CA Paris, 1re ch. H, 12 septembre 2002, n° ECOC0200333R
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Sogec Gestion (Sté)
Défendeur :
Scan Coupon (Sté), Ministre de l'Economie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Penichon
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, Me Baufume
Avocats :
Mes Nemo, Villey.
Saisi par la société Scan Coupon de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre, selon elle, par les sociétés Sogec Gestion et Sogec Marketing sur le marché du traitement des bons de réduction, le Conseil de la concurrence (le conseil) a, le 10 juin 2002, décidé :
Art. 1er. - La société financière Sogec Marketing est mise hors de cause.
Art. 2. - Il est établi que la Sogec Gestion a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Art. 3. - Il est enjoint à la société Sogec Gestion de suspendre sans délai la clause d'exclusivité contenue dans les contrats d'adhésion à la banque de coupons Sogec Gestion en cours, de cesser pendant cinq ans de proposer à ses clients des contrats contenant une clause d'exclusivité, de cesser de pratiquer la rétention des codes en cas de mention d'une autre banque de coupons et de ne plus exiger la suppression du double codage.
Art. 4. - Il est infligé à la société Sogec Gestion une sanction pécuniaire de 76 244 euros.
Art. 5. - Dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la société Sogec Gestion procédera à ses frais à la publication de l'intégralité de la présente décision dans le magazine LSA. Cette publication sera précédée de la mention :"Décision du Conseil de la concurrence en date du ... relative à des pratiques relevées dans le secteur du traitement des coupons de réduction".
Ayant formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre cette décision, la société Sogec Gestion a demandé, conformément aux dispositions de l'article L. 464-8 du Code de commerce, par deux assignations des 10 et 15 juillet 2002 qui seront jointes, de surseoir, à titre principal, à l'exécution de cette décision et, subsidiairement, à celle des injonctions contenues dans l'article 3 de cette dernière ainsi que d'autoriser la société Sogec Gestion à faire publier dans le magazine LSA le dispositif de l'ordonnance à intervenir"en ce qu'elle ordonnera intégralement ou partiellement la suspension de l'exécution provisoire attachée à la décision du Conseil de la concurrence du 10 juin 2002".
A l'appui de sa demande, le demandeur au sursis soutient :
- d'une part, qu'un doute sérieux existe sur la légalité de la décision du conseil en raison d'irrégularités dans la composition de cette autorité, deux de ses membres ayant siégé lors de l'une des procédures de mesure conservatoire précédemment introduites et de la présence du rapporteur au délibéré
- d'autre part, que la suppression des clauses d'exclusivité, sans lui accorder aucun délai lui permettant de renégocier les contrats en cours, lui occasionne un préjudice financier du fait du déséquilibre des conditions économiques qu'elle engendre
- enfin, que l'injonction"de cesser de pratiquer la rétention des codes en cas de mention d'une autre banque de coupons et de ne plus exiger la suppression du double codage"reviendrait à faire bénéficier ses concurrents de sa notoriété"et à véhiculer leurs noms", lui faisant perdre ainsi des parts de marché, et aurait pour conséquence de lui imposer de gérer gratuitement une partie importante des coupons de ces derniers.
La société Scan Coupon fait valoir que la société Sogec Gestion n'établit pas que les conséquences entraînées par l'exécution de la décision seraient manifestement excessives et sollicite, outre la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le rejet de la demande de sursis à exécution.
Le ministre de l'économie et le ministère public concluent oralement au rejet de la demande de sursis à exécution.
Sur ce :
Attendu qu'en application de l'article L. 464-8 du Code de commerce, doivent seulement être prises en considération, pour l'appréciation du bien-fondé de la requête, les conséquences excessives qu'entraînerait l'exécution de la décision du Conseil sur la situation de l'entreprise sanctionnée ou un fait nouveau d'une exceptionnelle gravité, à l'exclusion des moyens tirés du fond ou de la nullité de la décision;
Attendu d'abord, que le moyens présentés par la société Sogec Gestion relatifs à la composition du conseil et à la présence du rapporteur au délibéré de la formation apparaissent inopérants en ce que, relevant du recours au fond, ils ne peuvent être examinés par le cour dans le cadre du sursis à exécution;
Attendu ensuite, qu'au titre des conséquences manifestement excessives qu'emporterait l'exécution de l'article 3 de la décision du conseil, la société Sogec Gestion se borne à faire valoir, en premier lieu, que l'exécution sans délai de l'injonction de supprimer les clauses d'exclusivité lui occasionne un manque à gagner résultant de l'impossibilité de renégocier à la baisse les conditions économiques des contrats en cours; que, toutefois, aucun élément concret de nature à justifier ses allégations quant au caractère excessif de la mesure prise n'est apporté par le demandeur au sursis, alors au surplus que des tarifs prennent en considération, ainsi que l'a relevé Scan Coupon, le volume de coupons traités;
Que les inconvénients liés à l'existence du double codage dénoncés, en second lieu, par Sogec Gestion, apparaissent sans objet, dès lors qu'il n'est pas contesté que ce procédé, qui ne représente plus que 0,2 % du flux des coupons, tend à disparaître, et que les pratiques du demandeur au sursis relatives au double codage (exigence de suppression du double codage et rétention de Codes) ne sont interdites par le conseil qu'en tant qu'elles seraient mises en œuvre pour sanctionner le refus par un cocontractant d'appliquer une clause d'exclusivité désormais prohibée par la décision déféré; qu'enfin, la démonstration selon laquelle le tri des coupons"mono-codés"engendrerait des coûts disproportionnés pour l'entreprise n'est étayée par aucune donnée sérieuse et ne présente, en outre aucun lien avec la présente injonction, qui n'a trait qu'au procédé du double codage;
Qu'ainsi la société Sogec Gestion n'établit pas les conséquences manifestement excessives qu'engendrerait la décision entreprise;
Attendu, en l'espèce, que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que la demande formée par la société Scan Coupon à ce titre sera rejetée;
Par ces motifs : Statuant par ordonnance contradictoire; Ordonnons la jonction des assignations des 10 et 15 juillet 2002; Rejetons la demande de sursis à exécution; Disons n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Disons que les dépens suivront le sort de l'instance au fond.