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Décisions

CCE, 19 avril 1977, n° 77-327

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

ABG / Entreprises pétrolières opérant aux Pays-Bas

CCE n° 77-327

19 avril 1977

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 86, Vu le règlement n° 17 du conseil du 6 février 1962 (1), et notamment son article 3, Vu la demande présentée à la Commission, le 4 janvier 1974, par les sociétés Aardolie Belangen Gemeenschap BV et Avia Nederland CV ayant pour objet l'engagement d'une procédure visant à constater des infractions aux articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne, commises par plusieurs sociétés, parmi lesquelles Esso Nederland BV, Shell Nederland Raffinaderij BV, Shell Nederland Verkoopmaatschappij BV, Shell Nederland BV, British Petroleum Raffinaderij Nederland NV, Benzine en Petroleum Handelmaatschappij BV, British Petroleum Maatschappij Nederland BV, Mobiloil BV, Chevron Petroleum Maatschappij (Nederland) BV, Texaco Olie Maatschappij NV, Gulfoil (Nederland) BV, Après avoir entendu ces sociétés, conformément à l'article 19 du règlement n° 17 et aux dispositions du règlement n° 99/63/CEE (2), Vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 10 décembre 1976,

Considérant les faits suivants :

I

A. La crise

La crise a eu son origine dans la limitation de production intervenue en novembre 1973 dans un grand nombre de pays producteurs. Cette limitation a provoqué une grande confusion sur le marché international du pétrole.

L'équilibre entre l'offre et la demande de produits pétroliers a été à ce moment rompu.

La crise d'approvisionnement en produits pétroliers s'est fait particulièrement sentir aux Pays-Bas à cause de l'embargo dirigé contre Rotterdam, dès décembre 1973, avec une diminution des importations de brut atteignant presque 50 % des importations d'octobre.

Néanmoins, dès janvier 1974, l'approvisionnement de Rotterdam s'améliorait grâce aux arrangements pris par les grandes compagnies pour distraire au profit de leurs raffineries de Rotterdam certaines quantités transitant notamment par la Grande-Bretagne,

La crise des approvisionnements aux Pays-Bas a été assez rapidement surmontée mais la crainte de manquer de produits pétroliers a crée néanmoins une réelle psychose de pénurie.

Le terme de crise utilisé par la suite doit donc être interprété en fonction de ces faits.

B. Les entreprises concernées

Au moment de la crise, les 7 entreprises produisant directement de l'essence super et normale aux Pays-Bas étaient :

1. Esso Nederland BV, filiale a 99 % de l'Exxon corporation (part consolidée), ci-dessous dénommée Esso,

2. Shell Nederland Raffinaderij BV, filiale à 100 % de Shell Nederland BV.

(La commercialisation de l'essence-moteur était effectuée par Shell Nederlands Verkoopsmaatschappij BV, filiale elle aussi à 100 % de Shell Nederland BV.) ci-dessous, l'ensemble de ces entreprises sera dénommé Shell,

3. British Petroleum Raffinaderij NV, filiale à 100 % de British Petroleum Maatschappij Nederland BV.

(La commercialisation de l'essence-moteur était effectuée par Benzine en Petroleum Handelmaatschappij BV, filiale à 100 % de British Petroleum Maatschappij Nederland BV.) ci-dessous, l'ensemble de ces entreprises sera dénommé BP,

4. Mobil Oil BV, filiale, 100 % de la Mobiloil Corporation, ci-dessous dénommée Mobil,

5. Chevron Petroleum Maatschappij Nederland BV, filiale à 100 % de la Standard Oil Company of California, ci-dessous dénommée Chevron,

6. Texaco Olie Maatschappij NV, filiale à 100 % du groupe Texaco, ci-dessous dénommée Texaco (Chevron et Texaco contrôlent en commun la raffinerie de Rotterdam de l'ex-Caltex avec des parts respectives de 68,40 et 31,60 %),

7. Gulf Oil Raffinaderij BV, filiale à 100 % de la Gulf Oil (Nederland BV), société de distribution dépendant à 100 % du groupe Gulf. Ci-dessous, l'ensemble de ces entreprises sera dénommé Gulf.

Deux entreprises faisaient produire à façon de l'essence-moteur dans les raffineries néerlandaises en quantités appréciables, à savoir :

- Petrofina et sa filiale Fina Nederland BV,

- la Compagnie française des Pétroles et sa filiale Total Nederland NV.

Pendant la crise, la raffinerie de Flessingue de la Compagnie Française des Pétroles était en période de démarrage.

C. Les relations entre les compagnies pétrolières qui raffinent ou font raffiner aux Pays-Bas et l'Olie Contact Commissie et le Rijksbureau

a) l'Olie Contact Commissie (OCC)

Les compagnies pétrolières forment dans le cadre de l'Olie Contact Commissie un groupe de discussion en vue des contacts avec le gouvernement.

L'OCC entretenait des contacts avec le Rijksbureau Voor Aardolie Produkten (RBAP) pour les questions d'approvisionnement.

Toutes les entreprises qui raffinent ou font raffiner aux Pays-Bas sont représentées dans l'OCC, à savoir : Shell, Esso, BP, Chevron, Texaco, Mobil, Gulf.

En font partie également Petrofina et sa filiale aux Pays-Bas (Fina Nederland BV) qui possède à 50 % avec le groupe BP la raffinerie SIBP d'Anvers et s'approvisionne par contrat de processing auprès de Shell Nederland Raffinaderij BV.

En font partie également, depuis le 10 décembre 1970, la Compagnie Française des Pétroles et sa filiale aux Pays-Bas (Total Nederland NV) qui a entamé la construction de la raffinerie de Flessingue.

Le Ministère des Affaires Economiques reçoit de la part des membres de l'OCC des informations qui présentent un intérêt pour la fixation des prix maximaux par le ministère.

Les membres de l'OCC ont en outre, pendant la crise pétrolière, détermine le 20 décembre 1973, en accord avec les organisations de commerçants, les marges minimales pour les livraisons d'essence super et normale aux commerçants par l'intermédiaire du RBAP. D'après cet accord, il était prévu que, pour les commerçants en gros, la marge du pompiste serait repartie entre le commerçant en gros et le détaillant, ce qui conduisait, soit à réduire la marge du pompiste, soit à ne laisser au commerçant en gros aucune marge pour couvrir ses frais de distribution. Par la suite, une des deux organisations de commerce en gros a pris ses distances à l'égard de cet accord.

L'OCC donne aussi son avis au Ministère des Affaires Economiques pour la répartition des stations-service le long des routes nationales (Rijkswegen).

b) Le Rijksbureau Voor Aardolie Produkten

Dans le cadre de la distributie wet de 1939, le Rijksbureau Voor Aardolie Produkten (RBAP) a été créé par décision ministérielle n° 573/814/VD/MP/EVV du 13 novembre 1973.

Le RBAP avait pour tâche de préparer et d'exécuter la distribution du pétrole et des produits pétroliers. En outre ce bureau est intervenu comme intermédiaire dans les cas ou des négociants indépendants et des acheteurs ont rencontre des difficultés d'approvisionnement.

Le RBAP était formé de fonctionnaires parmi lesquels figuraient des personnes détachées des compagnies pétrolières en raison de leur qualité d'expert et qui étaient entrées à titre temporaire dans les services publics (contractuels).

La définition du rôle effectivement joué par le RBAP a fait l'objet de diverses discussions entre les compagnies pétrolières et la Commission au cours des auditions qui ont eu lieu concernant le cas ABG.

La Commission s'en tient a la description faite par les représentants du gouvernement néerlandais :

" Dans la période du 12 janvier au 4 février 1974, le RBAP a été chargé de l'exécution de la distribution. En outre, au cours de cette période et en dehors de cette période, le RBAP a soutenu les consommateurs ou les négociants qui se trouvaient en difficulté. "

En période normale, les besoins d'ABG étaient d'environ 15 000 mètres cubes par mois. Le RBAP a cessé ses activités d'intermédiaire le 1er avril 1974 ; à cette date, le RBAP a été dissous. Le 4 avril 1974, le Ministre des Affaires Economiques a pris une mesure d'urgence en application de la loi sur la concurrence économique (JO néerlandais 1974, n° 67) par laquelle les 9 sociétés raffinant ou faisant raffiner aux Pays-Bas étaient obligées de livrer à ABG 3 000 mètres cubes d'essence par semaine, quantité qui tenait compte de la recommandation du gouvernement visant à réduire à 80 ou 85 % la consommation durant la période de crise. La consommation normale d'ABG a donc été réduite de 20 %.

En effet, a dater du 1er avril 1974, ABG s'était trouvée menacée d'un manque total de produit en raison du comportement de ces compagnies qui refusaient (en fait) de livrer à cette centrale d'achats.

D. Le marché concerné

Le marché concerné est celui de l'essence super et de l'essence normale utilisées pour la carburation dans les moteurs à 4 temps ; suivant l'appellation nationale des produits pétroliers reproduite dans l'annuaire statistique des Communautés européennes - énergie (annexe IV), l'essence super et l'essence normale sont regroupées sous la dénomination " essence-moteur " (motor-benzine).

Le marché de l'essence-moteur forme un tout : l'essence super et l'essence normale ne différent que par leurs degrés d'octane (essence super 98/99 degrés d'octane, essence normale 90 degrés d'octane). Les moteurs à forte compression sont règles à l'essence super, mais il est possible d'utiliser, en cas de crise pétrolière notamment, de l'essence normale pour ces moteurs. Le passage de l'essence super à l'essence normale ne nécessite qu'un réglage.

Le marché géographique concerne est celui des Pays-Bas ou les adhérents d'ABG exercent la totalité de leurs activités de distribution (voir point G " structure des ventes d'ABG ").

E. Importance dans l'approvisionnement national en essence-moteur des sociétés raffinant ou faisant raffiner aux Pays-Bas

La production, la consommation intérieure et les importations d'essence-moteur aux Pays-Bas sont reprises dans le tableau ci-après :

EMPLACEMENT TABLEAU

Au cours du dernier trimestre de 1973 ou commença la crise pétrolière, on constate par rapport au trimestre correspondant de l'année 1972 une légère augmentation de la production nationale d'essence-moteur, une légère diminution des livraisons intérieures et une diminution d'environ 25 % des importations.

EMPLACEMENT TABLEAU

Ces tableaux montrent que, pendant ce dernier trimestre de 1973, la participation des raffineurs des Pays-Bas à l'approvisionnement national en essence-moteur avoisinait 90 %, les importations ne représentant en moyenne que 9,2 % des livraisons intérieures.

Le tableau ci-après donne, pour tous produits, les capacités totales des différentes raffineries des Pays-Bas. Les pourcentages par compagnie donnent une indication approximative pour la seule essence.

EMPLACEMENT TABLEAU

La raffinerie Total (CFP) à Flessingue a démarré vers la fin de 1973.

F. Le système des prix maximaux

Aux Pays-Bas, les prix sont régis par la loi du 24 mars 1961 (Prijzenwet), modifiée en dernier lieu par la loi du 10 janvier 1974 (JO néerlandais 1974-1).

Trois décrets adoptés en application de cette loi étaient en vigueur durant la période de crise, en ce qui concerne les produits pétroliers :

- décret du 28 septembre 1973 (modifié par différentes décisions),

- décret du 22 janvier 1974,

- décret du 28 février 1974.

Le premier décret concernait le mode de calcul et prévoyait que seuls certains coûts, visés par cette disposition, pouvaient être pris en considération de la manière fixée par le décret.

Les deux derniers décrets interdisent à quiconque de vendre aux consommateurs de l'essence-moteur sur le marché intérieur à des prix supérieurs aux prix maximaux fixés dans les décisions.

Avant le 22 janvier 1974, les prix maximaux étaient également fixes périodiquement par le Ministre des Affaires Economiques après concertation avec les entreprises pétrolières.

Les prix maximaux fixés par les autorités néerlandaises des le début de la crise étaient inférieurs aux prix internationaux, ce qui rendait très difficile la vente aux Pays-Bas d'essence achetée dans ces conditions, en raison des pertes entraînées par une telle vente.

G. La structure des ventes d'ABG

ABG est la centrale d'achat des dix-neuf adhérents du groupe Avia aux Pays-Bas.

Au moment de la crise, les ventes d'ABG se répartissaient de la façon suivante :

- 49 % par le réseau Avia,

- 32 % d'acheteurs réguliers, dont :

- 12 % par d'autres contractants fixes,

- 20 % par des acheteurs réguliers, quoique sans contrat,

- plus ou moins 20 % de livraisons occasionnelles.

H. Le volume des approvisionnements d'ABG en essence-moteur (voir tableau en annexe 1)

Depuis la crise de novembre 1973, la situation d'ABG est devenue très difficile tant en ce qui concerne le volume de ses approvisionnements que les conditions dans lesquelles les approvisionnements ont été réalisés.

a) la situation avant la crise

Jusqu'en 1968, BP approvisionnait ABG sur la base d'un contrat à court terme dans lequel les parties fixaient pour une année les prix des essences, les quantités fournies et autres conditions.

A partir de 1968, les livraisons cessaient d'être régies par des contrats portant sur un terme déterminé. Ceux-ci étaient de durée indéterminée avec un préavis de six mois en cas de résiliation par l'une ou l'autre partie à l'accord.

Dans le cadre du regroupement de ses activités opérationnelles rendu nécessaire par la nationalisation d'une grande partie de ses intérêts dans les secteurs de la production et par la prise de participation des Etats producteurs dans ses activités d'extraction, BP a dénoncé le 21 novembre 1972 l'accord existant depuis 1968 avec ABG. Cette résiliation a été confirmée dans deux lettres datées du 17 janvier 1973 émanant de BP et d'ABG. Il a alors été convenu entre BP et ABG que cette dernière pourrait disposer de capacités de raffinage chez BP.

ABG a cherché, sur les conseils notamment du gouvernement néerlandais, à acheter du pétrole brut sur le marché international pour le faire raffiner.

Cependant, suivant les documents fournis par BP, ABG informa celle-ci, par lettre du 9 août 1973, que l'assurance d'avoir du pétrole brut ne pourrait être obtenue qu'à la fin de septembre 1973.

Un deuxième projet d'accord de processing, daté du 1er octobre 1973, prévoyait que l'accord n'entrerait en vigueur que le 1er janvier 1974.

Les quantités livrées par BP a ABG du 1er juin au 1er octobre 1973, soit 30 746 mètres cubes, l'ont été à titre d'avance sur cette production en processing.

BP, malgré l'incertitude qui régnait sur les possibilités d'ABG d'obtenir du pétrole brut pour rembourser ces avances, a continué à l'approvisionner normalement avant la crise.

En effet, les livraisons de BP à ABG de juin à octobre 1973 ont été les suivantes (3) :

EMPLACEMENT TABLEAU

Dans les douze mois précédant la crise, BP était le principal fournisseur d'ABG et lui a fourni en moyenne 81 % de ses approvisionnements et 100 % en octobre 1973, c'est-à-dire dans le mois précédant immédiatement le début de la crise.

A part BP, pendant les douze mois précédant la crise, Gulf a fourni 8 % des approvisionnements d'ABG. Le reste était fourni en petites quantités par Shell, Chevron et quelques revendeurs indépendants.

b) la situation pendant la crise

A partir du 1er novembre 1973, les approvisionnements d'ABG ont subi, par rapport à la période antérieure, des modifications importantes tant du point de vue des quantités livrées que de l'origine des produits.

Les autorités néerlandaises ont recommand2 une réduction de 15 % a 20 % de la consommation aux Pays-Bas.

BP a réduit de façon beaucoup plus sensible ses livraisons à ABG en essence-moteur.

Si l'on prend pour base la moyenne (mensuelle) des douze mois précédant la crise (4), les livraisons de BP à ABG ont été considérablement réduites :

BP a livré, en novembre 1973, 4 721 mètres cubes, en décembre 1973, 3 646 mètres cubes, en janvier 1974, 2 179 mètres cubes, en février 1974, 2 040 mètres cubes, en mars 1974, 3 223 mètres cubes, par rapport à une moyenne mensuelle de 12 082 mètres cubes, réduire à 9 666 mètres cubes, compte tenu de la réduction de 20 % recommandée par les autorités néerlandaises.

Comme les autres compagnies membres de l'OCC, Gulf avait reçu par télex une demande d'ABG, le 2 janvier 1974, de lui livrer de l'essence-moteur et elle l'a fait en quantité insuffisante : Gulf a fourni, en janvier 1974, 187 tonnes, en février 1974, 187 tonnes et, en mars 1974, 120 tonnes, par rapport à une moyenne mensuelle des douze mois précédant la crise de 885 tonnes, réduite à 708 tonnes, compte tenu de la réduction de 20 % recommandée par les autorités néerlandaises (5).

Shell a fourni, en janvier 1974, 1 864 mètres cubes, en février 1974, 2 122 mètres cubes et, en mars 1974, 1 972 mètres cubes, par rapport à une moyenne mensuelle des douze mois précédant la crise de 619 mètres cubes, réduite à 495 mètres cubes, compte tenu de la réduction de 20 % recommandée par les autorités néerlandaises.

Chevron a fourni à ABG, en janvier 1974, 250 mètres cubes, en février 1974, 250 mètres cubes et, en mars 1974, 160 mètres cubes, par rapport à une moyenne mensuelle des douze mois précédant la crise de 245 mètres cubes, réduite à 196 mètres cubes compte tenu de la réduction de 20 % recommandée par les autorités néerlandaises.

En résumé, sur les quatre sociétés raffinant aux Pays-Bas et qui ont approvisionné ABG dans les douze mois précédant la crise, deux sociétés ont approvisionné ABG de façon satisfaisante ou même supérieure à leurs livraisons antérieures. Par contre, deux sociétés n'ont pas approvisionné ABG en tenant un compte suffisant de ses références antérieures.

Si l'on choisit comme période de référence les douze mois précédant la crise, ce qui permet d'avoir une image suffisamment représentative à moyen terme des rapports entre les acheteurs et les vendeurs et ce qui atténué suffisamment l'influence des variations saisonnières, on constate que BP et Gulf ont pratiqué pendant la crise des réductions de livraisons vis-à-vis d'ABG supérieures à celles qu'elles ont pratiquées pour leurs autres clients. En effet, par rapport à la moyenne mensuelle des douze mois précédant la crise, les réductions (ou augmentations) ont été les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

De même si l'on compare, suivant la même méthode, les réductions pratiquées par BP vis-à-vis de ses clients non contractuels et vis-à-vis d'ABG, on constaté que les réductions pratiquées vis-à-vis d'ABG ont été plus importantes que vis-à-vis de ces autres clients.

EMPLACEMENT TABLEAU

Cette comparaison n'est pas possible en ce qui concerne Gulf, puisque tous ses clients pendant les douze mois précédant la crise sont des clients contractuels à l'exception d'ABG.

Du 13 novembre 1973 au 1er avril 1974, ABG a été approvisionnée en essence-moteur soit par des achats auprès des entreprises membres de l'OCC par l'intermédiaire du RBAP, soit par des achats au marché libre.

Le tableau suivant donne la répartition de ces deux sources d'approvisionnement :

EMPLACEMENT TABLEAU

De l'ensemble des fournisseurs, ABG n'a pu recevoir les quantités nécessaires à l'approvisionnement de ses adhérents, c'est-à-dire, compte tenu de la situation de pénurie et des recommandations gouvernementales (6), de 80 à 85 % de ses achats des mois correspondants de l'année précédente.

EMPLACEMENT TABLEAU

Ainsi, en dépit de l'intervention du RBAP, ABG s'est trouvée dans une situation très difficile au point de vue de ses approvisionnements malgré les livraisons satisfaisantes de deux de ses fournisseurs et de ses appels au marché libre, appels nécessairement limités à cause des différences de prix entre les prix intérieurs néerlandais et les prix internationaux, qui rendaient ces opération s quasi impossibles.

Les stocks d'ABG pendant cette période de crise sont tombés en moyenne à trois jours d'approvisionnement et même, pendant certaines périodes, furent inexistants ;

II

Considérant que, aux termes de l'article 86 du Traité instituant la CEE, est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou sur une partie substantielle de celui-ci ;

A. La position dominante

Considérant que des entreprises sont en position dominante lorsqu'elles ont la possibilité d'un comportement indépendant qui les met en mesure d'agir sans tenir notablement compte des concurrents et des acheteurs ; qu'il en est ainsi lorsque, en raison de circonstances économiques générales et de conditions de marché particulières, leur position sur le marché, en liaison notamment avec la disposition de matières premières, de capacités industrielles et de capitaux, leur donne la possibilité de contrôler la production et la distribution pour une partie significative des produits en cause;

Considérant que le marché des produits à considérer est celui de l'essence-moteur ;

Considérant que les circonstances économiques générales du cas d'espèce sont déterminées par le déclenchement vers le 1er novembre 1973 de la crise pétrolière, caractérisée par une raréfaction de l'offre sur le marché mondial et par une augmentation importante des prix ;

Considérant que, dans ces circonstances, les grandes compagnies pétrolières internationales qui raffinent ou font raffiner aux Pays-Bas se sont trouvées être les seules à conserver un accès aux sources d'approvisionnement dans des conditions économiquement acceptables, grâce à leurs relations particulières avec les pays producteurs du Moyen-Orient, à leur implantation géographiquement diversifiée, à leur structure intégrée et à leur organisation au plan mondial ;

Considérant que, dans une situation de pénurie survenue subitement et provoquée par des facteurs étrangers aux opérateurs économiques, la concurrence réelle ou potentielle entre les membres d'un cercle restreint d'entreprises est limitée, notamment au niveau de la distribution ;

Considérant que, en raison de la psychose générale de pénurie, de la réduction subite de l'offre et du niveau inférieur des prix maximaux fixes aux Pays-Bas par rapport aux prix internationaux, les entreprises indépendantes implantées aux Pays-Bas ne pouvaient s'approvisionner qu'à des prix occasionnant des pertes sur le marché d'importation, ce qui leur enlevait toute possibilité réelle d'acheter à l'extérieur de grandes quantités de produits sous peine de mettre en péril à plus ou moins long terme leur existence ; que le marché néerlandais s'est ainsi trouvé soustrait aux possibilités d'importation et que les acheteurs y avaient perdu en fait toute faculté réelle de s'approvisionner ailleurs qu'auprès des sociétés disposant de capacités de raffinage aux Pays-Bas ; que toutes ces circonstances considérées, le marché géographique en cause est constitué dans le cas d'espèce par le territoire des Pays-Bas, qui est une partie substantielle de la Communauté ;

Considérant que, dans une situation de contrainte économique telle que celle rencontrée aux Pays-Bas dans la période de crise, les relations commerciales existantes entre les vendeurs détenant des parts de marché importantes et ayant des disponibilités et leurs acheteurs prennent une valeur nouvelle et se trouvent renforcées pour des raisons indépendantes de leur volonté à un point tel que ces acheteurs sont entièrement dépendants de leurs vendeurs traditionnels qui disposent des produits raréfiés ; que les vendeurs ainsi pourvus peuvent détenir une position dominante vis-à-vis de leurs acheteurs dans des situations de marché caractérisées ;

Considérant que, la raréfaction étant générale, toutes les sociétés pétrolières sont aux prises avec les mêmes problèmes d'approvisionnement de leur clientèle ; qu'elles ne peuvent normalement pas suppléer à la défaillance d'autres sociétés ; qu'elles ne sont donc pas en concurrence entre elles pour l'approvisionnement de leur clientèle respective ;

Considérant que, dans les circonstances rencontrées, chacune de ces sociétés s'est trouvée dans une position dominante vis-à-vis de ses clients ;

B. Exploitation abusive de la position dominante

Considérant qu'il y a donc lieu d'examiner le comportement de chacune des entreprises en cause afin de déterminer si elles ont commis vis-à-vis d'ABG des abus individuels de position dominante ;

Considérant que, a cet égard, peut être qualifiée d'abus, au sens de l'article 86 du Traité, toute action de la part d'une entreprise en position dominante qui réduit, de façon différente sans justifications objectives, les fournitures à certains acheteurs se trouvant dans des situations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, ceci d'autant plus qu'il peut en résulter une modification des structures du marché en cause ;

Considérant que, pour éviter de commettre des abus visés par l'article 86, une entreprise en position dominante doit repartir équitablement les quantités disponibles entre tous ses acheteurs ;

Considérant que, en cas de crise généralisée d'approvisionnement, toutes les sociétés indépendantes dépendent en premier lieu de leurs fournisseurs habituels ;

Considérant que, pour estimer les réductions opérées dans l'approvisionnement des acheteurs en période de pénurie, il a paru opportun de choisir une période de référence qui soit la même pour tous les acheteurs et soit à la fois assez récente et assez longue pour atténuer l'incidence des variations saisonnières, tout en tenant compte des modifications récentes des relations entre acheteurs et vendeurs sur le marché de l'essence ;

Considérant que la référence à l'année précédente permet de tenir compte de ces nécessités ;

Considérant que, parmi les sociétés raffinant ou faisant raffiner aux Pays-Bas, seules BP, Chevron, Shell et Gulf ont approvisionné ABG en essence-moteur pendant les douze mois qui ont précédé la crise ;

Considérant que British Pétroleum Raffinaderij Nederland NV, Benzine en Pétroleum Handelmaatschappij BV et British Pétroleum Maatschappij Nederland BV constituent avec d'autres filiales l'unité économique du groupe BP qui forme une entreprise au sens de l'article 86 du Traité CEE ;

Considérant que BP, pendant de nombreuses années précédant la crise, était le fournisseur principal d'essence-moteur d'ABG, bénéficiant ainsi de l'avantage de disposer d'un client important pour l'écoulement de son essence-moteur dans des périodes où il existait une certaine surproduction ;

Considérant que, pendant la période de douze mois antérieure au 1er novembre 1973, BP a approvisionné ABG à plus de 80 % en moyenne du total des achats en essence-moteur de cette société ; que l'étroitesse des relations entre BP et ABG est illustrée par le fait que BP a même avancé de l'essence-moteur à ABG dans la perspective de recevoir des quantités de pétrole brut à livrer ultérieurement par ABG pour être raffinée dans les installations de BP ; qu'ABG était par conséquent effectivement, au début de la crise pétrolière, un acheteur régulier et traditionnel de BP dont l'approvisionnement pendant la crise a été réduit substantiellement par son fournisseur principal ;

Considérant pareillement que les réductions de livraison de BP à ABG sont dans une proportion très nettement supérieure aux réductions appliquées aux livraisons faites à ses autres clients ; que BP a, pendant les cinq mois de la crise, réduit en moyenne, par rapport à la moyenne des douze mois précédant la crise, ses livraisons de 13 % pour les clients autres qu'ABG, de 29 % pour les clients dits non contractuels et de 74 % pour ABG ;

Considérant aussi que les autorités néerlandaises ont admis pendant la période de crise une réduction d'environ 20 % par mois dans l'approvisionnement des acheteurs par rapport aux fournitures faites au cours du mois correspondant de l'année précédente et qu'elles n'ont pas distingué, ce faisant, entre des acheteurs dits contractuels et non contractuels ;

Considérant que les entreprises ne sauraient se prévaloir de considérations fondées sur le droit des contrats pour mettre en échec la réalisation des objectifs du droit communautaire de la concurrence, en particulier dans une situation telle que celle constatée aux Pays-Bas ou leur comportement risquait de mettre en cause le maintien d'un régime de concurrence non faussée ;

Considérant que, au regard du droit communautaire, c'est l'importance, la régularité et la continuité des relations commerciales qui doivent être prises en considération ; que, s'il en était autrement, les disponibilités, en cas de pénurie telle que celle intervenue aux Pays-Bas, pourraient être affectées par les entreprises en position dominante en fonction de considérations occasionnelles, artificielles ou arbitraires ; que, notamment, les réductions d'approvisionnement appliquées à un acheteur en temps de crise pourraient dépendre de la date d'échéance de son contrat d'approvisionnement ;

Considérant que ces constatations ne privent pas les entreprises en position dominante en période de crise de la possibilité de prendre en considération certaines particularités ou certaines différences dans la situation de leurs clients ; qu'elles ne leur enlèvent notamment ni la possibilité de pratiquer les prix et autres conditions prévus dans des contrats d'approvisionnement, ni la faculté de choisir une période de référence correspondante et appropriée à la situation de contrainte ; que toutefois les différences éventuelles de traitement doivent reposer sur des bases objectives et que leur choix ne peut avoir un effet discriminatoire ; qu'il est en toute hypothèse abusif de traiter un client régulier, traditionnel et important d'une manière manifestement discriminatoire par rapport à tous les autres clients ;

Considérant que BP disposait d'une quantité définie d'essence-moteur qui a été écoulée sur le marché néerlandais pendant la période de crise de novembre 1973 à fin mars 1974 ;

Considérant que cette quantité aurait du être répartie équitablement par BP entre tous ses clients ;

Considérant que, dans l'hypothèse d'une répartition égale entre tous ses clients dont le détail est donne en annexe 2, BP aurait dû livrer à ABG 27 000 mètres cubes supplémentaires pendant les cinq mois de crise, compte non tenu d'une réduction possible de 20 % des quantités totales à livrer selon les recommandations des autorités néerlandaises ;

Considérant que, même dans l'hypothèse où on admettrait que BP aurait été fondée à approvisionner de façon différente ses clients traditionnels réguliers selon qu'ils étaient ou non sous contrat, BP aurait dû traiter ABG sans discrimination par rapport à ses autres clients non contractuels ;

Considérant que les avances d'essence sur pétrole brut consenties par BP à ABG ne justifient pas un traitement différent d'ABG par rapport aux autres clients, tant contractuels que non contractuels, compte tenu de l'impossibilité où s'est trouvée ABG de se procurer les quantités équivalentes en pétrole brut aux dates convenues ;

Considérant que les réductions des livraisons de BP vis-à-vis d'ABG ne peuvent être appréciées que globalement et non en distinguant artificiellement les différentes clientèles d'ABG telles qu'elles ont été décrites au point g de la première partie de la présente décision ;

Considérant qu'il n'appartient aucunement à BP de se substituer à ABG pour apprécier si tel ou tel client d'ABG devait ou ne devait pas être livré ;

Considérant, en conséquence, que BP a exploité abusivement sa position dominante en période de pénurie en réduisant ses livraisons à ABG d'une manière substantielle et dans une proportion nettement plus marquée que celle appliquée aux livraisons à tous ses autres clients, sans pouvoir faire valoir de justifications objectives ; que BP a ainsi applique à ABG des conditions inégales en lui infligeant un désavantage certain, immédiat et substantiel dans sa position sur le marché ; que ce comportement de BP était susceptible de mettre en cause l'existence d'ABG qui se trouvait par ailleurs être en concurrence avec BP sur le marché de la distribution d'essence-moteur ;

Considérant, en ce qui concerne Gulf, que, au cours de la période de référence précédant le 1er novembre 1973, celle-ci a aussi livré à ABG des quantités appréciables représentant pendant deux mois des pourcentages importants des approvisionnements totaux d'ABG :

- en juillet 1973 : 33,4 % des approvisionnements totaux d'ABG,

- en août 1973 : 78,1 % des approvisionnements totaux d'ABG ;

Considérant que, même si ces quantités d'essence-moteur ont été livrées par une autre société du groupe Gulf que Nedgulf, il s'agit, d'une part, du même groupe pétrolier, qui forme une entité, et que, d'autre part, la vente a été faite par Nedgulf ;

Considérant que Gulf a mieux approvisionné ses autres clients qu'ABG à partir du 2 janvier 1974, date à laquelle ABG a demandé à Gulf comme aux autres compagnies pétrolières opérant aux Pays-Bas de l'approvisionner en essence-moteur ;

Considérant que les quantités supplémentaires, qui auraient du être livrées à ABG par Gulf suivant le calcul en annexe 3 en se référant à la moyenne des douze mois qui ont précède la crise, s'élèvent à 1 198 tonnes, du 2 janvier à la fin mars 1974, compte non tenu d'une réduction possible de 20 % des quantités totales à livrer selon les recommandations des autorités néerlandaises ;

Considérant que ces quantités sont faibles et que les fournitures de Gulf à ABG avaient un caractère occasionnel puisqu'elles avaient été, au cours des douze mois de référence, concentrées sur deux mois seulement ; qu'ABG a été pendant la période de référence le seul client non contractuel de Gulf ;

Considérant qu'ABG ne s'est pas manifestée auprès de Gulf par des demandes de livraison d'essence-moteur avant le 2 janvier 1974 et que, à cette date, les fournitures de Gulf, bien que modestes, ont repris au profit d'ABG ;

Considérant le faible pourcentage représenté par les livraisons de Gulf dans l'approvisionnement total d'ABG pendant la période de douze mois précédant la crise ;

Considérant que, pour tous ces motifs, Gulf n'a pas abusé d'une position dominante vis-à-vis d'ABG ;

Considérant que Shell a, dans le cadre du RBAP, approvisionné proportionnellement ABG plus largement pendant la crise qu'avant la crise et a de ce fait contribué à compenser les effets dommageables pour ABG occasionnés par les livraisons insuffisantes de BP qui était le fournisseur régulier d'ABG ;

Considérant que Chevron a approvisionné ABG dans les mêmes proportions pendant les douze mois précédant la crise que pendant la crise compte tenu de la réduction de 20 % recommandée par les autorités néerlandaises ;

Considérant que les autres sociétés pétrolières raffinant ou faisant raffiner aux Pays-Bas (Esso, Texaco, Mobil, Total, Fina) n'avaient jamais approvisionné ABG en essence-moteur pendant les douze mois précédant la crise et que de ce fait ABG ne pouvait pas compter sur des fournitures de ces compagnies ;

Considérant que la défaillance de BP dans l'approvisionnement d'ABG a occasionné pour cette centrale d'achats de graves difficultés d'approvisionnement ; que, en conséquence, ABG a été approvisionné, par l'intermédiaire du RBAP, au départ d'un pool d'essence forme par les membres de l'OCC pour les cas de difficultés d'approvisionnement, une partie de ce pool étant réservée spécialement à ABG à compter du début de la période de distribution (le 12 janvier 1974) ;

Considérant que le RBAP s'est borné à jouer le rôle d'intermédiaire, n'ayant pas été charge par le gouvernement néerlandais d'imposer aux raffineurs des obligations de livraison au bénéfice de telle ou telle catégorie d'acheteurs ;

C. Affectation du commerce entre Etats membres

Considérant que l'exploitation abusive d'une position dominante est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres dès lors qu'on doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de faits, envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres ;

Considérant qu'ABG couvre 5 % de la consommation d'essence-moteur aux Pays-Bas ; que cette société agit comme grossiste et comme centrale d'achat pour ses différents adhérents, distributeurs de la marque Avia ; qu'il est notoire qu'ABG est le seul grossiste indépendant d'une certaine importance sur le marché de l'essence-moteur aux Pays-Bas face aux sociétés intégrées établies aux Pays-Bas qui y disposent de capacités de raffinage et de stockage et y assurent à peu près 90 % de l'approvisionnement en essence ;

Considérant qu'ABG et ses adhérents Avia disposent de capacités de stockage aux Pays-Bas à proximité du marché de Rotterdam, qui est le marché libre le plus important pour l'approvisionnement de la Communauté ; que la marque Avia est une marque internationale distribuée dans la plupart des Etats membres de la Communauté sous laquelle sont effectuées 2 % des ventes d'essence aux Pays-Bas ;

Considérant qu'ABG achetait une partie de ses approvisionnements en essence sur le marché libre et que certaines des quantités en cause provenaient des pays de la Communauté économique européenne ;

Considérant que les achats d'essence auxquels ABG est susceptible de procéder sur le marché libre, en provenance tant de la Communauté que de l'extérieur de la Communauté, pourraient porter sur des quantités non négligeables importées des autres Etats membres et qu'ABG est le seul grossiste aux Pays-Bas se trouvant dans cette situation ;

Considérant que les adhérents d'ABG qui distribuent l'essence sous la marque Avia et les autres clients d'ABG ne pourraient que difficilement s'approvisionner individuellement sur le marché libre, en raison notamment des quantités minimales sur lesquelles portent les achats occasionnels ; que, dès lors, au cas où ABG aurait été obligée, par suite de la défaillance de BP, de réduire ou de cesser ses activités, ses clients se seraient trouvés dépendants des seules compagnies pétrolières intégrées établies aux Pays-Bas pour la couverture de leurs besoins d'achat ;

Considérant des lors que la disparition d'ABG du marché de l'essence aux Pays-Bas aurait cause un préjudice aux consommateurs en portant atteinte à une structure du marché et aux conditions de la concurrence aux Pays-Bas ; que la disparition, dans un des Etats membres de la Communauté, du réseau et de la marque Avia aurait conduit à un renforcement sur le marché néerlandais de la position des grandes sociétés pétrolières établies aux Pays-Bas susceptible d'entraver l'interpénétration économique voulue par le Traité, et aurait dès lors été susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres ;

Considérant que les contributions des autres compagnies pétrolières effectuées par l'intermédiaire du RBAP ont certes permis à ABG de faire face partiellement a ses obligations et de continuer ses activités ;

Considérant que cette constatation n'enlève cependant rien à la conclusion que la défaillance de BP, fournisseur principal et traditionnel d'ABG, aurait, à défaut pour ABG de trouver d'autres sources d'approvisionnement, été susceptible de mettre en cause l'existence de cette centrale d'achats et d'affecter ainsi le commerce entre Etats membres ;

III

Considérant que, aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes variant d'un minimum de mille à un maximum d'un million d'unités de compte, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 ou de l'article 86 du Traité ;

Considérant que l'intervention du RBAP, bien que n'ayant pas un caractère contraignant et faisant appel a des contributions volontaires des compagnies, a pu créer un doute chez ces dernières sur leurs obligations vis-à-vis de leurs acheteurs ;

Considérant que BP pouvait estimer que les avances d'essence sur pétrole brut (à traiter en processing dans les installations de BP) pouvaient la libérer en partie de son obligation de livrer à ABG pendant la crise ;

Considérant les incertitudes qui ont régné sur le marché néerlandais des produits pétroliers par suite de l'ignorance où l'on se trouvait des développements possibles de la crise, ce qui a rendu difficile l'appréciation des réductions de livraison à opérer ;

Considérant que, vu tous les éléments relatifs à cette période troublée, il n'y a pas lieu d'infliger d'amendes à BP au titre de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17,

A arrêté la présente décision :

Article premier

L'application par BP à ABG, pendant la période de novembre 1973 à mars 1974, d'un taux de réduction sensiblement plus élevé que celui appliqué par cette compagnie dans ses livraisons à ses autres acheteurs a constitué, dans le cas d'espèce, un abus de position dominante au sens de l'article 86 du Traité CEE de la part de la Benzine en Petroleum Handelmaatschappij BV, British Pétroleum Raffinaderij Nederland NV et British Pétroleum Maatschappij BV.

Article 2

Les sociétés :

- Benzine en Petroleum Handelmaatschappij BV Frederiksplein 42 Amsterdam

- British Petroleum Raffinaderij Nederland NV d'Arcy Weg Rozenburg

- British Petroleum Maatschappij Nederland BV Frederiksplein 42 Amsterdam

Sont destinataires de la présente décision.

Annexe 1

Approvisionnement d'AGB par fournisseur

EMPLACEMENT TABLEAU

Annexe 2

a : livraisons totales de BP à ABG pendant l'année se terminant le 31 octobre 1973 = 144 982 m3

(moyenne mensuelle = 12 082 m3)

b : livraisons totales de BP à d'autres clients (b) pendant la même période = 406 546 m3 (a)

(moyenne mensuelle = 33 879 m3)

EMPLACEMENT TABLEAU

Annexe 3

a : livraisons totales de Nedgulf à ABG pendant l'année se terminant le 31 octobre 1973 = 10 626 tonnes

(moyenne mensuelle : 885 tonnes)

b : livraisons totales de Nedgulf à d'autres clients (a) pendant la même période = 167 739 tonnes (b)

(moyenne mensuelle : 13 976 tonnes)

EMPLACEMENT TABLEAU

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.

(3) Les différences qui apparaissent dans ce tableau s'expliquent par des raisons techniques et comptables et n'affectent en rien la suite du document.

(4) Pour les raisons de ce choix, voir p. 9, point b cinquième considérant.

(5) La comptabilité de Gulf est établie en tonnes et non en mètres cubes.

(6) Voir à ce sujet la lettre du 6 décembre 1973 adressée par le Ministère des Affaires Economiques à l'OCC et la campagne organisée par le Ministère des Transports et du Waterstaat.