CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 9 août 2002, n° ECOC0200335R
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
L'Amy (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Perié
Avoué :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocat :
Me Baverez.
Vu l'assignation en référé du 31 juillet 2002 de la société L'Amy SA qui sollicite, sur le fondement de l'article L. 464-8 du Code de commerce, qu'il soit sursis à l'exécution provisoire, en tout ou partie, de la décision n° 02-D-36 du Conseil de la concurrence du 10 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d'optique sur le marché de l'agglomération lyonnaise, qui lui a infligé une amende de 800 000 euros et demande la condamnation du ministre de l'Economie à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Vu les conclusions du Ministère public du 6 août 2002 tendant au sursis à l'exécution provisoire ;
Entendu le représentant du ministre de l'Economie dans ses observations orales ;
Sur quoi :
Attendu que la société L'Amy fait essentiellement valoir que compte tenu de son équilibre financier précaire le paiement de l'amende mettra son existence en péril et que, dans ces conditions, l'exécution provisoire est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;
Attendu qu'il ressort des pièces comptables produites dont la sincérité n'est pas contestée et, notamment, des pièces jointes au rapport sur les informations prévues par la loi du 1er mars 1984 présenté à la dernière réunion du comité d'entreprise, qu'au 31 décembre 2001 l'actif réalisable et disponible est de 16 200 196 euros pour un passif exigible, hors montant de l'amende, de 17 698 041 euros et que la trésorerie nette est négative de 3 187 000 euros ;
Que le commissaire aux comptes, le cabinet ECA, a, par lettre du 16 juillet 2002, informé le président du conseil d'administration de la société requérante qu'il serait contraint en cas de paiement de l'amende de déclencher une procédure d'alerte :
Que la réalité de la précarité de la situation financière de la SA L'Amy dont l'équilibre n'a été assuré que par des abandons de créances de sa société mère, Kappa 26, elle-même en situation difficile, est corroborée par la décision du Crédit Lyonnais, notifiée le 9 avril 2002, de mettre fin à ses concours ;
Qu'il n'est donc pas exclu que le paiement de l'amende infligée par le Conseil de la concurrence pourrait avoir pour conséquence d'entraîner le dépôt de bilan de la requérante comme celle-ci le soutient;
Que cette situation a d'ailleurs amené le préfet du Jura, avisé que l'administration avait mis l'amende en recouvrement, à saisir, par lettre du 29 juillet 2002, le ministre de l'Economie, pour appeler son attention sur les risques pesant sur l'emploi des 400 salariés de l'entreprise et les répercussions que pourrait avoir dans le bassin d'emploi la disparition de cette société;
Que, dans ces conditions, le sursis à une exécution provisoire, qui pourrait avoir des conséquences manifestement excessives, graves et irréversibles pour l'entreprise et en dehors d'elle, s'impose;
Qu'il convient de faire droit à la demande, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens avancés par la requérante ;
Attendu que l'équité ne commande pas d'allouer à la société L'Amy une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC,
Par ces motifs : Sursoyons à l'exécution provisoire de la décision du Conseil de la concurrence n° 02-D-36 du 10 juin 2002 en ce qui concerne le paiement de l'amende de 800 000 euros infligée à la société L'Amy SA ; Rejetons la demande de la société L'Amy SA au titre de l'article 700 du NCPC ; Disons que les dépens du présent référé suivront le sort de ceux de l'instance principale.