles d'inventaire vierges à en-tête d'autres entreprises et des dossiers d'étude de clients sur lesquels est mentionné le nom d'autres entreprises.

Un devis, d'un montant plus élevé, fourni à l'entreprise Le Floch, le 13 août 1996, comporte la même erreur d'orthographe sur le nom du client (Le Sausse au lieu de Le Sauce) et la même inexactitude en ce qui concerne le lieu de destination du chargement. Un devis, plus élevé, établi au profit de l'entreprise Acropole déménagements par l'entreprise Le Floch, le 27 septembre 1996, comporte un nom de client orthographié avec la même erreur (Wodjick au lieu de Wojcik).

4. Les entreprises Démex Joncqueur et AGS Armorique

Durant la période considérée, l'entreprise AGS Armorique a fourni 7 devis, tous moins-disants, et effectué les 7 déménagements correspondants ; l'entreprise Démex Joncqueur, liée à la précédente par un contrat de sous-traitance, a établi 7 devis et réalisé 1 déménagement.

Dans les locaux de l'entreprise Démex Joncqueur, ont été retrouvés des exemplaires d'inventaire de mobilier nécessaires à la constitution de dossiers de déménagement de militaires, signés en blanc et revêtus du cachet des entreprises Le Floch et AGS Armorique ainsi que des devis de cette dernière entreprise. De la même manière, les enquêteurs ont saisi, dans les locaux de l'entreprise AGS, des dossiers d'étude de clients auxquels sont joints des devis concurrents.

Par ailleurs, l'examen des 6 devis moins-disants établis entre le 22 mars 1995 et le 30 juillet 1996 par Démex Joncqueur (dossiers Prigent, Caraes, Pendezec, Navarro, Phelippeau et Sabouret) révèle que la rubrique "visité par M. date" n'est pas remplie. Enfin, les écarts de prix entre les devis Démex Joncqueur et les devis AGS Armorique sont, dans 5 cas, d'un niveau inférieur à 1,5 %.

5. L'entreprise Aux Aménageurs Bretons

Cette entreprise a établi 44 devis et effectué 17 déménagements pendant la période qui a fait l'objet de l'enquête.

Il a été indiqué ci-dessus, à propos du dossier concernant M. Truffaut, que ce client avait déclaré avoir reçu directement de l'entreprise Démeco Roussel, la proposition d'un deuxième devis concurrent émanant de l'entreprise Les Déménageurs Bretons, alors qu'aucun agent de celle-ci ne lui avait rendu visite. S'agissant, par ailleurs, du dossier Fornari, le devis émanant de l'entreprise Boulouard, en date du 10 juillet 1996, mentionne, comme le devis de l'entreprise Aux aménageurs Bretons une adresse de livraison qui a été portée ultérieurement à la main, et l'inventaire dressé par l'entreprise Boulouard est joint au devis moins-disant de l'entreprise Les Aménageurs Bretons.

6. L'entreprise Boulouard

Au cours de la période considérée, l'entreprise Boulouard a réalisé 55 devis et effectué 35 opérations de déménagement.

Ainsi qu'il a été relevé précédemment, des similitudes ont été constatées entre les devis de cette entreprise et, en premier lieu, un devis moins élevé de l'entreprise Aux Aménageurs Bretons dans le dossier Fornari, en deuxième lieu, un devis moins élevé de l'entreprise Déméco Roussel pour le dossier Vallar, orthographié Vallard, en troisième lieu un devis plus élevé de l'entreprise Le Floch, pour le dossier Perrot et, enfin, un devis plus élevé de l'entreprise Déméco Roussel pour le dossier Bidault.

C. - Le grief notifié

Au vu des éléments recueillis, un grief de pratiques concertées de devis de couverture a été notifié aux entreprises de déménagement Le Floch, Déméco Roussel, Acropole Déménagements, Démex Joncqueur, AGS Armorique, Les Déménageurs Bretons et Boulouard, sur le fondement des dispositions des articles 7 et 13 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, en vigueur au moment de la commission des faits, devenus les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce.

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Sur la compétence

Considérant que les entreprises Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard font valoir que le Conseil de la concurrence serait incompétent pour connaître de l'activité économique des entreprises de déménagement des personnels militaires, dès lors que les opérations de déménagement n'évoluent pas dans le cadre de l'économie libérale, les prix étant fixés et limités par l'État, puis remboursés à ses agents qui n'en assument pas la charge ; qu'elles ajoutent que le barème des remboursements des frais de déménagement de ces personnels a été établi en concertation avec les instances représentatives de la profession concernée sur la base du coût réel d'un déménagement après avoir laissé au professionnel un bénéfice raisonnable, ce qui contrevient au principe de la liberté de fixation des prix ;

Mais considérant qu'aux termes du décret du 1er mars 1954, dont le contenu a été précisé par l'instruction interarmées n° 3000-DEF-C30 du 1er septembre 1974, le remboursement des frais réellement exposés par les militaires de la marine, dans la limite d'un plafond, est subordonné à la fourniture de deux devis à leur administration et au choix du moins élevé des deux ; qu'il s'ensuit que la relation commerciale s'établit directement entre l'entreprise de déménagement et le militaire, l'intervention de l'administration se limitant au seul remboursement des frais, dans les deux limites précédemment exposées ; qu'en conséquence, la circonstance que le prix payé aux entreprises par les agents concernés leur est finalement remboursé par l'État n'est nullement de nature à supprimer toute concurrence par les prix, alors que le système de remboursement instauré par l'instruction interarmées précitée vise, au contraire, expressément à permettre à l'administration, qui supporte le prix de la prestation, de s'assurer que le bénéficiaire de celle-ci a fait jouer la concurrence par les prix entre un nombre minimum d'offreurs ; que les plafonds de remboursement prévus par les textes ne constituent pas une tarification mais une limite supérieure en deçà de laquelle l'exigence de production de plusieurs devis vise à faire jouer la concurrence par les prix ; qu'enfin, la concertation alléguée entre le ministère de la défense et les organisations professionnelles concernées ne porte pas sur l'établissement d'un barème mais sur une éventuelle réévaluation du montant maximum de la prise en charge par l'État ; que c'est, dès lors, à tort qu'il est soutenu que le système de remboursement instauré par l'instruction interarmées du 1er septembre 1974 équivaut à un système de fixation unilatérale des prix par l'autorité publique et supprime toute concurrence par les prix ; que le Conseil de la concurrence est donc compétent pour apprécier les pratiques contraires aux dispositions du titre II du livre IV du Code de commerce ;

Sur la procédure

Sur la recevabilité du second mémoire déposé par le conseil des parties le 14 juin 2002

Considérant que le conseil des entreprises Déméco Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard a déposé, le 14 juin 2002, un second mémoire assorti de nouvelles pièces, aux fins de solliciter du Conseil le dépôt d'une question préjudicielle auprès de la Cour de justice de la Communauté européenne sur la conformité de la réglementation française du remboursement des frais de déménagement des militaires au regard du droit européen de la concurrence et son incompatibilité avec les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Considérant que la présente affaire a été examinée par le Conseil selon la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 463-3 du Code de commerce, suivant lesquelles "le président du Conseil de la concurrence ou un vice-président délégué par lui peut, après la notification de griefs aux parties intéressées, décider que l'affaire sera jugée par le Conseil sans établissement préalable d'un rapport. Cette décision est notifiée aux parties" ; qu'aux termes de l'article L. 463-2, dont la portée est générale, les parties disposent d'un délai de deux mois à compter de la notification des griefs pour consulter le dossier et présenter leurs observations ; que la décision de recourir à la procédure simplifiée a été prise le 6 mars 2002 ; que le 15 mars 2002, il a été procédé à l'établissement d'une nouvelle liste de destinataires de la notification de griefs qui a fait courir un nouveau délai de deux mois expirant le 15 mai 2002 ; qu'ainsi, le premier mémoire des entreprises a été valablement déposé le 13 mai 2002 ; qu'en revanche, le second mémoire, déposé le 14 juin 2002, l'a été hors délai et doit être écarté des débats ;

Sur la représentation de l'État par le commissaire du Gouvernement

Considérant que le conseil des entreprises Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard a fait valoir en séance que l'intervention de l'État devant le Conseil de la concurrence est soumise au principe de la représentation obligatoire par ministère d'avocat ; que tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, la procédure serait viciée ;

Considérant que l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 pose en principe que "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit (...)" ;

Mais considérant, en premier lieu, et ainsi qu'il a été précisé par le Conseil constitutionnel dans un arrêt du 23 janvier 1987 relatif à l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, que le Conseil de la concurrence n'est pas une juridiction mais un organisme administratif de nature non juridictionnelle ; qu'il n'est donc pas soumis, à ce titre, aux dispositions de l'article 4, précité, de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en second lieu, les principes généraux régissant la représentation des parties n'interdisent pas de prévoir, en certaines matières, une dispense du ministère d'avocat ; qu'aux termes de l'article L. 463-7 du Code de commerce, "Les séances du Conseil de la concurrence ne sont pas publiques. Seules les parties et le commissaire du Gouvernement peuvent y assister (...) Le rapporteur général (...) et le commissaire du Gouvernement peuvent présenter des observations" ; qu'ainsi, le moyen pris de l'irrégularité de la participation à la séance du commissaire du Gouvernement doit être écarté ;

Sur l'application de la règle non bis in idem

Considérant que les sociétés de déménagement demandent au Conseil de déclarer que les faits pour lesquels des griefs leur ont été notifiés ont déjà été jugés, les entreprises AGS Armorique, Boulouard et Roussel ayant été condamnées par le Conseil, notamment par sa décision n° 99-D-50 du 13 juillet 1999, concernant le déménagement des militaires dans la région de Vannes ; qu'elles exposent que cette nouvelle notification se heurte à l'autorité de la chose jugée qui veut que nul ne soit jugé deux fois pour les mêmes faits ;

Mais considérant que si, en vertu du principe non bis in idem, inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 14 § 7), dans la Convention européenne des droits de l'homme (protocole n° 7, art. 4) et dans l'article 6 du Code de procédure pénale qui dispose que "l'action publique pour l'application de la peine s'éteint (...) par la chose jugée", une personne déjà condamnée pour un fait répréhensible ne peut être poursuivie à nouveau pour ce même fait, l'exception de chose jugée ne peut, aux termes d'une jurisprudence constante, être valablement soulevée qu'en présence d'une identité de cause, d'objet et de parties entre les deux poursuites ; que s'il est exact que certaines des entreprises mises en cause dans la présente affaire ont déjà été sanctionnées par le Conseil pour des pratiques de devis de couverture, les faits ayant donné lieu à ces sanctions, qui se sont déroulés soit en 1989 et 1990 (décision n° 92-D-37 du 2 juin 1992) soit en 1992 et 1993 (décision n° 99-D-50, précitée), ne sont pas les mêmes que ceux concernés par la présente procédure, qui ont été commis entre 1995 et 1997 ;

Sur les conditions de la notification de griefs à la SARL "Aux Aménageurs Bretons"

Considérant que Maître Géniteau, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Aux Aménageurs Bretons arrêté dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont cette société a fait l'objet, fait valoir que le grief retenu à l'encontre de son administrée ne lui a pas été régulièrement notifié puisque la dénomination de l'entreprise retenue par la notification de griefs était inexacte ;

Considérant que la notification de griefs porte que le grief doit être notifié à la société Aux Déménageurs Bretons et que c'est bien au gérant de la société Aux Déménageurs Bretons qu'elle a été adressée; que, toutefois, il résulte du dossier que la société Aux Aménageurs Bretons est affiliée au réseau de franchise "les Déménageurs Bretons"; que, dans le cadre de la procédure diligentée par les services de la DGCCRF, les enquêteurs se sont présentés dans les locaux de "l'agence des Déménageurs Bretons, SARL au capital de 400 000" situés 56, cours Chazelles à Lorient où ils ont été reçus par "M. Jean-Pierre Leteneur, gérant" qui a été entendu sur les pratiques incriminées; qu'en outre, les devis de couverture reprochés et sur lesquels le gérant s'est expliqué ont été réalisés sur du papier à en-tête des "Déménageurs Bretons"; que dans ces conditions, les erreurs matérielles qui ont pu être commises sur la dénomination de l'entreprise n'ont porté atteinte ni au principe du contradictoire ni à la régularité de la procédure;

Sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme

Considérant que les sociétés Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard critiquent l'absence de mise en cause des militaires dans la présente procédure ; qu'elles font valoir qu' "au mépris des principes fondamentaux de la Convention européenne des droits de l'Homme en son article 6, notamment, il est reproché aux entreprises de déménagement d'avoir produit des devis de complaisance alors que le demandeur du devis et principal bénéficiaire n'a jamais fait l'objet de poursuites, (...) réalisant ainsi l'infraction dont le déménageur n'est au mieux qu'un complice" ;

Mais considérant que, dans un arrêt du 24 janvier 1995 rejetant un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 avril 1993, la chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu qu'"...ainsi que l'arrêt l'a exactement énoncé, le Conseil n'était compétent que pour sanctionner les entreprises qui s'étaient rendues coupables d'agissements constitutifs d'ententes prohibées sanctionnées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 même si les personnels bénéficiaires des prestations et l'administration chargée d'en effectuer le remboursement avaient par leur compromission ou leur complaisance déterminé ou facilité la mise en œuvre et la persistance de telles pratiques, dès lors que, pour de tels comportements, ces personnes et autorités administratives échappaient au pouvoir que lui conférait le texte susvisé ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, qui ne laissaient pas aux instances compétentes la possibilité de se prononcer sur le comportement des personnels impliqués dans la mise en œuvre de ces pratiques, la cour d'appel n'a pas méconnu la portée de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales" ; qu'au surplus, les entreprises de déménagement n'indiquent pas en quoi l'absence de poursuites engagées à l'encontre de leurs clients aurait été de nature à empêcher ou compromettre l'exercice de leur propre défense ; que le moyen fondé sur une méconnaissance des règles du procès équitable doit, dans ces conditions, être rejeté ;

Sur la définition du marché pertinent et son contour géographique

Considérant que les entreprises concernées par la notification de griefs soutiennent que le marché pertinent est constitué par l'ensemble du territoire français dès lors que la réglementation du déménagement des militaires est applicable sur tout ce territoire et que, par ailleurs, les entreprises mises en cause ont une dimension nationale ; qu'elles contestent l'existence d'un marché pertinent spécifique aux déménagements des militaires sur la région de Bretagne et précisent que si cette hypothèse prévalait néanmoins, le marché devrait alors être circonscrit à la ville de Lorient, ce qui exclurait, de fait, la responsabilité des entreprises Roussel, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Le Floch, qui n'ont pas leur siège social dans cette ville ;

Considérant que le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande et où les unités offertes sont substituables pour les consommateurs qui peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs ;

Considérant que le Conseil de la concurrence, déjà saisi de pratiques similaires reprochées à certaines des entreprises auxquelles ont été notifiés les présents griefs, a, dans ses décisions n° 92-D-37, n° 93-D-27 et 99-D-50, retenu l'existence d'un marché pertinent du déménagement des marins en Bretagne ; que, se fondant sur l'existence de "marchés qui peuvent être individualisés en raison par exemple de l'existence de réglementations spécifiques (le marché du déménagement du mobilier de certains fonctionnaires, militaires et agents publics) ou de particularités locales (les trois quarts des bases navales métropolitaines sont situées en Bretagne)...", il a retenu que "le marché pertinent se définit, en effet, en prenant en compte les caractéristiques attachées au déménagement des militaires, la constatation que les entreprises qui interviennent pour effectuer ce type de déménagements sont des entreprises d'envergure régionale et le fait qu'elles sont organisées pour répondre à une demande s'exprimant principalement dans la zone considérée... qu'il suit de là que les pratiques en cause se sont développées avec une intensité et un territoire suffisamment large pour être susceptibles d'affecter le fonctionnement de l'ensemble du marché breton" ; que cette analyse a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 29 avril 1993, qui énonce, que "par une exacte appréciation de la loi, une juste appréciation des faits et une motivation appropriée, le Conseil a examiné les pratiques d'entente entre entreprises consistant en la fourniture de devis de couverture établis en vue de la fourniture de prestations de déménagement aux agents du ministère de la défense sur des marchés qu'il a délimités en fonction des contraintes géographiques du choix des prestataires, de la spécificité réglementaire du remboursement des frais de changement de résidence de ces personnels et de la spécialisation des entreprises offrant de tels services ; que pour définir ces marchés il a justement constaté que la demande des marins mutés à partir des bases de Bretagne rencontrait l'offre des entreprises localement établies dans cette région et spécialisées dans ce type de déménagements ; qu'en effet, pour cette catégorie de prestations, l'offre et la demande ne peuvent se rencontrer et constituer un marché au sens économique, que dans une aire géographiquement limitée par la proximité de l'entreprise avec laquelle le client entre directement en rapport pour l'évaluation du cubage du mobilier à transporter et l'établissement du devis préalable à l'exécution de la prestation" ; qu'il existe donc bien un marché régional du déménagement des militaires en Bretagne et que c'est dans le cadre de ce marché pertinent que doivent être appréciées les pratiques retenues par la notification de griefs ;

Sur la pratique des devis de couverture

Considérant qu'il résulte de l'examen des éléments recueillis dans les 127 dossiers examinés dans le cadre de l'enquête que l'écart entre les deux devis fournis à l'administration militaire n'est supérieur ou égal à 2 % que dans 9 cas sur les 127 examinés ; que 6 entreprises (Boulouard, Le Floch, Déméco Roussel, Acropole Déménagements, AGS Armorique et Aménageurs Bretons) sur les 19 ayant réalisé les devis, obtiennent à elles seules 90 % des contrats de déménagement ; que, dans 76,4 % des cas en moyenne, l'entreprise moins-disante a réalisé son devis antérieurement ou le même jour que l'entreprise dont le devis était le plus élevé et que, s'agissant des 6 entreprises les plus souvent moins-disantes, cette proportion va jusqu'à 90 % des cas ; que des exemplaires d'inventaire de mobilier revêtus du cachet de l'entreprise Le Floch et signés en blanc ont été retrouvés dans les locaux de l'entreprise Démex Joncqueur ainsi que des devis de l'entreprise AGS ; que, dans les locaux de cette dernière, ont été appréhendés des dossiers d'étude de clients auxquels étaient joints des devis concurrents ; qu'ont été saisis, dans ceux de l'entreprise Acropole Déménagements, des feuilles d'inventaire vierges à en-tête d'autres entreprises et des dossiers d'étude de clients mentionnant le nom d'autres sociétés de déménagement ; que de multiples erreurs similaires portant sur l'orthographe du nom ou sur le lieu de destination ou encore sur la date du déménagement ont été relevées dans la rédaction des devis des entreprises Le Floch, Roussel, Acropole Déménagements et Boulouard pour une même opération, ainsi que cela a été précédemment indiqué dans le I de la présente décision ; que la société Roussel a fourni au client Truffaut un devis établi sous le timbre "Les Déménageurs Bretons" sans que cette dernière société ait, à un moment quelconque, procédé à une visite sur place ;

Considérant qu'en ce qui concerne les entreprises AGS Armorique et Démex Joncqueur, dont les liens de sous-traitance ont déjà été signalés, l'examen des douze devis saisis par les enquêteurs dans six dossiers de déménagement révèle que l'attributaire, moins-disant dans tous les cas, a été la société AGS Armorique, avec un écart de prix encore plus faible que la moyenne relevée dans les 127 dossiers objets de l'enquête et qu'aucune des six opérations en cause n'a donné lieu à la visite d'un agent de la société Démex Joncqueur préalablement à l'établissement du devis.

Considérant que l'entreprise Boulouard soutient que les particularités relevées entre les devis et sur lesquelles s'appuie la notification de griefs s'expliquent autrement que par l'existence d'une concertation ; qu'ainsi, le client Fornari n'avait pas la clé de la cave lorsque l'agent de l'entreprise s'est présenté pour établir le devis, que ce document aurait été posté avec deux inventaires à la demande de l'intéressé lequel aurait ensuite, de sa propre initiative, changé lui-même les dates, indiqué sa nouvelle adresse et joint l'inventaire incomplet établi lors de la visite ; que l'orthographe inexacte du nom "Vallar" provient "manifestement" d'une erreur de frappe de la secrétaire habituée à taper "Boulouard avec un d" ; que la surcharge du devis Perrot a été faite par le client lui-même car sur le double conservé par l'entreprise elle n'apparaît pas ; que sur le devis concernant le déménagement de M. Bidault, c'est l'intéressé lui-même qui a barré les dates mentionnées ;

Mais considérant que les dénégations de la société Boulouard et les explications avancées par elle face aux constatations matérielles effectuées sur les devis litigieux ne sont appuyées d'aucun commencement de preuve ;

Considérant, en outre, qu'il résulte des déclarations des dirigeants des entreprises recueillies au cours de l'enquête que ceux-ci ont, dans leur ensemble, reconnu l'existence des pratiques incriminées; qu'ainsi, M. Le Floch, co-gérant de l'entreprise Déménagements Le Floch, a précisé : "Comme l'administration militaire demande deux devis, et à la demande expresse du client, sauf si ce dernier souhaite faire jouer la concurrence, deux options sont possibles :

- à l'initiative du client ce dernier demande le 2ème devis à une autre entreprise et communique les éléments à l'entreprise avec laquelle il souhaite traiter (environ 50 % des cas).

- à l'initiative de l'entreprise, sur demande du client, elle va demander à un deuxième déménageur un devis confrère (environ 50 % des cas)" ; que ces pratiques sont confirmées par le dirigeant de la société Déméco Roussel : "Nous précisons que la demande d'un devis confrère nous est faite par les militaires dans plus de 70 % des visites effectuées. Nous en refusons un grand nombre mais dans certains cas, nous sommes tenus d'accepter cette contrainte qui va toujours dans le sens de la satisfaction de nos clients" ; que selon M. Joannic, de l'entreprise Acropole Déménagement, "(...) les commerciaux interrogent d'autres entreprises en leur fournissant des indications de volume, de lieu, de chargement et de déchargement de livraison. Les entreprises adressent leur devis au client qui nous communique le montant du devis confrère et nous établissons ensuite, et généralement à un niveau inférieur, notre devis que nous adressons au client" ; que M. Pérès, gérant de la société Démex Joncqueur, qui déclare tout d'abord "Je n'ai jamais établi de devis concurrents dans mon entreprise ni fait établir de devis concurrents. En revanche, j'ai parfois orienté le choix de mes clients vers des confrères", poursuit en ces termes : "Lorsque je suis consulté par un client envoyé par un confrère, je lui fais un prix au-dessus du VA + V de B" (formule permettant à l'administration de déterminer le montant maximal de l'indemnisation en fonction de variables connues : volume, distance, situation familiale). "Lors de nos confrontations avec AGS pour les déménagements que vous avez relevés sur Lorient en 95 et 96 je pense que dans la majorité des cas nous avions été approchés par le client pour faire un prix supérieur à mon confrère" ; que M. Bettevy, qui exerce les fonctions de directeur d'agence à la société AGS Armorique, précise : "... en règle générale j'établis toujours les devis AGS le plus tard sauf quand le client m'indique qu'il a déjà contacté le ou les confrères" ; que M. Leteneur, gérant de l' agence des Déménageurs Bretons, a déclaré : "Je condamne un système hypocrite où tous les partenaires sont parfaitement au courant depuis de nombreuses années ..." ; que M. Boulouard, gérant de la société Boulouard, a reconnu que : "... dans 99 % des cas, le militaire nous demande de nous occuper du deuxième devis. En fait, nous sommes souvent contactés par téléphone pour des demandes de devis dont on se doute bien qu'ils sont militaires et dont ils nous indiquent le prix. On répond sur notre base de prix normal en sachant bien que le devis sera montré au concurrent par le militaire" ;

Considérant, enfin, que, dans une lettre adressée aux professionnels concernés, le 24 juillet 1998, le "Comité des déménageurs de Bretagne en colère" écrit : "Le déménagement des militaires est dangereux !!! Beaucoup d'entre nous déménagent des militaires. Pour cela ils sont obligés, sous peine de ne plus travailler avec eux, de donner aux militaires les deux devis concurrentiels qui leur permet de se faire rembourser" ; que la chambre syndicale des entreprises de déménagements et garde-meuble de France reconnaît l'existence de ces pratiques puisque sa circulaire n° 98-15 du 28 juillet 1998 mentionne que "cette situation a engendré un profond malaise, bien compréhensible, chez les professionnels de cette région, lesquels ont décidé de constituer un "Comité des Déménageurs de Bretagne en Colère" afin de faire abolir la réglementation en vigueur qui impose la production par le militaire, de deux devis concurrentiels" ; que dans une lettre signée "Les déménageurs en colère", adressée au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et au ministre de la Défense, il est écrit : "Le déménagement des militaires occasionne des désordres au regard des règles relatives à la libre concurrence. Le cadre juridiquement admis depuis trente ans, qui organise cette activité est à l'origine de situations ambiguës et répréhensibles (...). Peu enclins à se livrer à une étude de concurrence contraignante et inefficace, les militaires exigent depuis longtemps de l'entreprise à laquelle ils promettent de confier leurs effets, la fourniture des devis concurrentiels. Cela est contraire aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence. Les déménageurs s'y sont pourtant résolus, de peur de ne plus avoir accès aux marchés des déménagements militaires (...) faut-il mourir en refusant de travailler comme on le fait depuis trente ans avec nos clients, ou alors en étant condamné pour ces méthodes de travail devenues répréhensibles" ; que ces revendications, qui se réfèrent à une situation ancienne, démontrent que les entreprises avaient parfaitement connaissance du caractère prohibé des pratiques.

Sur les justifications des pratiques invoquées par les entreprises

Considérant que les sociétés Roussel, Le Floch, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard ne sauraient, contrairement à ce qu'elles soutiennent en premier lieu, prétendre s'exonérer de la responsabilité encourue par elles dans les pratiques en cause en se prévalant de l'inefficacité, voire du caractère pervers d'un dispositif réglementaire dont elles ont, en réalité, contribué à ruiner la portée par la concertation qu'elles ont mise en œuvre en marge de l'administration ;

Considérant que ces sociétés soutiennent, en deuxième lieu, que la pratique qui leur est reprochée est imposée par le décret fixant le barème des frais de mutation des personnels de l'État et concluent, en conséquence, à l'application de l'article L. 420-4 I-1° du Code de commerce aux termes duquel "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application" ;

Mais considérant que les pratiques de concertation incriminées ne résultent nullement de l'application des dispositions régissant le remboursement des frais de déménagement des militaires, lesquelles visent, au contraire, à faire échec à de telles pratiques en valorisant la concurrence, afin de faire baisser les prix à l'avantage du consommateur.

Considérant que les entreprises revendiquent, enfin, le bénéfice de l'exonération accordée par l'article L. 420-4 I-2. du Code de commerce aux auteurs des pratiques lorsqu'ils peuvent justifier, aux conditions prévues par le texte, que ces pratiques ont pour effet d'assurer un progrès économique.

Mais considérant qu'il appartient aux auteurs des pratiques anticoncurrentielles de démontrer, non seulement, que ces actions comportent des avantages économiques, mais encore que ceux-ci sont suffisants pour compenser les incidences des pratiques sur la concurrence (Cour d'appel de Paris, 17 juin 1992, Compagnie générale de vidéo-communication) ; que par ailleurs, le progrès invoqué doit, ainsi que l'a rappelé le Conseil dans un avis 99-A-17 du 17 novembre 1999 "constituer un progrès pour la collectivité dans son ensemble et non simplement permettre une amélioration conjoncturelle de la situation des entreprises concernées" et qu'il doit, notamment, "être établi que le progrès économique allégué est la conséquence directe des pratiques en cause et qu'il n'aurait pu être obtenu par d'autres voies" ; qu'il n'est, en l'espèce, nullement justifié que les concertations relevées auraient eu pour effet d'assurer un progrès économique en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en serait résulté ; que le progrès économique invoqué par les entreprises repose sur leurs seules allégations, au surplus contredites par certains éléments du dossier, notamment par le dossier de déménagement de M. Truffaut dans lequel le devis, établi par une entreprise tiers à l'entente entre deux autres déménageurs, a fait apparaître un écart à la baisse de l'ordre de 30 % ;

Sur les sanctions

En ce qui concerne l'application des articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code de commerce au bénéfice de la SARL Aux Aménageurs Bretons

Considérant que M. Géniteau, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Aux aménageurs Bretons, fait valoir que les dispositions des articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code de commerce s'opposent au prononcé de toute condamnation à l'encontre de cette société, dans la mesure où la condamnation à intervenir trouverait son origine dans des fautes antérieures au prononcé du redressement judiciaire et où cette créance n'aurait pas fait l'objet d'une déclaration au représentant des créanciers ;

Mais considérant qu'il résulte d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 4 mars 1997, société Desbarbieux, que "les condamnations prononcées par le Conseil de la concurrence après le jugement d'ouverture sont des sanctions pécuniaires qui n'existent que depuis sa décision, de sorte que ces créances n'ont pas leur origine dans le jugement d'ouverture et ne sont pas soumises aux dispositions des articles 47 et 50" ; qu'en conséquence, les dispositions invoquées ne peuvent faire échec ni à l'examen des pratiques ni à leur sanction par le Conseil de la concurrence ;

En ce qui concerne le chiffre d'affaires à prendre en compte

Considérant que les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; que, par suite et en vertu du principe de non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, "le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490,17 euros" ;

Considérant que, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, l'article L. 464-5 du Code de commerce dispose que "le Conseil lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2. Toutefois, la sanction pécuniaire prononcée ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées" ; que cependant, en vertu des dispositions de l'article 22, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicables à l'époque de la commission des faits, la sanction pécuniaire prononcée dans le cadre de la procédure simplifiée ne peut excéder 500 000 F (76 244,51 euros) pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;

Considérant que les entreprises incriminées font valoir que le montant réalisé avec la clientèle des militaires de Bretagne est tout à fait marginal dans leur chiffre d'affaires ou, à tout le moins, n'en représente pas la totalité ; qu'elles ajoutent que leur chiffre d'affaires prend en compte d'autres activités, notamment, celle de garde meubles, lesquelles devraient être déduites du chiffre d'affaires global à prendre en considération pour le calcul de la sanction ;

Mais considérant, en premier lieu, que les affirmations des entreprises sur la part mineure que représenterait le déménagement des militaires dans leurs chiffres d'affaires, sont démenties par les déclarations de leurs responsables ; qu'en effet, selon le gérant de l'entreprise Le Floch, "les déménagements militaires restent importants, les entreprises économiquement parlant ne peuvent pas s'en passer (environ 60 % du chiffre d'affaires hors taxe, toutes années confondues)" ; que selon M. Guyader, de l'entreprise Roussel SA, le pourcentage de cette activité par rapport au chiffre d'affaires global de l'agence était, pour l'année 1994, de 24 %, pour 1995, de 23 %, pour 1996, de 17 % et pour 1997, de 28 % ; qu'enfin, selon M. Boulouard, le déménagement militaire représente 50 % environ du chiffre d'affaires sur l'ensemble des agences ; qu'il ne peut donc être valablement soutenu, au vu des déclarations précitées, que l'activité des déménagements militaires n'occupe qu'une part résiduelle dans l'activité des entreprises poursuivies ; qu'en second lieu, aux termes mêmes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en vigueur au moment des faits, la seule référence pertinente est le chiffre d'affaires total de l'entreprise et non pas le seul chiffre d'affaires réalisé dans tel ou tel secteur d'activité en rapport avec les pratiques reprochées ; qu'en conséquence, le chiffre d'affaires global des entreprises incriminées doit être retenu ;

En ce qui concerne la fixation des sanctions

Considérant que, pour apprécier la gravité des faits, il convient de considérer que l'utilisation de devis de couverture constitue une pratique grave qui a pour objet et peut avoir pour effet de faire échec au processus de mise en concurrence des entreprises pour la réalisation des prestations en cause ; que de telles pratiques ont déjà été sanctionnées à maintes reprises dans le secteur du déménagement des militaires ou des fonctionnaires et, notamment, dans une décision 92-D-37 du 2 juin 1992 assortie d'une mesure de publication dans un quotidien local et qui concerne également le marché du déménagement des marins de la marine nationale en Bretagne ; que, dès lors, les entreprises ne pouvaient ignorer le caractère prohibé et la gravité des pratiques mises en œuvre.

Considérant que les entreprises Le Floch, AGS Armorique et Aux aménageurs Bretons ont fait l'objet de sanctions pécuniaires dans le cadre de cette précédente poursuite et que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, rendu sur le recours formé contre la décision n° 92-D-37, précitée, l'a émendée sur le seul montant des sanctions ;

Considérant que, s'agissant du dommage à l'économie, il convient de relever que les pratiques retenues ont pu avoir pour effet et ont eu pour effet dans un cas (dossier Truffaut) de provoquer une hausse artificielle des prix, établis par référence aux plafonds de remboursement ;

a) En ce qui concerne la société Aux Aménageurs Bretons

Considérant que la société Aux aménageurs Bretons a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement en date du 5 janvier 2001 et a fait l'objet d'un plan de cession ; qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction ;

b) En ce qui concerne la société Déménagements Le Floch

Considérant que la société Le Floch a effectué 5 déménagements (Le Sauce, Tamarelle, Lebrun, Azario, Dreau) pour lesquels une pratique de devis de couverture a été mise en œuvre à son profit ; qu'elle a fourni un devis de couverture dans trois dossiers de déménagement (Perrot, Rebrioux, Wojcik) ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 2 384 062 euros au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible et a réalisé un bénéfice comptable de 57 509 euros ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 75 000 euros ;

c) En ce qui concerne la société Transports Déménagements Roussel

Considérant que la société Déméco Roussel a effectué 3 déménagements (Vallar, Rebrioux, Truffaut) pour lesquels une pratique du devis de couverture a été mise en œuvre à son profit ; qu'elle a fourni un devis de couverture dans 5 dossiers de déménagement (Tamarelle, Lebrun, Azario, Dreau et Bidault) ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 2 434 644 euros au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible et que son résultat d'exploitation pour la même période fait apparaître un bénéfice comptable de 41 409 euros ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 65 000 euros ;

d) En ce qui concerne la société Acropole Déménagements

Considérant que la société Acropole Déménagements a effectué un déménagement (Wojcik) pour lequel une pratique de devis de couverture a été mise en œuvre à son profit ; qu'elle a fourni un devis de couverture dans un dossier de déménagement (Le Sauce) ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 1 364 102 euros au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible ; que son résultat d'exploitation pour la même période s'est traduit par une perte comptable de 13 502 euros ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

e) En ce qui concerne la société Démex Joncqueur

Considérant que la société Démex Joncqueur a établi six devis de couverture au profit de la société AGS Armorique (Prigent, Caraes, Pendezec, Navarro, Phelippeau, Sabouret) ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 899 927 euros au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible ; que son résultat d'exploitation pour la même période a fait apparaître un bénéfice comptable de 832 euros ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 18 000 euros ;

f) En ce qui concerne la société AGS Armorique

Considérant que la société AGS Armorique a obtenu de la société Démex Joncqueur six devis de couverture et effectué les déménagements correspondants ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 1 624 039 euros au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible ; que son résultat d'exploitation pour la même période s'est traduit par une perte de 3 444 euros ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 35 000 euros ;

g) En ce qui concerne la société Boulouard Déménagements

Considérant que la société Boulouard Déménagements a effectué 2 déménagements (Perrot, Bidault) pour lesquels une pratique de devis de couverture a été mise en œuvre à son profit, qu'elle a fourni un devis de couverture dans 2 dossiers de déménagement (Vallar, Fornari) ;

Considérant que cette société a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe de 3 342 273 euros, au cours de l'année 2001, dernier exercice disponible ; que son résultat pour la même période a fait apparaître un bénéfice d'exploitation de 451 407 euros ; que selon les indications fournies par son avocat, elle a été mise en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Lorient, le 4 mai 2001 et qu'un plan de redressement organisant la continuation de l'entreprise a été arrêté par une décision de la même juridiction en date du 19 mars 2002 ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 euros ;

En ce qui concerne les autres sanctions

Considérant que pour renforcer l'efficacité des mesures prises par le Conseil, il convient de porter à la connaissance des personnels militaires prenant part à des opérations de déménagement le caractère illicite des pratiques relatées ci-dessus et les sanctions prononcées à l'encontre des entreprises qui s'y prêtent ; que les entreprises visées à l'article 2 ci-après devront, en conséquence, assurer la publication de la présente décision à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leurs sont infligées, dans le magazine Armée d'aujourd'hui, mensuel édité par le ministère de la défense, acceptant la publicité et destiné spécifiquement à l'information des personnels militaires ;

Décide

Article 1er : Il est établi que les entreprises Le Floch, Transports Déménagements Roussel, Acropole Déménagements, Démex Joncqueur, AGS Armorique, Boulouard Déménagements et Aux aménageurs Bretons ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 75 000 euros à la société Le Floch ;

- 65 000 euros à la société Transports Déménagements Roussel ;

- 10 000 euros à la société Acropole Déménagements ;

- 18 000 euros à la société Démex Joncqueur

- 35 000 euros à la société AGS Armorique

- 30 000 euros à la société Boulouard Déménagements.

Article 3 : Il est enjoint aux sociétés Le Floch, Déméco-Roussel, Acropole-Déménagements, Démex Joncqueur, AGS Armorique et Boulouard Déménagements de publier, à leurs frais et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, la présente décision dans la revue Armées d'aujourd'hui, dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à l'égard de la société Aux aménageurs Bretons.