CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 22 octobre 2002, n° ECOC0200384R
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Thomson Multimédia Sales Europe (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie et des Finances, Concurrence (SA), Semavem (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Penichon
Avoué :
SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet
Avocats :
Mes Le Foyer de Costil, Vertut.
Saisi par le ministre de l'Economie de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des appareils électroménagers et d'électronique grand public, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 02-D-42 du 28 juin 2002, infligé à la société Thomson Multimédia Sales Europe (TMSE), venant aux droits de la société Thomson Multimédia Marketing France, une sanction pécuniaire de 5 920 000 euros.
Ayant formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre cette décision, la société TMSE nous demande, en application des dispositions de l'article L. 464-8 du Code de commerce, de surseoir à l'exécution de la sanction pécuniaire ci-dessus rappelée jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les mérites du recours.
A l'appui de sa demande, elle fait valoir :
- que sa situation s'est fortement dégradée, ses résultats étant déficitaires en 2001 et 2002 ;
- que le paiement immédiat du montant de la sanction créerait pour elle un désavantage dans la concurrence et entraînerait des conséquences manifestement excessives sur son devenir en ce qu'elle devrait mettre en œuvre, à une époque de l'année où elle réalise 50 % de son chiffre d'affaires annuel, une politique de restriction et notamment :
- réduire de plus de la moitié ses investissements publicitaires fixés pour le second semestre 2002 à 5,5 millions d'euros ;
- abandonner le lancement d'un nouveau produit, ce qui nuirait à la valorisation de la marque Thomson ;
- envisager un plan de restructuration concernant 20 personnes travaillant aux services centraux, ce qui diminuerait sa capacité à réagir aux besoins du marché ;
- réduire ses dépenses de formation.
M. Jean Chapelle, représentant les sociétés Semavem et Concurrence, assigné par la requérante, s'oppose au sursis à exécution.
Le ministre de l'Economie conclut oralement au rejet de la demande de sursis à l'exécution. Le Ministère public régulièrement avisé n'est pas présent aux débats.
Sur ce :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce le recours contre une décision du Conseil de la concurrence n'est pas suspensif, mais que, toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Mais attendu que la requérante ne démontre pas en quoi le paiement de la sanction pécuniaire, dont il est rappelé qu'elle représente 1,5 % du chiffre d'affaires pour l'année 2000, lequel s'est élevé à 395 087 917 euros, est de nature à créer une situation irréversible pour son avenir;
Qu'il ressort, au contraire, des données produites par la société que son chiffre d'affaires a connu une progression importante, de 4,9 % en 2000, 31,6 % en 2001 et 33 % fin mai 2002, due non seulement à l'accroissement du périmètre de la société résultant de sa restructuration mais également au développement des ventes sur certains marchés;
Que, si les résultats de la société sont déficitaires en 2001 et 2002, du fait notamment du transfert des pertes des filiales sur TMSE intervenu dans le cadre de la restructuration effectuée au cours de l'exercice 2000, les commissaires aux comptes, qui ont attesté de l'exactitude de ces informations, ne font aucunement état d'un déséquilibre financier de nature à mettre en péril la survie de la société ou même simplement préoccupant;
Que le " désavantage concurrentiel " qui résulterait, selon la requérante, du paiement de cette sanction en fin d'année, époque où l'activité est la plus intense, n'apparaît guère crédible, les dépenses afférentes aux projets de la société pour le dernier semestre 2002, qu'il s'agisse du lancement de nouveaux produits ou des frais de publicité, ayant nécessairement fait l'objet d'un engagement préalable ;
Qu'enfin l'impossibilité où se trouverait la société de financer le paiement de la sanction autrement que par une stratégie économique et sociale préjudiciable au développement de l'entreprise, du fait des difficultés liées à la conjoncture, n'est pas suffisamment étayée, aucun élément n'étant apporté sur l'impact du ralentissement économique sur les différentes activités du groupe non plus que sur la trésorerie de l'entreprise, les provisions pour frais et litiges et le recours au financement bancaire ou par le groupe ;
Qu'il s'ensuit que la requérante n'établit pas les conséquences manifestement excessives qui justifieraient l'octroi de la mesure sollicitée ;
Par ces motifs : Rejetons la demande de sursis à exécution de la décision n° 02-D-42 du 28 juin 2002 du Conseil de la concurrence présentée par la société Thomson Multimédia Sales Europe ; Condamnons la requérante aux dépens.