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Décisions

CJCE, 15 octobre 2002, n° C-238/99 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM), DSM NV, DSM Kunststoffen BV, Montedison SpA, Elf Atochem SA, Degussa AG, Enichem SpA, Wacker-Chemie GmbH, Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc (ICI)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Président de chambre :

M. Puissochet

Avocat général :

M. Mischo

Juges :

MM.Edward, La Pergola, Jann, von Bahr, Mmes Macken, Colneric

CJCE n° C-238/99 P

15 octobre 2002

LA COUR,

1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour entre le 24 juin et le 8 juillet 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (ci-après "LVM"), DSM NV et DSM Kunststoffen BV, Montedison SpA (ci-après "Montedison"), Elf Atochem SA (ci-après "Elf Atochem"), Degussa AG (ci-après "Degussa"), anciennement Degussa-Hüls AG, plus anciennement encore Hüls AG (ci-après "Hüls"), Enichem SpA (ci-après "Enichem"), Wacker-Chemie GmbH (ci-après "Wacker-Chemie") et Hoechst AG (ci-après "Hoechst") ainsi qu'Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI") ont, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé des pourvois contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a.-Commission (T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94,T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a, notamment, réduit l'amende infligée à Elf Atochem et celle infligée à ICI par la décision 94-599-CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-31 865 - PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après la "décision PVC II"), et, pour le surplus, rejeté leurs recours en annulation dirigés contre cette décision.

I - Les faits à l'origine du litige

2. À la suite de vérifications effectuées les 13 et 14 octobre 1983 dans le secteur du polypropylène, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), la Commission des Communautés européennes a ouvert un dossier concernant le polychlorure de vinyle (ci-après le "PVC"). Elle a alors opéré diverses vérifications dans les locaux des entreprises concernées et adressé plusieurs demandes de renseignements à ces dernières.

3. Le 24 mars 1988, elle a ouvert, au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, une procédure d'office à l'encontre de quatorze producteurs de PVC. Le 5 avril 1988, elle a adressé à chacune de ces entreprises la communication des griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268). Toutes les entreprises destinataires de ladite communication ont présenté des observations dans le courant du mois de juin 1988. À l'exception de Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell"), qui n'en avait pas fait la demande, elles ont été entendues dans le courant du mois de septembre 1988.

4. Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après le "comité consultatif") a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission.

5. Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision 89-190-CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC) (JO 1989, L 74, p. 1, ci-après la "décision PVC I"). Par cette décision, elle a sanctionné, pour infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE), les producteurs de PVC suivants: Atochem SA, BASF AG (ci-après "BASF"), DSM NV, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI, LVM, Montedison, Norsk Hydro A/S (ci-après "Norsk Hydro"), la Société artésienne de vinyle SA (ci-après la "Société artésienne de vinyle"), Shell, Solvay & Cie (ci-après "Solvay") et Wacker-Chemie.

6. Toutes ces entreprises, à l'exception de Solvay, ont déposé un recours contre cette décision devant le juge communautaire afin d'en obtenir l'annulation.

7. Par ordonnance du 19 juin 1990, Norsk Hydro/Commission (T-106-89, non publiée au Recueil), le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de Norsk Hydro.

8. Les autres affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

9. Par arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315, ci-après l'"arrêt du Tribunal du 27 février 1992"), le Tribunal a déclaré la décision PVC I inexistante.

10. Sur pourvoi de la Commission, la Cour a, par arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137-92 P, Rec. p. I-2555, ci-après l'"arrêt de la Cour du 15 juin 1994"), annulé l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992 et la décision PVC I.

11. Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision PVC II à l'encontre des producteurs mis en cause par la décision PVC I, à l'exception de Solvay et de Norsk Hydro. Cette nouvelle décision a imposé aux entreprises destinataires des amendes de mêmes montants que celles qui leur avaient été infligées par la décision PVC I.

12. La décision PVC II comprend les dispositions suivantes:

"Article premier

BASF AG, DSM NV, Elf Atochem SA, Enichem SpA, Hoechst AG, [Hüls] AG, Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison SpA, Société [a]rtésienne de [vinyle] SA, Shell International Chemical Co. Ltd et Wacker Chemie GmbH ont enfreint, pour les périodes indiquées dans la présente décision, les dispositions de l'article 85 du traité en participant (ensemble avec Norsk Hydro [A/S] et Solvay & Cie) à un accord et/ou à une pratique concertée remontant au mois d'août de l'année 1980 environ, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en PVC le territoire du Marché commun ont assisté à des réunions périodiques afin de fixer des prix 'cibles' et des quotas 'cibles', de planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveiller la mise en œuvre de ces arrangements collusoires.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er, qui sont encore actives dans le secteur du PVC, à l'exception de Norsk Hydro [A/S] et de Solvay & Cie qui ont déjà reçu ordre de faire cesser l'infraction, mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur PVC, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks,des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiennent plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:

i) BASF AG: une amende de 1 500 000 écus;

ii) DSM NV: une amende de 600 000 écus;

iii) Elf Atochem SA: une amende de 3 200 000 écus;

iv) Enichem SpA: une amende de 2 500 000 écus;

v) Hoechst AG: une amende de 1 500 000 écus;

vi) [Hüls] AG: une amende de 2 200 000 écus;

vii) Imperial Chemical Industries plc: une amende de 2 500 000 écus;

viii) Limburgse Vinyl Maatschappij NV: une amende de 750 000 écus;

ix) Montedison SpA: une amende de 1 750 000 écus;

x) Société [a]rtésienne de [vinyle] SA: une amende de 400 000 écus;

xi) Shell International Chemical Company Ltd: une amende de 850 000 écus;

xii) Wacker Chemie GmbH: une amende de 1 500 000 écus."

II - Les recours devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

13. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 5 et le 14 octobre 1994, LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM NV et DSM Kunststoffen BV (ci-après, ensemble, "DSM"), Wacker-Chemie, Hoechst, la Société artésienne de vinyle, Montedison, ICI, Hüls et Enichem ont introduit des recours devant le Tribunal.

14. Chacune a conclu à l'annulation, en tout ou en partie, de la décision PVC II et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant. Montedison a conclu en outre à la condamnation de la Commission à des dommages-intérêts.

15. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a:

- joint les affaires aux fins de l'arrêt;

- annulé l'article 1er de la décision PVC II dans la mesure où il retenait la participation de la Société artésienne de vinyle à l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981;

- réduit respectivement à 2 600 000 euros, à 135 000 euros et à 1 550 000 euros les amendes infligées à Elf Atochem, à la Société artésienne de vinyle et à ICI;

- rejeté les recours pour le surplus;

- statué sur les dépens.

III - Les conclusions des pourvois

16. LVM et DSM concluent à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler totalement ou partiellement l'arrêt attaqué et terminer la procédure ou, subsidiairement, renvoyer l'affaire devant le Tribunal aux fins d'une reprise de la procédure;

- annuler totalement ou partiellement la décision PVC II;

- annuler les amendes infligées aux requérantes ou en réduire les montants;

- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.

17. Montedison conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt attaqué;

- annuler la décision PVC II;

- renvoyer l'affaire devant le Tribunal;

- réduire le montant de l'amende à une somme minime;

- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.

18. Elf Atochem conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt attaqué et statuer définitivement sur le litige;

- condamner la Commission aux dépens.

19. Degussa conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette son recours et la condamne aux dépens;

- annuler les articles 1er, 2 et 3 de la décision PVC II en tant qu'ils la concernent;

- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.

20. Enichem conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt attaqué dans ses parties contestées par elle-même, en annulant la décision PVC II en conséquence;

- subsidiairement, annuler l'arrêt attaqué dans les parties qui lui font grief, en annulant ou en réduisant en conséquence l'amende infligée;

- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.

21. Wacker-Chemie et Hoechst concluent à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler les points 4 et 5 du dispositif de l'arrêt attaqué en tant qu'ils les concernent;

- annuler la décision PVC II en tant qu'elle les concerne;

- subsidiairement, réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées;

- plus subsidiairement encore, renvoyer l'affaire devant le Tribunal afin qu'il statue à nouveau;

- condamner la Commission aux dépens, ou, en cas de renvoi devant le Tribunal, réserver la question des dépens pour la laisser à l'appréciation de celui-ci.

22. ICI conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt attaqué pour autant qu'il la concerne;

- annuler la décision PVC II pour autant qu'elle la concerne ou, à défaut, renvoyer l'affaire devant le Tribunal;

- annuler l'amende, réduite à 1 550 000 euros par le Tribunal, ou en réduire une nouvelle fois le montant;

- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.

23. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter les pourvois;

- condamner les requérantes aux dépens.

IV - Les moyens d'annulation de l'arrêt attaqué

24. LVM et DSM soulèvent neuf moyens d'annulation, en substance identiques, de l'arrêt attaqué:

- violation de l'autorité de la chose jugée;

- violation du principe non bis in idem;

- violation du principe du délai raisonnable;

- invalidité des actes de procédure antérieurs à la décision PVC I;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- motivation insuffisante du rejet d'un moyen tiré d'une violation, par la Commission, de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) en ce qui concerne son choix d'adopter la décision PVC II après l'annulation de la décision PVC I;

- violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination;

- violation des droits de la défense résultant d'un accès insuffisant au dossier de la Commission;

- prescription des poursuites.

25. DSM invoque, en outre, deux autres moyens:

- méconnaissance du principe de l'inviolabilité du domicile;

- violation du secret professionnel et des droits de la défense.

26. Montedison soulève en substance onze moyens d'annulation:

- défaut de réponse à son moyen tiré d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- absence d'examen, par le Tribunal, du contexte économique;

- prescription des poursuites;

- violation du droit à un procès équitable, des articles 48, paragraphe 2, et 64 du règlement de procédure du Tribunal ainsi que du principe de responsabilité personnelle en raison des modalités d'organisation de la procédure orale;

- violation du droit à un procès équitable et de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal lors de l'examen des éléments de preuve;

- violation des articles 10, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal;

- méconnaissance de la portée de l'obligation de motivation, par la Commission, du mode de calcul de l'amende;

- caractère disproportionné et inéquitable de l'amende au regard de la gravité et de la durée de l'infraction;

- violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne le montant de l'amende;

- rejet erroné, comme irrecevables, de ses conclusions aux fins de condamnation de la Commission au versement de dommages-intérêts.

27. Elf Atochem soulève en substance quatre moyens d'annulation:

- défaut de réponse à son moyen tiré de différences existant entre les décisions PVC I et PVC II;

- invalidité des actes de procédure antérieurs à la décision PVC I;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- violation des droits de la défense résultant d'un accès insuffisant au dossier de la Commission.

28. Degussa soulève en substance six moyens d'annulation:

- violation du principe du délai raisonnable;

- invalidité des actes de procédure antérieurs à la décision PVC I;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- défaut de réponse à son grief tiré de l'absence d'intervention du conseiller-auditeur avant l'adoption de la décision PVC II;

- violation des droits de la défense résultant d'un accès insuffisant au dossier de la Commission;

- méconnaissance de la portée de l'obligation de motivation, par la Commission, du mode de calcul de l'amende.

29. Enichem soulève treize moyens d'annulation:

- violation de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal;

- violation de l'autorité de la chose jugée;

- invalidité des actes de procédure antérieurs à la décision PVC I;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- motivation erronée du rejet d'un moyen tiré d'une violation par la Commission de l'article 190 du traité en ce qui concerne son choix d'adopter la décision PVC II après l'annulation de la décision PVC I;

- erreur de droit commise par le Tribunal quant aux conséquences à tirer de sa constatation d'un défaut de corrélation entre deux documents fondant l'accusation de la Commission;

- imputation d'une responsabilité collective;

- violation des droits de la défense résultant d'un accès insuffisant au dossier de la Commission;

- imputation erronée de l'infraction à la requérante, considérée en tant que holding d'un groupe, et exclusion erronée, par le Tribunal, de la pertinence du chiffre d'affaires du holding dans la détermination du montant de l'amende;

- violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, résultant d'une erreur du Tribunal quant au rapport existant entre le chiffre d'affaires de l'exercice précédant la décision PVC II et le montant de l'amende;

- méconnaissance de la portée de l'obligation de motivation, par la Commission, du mode de calcul de l'amende;

- interprétation et application erronées du droit communautaire et appréciation insuffisante des preuves en ce qui concerne le rapport entre l'amende infligée à la requérante et sa part de marché;

- violation du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant de l'amende.

30. Wacker-Chemie et Hoechst soulèvent six moyens d'annulation:

- violation des articles 10, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal;

- examen incomplet des faits;

- contradiction et insuffisance des motifs de l'arrêt attaqué en ce qui concerne l'examen de preuves documentaires;

- dénaturation des éléments de preuve;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I;

- violation des articles 85, paragraphe 1, du traité et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

31. ICI soulève en substance neuf moyens d'annulation:

- violation de l'autorité de la chose jugée;

- violation du principe non bis in idem;

- violation du principe du délai raisonnable;

- invalidité des actes de procédure antérieurs à la décision PVC I;

- nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I et caractère incomplet du dossier soumis à la délibération du collège des membres de la Commission lors de l'adoption de la décision PVC II;

- motivation erronée du rejet d'un moyen tiré d'une violation par la Commission de l'article 190 du traité en ce qui concerne son choix d'adopter la décision PVC II après l'annulation de la décision PVC I;

- violation du secret professionnel et des droits de la défense;

- prescription des poursuites;

- défaut d'annulation ou de réduction de l'amende par le Tribunal comme conséquence d'une violation du principe du délai raisonnable.

V - Sur les pourvois

32. Les parties et M. l'avocat général ayant été entendus sur ce point, il y a lieu, pour cause de connexité, de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour.

A - Sur les moyens de procédure et de forme

1. Sur le moyen tiré par Montedison, Wacker-Chemie et Hoechst d'une violation des articles 10, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal

33. Montedison, Wacker-Chemie et Hoechst relèvent que la troisième chambre élargie du Tribunal, qui a rendu l'arrêt attaqué, était composée de trois membres seulement, alors que cette formation comprenait cinq membres lors de la procédure orale.

34. Elles reprochent au Tribunal d'avoir ainsi dérogé à la composition normale d'une chambre élargie en faisant une application inexacte de l'article 32, paragraphe 1, de son règlement de procédure. Le Tribunal aurait considéré comme étant absent ou empêché, au sens de cette disposition, l'un des membres de cette chambre qui avaitcessé ses fonctions en raison de l'expiration de son mandat, le 17 septembre 1998, postérieurement à la procédure orale. Or, l'hypothèse de l'expiration du mandat d'un juge ne relèverait pas de la disposition appliquée. L'arrêt attaqué aurait donc été prononcé par une chambre qui n'était pas régulièrement composée, en violation des articles 10, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

35. À cet égard, il convient de rappeler que, en application de l'article 10, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal constitue en son sein des chambres composées de trois ou de cinq juges.

36. Conformément à l'article 15 du statut CE de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l'article 44 du même statut, le Tribunal ne peut valablement délibérer qu'en nombre impair et les délibérations des chambres composées de trois ou de cinq juges ne sont valables que si elles sont prises par trois juges.

37. L'article 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal dispose que si, par suite d'absence ou d'empêchement, les juges sont en nombre pair, le juge le moins ancien s'abstient de participer au délibéré, sauf s'il s'agit du juge rapporteur, auquel cas le juge qui le précède immédiatement dans le rang s'abstient de participer au délibéré.

38. Il précise ainsi les modalités de mise en œuvre des règles énoncées par l'article 15 du statut CE de la Cour de justice. Or, aux fins de l'application de ces règles, le caractère définitif ou temporaire d'un empêchement n'est pas déterminant. Si une absence ou un empêchement temporaires justifient la modification de la composition afin que les membres demeurent en nombre impair, il en va de même, a fortiori, dans le cas d'un empêchement définitif résultant, par exemple, de l'expiration du mandat d'un membre.

39. En l'espèce, la troisième chambre élargie du Tribunal a donc pu délibérer valablement dans une composition réduite à trois membres, à la suite de l'expiration, postérieurement à la procédure orale, du mandat de l'un des cinq membres qui la composaient initialement.

40. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

2. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Enichem et ICI d'une violation de l'autorité de la chose jugée

41. LVM, DSM, Enichem et ICI ont fait valoir, devant le Tribunal, que la Commission ne pouvait pas adopter la décision PVC II sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994.

42. Elles font grief au Tribunal d'avoir, aux points 77 et suivants de l'arrêt attaqué, violé le principe de l'autorité de la chose jugée en rejetant le moyen qu'elles avaient tiré de celui-ci.

43. Selon elles, en statuant sur le litige, en application de l'article 54 du statut CE de la Cour de justice, après avoir annulé l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, la Cour, dans son arrêt du 15 juin 1994, a définitivement statué sur l'ensemble des moyens invoqués par les entreprises en cause.

44. À cet égard, il convient de relever que le Tribunal a rappelé à juste titre, au point 77 de l'arrêt attaqué, que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause (arrêt du 19 février 1991, Italie/Commission, C-281-89, Rec. p. I-347, point 14, et ordonnance du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C-277-95 P, Rec. p. I-6109, point 50).

45. Il a constaté ensuite, au point 78 de l'arrêt attaqué, que, dans son arrêt du 15 juin 1994, la Cour avait jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant la décision PVC I inexistante et que, par conséquent, l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992 devait être annulé. Il a alors relevé, aux points 78 et 81 de l'arrêt attaqué, que la Cour, statuant définitivement sur le litige en application de l'article 54 du statut CE de la Cour de justice, avait annulé la décision PVC I pour violation des formes substantielles, au motif que la Commission avait violé les dispositions de l'article 12, premier alinéa, de son règlement intérieur en omettant de procéder à l'authentification de la décision PVC I dans les termes prévus par cet article.

46. Dès lors, c'est à bon droit qu'il en a déduit, au point 82 de l'arrêt attaqué, que l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, qui avait expressément écarté la nécessité d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes, n'avait pas tranché ceux-ci.

47. Il a ajouté à juste titre, au point 84 de l'arrêt attaqué, que, lorsque la Cour statue elle-même définitivement sur le litige en application de l'article 54 du statut CE de la Cour de justice, en accueillant un ou plusieurs moyens soulevés par les requérantes, elle ne tranche pas ipso jure tous les points de fait et de droit invoqués par celles-ci.

48. Dans ces conditions, l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 emportait pour seule obligation à la charge de la Commission, au titre de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CEE), qui impose à l'institution dont un acte a été annulé de prendre les mesures d'exécution de l'arrêt de la Cour, celle d'éliminer, dans l'acte destiné à se substituer à l'acte annulé, l'illégalité effectivement constatée (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97-86, 99-86, 193-86 et 215-86, Rec. p. 2181, point 28).

49. LVM et DSM ne peuvent soutenir que l'article 174, second alinéa, du traité CE (devenu article 231, second alinéa, CE) s'opposait également à une nouvelle décision de la Commission. En effet, cette disposition n'est pas pertinente en l'espèce. Elle ne vise que la possibilité ouverte à la Cour de maintenir expressément certains effets d'un acte qu'elle annule, alors que l'hypothèse examinée dans la présente affaire relève de l'article 176 du traité.

50. LVM et DSM ne peuvent davantage invoquer l'arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission (17-74, Rec. p. 1063), dans lequel la Cour, après annulation partielle d'une décision de la Commission, a renvoyé l'affaire à celle-ci. Cet arrêt ne saurait être interprété a contrario comme excluant, en l'absence de renvoi exprès, toute possibilité pour l'institution en cause d'éliminer l'illégalité constatée ou, en cas d'annulation totale, de substituer une nouvelle décision à l'acte annulé. La circonstance que le juge communautaire renvoie ou non l'affaire à l'institution concernée ne modifie pas la portée de l'obligation imposée à cette dernière par l'article 176 du traité.

51. Enichem affirme que son analyse est corroborée par l'article 17 du règlement n° 17, qui confère à la Cour une compétence de pleine juridiction pour connaître des recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende. En pareil cas, la Cour traiterait l'intégralité de l'affaire dont elle est saisie. C'est ce qu'elle aurait fait en l'espèce, ainsi que cela ressortirait de l'énumération des moyens de forme et de fond qui lui étaient soumis, contenue au point 56 de son arrêt du 15 juin 1994. Dès lors qu'elle n'aurait donné aucune indication sur la poursuite de l'affaire, par exemple en la renvoyant devant le Tribunal, ledit arrêt aurait englobé tous les aspects développés devant elle.

52. Cet argument ne saurait être retenu. L'article 17 du règlement n° 17 ne concerne que l'intensité du contrôle exercé par le juge communautaire sur les sanctions appliquées en matière de concurrence, qu'il peut supprimer, réduire ou majorer. Le pouvoir conféré sur ce seul point n'implique pas que le contrôle de légalité exercé par ailleurs couvre la totalité des moyens invoqués, lorsque le juge communautaire n'a statué que sur certains d'entre eux.

53. Il s'ensuit que le moyen examiné du pourvoi doit être rejeté.

3. Sur le moyen tiré par LVM, DSM et ICI d'une violation du principe non bis in idem

54. Devant le Tribunal, LVM, DSM et ICI ont soutenu que la Commission avait violé le principe non bis in idem en adoptant une nouvelle décision après que la Cour eut annulé la décision PVC I.

55. Elles relèvent que le Tribunal a jugé, au point 96 de l'arrêt attaqué, qu'une entreprise ne peut pas être poursuivie par la Commission sur le fondement des règlements n° 17 et 99-63 pour violation des règles communautaires de la concurrence ou sanctionnée par celle-ci par l'imposition d'une amende en raison d'un comportement anticoncurrentiel dont le Tribunal, ou la Cour, a déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans son chef par la Commission. Cependant, elles lui reprochent d'avoir ensuite considéré, aux points 97 et 98 de l'arrêt attaqué, que, d'une part, du fait de l'annulation de la décision PVC I, la décision PVC II n'avait pas fait supporter aux requérantes deux sanctions pour une même infraction et que, d'autre part, la Commission n'avait pas poursuivi deux fois les requérantes pour un même ensemblede faits, puisque l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 n'avait tranché aucun des moyens au fond invoqués par elles.

56. Selon LVM et DSM, le principe non bis in idem s'applique en cas d'annulation d'une première décision, que cette annulation ait été prononcée pour manque de preuves ou pour violation des formes substantielles. Il viserait en effet à protéger l'entreprise contre les doubles poursuites ou les doubles sanctions, quelle que soit la raison pour laquelle les premières poursuites n'ont pas abouti. Cette interprétation serait confirmée par l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés Fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la "CEDH"), entre-temps entré en vigueur, disposition aux termes de laquelle "[n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État". Or, dans l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, les requérantes auraient été "acquittées" au sens de cette dernière disposition.

57. ICI fait également valoir que le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire applicable en droit de la concurrence (arrêt du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission, 7-72, Rec. p. 1281), a été consacré par l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la CEDH. Elle reproche au Tribunal d'avoir, pour rejeter le moyen tiré de ce principe, retenu qu'elle avait été dispensée d'acquitter l'amende infligée par la décision PVC I après que celle-ci eut été annulée. Selon elle, cette circonstance n'était pas pertinente. La question déterminante aurait été celle de savoir si la décision PVC II se fondait sur le même comportement que celui en cause dans l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 (Cour eur.D.H., arrêt Gradinger du 23 octobre 1995, série A, n° 328 C, § 55). Or, tel aurait été le cas en l'espèce.

58. ICI fait valoir, en outre, que l'article 4 du protocole n° 7 de la CEDH s'applique en cas de condamnation définitive, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe plus de voies ordinaires de recours ou lorsque les parties ont épuisé celles-ci ou laissé s'écouler les délais pour les exercer. Tel serait précisément le cas en l'espèce, puisque, après l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, la requérante n'aurait plus disposé d'aucune voie de recours.

59. À cet égard, il convient de relever que, ainsi que cela résulte des motifs de l'arrêt attaqué, le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la CEDH, interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours.

60. L'application de ce principe suppose donc qu'il a été statué sur la matérialité de l'infraction ou que la légalité de l'appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée.

61. Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l'infraction, qui aurait pour conséquence l'imposition soit d'une seconde sanction, s'ajoutant à la première, dans l'hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d'une première sanction, dans l'hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde.

62. En revanche, il ne s'oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu'une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu'il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d'annulation ne valant pas alors "acquittement" au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s'ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

63. Dans ces conditions, dès lors que la Cour, dans son arrêt du 15 juin 1994, avait annulé la décision PVC I, y compris les sanctions prononcées, sans trancher aucun des moyens au fond invoqués par les requérantes, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la Commission, en adoptant la décision PVC II après réparation du vice formel censuré, n'avait ni sanctionné ni poursuivi deux fois les entreprises du chef des mêmes faits.

64. LVM et DSM font encore valoir que le Tribunal, en considérant, dans le cadre de l'examen du moyen tiré d'une violation du principe non bis in idem, que la décision PVC I était censée n'avoir jamais existé par suite de son annulation, a tenu un raisonnement en contradiction avec celui développé au point 1100 de l'arrêt attaqué en ce qui concerne un moyen tiré de la prescription.

65. Ce grief n'est pas fondé. La question de droit tranchée par le Tribunal au point 1100 de l'arrêt attaqué concernait les conditions de la suspension de la prescription prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), aux termes duquel "[l]a prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes".

66. Au point 1098 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que l'objet même de cet article est de permettre la suspension de la prescription lorsque la Commission est empêchée d'intervenir pour une raison objective qui ne lui est pas imputable, tenant au fait même qu'un recours est pendant.

67. En ajoutant, au point 1100 de l'arrêt attaqué, que "[c]'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou la Cour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent ces juridictions dans leur arrêt", il n'a fait que constater que le mécanisme de suspension prévu par le règlement n° 2988-74 est indépendant de l'effet d'un arrêt d'annulation de la décision. Bien plus, au même pointde l'arrêt attaqué, il a relevé en substance que le mécanisme de suspension n'a de sens, précisément, que dans l'hypothèse d'une annulation effective de la décision de la Commission, c'est-à-dire lorsque cette décision est ensuite censée n'avoir jamais existé.

68. C'est donc sans contradiction que le Tribunal, à propos de deux questions différentes, a, d'une part, tenu compte de l'effet de l'arrêt d'annulation sur la décision PVC I en ce qui concerne le principe non bis in idem et, d'autre part, pris en considération l'existence même de la procédure pendante devant les juridictions communautaires, indépendamment du contenu de l'arrêt d'annulation et de l'effet de celui-ci sur la décision PVC I, en ce qui concerne le mécanisme de suspension de la prescription.

69. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

4. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa, Enichem et ICI d'une invalidité des actes de procédure antérieurs à l'adoption de la décision PVC I

70. Devant le Tribunal, LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa, Enichem et ICI ont soutenu que l'annulation de la décision PVC I avait affecté l'ensemble des actes préparatoires de celle-ci. Ces actes n'auraient donc pu valablement constituer des actes préparatoires de la décision PVC II.

71. Elles font grief au Tribunal d'avoir, aux points 183 à 193 de l'arrêt attaqué, rejeté le moyen correspondant en retenant que les actes préparatoires de la décision PVC I n'étaient pas affectés par l'annulation de celle-ci.

72. À cet égard, en se fondant sur une jurisprudence constante, selon laquelle ce sont les motifs d'un arrêt d'annulation qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif (arrêts Asteris e.a./Commission, précité, point 27, et du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C-415-96, Rec. p. I-6993, point 31), le Tribunal a considéré à juste titre, au point 184 de l'arrêt attaqué, que, afin de déterminer la portée de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, il convenait de se référer aux motifs de cet arrêt.

73. En effet, l'annulation d'un acte communautaire n'affecte pas nécessairement les actes préparatoires (arrêt Espagne/Commission, précité, point 32), la procédure visant à remplacer l'acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue (arrêt Espagne/Commission, précité, point 31).

74. Or, au point 189 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, par son arrêt du 15 juin 1994, la Cour avait annulé la décision PVC I à cause d'un vice de procédure qui concernait exclusivement les modalités de l'adoption définitive de cette décision par la Commission.

75. Il a donc pu en déduire à bon droit que, dès lors que le vice procédural constaté était intervenu au stade ultime de l'adoption de la décision PVC I, l'annulation n'avait pas affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision, antérieures au stade où ce vice avait été constaté (voir, à propos d'une directive, arrêt du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 34).

76. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

5. Sur les moyens tirés, par toutes les requérantes, de la nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I et, par ICI, du caractère incomplet du dossier soumis à la délibération du collège des membres de la Commission lors de l'adoption de la décision PVC II

77. Devant le Tribunal, les requérantes ont fait valoir en substance que, même si le vice constaté par l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 était survenu au stade ultime de l'adoption de la décision PVC I, la réparation de ce vice par la Commission exigeait que certaines garanties procédurales fussent respectées avant l'adoption de la décision PVC II, dès lors que celle-ci constituait une nouvelle décision. Il a été ainsi soutenu devant lui que la procédure administrative aurait dû soit être reprise intégralement à partir de la communication des griefs, soit comporter une nouvelle audition des entreprises intéressées, une nouvelle saisine du comité consultatif et une nouvelle intervention du conseiller-auditeur. ICI a en outre fait valoir que, dans ces conditions, le dossier soumis au collège des membres de la Commission ne contenait pas des documents qui, s'ils avaient été établis, auraient permis l'adoption d'une décision en toute connaissance des questions de droit et de fait qui n'auraient pas manqué d'être soulevées.

78. Dans le cadre de leurs pourvois, les requérantes font grief au Tribunal de ne pas avoir accueilli leurs moyens sur ces différents points, qu'il convient d'examiner successivement.

a) Sur l'absence d'une nouvelle communication des griefs

79. Montedison soutient que, en application des règlements n° 17 et 99-63, la Commission aurait dû ouvrir une nouvelle procédure administrative commençant par une nouvelle communication des griefs, avant d'adopter la décision PVC II, celle-ci constituant une nouvelle décision, même si son contenu était identique à celui de la décision PVC I.

80. À cet égard, il résulte de l'examen, aux points 41 à 53 du présent arrêt, du moyen tiré d'une violation de l'autorité de la chose jugée que l'annulation de la décision PVC I par l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 n'a pas affecté la validité des actes de procédure antérieurs, soit, en particulier, de la communication des griefs.

81. La Commission n'était donc pas, du seul fait de cette annulation, tenue d'adresser une nouvelle communication des griefs aux entreprises en cause.

82. Dès lors, le grief formulé par Montedison ne saurait être accueilli.

b) Sur l'absence d'une nouvelle audition des entreprises intéressées

83. Toutes les requérantes font valoir que l'annulation de la décision PVC I impliquait, aux fins de l'adoption de la décision PVC II, la nécessité de procéder à une nouvelle audition des entreprises, en application de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17. LVM et DSM soutiennent que cette nécessité découlait du principe fondamental du respect des droits de la défense, lequel ne pourrait être délimité et encore moins restreint par des dispositions de droit dérivé, en raison de la primauté des principes fondamentaux du droit communautaire.

84. Aussi les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir jugé, aux points 251 et 252 de l'arrêt attaqué, qu'une nouvelle audition n'était pas requise en l'absence de nouveaux griefs.

85. À cet égard, il convient de constater que le Tribunal a rappelé à juste titre, au point 246 de l'arrêt attaqué, que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 9).

86. Il a également souligné à bon droit, au point 247 de l'arrêt attaqué, que les articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 4 du règlement n° 99-63, qui font application de ce principe, prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d'entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

87. Il a donc pu en déduire, au point 249 de l'arrêt attaqué, que le respect des droits de la défense requiert que soit donnée à chaque entreprise ou association d'entreprises intéressée la possibilité d'être entendue sur les griefs que la Commission entend retenir contre chacune d'elles dans la décision finale constatant l'infraction aux règles de la concurrence. Ce faisant, il n'a pas consacré une limitation, par les dispositions de droit dérivé des règlements nos 17 et 99-63, du principe fondamental du respect des droits de la défense, mais en a exactement rappelé le contenu en matière de droit de la concurrence.

88. Constatant alors que la décision PVC II ne contenait aucun grief nouveau par rapport à la décision PVC I, c'est sans commettre d'erreur de droit qu'il a jugé, au point 252 de l'arrêt attaqué, qu'une nouvelle audition n'était pas requise avant l'adoption de la décision PVC II.

89. Trois séries d'arguments sont développées en vain pour contredire cette constatation.

90. En premier lieu, LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa, Enichem et ICI soutiennent qu'une nouvelle audition leur aurait permis de faire valoir utilement des observations sur les conséquences à tirer de l'annulation de la décision PVC I. Elles auraient pu ainsi se prononcer sur la nécessité et l'opportunité de l'adoption même de la décision PVC II, sur des questions telles que l'écoulement du temps, l'autorité de la chose jugée, le principe non bis in idem, l'évolution de la jurisprudence postérieurement à l'adoption de la décision PVC I et le nécessaire accès au dossier inhérent à la réouverture de la procédure, sur l'obligation d'examen de certaines questions par le conseiller-auditeur, sur l'obligation de consultation du comité consultatif, sur les implications de l'article 20 du règlement n° 17 ainsi que sur l'évolution du marché du PVC depuis 1988.

91. À cet égard, il doit être relevé que, s'agissant de la nécessité et de l'opportunité d'adopter une nouvelle décision après l'annulation de la décision PVC I, la revendication d'un droit de formuler des observations à ce sujet dépasse le domaine d'exercice des droits de la défense organisé par les règlements nos 17 et 99-63 et circonscrit aux questions relatives à la réalité ainsi qu'à la pertinence des faits et circonstances allégués et aux documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction au droit de la concurrence (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 11). Or, les droits de la défense ont été respectés antérieurement à l'adoption de la décision PVC I. En effet, lors des auditions initiales, les entreprises intéressées ont été en mesure de développer leurs observations sur les griefs formulés par la Commission, lesquels ont servi ensuite de base d'appréciation aux fins de l'adoption de la décision PVC II.

92. En ce qui concerne d'éventuelles évolutions de la jurisprudence ou du contexte économique, elles ne sauraient en elles-mêmes nécessiter de nouvelles auditions, pas plus que si elles intervenaient au cours d'une procédure administrative préalable à une décision finale.

93. Quant aux questions de droit susceptibles de se poser dans le cadre de l'application de l'article 176 du traité, comme celles relatives à l'écoulement du temps, à la possibilité d'une reprise des poursuites, à l'accès au dossier qui serait inhérent à la reprise de la procédure, à l'intervention du conseiller-auditeur et du comité consultatif ainsi qu'à d'éventuelles implications de l'article 20 du règlement n° 17, elles n'exigeaient pas davantage de nouvelles auditions, dans la mesure où elles ne modifiaient pas le contenu des griefs, étant seulement justiciables, le cas échéant, d'un contrôle juridictionnel ultérieur.

94. En deuxième lieu, LVM et DSM contestent l'affirmation du Tribunal selon laquelle la décision PVC II ne contiendrait aucun grief nouveau par rapport à la décision PVC I. Elles invoquent, à cet égard, des "modifications importantes" qui auraient été opérées dans la décision PVC II par rapport à la décision PVC I, à savoir un nouveau dispositif, des modifications de la motivation en fait et en droit, ainsi qu'un nouveau chapitre relatif à la prescription. Plus généralement, LVM et DSM estiment que le critère juridiquement pertinent est non pas la possibilité de qualifier de "griefs" desfaits et circonstances nouveaux, mais uniquement la question de savoir s'il existe des faits et circonstances nouveaux sur lesquels les entreprises ne se sont pas encore prononcées. En l'espèce, les éléments nouveaux comprendraient les questions, visées au point 90 du présent arrêt, sur lesquelles les requérantes auraient voulu présenter des observations ainsi que les modifications figurant dans la décision PVC II.

95. Elf Atochem affirme que la Commission aurait dû procéder à de nouvelles auditions du seul fait que, selon la requérante, la décision PVC II présenterait des "éléments nouveaux" par rapport à la décision PVC I. Premièrement, la décision PVC II distinguerait Norsk Hydro et Solvay, qui ne seraient plus condamnées. Deuxièmement, ces deux sociétés seraient néanmoins toujours visées au titre de comportements collectifs reprochés aux entreprises destinataires de la décision PVC II, de sorte que les deux décisions successives de la Commission viseraient de prétendues ententes ou pratiques concertées collectives, dont les membres mis en cause en 1994 seraient différents de ceux mis en cause en 1988. Troisièmement, la décision PVC II contiendrait des développements consacrés à la prescription pour justifier le droit de prendre une nouvelle décision. En toute hypothèse, selon Elf Atochem, il importe peu que la nouvelle décision comporte ou non de nouveaux griefs. Une nouvelle audition serait toujours nécessaire. La Commission ne pourrait reprendre purement et simplement les griefs d'une décision antérieure annulée. Chaque décision prise par la Commission contiendrait des griefs propres.

96. À cet égard, il convient d'observer que, contrairement à l'affirmation de LVM et de DSM, les différences existant entre les dispositifs des décisions PVC I et PVC II ainsi que les développements sur la question de la prescription ne correspondent à aucun grief nouveau qui aurait été retenu par la Commission dans la décision PVC II. S'agissant des modifications de fait et de droit alléguées, les requérantes n'indiquent pas celles qui caractériseraient, selon elles, la prise en compte de griefs nouveaux ni ne démontrent en quoi ces modifications se rapporteraient effectivement à de tels griefs.

97. Par ailleurs, contrairement aux affirmations tant de LVM et de DSM que d'Elf Atochem, la seule existence de différences entre les deux décisions successives de la Commission ne nécessitait pas en soi de nouvelles auditions, dès lors que ces différences n'impliquaient pas la prise en compte de nouveaux griefs.

98. Lorsque, à la suite de l'annulation d'une décision en matière de concurrence, la Commission choisit de réparer la ou les illégalités constatées et d'adopter une décision identique qui n'est pas entachée de ces illégalités, cette décision concerne les mêmes griefs, sur lesquels les entreprises se sont déjà prononcées. Elf Atochem ne peut donc soutenir que chacune des décisions PVC I et PVC II se réfère à des griefs propres.

99. Il doit être constaté, en outre, que les différences entre les décisions PVC I et PVC II relatives à Norsk Hydro et à Solvay ne sont que les conséquences du régime des voiesde droit ouvertes contre une décision adoptée en matière de concurrence à l'égard de plusieurs entreprises.

100. Une telle décision, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Elle ne peut être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge communautaire et elle demeure contraignante à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C-310-97 P, Rec. p. I-5363, points 49 et suivants).

101. Or, en l'espèce, Solvay n'a pas introduit de recours contre la décision PVC I et le recours introduit contre celle-ci par Norsk Hydro a été déclaré irrecevable par l'ordonnance Norsk Hydro/Commission, précitée.

102. Dès lors, la décision PVC I étant devenue définitive à l'égard de ces deux entreprises, ces dernières ne pouvaient plus être destinataires de la décision PVC II. Néanmoins, dans la mesure où elles étaient impliquées dans les griefs formulés à l'égard de toutes les entreprises initialement en cause, leurs rôles respectifs ont pu être pris en compte par la Commission dans la décision PVC II en tant qu'ils se rapportaient aux griefs dirigés contre les destinataires de cette seconde décision, aux fins de la constatation des infractions retenues contre lesdits destinataires, chacun dans les limites de sa propre responsabilité. Les décisions PVC I et PVC II ne visent donc pas des ententes ou des pratiques concertées collectives dont les membres mis en cause en 1994 seraient différents de ceux mis en cause en 1988. Elles visent les mêmes ententes ou pratiques concertées concernant les mêmes entreprises qui, par le seul effet de règles procédurales, ont été sanctionnées dans le cadre de deux décisions successives.

103. Quant aux développements consacrés à la prescription, relevés par Elf Atochem dans la décision PVC II au titre d'une troisième différence existant par rapport à la décision PVC I, ils sont à l'évidence étrangers à tout nouveau grief, ne portant pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises s'étaient déjà expliquées.

104. En dernier lieu, Wacker-Chemie et Hoechst reprochent au Tribunal d'avoir exclu la nécessité de nouvelles auditions en l'absence de nouveaux griefs, alors que la décision PVC II aurait allongé la durée de l'infraction retenue, qu'elle serait privée de fondement en ce qui concerne l'injonction de mettre un terme à l'infraction, énoncée à son article 2, et qu'elle ne déterminerait pas le montant de l'amende conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

105. En ce qui concerne la durée de l'infraction constatée, elle aurait, du seul fait de la date d'adoption de la décision PVC II, été allongée de cinq ans et demi par rapport à l'infraction retenue à la date d'adoption de la décision PVC I.

106. À cet égard, il doit toutefois être constaté que les articles 1er et 3 de la décision PVC II, qui ont, respectivement, comme les articles 1er et 3 de la décision PVC I, retenu la participation des requérantes à l'infraction constatée et infligé des amendes à ces entreprises, doivent être lus à la lumière des motifs qui les soutiennent. Or, en ce qui concerne, notamment, Wacker-Chemie et Hoechst, le point 54 des motifs de chacune des décisions PVC I et PVC II précise que le montant des amendes a été fixé sur le fondement d'une participation à l'entente "au moins jusqu'en mai 1984". Par conséquent, l'adoption, le 27 juillet 1994, de la décision PVC II n'a pas eu pour effet d'allonger la durée de l'infraction sanctionnée par rapport à la décision PVC I, la durée de participation effectivement prise en compte ayant été la même.

107. S'agissant de l'injonction de mettre un terme à l'infraction, Wacker-Chemie et Hoechst soutiennent qu'elle supposait la preuve d'une poursuite de l'infraction au moment de l'adoption de la décision PVC II et que, en l'absence d'une telle preuve, l'écoulement du temps avait entraîné la disparition du fondement légal de l'injonction. Elles font valoir, au surplus, qu'elles avaient cessé définitivement leur activité sur le marché du PVC antérieurement à l'adoption de la décision PVC II, de sorte qu'elles ne pouvaient être tenues de mettre un terme à une infraction.

108. À cet égard, il y a cependant lieu de rappeler que, au point 50 des motifs de chacune des décisions PVC I et PVC II, la Commission a indiqué que, nonobstant certains engagements pris par quelques entreprises au cours de la procédure administrative, elle ignorait "si les réunions, ou du moins un système quelconque de communication des prix et des tonnages entre les sociétés, [avaient] jamais réellement cessé". Elle a alors conclu qu'il convenait "d'inclure dans toute décision l'obligation formelle, pour les entreprises qui exercent toujours des activités dans le secteur du PVC, de mettre fin à l'infraction". C'est pourquoi elle a enjoint aux entreprises, à l'article 2 de la décision PVC II, comme précédemment à l'article 2 de la décision PVC I, de mettre fin immédiatement aux infractions "si elles ne l'[avaient] pas déjà fait". L'injonction prononcée ne s'adressait ainsi qu'aux entreprises qui, le cas échéant, poursuivaient encore l'infraction à la date d'adoption de la décision. De même qu'en ce qui concerne la décision PVC I, l'injonction prononcée par la décision PVC II était donc simplement sans objet à l'égard des entreprises qui avaient cessé l'infraction à la date de son adoption. Elle était également sans objet à l'égard de Wacker-Chemie et de Hoechst si ces entreprises avaient, ainsi qu'elles le soutiennent, cessé définitivement leur activité sur le marché en cause, dans la mesure où l'article 2 de la décision PVC II, comme l'article 2 de la décision PVC I, vise les entreprises "encore actives dans le secteur du PVC".

109. Enfin, s'agissant de la détermination du montant de l'amende, Wacker-Chemie et Hoechst font valoir qu'une amende infligée nettement après les faits incriminés ne doit pas nécessairement aboutir au même résultat qu'une sanction immédiatement postérieure à l'infraction et que la Commission devait déterminer le chiffre d'affaires du dernier exercice social précédant la décision PVC II, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en vertu duquel le maximum de l'amendesusceptible d'être prononcée est de 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent.

110. À cet égard, il doit être relevé que l'obligation de prise en compte du chiffre d'affaires de l'exercice social précédent existe au stade de la décision finale de la Commission, aux fins de la détermination du montant maximal de l'amende. La nécessité de recueillir ce chiffre d'affaires apparaît donc postérieurement à l'audition des entreprises, dont l'objet est de permettre à celles-ci de formuler leurs observations sur les griefs retenus contre elles. Elle n'apparaît en outre que si, au terme de l'audition, la Commission considère que l'infraction est établie. Dans ces conditions, l'argument des requérantes n'est pas pertinent pour fonder en l'espèce une obligation de procéder à une nouvelle audition.

111. Il découle de ce qui précède que le grief tiré de l'absence d'une nouvelle audition des entreprises intéressées doit être rejeté.

c) Sur l'absence d'une nouvelle consultation du comité consultatif

112. Toutes les requérantes font valoir que l'annulation de la décision PVC I impliquait, aux fins de l'adoption de la décision PVC II, la nécessité de procéder à une nouvelle consultation du comité consultatif, en application de l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17.

113. Elles reprochent au Tribunal d'avoir jugé, aux points 256 et 257 de l'arrêt attaqué, qu'une nouvelle consultation du comité consultatif n'aurait été exigée que si une nouvelle audition avait elle-même été nécessaire.

114. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 1er du règlement n° 99-63 dispose:

"Avant de consulter le Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission procède à une audition en application de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17."

115. Au point 256 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé à juste titre que, en vertu de cette disposition, l'audition des entreprises intéressées et la consultation du comité consultatif sont nécessaires dans les mêmes situations (arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46-87 et 227-88, Rec. p. 2859, point 54).

116. Or, il a déjà été constaté en l'espèce, d'une part, que l'annulation de la décision PVC I n'avait pas affecté la validité des actes de procédure administrative antérieurs à l'adoption de cette décision, et, d'autre part, qu'elle ne nécessitait pas de nouvelles auditions.

117. Ainsi, conformément aux articles 10, paragraphe 3, du règlement n° 17 et 1er du règlement n° 99-63, la décision PVC II était effectivement "consécutive" à une procédure de constatation d'infraction à l'article 85 du traité et avait été précédée desauditions des entreprises prévues ainsi que de l'avis du comité consultatif en date du 1er décembre 1988.

118. Dans ces conditions, dès lors que la décision PVC II ne comportait pas de modifications substantielles par rapport à la décision PVC I, sur l'avant-projet de laquelle le comité consultatif avait été consulté en application de l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17, le Tribunal a pu juger à bon droit, au point 257 de l'arrêt attaqué, qu'une nouvelle consultation de ce comité n'était pas requise (voir, par analogie, s'agissant de la consultation du Parlement au cours de la procédure législative, arrêt du 10 juin 1997, Parlement/Conseil, C-392-95, Rec. p. I-3213, point 15).

119. Il s'ensuit que le grief tiré de l'absence d'une nouvelle consultation du comité consultatif doit être rejeté.

d) Sur l'absence d'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur

120. Degussa, Enichem et ICI affirment que la Commission aurait dû également faire intervenir le conseiller-auditeur, dont le nouveau rôle avait été défini, entre-temps, par la décision de la Commission, du 24 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et 66 du traité CECA (Vingtième Rapport sur la politique de concurrence, p. 350, ci-après la "décision du 24 novembre 1990").

121. Elles reprochent au Tribunal d'avoir jugé, au point 253 de l'arrêt attaqué, que, n'ayant pas été tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprises intéressées, la Commission n'avait pas pu méconnaître les termes de sa décision du 24 novembre 1990, qui n'était pas applicable ratione temporis à la phase orale de la procédure administrative ayant précédé l'adoption de la décision PVC II.

122. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a créé la fonction de conseiller-auditeur, avec effet au 1er septembre 1982, selon une communication intitulée "Information relative aux procédures d'application des règles de concurrence des traités CEE et CECA (articles 85 et 86 du traité CEE ; articles 65 et 66 du traité CECA)", publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 25 septembre 1982 (JO C 251, p. 2).

123. Dans l'information précitée, elle a défini cette fonction dans les termes suivants:

"Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments de fait pertinents, qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence.

Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défense, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice."

124. Les fonctions du conseiller-auditeur ont été précisées dans un texte publié en annexe au Treizième Rapport sur la politique de concurrence, relatif à l'année 1983, dont l'article 2 était libellé dans des termes identiques à ceux de la définition initiale. Ledit texte a lui-même été remplacé par la décision du 24 novembre 1990, dont l'article 2 était également rédigé dans des termes identiques à ceux de la définition initiale.

125. Il résulte du contenu même de la mission confiée au conseiller-auditeur intervenu dans la procédure antérieurement à l'adoption de la décision PVC I que l'intervention en cause était nécessairement liée à l'audition des entreprises, dans la perspective d'une éventuelle décision.

126. Dans ces conditions, ayant constaté à juste titre qu'une nouvelle audition n'était pas nécessaire après l'annulation de la décision PVC I, le Tribunal a pu déduire à bon droit, au point 253 de l'arrêt attaqué, qu'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur dans les conditions prévues par la décision du 24 novembre 1990, entre-temps entrée en application, n'était pas non plus requise.

127. Il s'ensuit que le grief tiré de l'absence d'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur doit être rejeté.

e) Sur la composition du dossier soumis à la délibération du collège des membres de la Commission

128. ICI estime que, en raison des vices ayant affecté la procédure administrative antérieure à l'adoption de la décision PVC I, le collège des membres de la Commission n'a pas pu examiner l'ensemble des documents pertinents, soit, notamment, un nouveau rapport du conseiller-auditeur et un nouveau compte rendu de consultation du comité consultatif. Différent de celui qui avait adopté la décision PVC I, ce collège n'aurait donc disposé que des écritures des parties déposées six ans auparavant, du rapport du conseiller-auditeur établi à la même époque et de l'avis du comité consultatif datant lui aussi de 1988.

129. Elle reproche au Tribunal d'avoir rejeté ce moyen au point 316 de l'arrêt attaqué.

130. À cet égard, il y a lieu d'observer que, au point 315 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a exactement rappelé que la Commission, après l'annulation de la décision PVC I, n'avait commis aucune erreur de droit en ne procédant pas à une nouvelle audition des entreprises intéressées avant l'adoption de la décision PVC II.

131. Il résulte par ailleurs des points 122 à 127 et 114 à 119 du présent arrêt qu'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur ainsi qu'une nouvelle consultation du comité consultatif ne s'imposaient pas.

132. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient ICI, le dossier soumis au collège des membres de la Commission ne devait pas contenir, notamment, un nouveau rapport du conseiller-auditeur et un nouveau compte rendu de consultation du comité consultatif.

133. Le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 316 de l'arrêt attaqué, que la prémisse du raisonnement d'ICI relatif à la composition de ce dossier était erronée, de sorte que ledit raisonnement était dénué de fondement.

134. Il découle dès lors de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens examinés doivent être rejetés.

6. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Montedison et ICI de la prescription des poursuites

135. LVM, DSM, Montedison et ICI reprochent au Tribunal d'avoir, aux points 1089 et suivants de l'arrêt attaqué, appliqué de manière erronée le règlement n° 2988-74. Il aurait jugé à tort que la prescription par cinq ans du droit de poursuite avait été suspendue pendant le cours des procédures juridictionnelles dirigées contre la décision PVC I, en vertu de l'article 3 dudit règlement, aux termes duquel la prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que "la décision de la Commission" fait l'objet d'une procédure pendante devant le juge communautaire.

136. Selon les requérantes, cette dernière disposition ne s'applique pas à la décision finale sur l'infraction et l'amende adoptée par la Commission. Une telle décision relèverait, dès son adoption, des règles de prescription en matière d'exécution, énoncées aux articles 5 et 6 du règlement n° 2988-74. Dès lors, un recours dirigé contre une telle décision ne serait pas suspensif de la prescription des poursuites. L'article 3 du règlement n° 2988-74 ne s'appliquerait qu'aux recours dirigés contre les actes interruptifs de cette prescription énumérés à l'article 2 du même règlement. Plus précisément, d'après LVM et DSM, il ne s'appliquerait qu'aux recours contre ceux de ces actes émanant de la Commission qui, prenant la forme d'une décision, sont attaquables. LVM et DSM affirment que la décision finale, dans la mesure où elle ne figure pas dans l'énumération de l'article 2 du règlement n° 2988-74, qui serait ainsi limitative, n'est pas interruptive de la prescription des poursuites. Elles en déduisent que le recours dirigé contre cette décision ne peut suspendre le délai de ladite prescription. ICI fait valoir qu'aucun acte postérieur à la communication des griefs, dernier des actes interruptifs énumérés à l'article 2 du règlement n° 2988-74, n'a pour effet d'interrompre la prescription des poursuites.

137. À cet égard, il convient de constater que, conformément à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2988-74, la prescription en matière d'exécution ne court qu'à compter du jour où "la décision est devenue définitive", c'est-à-dire soit à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant statué sur l'infraction et l'amende, lorsqu'aucun recours n'a été introduit, soit à compter de la décision du juge communautaire statuant définitivement sur un recours effectivement exercé, lorsque celui-ci est rejeté, la question de la prescription en matière d'exécution étant à l'évidence sans objet en cas d'annulation de la décision.

138. En conséquence, les règles relatives à l'interruption et à la suspension de la prescription en matière d'exécution, édictées par les articles 5 et 6 du règlement n° 2988-74, ne s'appliquent pas dès l'adoption de la décision finale de la Commission.

139. Tant que cette décision n'est pas définitive, la prescription des poursuites est régie par les règles en matière de poursuites, énoncées aux articles 1er à 3 du même règlement.

140. En application des articles 1er, paragraphes 1, sous b), et 2, ainsi que 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988-74, la prescription des poursuites est acquise dès lors que la Commission n'a pas prononcé une amende ou une sanction dans les cinq ans suivant son point de départ sans que, entre-temps, soit intervenu un acte interruptif ou, au plus tard, dans les dix ans suivant le même point de départ si des actes interruptifs ont été accomplis. Néanmoins, en vertu du même article 2, paragraphe 3, le délai de prescription ainsi défini est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément à l'article 3.

141. Contrairement à l'affirmation des requérantes, il ne résulte nullement des termes des articles 2 et 3 du règlement n° 2988-74 que "la décision de la Commission", visée à l'article 3, qui fait l'objet d'une procédure pendante devant le juge communautaire entraînant la suspension de la prescription en matière de poursuites, ne peut être que l'un des actes visés à l'article 2 comme étant interruptifs de cette prescription, et dont la liste serait limitative. Sur ce point, le Tribunal a relevé à juste titre, au point 1097 de l'arrêt attaqué, que certains des actes visés à l'article 2, paragraphe 1, en particulier les demandes de renseignements écrites, les mandats de vérification ou la communication des griefs, constituent des actes préparatoires et non pas des décisions. De surcroît, l'énumération contenue au même article et introduite par l'adverbe "notamment" n'est nullement limitative.

142. Surtout, ainsi que le Tribunal l'a souligné en substance au point 1098 de l'arrêt attaqué, les articles 2 et 3 du règlement n° 2988-74, relatifs respectivement à l'interruption et à la suspension de la prescription en matière de poursuites, poursuivent des objectifs distincts.

143. L'article 2 tire des conséquences de la réalisation d'actes d'instruction et de poursuites qui démontrent de la part de la Commission des diligences visant à la poursuite effective des entreprises en cause.

144. En revanche, l'article 3 protège la Commission contre l'effet de la prescription dans des situations dans lesquelles elle doit attendre la décision du juge communautaire, dans le cadre de procédures dont elle ne maîtrise pas le déroulement, avant de savoir si l'acte attaqué est ou non entaché d'illégalité. L'article 3 concerne donc des hypothèses dans lesquelles l'inaction de l'institution n'est pas la conséquence d'un manque de diligence.

145. Or, de telles hypothèses se concrétisent aussi bien en cas de recours contre les actes interruptifs énumérés à l'article 2 du règlement n° 2988-74 susceptibles d'être attaqués qu'en cas de recours contre une décision prononçant une amende ou une sanction.

146. Dans ces conditions, tant le libellé de l'article 3 que son objectif couvrent à la fois les recours introduits contre les actes visés à l'article 2 qui sont attaquables et les recours dirigés contre la décision finale de la Commission.

147. Par suite, un recours dirigé contre la décision finale infligeant des sanctions suspend la prescription en matière de poursuites jusqu'à ce que le juge communautaire ait définitivement statué sur ledit recours.

148. Montedison ne peut soutenir que la suspension de la prescription en matière de poursuites aurait pour effet que le pouvoir de la Commission de procéder à des vérifications et d'infliger des sanctions n'aurait aucune limite, parce qu'il renaîtrait après le prononcé de chaque arrêt. En effet, la Commission demeure exposée à la prescription des poursuites dans la mesure où, après le prononcé de l'arrêt d'annulation, la prescription suspendue reprend son cours et demeure soumise au délai de cinq ans ou de dix ans prévu par le règlement n° 2988-74, compte non tenu de la période de suspension.

149. ICI ne peut utilement faire grief au Tribunal d'avoir jugé, au point 1098 de l'arrêt attaqué, que la suspension de la prescription s'applique "lorsque la Commission est empêchée d'intervenir pour une raison objective qui ne lui est pas imputable", en soutenant que l'introduction d'un recours contre une décision infligeant des amendes n'empêche en rien la Commission d'adopter une décision de ce type. En effet, cette affirmation impliquerait, si elle était suivie, que l'institution retire la décision contestée pour lui substituer une autre décision tenant compte du contenu de la contestation. Elle reviendrait à dénier à la Commission le droit même de faire constater par le juge communautaire, le cas échéant, la légalité de la décision attaquée.

150. ICI ne peut davantage tirer argument de ce qu'une décision prononçant des amendes est pleinement exécutoire jusqu'à ce qu'elle ait été annulée par voie juridictionnelle. Par définition, des actes d'exécution d'une décision sanctionnant une infraction ne peuvent être considérés comme des actes visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction. De tels actes, dont la légalité est de surcroît subordonnée à celle de la décision objet d'un recours, ne sauraient donc produire aucun effetinterruptif de la prescription des poursuites en cas d'annulation de la décision contestée judiciairement.

151. ICI ne peut prétendre que l'interprétation du Tribunal revient à permettre à la Commission de tirer profit de sa propre faute. En cas d'annulation d'un acte, la Commission subit toutes les conséquences de cette annulation, par hypothèse liée à une erreur qu'elle a commise. La suspension de la prescription la préserve seulement des effets de celle-ci pendant une période au cours de laquelle, précisément, le délai écoulé ne lui est pas imputable.

152. LVM et DSM font valoir que, si le recours contre la décision PVC I devait être considéré comme suspensif, l'annulation de cette décision devrait être considérée comme ayant rendu la suspension, comme la décision elle-même, rétroactivement inexistante.

153. Cependant, le Tribunal a relevé à bon droit, au point 1100 de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'article 3 du règlement n° 2988-74 n'a de sens que si une décision constatant une infraction et infligeant une amende, qui fait l'objet d'un recours, est annulée et, d'autre part, que toute annulation d'un acte que la Commission a adopté est nécessairement imputable à celle-ci, en ce sens qu'elle traduit une erreur de sa part. Dès lors, il a pu en déduire qu'exclure la suspension de la prescription des poursuites lorsque le recours aboutit à reconnaître une erreur imputable à la Commission priverait de tout sens l'article 3 du règlement. Ainsi qu'il l'a souligné, c'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou la Cour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent ces juridictions dans leur arrêt.

154. Montedison estime quant à elle que, même en cas de suspension de la prescription en matière de poursuites, le nouvel acte interruptif de cette prescription aurait dû intervenir dans les cinq ans suivant le précédent.

155. Toutefois, cette analyse revient à nier la conséquence même de la prémisse qui constitue son point de départ. En cas de suspension de la prescription, la période de suspension écoulée allonge d'autant le délai de prescription de cinq ans ou de dix ans, conformément à l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988-74.

156. LVM, DSM, Montedison et ICI soutiennent que, en l'espèce, la prescription a été acquise le 5 avril 1993, cinq ans après la communication des griefs, intervenue le 5 avril 1988. Montedison souligne que la décision PVC I ne pouvait constituer le précédent acte interruptif, puisqu'elle avait été annulée par l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994. ICI ajoute que, en tout état de cause, le délai de dix ans prévu à l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988-74 avait expiré à son égard dix ans après la date à laquelle sa participation avait cessé, soit au mois d'octobre 1993.

157. À cet égard, le Tribunal a constaté à juste titre, au point 1101 de l'arrêt attaqué, que la prescription avait été suspendue aussi longtemps que la décision PVC I avait fait l'objet d'une procédure pendante devant le Tribunal et la Cour. Il a ensuite relevé àbon droit que, même s'il n'était tenu compte que de la date du dernier recours déposé devant le Tribunal, soit le 24 avril 1989, et si la période écoulée entre la date du prononcé de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992 et celle de la saisine de la Cour ne devait pas être prise en considération, la prescription devait être considérée comme ayant été suspendue pendant une durée minimale de quatre ans, onze mois et vingt-deux jours. En conséquence, en partant de l'hypothèse selon laquelle la communication des griefs notifiée le 5 avril 1988 constituait le dernier acte interruptif, ainsi que le soutenaient les requérantes, et donc sans même avoir à rechercher si un acte postérieur, telle la décision PVC I, avait pu à nouveau interrompre la prescription, le Tribunal a exactement conclu que le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit le 27 juillet 1994, date d'adoption de la décision PVC II.

158. Montedison reproche par ailleurs au Tribunal d'avoir considéré, au point 1092 de l'arrêt attaqué, que les vérifications opérées par la Commission auprès d'ICI, de Shell et de DSM les 21, 22, 23 novembre et 6 décembre 1983 avaient interrompu la prescription des poursuites dirigées contre elle. Elle soutient que lesdites vérifications n'ont pas pu produire cet effet à son égard, dans la mesure où elle avait cédé sa branche PVC dix mois plus tôt.

159. Toutefois, il convient de rappeler que, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2988-74, l'interruption de la prescription vaut à l'égard de toutes les entreprises ayant participé à l'infraction.

160. Surtout, la seule circonstance qu'une entreprise a cessé une activité économique déterminée ne saurait l'exonérer de la responsabilité qu'elle peut encourir du chef d'une infraction commise dans le cadre de cette activité antérieurement à sa cessation.

161. Montedison fait valoir, en outre, que l'interruption de la prescription aurait supposé l'existence d'un acte de notification ou d'un mandat écrit de vérification. Or, l'existence de tels actes, antérieurs à la communication des griefs, n'aurait pas été établie.

162. Sur ce point, il suffit d'observer que l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988-74 dispose que la prescription en matière de poursuites est interrompue par "tout acte de la Commission [...] visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction". Cette disposition ne subordonne donc pas l'interruption de la prescription à un acte notifié ou à un mandat de vérification écrit.

163. Il découle donc de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen examiné doit être rejeté.

7. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Degussa et ICI d'une violation du principe du délai raisonnable

164. Aux points 120 à 136 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable, qui était soulevé indépendamment du moyen tiré de la prescription. Il était invoqué devant lui une méconnaissance du délai raisonnable à la date d'adoption de la décision PVC I et, a fortiori, à celle de la décision PVC II.

165. LVM, DSM, Degussa et ICI allèguent différentes erreurs de droit qui auraient été commises par le Tribunal dans l'examen de ce moyen. Elles estiment en définitive que la période à prendre en considération au titre du principe du délai raisonnable inclut, outre la procédure administrative, toutes les procédures juridictionnelles introduites en l'espèce.

a) Sur les griefs tirés de l'article 6 de la CEDH

166. LVM et DSM reprochent au Tribunal d'avoir omis de répondre de façon motivée à leur argument selon lequel l'article 6 de la CEDH est, comme tel, applicable aux procédures en matière de concurrence, en se contentant de renvoyer au point 56 de son arrêt du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission (T-213-95 et T-18-96, Rec. p. II-1739). Elles font ainsi grief au Tribunal d'avoir, au point 121 de l'arrêt attaqué, requalifié en principe général du droit communautaire le principe fondamental du délai raisonnable, puis de ne pas avoir appliqué l'article 6 de la CEDH. Or, dans son arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C-185-95 P, Rec. p. I-8417, points 26 à 44), la Cour, sans préciser la nature du principe du délai raisonnable, aurait jugé que l'article 6 de la CEDH est directement applicable et que, dans l'affaire examinée, la durée de la procédure devant le Tribunal n'était effectivement pas justifiée.

167. À cet égard, il convient cependant de constater que le Tribunal, au point 120 de l'arrêt attaqué, a rappelé à bon droit, ainsi qu'il l'avait déjà jugé au point 53 de son arrêt SCK et FNK/Commission, précité, que:

- selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir, notamment, avis 2-94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt du 29 mai 1997, Kremzow, C-299-95, Rec. p. I-2629, point 14);

- à cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré et adhéré;

- la CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222-84, Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14);

- par ailleurs, aux termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), "[l]'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".

168. Au point 121 de l'arrêt attaqué, il a ensuite indiqué qu'il convenait d'examiner si la Commission avait méconnu le principe général du droit communautaire de respect d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de concurrence.

169. En renvoyant à cet égard au point 56 de son arrêt SCK et FNK/Commission, précité, dans lequel il avait jugé que:

- le respect par la Commission d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire;

- il n'est donc pas nécessaire de se prononcer sur l'applicabilité en tant que telle de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH aux procédures administratives devant la Commission en matière de politique de la concurrence,

le Tribunal a ainsi implicitement, mais nécessairement, répondu au moyen tiré de l'applicabilité directe de l'article 6 de la CEDH.

170. Sur le fond, en rappelant les termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, il a exactement considéré que, dans l'ordre juridique communautaire, les droits fondamentaux garantis par la CEDH sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire.

171. Contrairement à l'affirmation des requérantes, il n'a pas méconnu l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, aux points 20 et 21 duquel la Cour, après avoir rappelé le contenu de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, a qualifié de principe général du droit communautaire le droit de toute personne à un procès équitable et, notamment, le droit à un procès dans un délai raisonnable.

172. Il s'ensuit que les griefs tirés de l'article 6 de la CEDH doivent être rejetés.

b) Sur les griefs relatifs à la sanction d'une violation du principe du délai raisonnable

173. LVM, DSM, Degussa et ICI font grief au Tribunal d'avoir jugé, au point 122 de l'arrêt attaqué, que:

- une violation du principe du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifie l'annulation de la décision PVC II que si elle emporte également une violation des droits de la défense des entreprises concernées;

- lorsqu'il n'est pas établi que l'écoulement excessif du temps a affecté la capacité de celles-ci de se défendre effectivement, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d'être invoquée devant le juge communautaire dans le cadre d'un recours fondé sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenus articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE).

174. LVM, DSM et Degussa estiment que, dans l'hypothèse d'un dépassement du délai raisonnable imputable à la Commission, celle-ci cesse d'être compétente pour engager des poursuites. Selon LVM et DSM, la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, qui concernait un dépassement du délai raisonnable par le Tribunal. Degussa affirme que, en l'espèce, la seule conséquence juridique du dépassement du délai raisonnable qui soit de nature à garantir la mise en œuvre du droit fondamental en cause est la nullité de la décision adoptée. Les trois requérantes sollicitent à tout le moins une réduction des amendes infligées.

175. ICI soutient que la solution consistant, en cas de violation du principe du délai raisonnable, à subordonner l'annulation de la décision à la preuve d'un préjudice est contraire à la jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l'Homme (Cour eur.D.H., arrêts Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, § 66, et Corigliano du 10 décembre 1982, série A n° 57, § 31).

176. À cet égard, il convient de relever que la question de la sanction d'une violation du principe du délai raisonnable, déjà abordée dans l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, en ce qui concerne une procédure juridictionnelle, ne se pose que lorsqu'une telle violation est établie.

177. Par les motifs rappelés ci-dessus, énoncés au point 122 de l'arrêt attaqué, le Tribunal s'est prononcé sur cette question à titre préliminaire, avant d'apprécier si, en l'espèce, le principe du délai raisonnable avait été méconnu. Dans la mesure où il est parvenu à la conclusion que ce principe n'avait pas été méconnu, les motifs en cause ne constituent pas le soutien nécessaire du dispositif.

178. Dès lors, il n'y aura lieu d'examiner l'argumentation présentée par les requérantes dans le cadre des présents griefs que dans l'hypothèse où, contrairement à l'arrêt attaqué, il devrait être constaté une violation effective du principe du délai raisonnable.

c) Sur les griefs relatifs au respect du principe du délai raisonnable

179. Il convient de constater que le respect du principe du délai raisonnable s'impose, en matière de concurrence, aux procédures administratives diligentées en application du règlement n° 17 et susceptibles d'aboutir aux sanctions prévues par celui-ci. En cas de recours, il s'impose également à la procédure juridictionnelle devant le juge communautaire (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 21).

i) Griefs dirigés contre la procédure administrative diligentée par la Commission

- Subdivision de la procédure administrative en deux périodes

180. LVM, DSM et Degussa reprochent au Tribunal d'avoir, au point 124 de l'arrêt attaqué, subdivisé la procédure administrative en deux périodes, l'une ouverte par les vérifications effectuées en novembre 1983 dans le secteur du PVC, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17, l'autre ayant commencé à la date de réception de la communication des griefs par les entreprises concernées et ayant abouti à l'adoption de la décision PVC II, hormis la période durant laquelle le juge communautaire avait examiné la légalité de la décision PVC I et la validité de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, rendu à la suite des recours introduits contre cette dernière décision.

181. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la procédure administrative peut donner lieu à l'examen de deux périodes successives.

182. La première période, qui s'étend jusqu'à la communication des griefs, a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 11 et 14 du règlement n° 17 dans le cadre d'une enquête préalable, prend des mesures impliquant le reproche d'avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées (voir, en ce sens, à propos d'une enquête préliminaire en matière pénale, Cour eur.D.H., arrêt Ringeisen du 16 juillet 1971, série A, n° 13, p. 40, § 110 ; voir, également, Cour eur.D.H., arrêts Corigliano, précité, § 34, et Hozee c. Pays-Bas du 22 mai 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-III, p. 1091, § 43). Elle doit permettre à la Commission, après investigations, de prendre position sur l'orientation de la procédure.

183. La seconde période s'étend de la communication des griefs à l'adoption de la décision finale. Elle doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l'infraction reprochée.

184. Chacune des deux périodes répondant ainsi à une logique interne propre, le grief doit être rejeté.

- Absence d'examen de la durée de la procédure administrative au regard de tous les critères d'appréciation du délai raisonnable

185. LVM et DSM reprochent au Tribunal une motivation incorrecte ainsi qu'une violation de l'obligation juridique d'examiner le caractère raisonnable du délai au regard de tous ses critères d'appréciation, à savoir la complexité de l'affaire, l'enjeu de celle-ci pour les entreprises concernées, ainsi que le comportement des entreprises et celui des autorités compétentes.

186. Elles constatent que, en ce qui concerne la première période de la procédure administrative, le Tribunal a, aux points 128 à 130 de l'arrêt attaqué, examiné le caractère raisonnable du délai au regard du seul critère de la complexité de l'affaire, en omettant totalement, sans motivation, les critères de l'enjeu de l'affaire et du comportement des autorités. Elles font également valoir que, s'agissant de la seconde période de la procédure administrative, le Tribunal s'est borné, aux points 132 et 133 de l'arrêt attaqué, à examiner le caractère raisonnable du délai au regard du critère de l'enjeu de l'affaire, omettant de nouveau les autres critères.

187. À cet égard, il convient de rappeler que le caractère raisonnable du délai est apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 29).

188. Cependant, la liste de ces critères n'est pas exhaustive et l'appréciation du caractère raisonnable du délai n'exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun d'eux lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d'un seul. La fonction de ces critères est de déterminer si le délai de traitement d'une affaire est ou non justifié. Ainsi, la complexité de l'affaire ou un comportement dilatoire du requérant peut être retenu pour justifier un délai de prime abord trop long. À l'inverse, un délai peut être considéré comme dépassant les limites du délai raisonnable également au regard d'un seul critère, en particulier lorsque sa durée résulte du comportement des autorités compétentes. Le cas échéant, la durée d'une étape procédurale peut être d'emblée qualifiée de raisonnable lorsqu'elle apparaît conforme au délai moyen de traitement d'une affaire du type de celle en cause.

189. Le Tribunal n'était donc pas tenu d'apprécier le caractère raisonnable du délai au regard de l'ensemble des critères invoqués par LVM et DSM dès lors que, aux points 124 à 133 de l'arrêt attaqué, il a considéré que la durée de la première étape procédurale examinée, de quatre ans et quatre mois, était justifiée par la complexité de l'affaire et que la seconde, d'une durée de dix mois, ne pouvait même pas être considérée comme excessive.

190. Il s'ensuit que le grief examiné doit être rejeté.

- Violation du principe du délai raisonnable du fait de la durée de la procédure administrative

191. LVM, DSM, Degussa et ICI font grief au Tribunal d'avoir conclu, au point 134 de l'arrêt attaqué, que la décision PVC II avait été adoptée dans un délai raisonnable, alors que la première période de la procédure administrative avait duré 52 mois et qu'une période d'inaction de la Commission d'environ 41 mois avait été invoquée devant lui. ICI souligne l'absence de toute mesure de la Commission entre le mois de juin 1984 et le mois de janvier 1987. Elle se réfère à des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans des affaires où s'étaient écoulés, respectivement, un délai de 4 ans dans une affaire pendante devant une juridiction du fond et un délai de 15 mois dans une enquête préliminaire précédant l'accusation (Cour eur.D.H., arrêts Guincho du 10 juillet 1984, série A, n° 81, et Neumeister du 27 juin 1968, série A, n° 8). Elle se réfère également à l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (points 45 et 46), à propos d'un délai de 32 mois écoulé entre la fin de la procédure écrite devant le Tribunal et la décision d'ouvrir la procédure orale ainsi que d'un délai de 22 mois écoulé entre la clôture de la procédure orale et le prononcé de l'arrêt. LVM et DSM relèvent que la Cour européenne des Droits de l'Homme a considéré qu'une période d'inactivité de plus de 3 ans est excessive (Cour eur.D.H., arrêt Zimmermann et Steiner du 13 juillet 1983, série A n° 66, § 29). Elle aurait retenu un critère pénal de 2 ans dans son arrêt B c. Autriche du 28 mars 1990 (série A n° 175), dans une espèce où la durée aurait été de 33 mois. Un délai raisonnable ne pourrait donc excéder 2 ans, selon une jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

192. À cet égard, il convient de constater que le caractère raisonnable d'un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque espèce en fonction des circonstances de la cause.

193. Un premier examen général vise à déterminer si, de prime abord, la durée de la période en cause apparaît trop longue en considération de la procédure diligentée. Dans l'affirmative, il doit être vérifié concrètement si des retards peuvent être constatés, qui ne puissent être justifiés par des circonstances propres à l'affaire.

194. Sur ce point, en ce qui concerne une procédure administrative en matière de droit de la concurrence, le Tribunal constate et apprécie souverainement les faits pertinents, sous réserve du cas de dénaturation de ceux-ci, puis, sous le contrôle de la Cour, les qualifie juridiquement au regard du principe de respect d'un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136-92 P, Rec. p. I-1981, point 49).

195. En l'espèce, le Tribunal a constaté, aux points 125 et 133 de l'arrêt attaqué, que la première période de la procédure administrative avait duré quatre ans et quatre mois et la seconde dix mois.

196. En ce qui concerne la première période, il a relevé, aux points 128 à 130 de l'arrêt attaqué:

"128 Il convient à cet égard de souligner la complexité des faits à élucider par la Commission en raison du type de comportements en cause et de l'ampleur de ces comportements sur le marché géographique concerné, s'étendant à toute la zone d'activité dans le Marché commun des principaux producteurs de PVC.

129 Participaient également de la complexité des faits à élucider le nombre et l'enchevêtrement des pièces réunies par la Commission. Les documents recueillis lors des vérifications qu'elle a opérées dans les locaux de plusieurs fabricants de produits pétrochimiques au cours de la période visée et les réponses de ceux-ci aux questions posées par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17 ont constitué un dossier particulièrement volumineux. De plus, parmi les très nombreuses pièces obtenues durant la procédure administrative, la Commission a dû faire le départ entre celles relevant du dossier PVC et celles relevant du dossier instruit parallèlement dans le secteur voisin du PEBD [polyéthylène de basse intensité], lui-même objet, comme d'autres produits thermoplastiques à la même époque, d'une enquête et d'une procédure de constatation d'infractions reprochées à des entreprises dont plusieurs sont également parties à la présente affaire. Il y a également lieu d'indiquer que le dossier de l'affaire ayant conduit à la [décision PVC II] contenait, sous une première numérotation administrative, une série de documents comportant 1 072 pages, et, sous une autre numérotation, plus de 5 000 pages, non compris les documents internes de la Commission.

130 Enfin, la complexité des faits à élucider résultait de la difficulté à établir la preuve de la participation d'entreprises à l'entente alléguée et du nombre d'entreprises impliquées. À ce sujet, la [décision PVC II] relate que '17 entreprises ont pris part à l'infraction durant la période couverte [...]' (point 2, deuxième alinéa, des considérants) et que 14 entreprises avaient été destinataires de la décision initiale."

197. En ce qui concerne la seconde période de la procédure administrative, le Tribunal a, au point 132 de l'arrêt attaqué, souligné son enjeu pour les entreprises intéressées du point de vue, d'une part, de la prise de connaissance de l'objet de la procédure engagée contre elles et des comportements reprochés par la Commission, et, d'autre part, de l'intérêt spécifique desdites entreprises à ce que cette seconde étape de la procédure fût conduite avec une diligence particulière.

198. Au point 133 de l'arrêt attaqué, s'agissant de la durée de dix mois de cette seconde période de la procédure administrative, le Tribunal a constaté:

"133 [...] Un tel délai ne peut pas fonder le reproche d'une durée excessive. En effet, les griefs ont été notifiés aux entreprises concernées au début du mois d'avril 1988. Les entreprises ont répondu à la communication des griefs dans le courant du mois de juin 1988. À l'exception de Shell, qui n'en avait pas fait la demande, les entreprises destinataires de la communication des griefs ont été entendues du 5 au 8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988. Le 1er décembre1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission et, 20 jours après, celle-ci adoptait la décision initiale. Quant à la [décision PVC II], elle a été adoptée 42 jours après le prononcé de l'arrêt du 15 juin 1994."

199. À la lumière de l'ensemble de ces constatations et appréciations énoncées par l'arrêt attaqué, il apparaît que le Tribunal, aux points 127 et 134 dudit arrêt, a exactement qualifié de raisonnable le délai de traitement, par la Commission, de chacune des deux périodes de la procédure administrative ayant précédé l'adoption de la décision PVC II, avant de conclure à bon droit, au point 135 du même arrêt, en ce qui concerne cette procédure administrative dans son ensemble, que la Commission avait agi conformément au principe de respect d'un délai raisonnable.

200. Dès lors, le grief examiné doit être rejeté.

ii) Grief tiré d'une absence d'examen par le Tribunal, au titre du principe du délai raisonnable, des procédures juridictionnelles antérieures à l'adoption de la décision PVC II

201. LVM, DSM, Degussa et ICI font grief au Tribunal d'avoir exclu, au point 123 de l'arrêt attaqué, dans son appréciation du respect du principe du délai raisonnable, la durée des deux procédures juridictionnelles ayant abouti, respectivement, à l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992 et à l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, alors qu'elles avaient fait valoir que cette durée était imputable à la Commission, compte tenu des infractions procédurales constatées dans son chef au terme des procédures en cause. Elles reprochent au Tribunal d'avoir ainsi limité son appréciation à la durée de la procédure administrative devant la Commission.

202. À cet égard, il convient de rappeler que, au point 123 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a statué dans les termes suivants en ce qui concerne l'examen demandé des deux procédures juridictionnelles antérieures à l'adoption de la décision PVC II:

"123 En l'espèce, la durée totale de la procédure administrative devant la Commission dans la présente affaire a été d'environ 62 mois. La période durant laquelle le juge communautaire a examiné la légalité de la [décision PVC I] ainsi que la validité de l'arrêt du Tribunal [du 27 février 1992] ne peut pas être prise en compte lors de la détermination de la durée de la procédure devant la Commission."

203. Par cette motivation, il a exclu que la durée de procédures juridictionnelles ayant abouti à l'annulation d'une première décision de la Commission puisse être imputée à cette institution du seul fait que l'illégalité à l'origine de l'annulation était elle-même imputable à celle-ci.

204. Sur ce point, il n'a fait que tirer la conséquence de la constatation que, devant lui, les requérantes:

- n'ont pas allégué que les procédures juridictionnelles ayant abouti à l'annulation de la décision PVC I avaient eu une durée excessive;

- n'ont ni tenté de démontrer ni même invoqué aucun retard concret dans le déroulement de ces procédures, qui aurait été imputable soit au juge communautaire, soit, le cas échéant, à la Commission elle-même du fait de son comportement au cours desdites procédures.

205. Dans ces conditions, le grief examiné doit être rejeté.

iii) Grief tiré d'une violation du principe du délai raisonnable par le Tribunal du fait de la durée de la procédure juridictionnelle ayant abouti à l'arrêt attaqué

206. Degussa soutient que la durée de la procédure juridictionnelle ayant abouti à l'arrêt attaqué est, en elle-même, contraire au principe général du délai raisonnable. Elle reproche au Tribunal d'avoir divisé la procédure devant lui en deux étapes distinctes, comprenant chacune une procédure écrite et une procédure orale propres. Cette façon de procéder du Tribunal, aucunement justifiée, aurait ainsi conduit à une durée de procédure de quatre années et demie. Le Tribunal aurait donc lui-même violé le principe du délai raisonnable.

207. À cet égard, ainsi qu'il a déjà été rappelé au point 179 du présent arrêt, le principe général du droit communautaire de respect d'un délai raisonnable est applicable dans le cadre d'un recours juridictionnel contre une décision de la Commission infligeant à une entreprise des amendes pour violation du droit de la concurrence (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 21).

208. Il appartient dès lors à la Cour d'examiner, au stade du pourvoi, le grief de Degussa dirigé spécifiquement contre la durée de la procédure devant le Tribunal qui a abouti à l'arrêt attaqué.

209. Cette procédure a eu pour point de départ le dépôt, entre le 5 et le 14 octobre 1994, des recours introduits contre la décision PVC II, et elle s'est achevée le 20 avril 1999, date de prononcé de l'arrêt attaqué. Elle a ainsi duré environ quatre années et demie.

210. Une telle durée apparaît, de prime abord, importante. Toutefois, comme il a été rappelé au point 187 du présent arrêt, le caractère raisonnable du délai est apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 29).

211. En l'espèce, il y a lieu de rappeler que les recours devant le Tribunal ont été présentés par treize entreprises, dans cinq langues de procédure différentes.

212. Le 6 avril 1995, le Tribunal a tenu une réunion avec les parties en application de l'article 64 de son règlement de procédure. Compte tenu de la difficulté de la situation procédurale, liée en particulier aux précédentes phases déjà achevées, au nombre et à l'importance des moyens soulevés, il a décidé, en accord avec les parties, une suspension de la procédure écrite et l'organisation d'une procédure orale limitée à l'examen des moyens de procédure.

213. Par ordonnance du 25 avril 1995, les affaires ont été jointes aux fins de cette procédure orale.

214. Celle-ci s'est déroulée les 13 et 14 juin 1995, mais n'a en définitive pas permis la mise en œuvre de la solution procédurale escomptée.

215. Par ordonnance du 14 juillet 1995, il a en conséquence été ordonné la reprise de la procédure écrite et la disjonction des affaires.

216. La procédure écrite s'est poursuivie normalement et s'est achevée le 20 février 1996. Elle a ensuite été soumise aux contraintes du régime linguistique prévu à l'article 35 du règlement de procédure du Tribunal.

217. En considération de moyens d'annulation fondés sur un accès insuffisant des entreprises au dossier de la Commission à l'origine de la décision PVC II, le Tribunal a, le 7 mai 1997, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, accordé aux requérantes l'accès audit dossier, sous réserve des documents internes de la Commission et des documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles.

218. Après avoir consulté le dossier durant les mois de juin et de juillet 1997, toutes les requérantes, à l'exception de Wacker-Chemie et de Hoechst, ont déposé des observations au greffe du Tribunal, selon les cas, en juillet et en septembre 1997. La Commission a présenté ses observations en réponse au cours du mois de décembre 1997.

219. Par ordonnance du 22 janvier 1998, les parties entendues, les affaires ont été de nouveau jointes aux fins de la procédure orale. Celle-ci s'est déroulée du 9 au 12 février 1998.

220. L'arrêt attaqué a été rendu le 20 avril 1999, statuant sur l'ensemble des très nombreux moyens de procédure et moyens au fond, au terme d'une motivation comportant 1269 points.

221. Il résulte ainsi des constatations qui précèdent que la durée de la procédure juridictionnelle ayant abouti à l'arrêt attaqué est justifiée en considération de la particulière complexité de l'affaire.

222. Il s'ensuit que le grief examiné doit être rejeté.

iv) Grief tiré d'une violation du principe du délai raisonnable du fait de la durée totale des procédures administrative et juridictionnelles diligentées en l'espèce

Arguments des parties

223. Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (arrêts Wemhoff du 27 juin 1968, série A n° 7, § 18 et 19; Neumeister, précité, § 19; König du 28 juin 1978, série A n° 27, § 98 et 99, et Garyfallou AEBE c. Grèce du 24 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-V, p. 1821, § 40 à 43), LVM, Degussa et ICI font valoir que le caractère raisonnable d'un délai doit s'apprécier au regard de la durée totale de la procédure, c'est-à-dire à la fois celle de la procédure administrative préalable et celle de procédures juridictionnelles éventuelles. En l'espèce, l'ensemble de la procédure devrait donc être pris en compte, y compris la présente procédure sur pourvoi.

224. Degussa soutient que, compte tenu de la durée probable de la présente procédure sur pourvoi, la clôture définitive de la procédure ne devrait intervenir qu'après environ 20 années. La limite absolue du délai encore supportable d'une procédure serait ainsi franchie.

225. La Commission considère que la thèse de la procédure globale et uniforme est incompatible avec la garantie de l'indépendance judiciaire, telle qu'elle découle, selon la jurisprudence de la Cour, du principe général du droit communautaire, inspiré de l'article 6 de la CEDH, qui reconnaît à chacun le droit à un procès équitable. Ce droit comprendrait aussi le droit à un tribunal indépendant, notamment, du pouvoir exécutif (arrêt du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission, C-174-98 P et C-189-98 P, Rec. p. I-1, point 17).

226. Or, il serait contraire au principe de l'autonomie procédurale des tribunaux que la durée de la procédure administrative détermine la durée de la procédure judiciaire, ce qui serait le cas si la durée autorisée d'une procédure judiciaire dépendait du temps déjà utilisé par l'administration.

227. La nécessaire distinction des procédures administrative et juridictionnelle, au titre de la séparation des pouvoirs, découlerait aussi de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988-74, qui n'intègre pas dans le délai de prescription la durée d'une éventuelle procédure judiciaire.

228. La Commission fait valoir que le règlement n° 2988-74, adopté pour donner effet à un principe énoncé par la Cour dans l'arrêt du 15 juillet 1970, BoehringerMannheim/Commission (45-69, Rec. p. 769, point 6), a institué un ensemble exhaustif de règles régissant l'écoulement du temps dans les affaires de concurrence dont elle est saisie et conformes aux principes de sécurité juridique et du droit à un procès équitable. Il n'y aurait donc pas lieu d'introduire un nouvel ensemble de règles fondées sur "un délai excessif".

Appréciation de la Cour

229. Dans le cadre de la présente affaire, la Cour n'estime pas nécessaire de statuer sur la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, une violation du principe du délai raisonnable peut être constatée, au terme d'une appréciation globale, du fait de la durée totale d'une procédure administrative et de procédures juridictionnelles, y compris une procédure finale sur pourvoi devant la Cour.

230. En effet, même à supposer que l'examen d'un moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable exige non seulement un examen séparé de chaque étape procédurale, mais également une appréciation globale de l'ensemble constitué par la procédure administrative et des procédures juridictionnelles éventuelles, il devrait être constaté, en l'espèce, que le principe du délai raisonnable n'a pas été violé, malgré la durée exceptionnelle de la période écoulée entre le début de la procédure administrative et le présent arrêt.

231. À cet égard, il convient de relever que la durée totale de cette période s'explique et se justifie par la conjonction d'une procédure administrative complexe et de quatre procédures juridictionnelles successives.

232. L'essentiel de la période en cause a été consacré à un examen juridictionnel de l'affaire, qui a été l'occasion, pour les requérantes ayant soulevé le moyen examiné, d'exercer pleinement leurs droits de la défense. En particulier, des mesures d'organisation de la procédure prises par le Tribunal au cours du second semestre de l'année 1991 leur ont permis d'obtenir les éclaircissements souhaités sur les conditions dans lesquelles la décision PVC I avait été adoptée. Par ailleurs, notamment, la mesure d'organisation de la procédure mise en œuvre par la même juridiction au cours de l'année 1997 leur a permis d'avoir un plein accès au dossier de la Commission et de formuler ensuite toutes observations utiles.

233. Plus généralement, les procédures juridictionnelles ont été soumises aux contraintes du régime linguistique applicable aux juridictions communautaires. Surtout, elles ont donné lieu au développement de très nombreux moyens, dont certains soulevaient des questions juridiques nouvelles et complexes. Tous ont fait l'objet d'un examen approfondi.

234. À cet égard, il importe de souligner que le souci de célérité qui doit animer la Commission, au stade des poursuites, et le juge communautaire, au stade des procédures juridictionnelles, ne doit pas nuire aux efforts poursuivis par chaqueinstitution afin de faire pleinement la lumière sur les faits en cause, de fournir aux parties concernées toutes facilités pour produire leurs éléments de preuve et pour présenter leurs observations et de ne se prononcer qu'après mûre réflexion sur l'existence des infractions et les sanctions (voir, à propos du délai raisonnable visé à l'article 5, paragraphe 3, de la CEDH, arrêt Wemhoff, précité, § 17; voir également, à propos de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, arrêt Neumeister, précité, § 21).

235. Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable doit être rejeté dans sa totalité.

8. Sur le moyen tiré par DSM d'une méconnaissance du principe de l'inviolabilité du domicile

236. Devant le Tribunal, DSM a invoqué l'illégalité de toutes les vérifications opérées en l'espèce, que ce fût sur le fondement de mandats écrits au titre de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, ou de décisions au titre du paragraphe 3 du même article.

237. Elle a allégué, à cet égard, une méconnaissance du principe de l'inviolabilité du domicile au sens de l'article 8 de la CEDH, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance, tel qu'interprété par la Cour européenne des Droits de l'Homme (Cour eur.D.H., arrêt Niemietz du 16 décembre 1992, série A n° 251 B, § 31).

238. Elle a par ailleurs contesté la validité de l'exécution de l'ensemble de ces vérifications, en faisant valoir qu'elles avaient empiété sur le secret d'entreprise, compte tenu de la nature et du volume des documents effectivement examinés à cette occasion.

239. Au point 411 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré DSM recevable à contester, pour autant que des pièces obtenues par la Commission aient été utilisées contre elle, la légalité des décisions de vérification adressées à d'autres entreprises, dès lors qu'il n'était pas acquis qu'elle aurait été recevable à en contester la légalité dans le cadre d'un recours direct. Aux points 412 et 414, il l'a déclarée recevable à contester, dans le cadre de son recours en annulation formé contre la décision finale, d'une part, la légalité des mandats de vérification, actes non susceptibles de recours au sens de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), et, d'autre part, le déroulement des procédures de vérification conduites par la Commission.

240. Sur le fond, le Tribunal a considéré, au point 417 de l'arrêt attaqué, qu'il convenait de comprendre le moyen comme étant tiré d'une violation du principe général du droit communautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activités privées de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, qui seraient disproportionnées ou arbitraires (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 19 ; du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85-87, Rec. p. 3137, point 30, et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, 97-87 à 99-87, Rec. p. 3165, point 16).

241. En ce qui concerne les décisions de vérification adressées par la Commission à certaines entreprises en 1987, il a relevé, au point 419 de l'arrêt attaqué, qu'elles étaient identiques ou analogues à celle qui avait été adressée au cours de la même année à Hoechst dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Hoechst/Commission, précité, lequel avait rejeté le recours en annulation. Il en a déduit que, dans la mesure où les moyens et arguments invoqués par DSM étaient identiques ou analogues à ceux invoqués alors par Hoechst, il n'y avait pas lieu de s'écarter de la jurisprudence de la Cour. Il a donc rejeté le grief dirigé contre les décisions en cause en l'espèce.

242. Il a également rejeté, aux points 421 et 422 de l'arrêt attaqué, le grief dirigé contre les vérifications opérées sur le fondement de simples mandats et, aux points 424 à 426 du même arrêt, celui dirigé contre l'exécution des actes de vérification.

243. Dès lors, au point 427 de l'arrêt attaqué, il a rejeté le moyen dans son ensemble.

244. DSM fait grief au Tribunal d'avoir jugé, au point 420 de l'arrêt attaqué, que l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme relative à l'article 8 de la CEDH n'avait pas d'incidence directe sur le bien-fondé des solutions retenues dans les arrêts précités Hoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission.

245. Selon elle, l'arrêt Niemietz, précité, a au contraire pour conséquence que, dans le cadre des vérifications prévues à l'article 14 du règlement n° 17, la Commission doit exercer ses compétences dans le respect des garanties qu'offrent l'article 8 de la CEDH et l'interprétation qu'en donne la Cour européenne des Droits de l'Homme.

246. DSM souligne que son grief à cet égard était fondé sur une double violation de l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par l'arrêt Niemietz, précité. D'une part, le mandat sur le fondement duquel une vérification avait été effectuée chez elle le 6 décembre 1983 aurait été rédigé en termes généraux. D'autre part, ladite vérification aurait empiété sur le secret d'entreprise dans une mesure disproportionnée.

247. Aurait ainsi été en cause, devant le Tribunal, l'application des critères de l'article 8 de la CEDH aux fins de l'appréciation de la nécessité et de la proportionnalité du mandat ainsi que de l'exécution des actes de vérification.

248. DSM soutient que, si le Tribunal avait appliqué l'article 8 de la CEDH, il en aurait déduit que la Commission ne pouvait pas utiliser à des fins probatoires les documents réunis chez la requérante, soit, en particulier, les annexes P 5, P 6, P 9, P 11, P 13, P 14, P 18, P 21, P 24, P 29, P 39, P 41 et P 71.

249. À cet égard, il convient de constater que :

- la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme relative aux ingérences des autorités publiques visées à l'article 8, paragraphe 2, de la CEDH, invoquée par la requérante, concerne des actes accomplis par ces autorités contre la volonté d'un suspect, au moyen de mesures de coercition ;

- les arrêts précités Hoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, que DSM considère en retrait par rapport à cette jurisprudence, ont examiné en général la nature et la portée des pouvoirs de vérification conférés par l'article 14 du règlement n° 17, avant de statuer sur la validité de décisions de vérification au titre du paragraphe 3 de cet article, qui permettent, dans les conditions prévues au paragraphe 6 de celui-ci, le recours à des mesures de coercition en cas d'opposition d'une entreprise à une vérification ordonnée par décision.

250. Toutefois, il résulte clairement du libellé du pourvoi (points 7.8 à 7.12) que celui-ci est dirigé uniquement contre l'examen, par le Tribunal, de la vérification opérée chez DSM le 6 décembre 1983, sur le fondement d'un mandat du 29 novembre 1983. Il ne concerne donc que l'application de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, lequel ne permet pas le recours à des mesures de contrainte en cas de refus d'une entreprise de se soumettre à une telle vérification, ainsi que le Tribunal l'a justement relevé au point 421 de l'arrêt attaqué.

251. Dès lors, le grief formulé par DSM contre le point 420 de l'arrêt attaqué doit être rejeté comme non pertinent, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le bien-fondé de l'affirmation, contenue dans ce point, selon laquelle l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme relative à l'article 8 de la CEDH n'aurait pas d'incidence sur les solutions retenues par les arrêts précités Hoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission. En effet, le motif contesté ne se rapporte qu'à l'examen par le Tribunal, au point 419 de l'arrêt attaqué, des décisions de vérification adressées par la Commission sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, décisions qui ne sont pas visées par le pourvoi.

252. En ce qui concerne la question des vérifications sur mandat, le Tribunal, analysant, au point 417 de l'arrêt attaqué, le moyen d'annulation pris dans son ensemble, a d'abord jugé à bon droit, en se fondant sur les arrêts précités Hoechst/Commission (point 19), Dow Benelux/Commission (point 30) et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (point 16), que ce moyen devait être considéré comme tiré d'une violation du principe général du droit communautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activités privées de toute personne, qu'elle soit physique ou morale.

253. Or, au point 421 de l'arrêt attaqué, il a exactement relevé que les vérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire des entreprises (arrêts précités Hoechst/Commission, point 31, Dow Benelux/Commission, point 42, et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, point 28). À ce propos, il a constaté à juste titre que la sanction prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 17 ne s'applique que dans l'hypothèse où, ayant accepté de coopérer à la vérification,l'entreprise présente de façon incomplète les livres ou autres documents professionnels requis.

254. Ensuite, au regard du mandat du 29 novembre 1983, certes rédigé en des termes qui auraient gagné à être précisés davantage, mais qui contenait les éléments essentiels - l'objet et le but de la vérification - exigés par l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir, en l'espèce, la réunion d'informations relatives à des accords, suspectés contraires à l'article 85 du traité, concernant des producteurs de thermoplastiques, dont le PVC, et portant sur les prix ainsi que sur la répartition des parts de marché entre les participants, le Tribunal a pu, au point 422 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation des faits, considérer que le moyen tiré d'une ingérence excessive de l'autorité publique était dénué de fondement, en l'absence d'élément établissant que la Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise.

255. Enfin, s'agissant du grief relatif à l'exécution des actes de vérification, le Tribunal a pu, sans dénaturer les faits, retenir au point 425 de l'arrêt attaqué que le prétendu caractère excessif du volume des documents pris en copies par la Commission, volume d'ailleurs non autrement précisé par DSM, ne pouvait constituer en lui-même un vice entachant le déroulement de la procédure de vérification, alors que, de surcroît, la Commission procédait à une enquête sur une entente alléguée entre l'ensemble des producteurs européens d'un secteur donné.

256. C'est donc sans commettre d'erreur de droit qu'il a rejeté le moyen de la requérante en tant qu'il mettait en cause la validité, d'une part, de la vérification sur mandat effectuée chez elle le 6 décembre 1983 et, d'autre part, des actes d'exécution de cette vérification.

257. Il en résulte que le moyen examiné du pourvoi doit lui-même être rejeté.

9. Sur le moyen tiré par LVM et DSM d'une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

258. Devant le Tribunal, LVM et DSM ont contesté la légalité, au regard, en particulier, de l'article 6 de la CEDH, de toutes les informations obtenues des entreprises par la Commission sur le fondement de l'article 11, paragraphe 2 ou 5, du règlement n° 17, quelles que fussent les destinataires des demandes ou des décisions de demandes de renseignements.

259. Elles ont fait valoir que l'article 6 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des Droits de l'Homme (Cour eur.D.H., arrêt Funke du 25 février 1993, série A, n° 256 A, § 44 ; voir, également, Commission eur.D.H., avis Saunders c. Royaume-Uni du 10 mai 1994, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2095, § 69, 71 et 76), consacre un droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination, sans qu'il y ait lieu de distinguer en fonction de la nature desrenseignements demandés. Ce droit s'opposerait à ce qu'une entreprise soit contrainte de fournir elle-même, sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme de documents, la preuve d'infractions qu'elle aurait commises.

260. Or, aucune des réponses des entreprises n'aurait été fournie volontairement. Toutes auraient été données sous la menace des sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 17.

261. LVM et DSM ont ainsi fait valoir qu'aucune des réponses des entreprises ne pouvait contribuer à l'administration de la preuve. Toutes auraient dû être écartées des débats. Elles ont demandé que la décision PVC II fût annulée, dans la mesure où elle était fondée sur des moyens de preuve obtenus en violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

262. Dans le cadre de leurs pourvois, LVM et DSM soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son examen de leur moyen tiré d'une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, tel qu'il résulte de l'article 6 de la CEDH. Elles précisent que leur moyen d'annulation de l'arrêt attaqué est dirigé contre les points 439 à 459 de celui-ci.

263. Elles font d'abord grief au Tribunal d'avoir, aux points 447 et 449 de l'arrêt attaqué, sur la question de l'étendue du droit qu'elles invoquaient, statué dans le même sens que l'arrêt du 18 octobre 1989, Orkem/Commission (374-87, Rec. p. 3283, points 34 et 35), en consacrant ainsi une protection de ce droit moindre que celle qui résulterait des derniers développements de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

264. Elles reprochent ensuite au Tribunal d'avoir jugé, au point 453 de l'arrêt attaqué, que l'illégalité, au regard de l'arrêt Orkem/Commission, précité, des questions mises en cause par LVM et DSM, illégalité constatée au point 451 du même arrêt, n'emportait aucune conséquence sur la légalité de la décision PVC II, au motif que les entreprises avaient ou bien refusé de répondre à ces questions, ou bien nié les faits pour lesquels elles étaient interrogées.

265. LVM et DSM affirment que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, leur moyen concernait non seulement les questions que la Commission avait posées dans les décisions de demandes de renseignements visées aux points 451 à 453 de l'arrêt attaqué et auxquelles il n'avait pas été répondu, mais aussi les réponses de certaines entreprises qui avaient contribué à l'administration de la preuve par la Commission. Sur ce point, elles invoquent six réponses, à savoir deux réponses données par ICI et quatre réponses données respectivement par BASF, Elf Atochem, Solvay et Shell, qu'elles avaient spécifiquement visées dans les mémoires en réplique soumis au Tribunal.

266. Elles soutiennent que l'application des critères juridiques résultant de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme aurait dû aboutir à ce que ces six réponses fussent exclues d'une utilisation à des fins probatoires.

267. À cet égard, il convient de constater que, aux points 441 et 442 de l'arrêt attaqué, qui ne sont l'objet d'aucune critique motivée de la part des requérantes, le Tribunal a déclaré le moyen irrecevable pour autant qu'il tendait à faire déclarer illégales les décisions de demandes de renseignements dont les requérantes avaient été respectivement les destinataires, au motif que ces entreprises n'avaient pas formé contre ces décisions des recours en annulation dans les deux mois de leur notification.

268. Il en résulte que, aux points 443 à 459 de l'arrêt attaqué, le moyen n'a été examiné au fond que dans la mesure où il visait une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination commise:

- soit au moyen des demandes de renseignements adressées au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17, quels qu'en fussent les destinataires, dans la mesure où de tels actes n'étaient pas susceptibles de recours immédiat en annulation;

- soit au moyen de celles des décisions de demandes de renseignements qui avaient été adressées, au titre de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, à des entreprises autres que les requérantes et qui ne pouvaient faire l'objet d'un recours en annulation de la part de celles-ci.

269. Le grief dirigé contre les demandes de renseignements et contre les décisions de demandes de renseignements adressées à d'autres entreprises comprend implicitement deux aspects, à savoir, d'une part, le reproche fait à la Commission d'avoir obtenu dans les réponses de ces entreprises des éléments incriminant ces dernières et, d'autre part, celui d'avoir obtenu dans ces mêmes réponses des éléments incriminant LVM et DSM.

270. Il convient d'observer que le Tribunal, auquel n'avait pas été soumise la question de savoir si les requérantes avaient qualité pour invoquer le premier aspect de ce grief, a examiné au fond l'ensemble de leur moyen tel que délimité et analysé aux deux points précédents du présent arrêt.

271. À cette occasion, il n'a pas repris l'affirmation contenue au point 30 de l'arrêt Orkem/Commission, précité, selon laquelle il ne résulte ni du libellé de l'article 6 de la CEDH ni de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme que cette disposition reconnaît un droit de ne pas témoigner contre soi-même.

272. En revanche, aux points 444 à 449 de l'arrêt attaqué, il a effectivement réaffirmé les principes énoncés aux points 27, 28 et 32 à 35 du même arrêt Orkem/Commission, précité, en vertu desquels, notamment:

- le règlement n° 17 ne reconnaît à l'entreprise objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraire à l'exécution de cette mesure aumotif que son résultat pourrait fournir la preuve d'une infraction aux règles de la concurrence qu'elle a commise;

- il lui impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à l'objet de l'enquête;

- en l'absence d'un droit au silence expressément consacré par le règlement n° 17, certaines limitations au pouvoir d'investigation de la Commission au cours de l'enquête préalable résultent cependant de la nécessité d'assurer le respect des droits de la défense, principe fondamental de l'ordre juridique communautaire;

- à cet égard, si, pour préserver l'effet utile de l'article 11, paragraphes 2 et 5, du règlement n° 17, la Commission est en droit d'obliger l'entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l'encontre d'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel, en revanche, elle ne saurait imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve.

273. L'arrêt Orkem/Commission, précité, a ainsi reconnu, au titre des principes généraux du droit communautaire, dont les droits fondamentaux font partie intégrante et à la lumière desquels tous les textes de droit communautaire doivent être interprétés, le droit pour une entreprise de ne pas être contrainte par la Commission, dans le cadre de l'article 11 du règlement n° 17, d'avouer sa participation à une infraction (voir arrêt Orkem/Commission, précité, points 28, 38 in fine et 39). La protection de ce droit implique, en cas de contestation sur la portée d'une question, qu'il soit vérifié si une réponse du destinataire équivaudrait effectivement à l'aveu d'une infraction, de sorte qu'il serait porté atteinte aux droits de la défense.

274. Il est constant que, postérieurement à cet arrêt, la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, dont le juge communautaire doit tenir compte dans son interprétation des droits fondamentaux, a connu de nouveaux développements avec l'arrêt Funke, précité, invoqué par les requérantes, ainsi que les arrêts Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2044) et J.B. c. Suisse du 3 mai 2001 (non encore publié au Recueil des arrêts et décisions).

275. Cependant, l'arrêt Orkem/Commission, précité, et la jurisprudence récente de la Cour européenne des Droits de l'Homme ont en commun, d'une part, l'exigence d'une contrainte exercée sur le suspect pour obtenir de celui-ci certaines informations et, d'autre part, la nécessité d'une vérification de l'existence d'une atteinte effective au droit qu'ils définissent.

276. Or, examiné à la lumière de cette constatation et des circonstances propres à l'espèce, le moyen du pourvoi relatif à la violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ne permet pas de censurer l'arrêt attaqué du fait des développements de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

277. S'agissant, premièrement, des demandes de renseignements adressées conformément à l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17, elles ont été examinées aux points 455 à 457 de l'arrêt attaqué.

278. À cet égard, il doit être constaté que les requérantes ne présentent aucune argumentation expresse à l'encontre des motifs y énoncés, par lesquels le Tribunal a rejeté en droit le grief qu'elles formulaient.

279. Elles ne démontrent donc pas en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 456 de l'arrêt attaqué, en fondant son rejet sur la constatation qu'une entreprise n'a pas l'obligation de répondre à une demande de renseignements, la sanction prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 17 ne s'appliquant que dans l'hypothèse où, ayant accepté de répondre, l'entreprise fournit un renseignement inexact. Il convient d'observer que le Tribunal a ainsi justement relevé la différence pertinente existant entre les demandes de renseignements et les décisions de demandes de renseignements, lesquelles exposent l'entreprise à une sanction également en cas de refus de répondre.

280. Le grief dirigé contre les demandes de renseignements doit donc être rejeté.

281. S'agissant, deuxièmement, des décisions de demandes de renseignements adoptées conformément à l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, elles ont été examinées aux points 451 à 454 de l'arrêt attaqué.

282. Le Tribunal a relevé qu'il était constant que les questions contenues dans ces décisions et mises en cause par les requérantes étaient identiques à celles annulées par la Cour dans l'arrêt Orkem/Commission, précité, et que, dès lors, elles étaient frappées de la même illégalité. Toutefois, il a constaté que les entreprises avaient ou bien refusé de répondre à ces questions, ou bien nié les faits sur lesquels elles étaient interrogées. Il en a déduit que l'illégalité des questions en cause n'emportait aucune conséquence sur la légalité de la décision PVC II, soulignant que les requérantes n'avaient identifié aucune réponse qui aurait été apportée précisément à ces questions ni indiqué l'utilisation que la Commission en aurait faite dans cette dernière décision.

283. En statuant ainsi en ce qui concerne les décisions adoptées au titre de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, il a, en droit, rejeté implicitement le grief des requérantes relatif à celles des questions posées dans ce cadre juridique qui n'impliquaient pas pour les entreprises des réponses par lesquelles celles-ci auraient été amenées à admettre l'existence des infractions objet de l'enquête, questions qui, selon lui, n'apparaissaient donc pas illégales au sens de l'arrêt Orkem/Commission, précité.

284. En ce qui concerne les questions, contenues dans les mêmes décisions, qu'il a jugées illégales, il a considéré en substance, sans se référer uniquement à celles demeurées sans réponse, qu'elles n'avaient pas donné lieu à des réponses constitutives d'aveux ou d'incriminations de tiers, puisqu'elles s'étaient heurtées soit à des refus de répondre, soit à des dénégations.

285. Ce faisant, il s'est livré à une appréciation des faits qui ne constitue pas, sous réserve d'une dénaturation des éléments de preuve produits devant lui, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C-280-99 P à C-282-99 P, Rec. p. I-4717, point 78, et ordonnance du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C-430-00 P, Rec. p. I-8547, point 24).

286. Dans leurs pourvois, au soutien de leur affirmation selon laquelle les réponses de certaines entreprises avaient contribué à l'administration de la preuve, LVM et DSM se contentent de renvoyer, sans explications particulières, aux six réponses d'autres entreprises qu'elles avaient invoquées dans les mémoires en réplique soumis au Tribunal.

287. Elles ne précisent pas si ces réponses ont été fournies à la suite de demandes de renseignements, c'est-à-dire sans contrainte, ou à la suite de décisions de demandes de renseignements, c'est-à-dire sous l'effet d'une contrainte juridique.

288. En tant que les réponses visées auraient été données à la suite de demandes de renseignements, leur utilisation ne pouvait être censurée par le Tribunal pour les motifs énoncés au point 456 de l'arrêt attaqué (voir point 279 du présent arrêt).

289. En tant qu'elles auraient été fournies à la suite de décisions de demandes de renseignements, LVM et DSM n'indiquent aucunement les éléments desdites réponses qui auraient effectivement été utilisés pour incriminer les destinataires eux-mêmes ou les requérantes, à supposer que, en ce qui concerne ces dernières, le grief correspondant relève encore du moyen tiré du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

290. Dans ces conditions, les requérantes ne permettent pas à la Cour de vérifier si le Tribunal a dénaturé les faits lors de son appréciation des suites données aux questions, contenues dans de telles décisions, qu'il a jugées illégales.

291. Elles ne démontrent pas davantage que des réponses qui auraient été données aux autres questions contenues dans les mêmes décisions, qu'il n'a pas considérées comme illégales, aient été utilisées à des fins d'incrimination.

292. Il s'ensuit que le grief dirigé contre les décisions de demandes de renseignements doit également être rejeté, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 446 à 449 de l'arrêt attaqué, en se référant à l'arrêt Orkem/Commission, précité, que de telles décisions ne sont illégales que dans la mesure où une question obligerait l'entreprise à fournir des réponses par lesquelles elle serait amenée à admettre l'existence d'une infraction.

293. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté dans sa totalité.

10. Sur le moyen tiré par DSM et ICI d'une violation du secret professionnel et des droits de la défense

294. Devant le Tribunal, DSM et ICI ont invoqué une violation du secret professionnel prévu à l'article 20 du règlement n° 17, disposition qui viserait à préserver également les droits de la défense. Elles ont reproché à la Commission d'avoir, dans le cadre de la procédure relative au secteur du PVC, au cours de la vérification sur mandat opérée au cours du mois de novembre 1983 dans les locaux d'ICI, obtenu de celle-ci de nouvelles copies de documents - à savoir des documents dits "de planification", un document dit "de partage du fardeau" ainsi qu'une note d'ICI du 15 avril 1981 -, dont elle avait eu connaissance et obtenu copie à l'occasion d'une précédente vérification sur mandat, effectuée dans les mêmes locaux les 13 et 14 octobre 1983, dans le cadre d'une autre procédure, relative au secteur du polypropylène.

295. DSM a avancé le même grief en ce qui concerne des rapports mensuels et trimestriels relatifs à tous les polymères produits et vendus à l'époque, soit le polypropylène, le PEBD et le PVC. Ces documents, correspondant aux annexes P 5, P 6, P 9, P 11, P 13, P 14, P 18, P 21, P 24, P 29, P 39, P 41 et P 71, auraient également été découverts par la Commission les 13 et 14 octobre 1983 dans le cadre de la procédure relative au polypropylène, puis réclamés à nouveau à ICI et à DSM lors des vérifications sur mandat effectuées, au titre de la procédure relative au secteur du PVC, dans les locaux de ces deux entreprises, respectivement du 21 au 23 novembre 1983 et le 6 décembre 1983.

296. DSM a fait valoir que le comportement reproché avait également méconnu l'article 6 de la CEDH, lequel, bien que ne comportant pas de règles spécifiques relatives à l'obtention et à l'utilisation des éléments de preuve, n'empêcherait pas de rechercher si une procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêt un caractère équitable (Cour eur.D.H., arrêts Kostovski du 20 novembre 1989, série A, n° 166, § 39 ; Vidal du 22 avril 1992, série A n° 235 B, § 33, et Edwards du 16 décembre 1992, série A n° 247 B, § 34).

297. DSM et ICI font grief au Tribunal d'avoir rejeté leurs argumentations en admettant la légalité de l'utilisation des pièces litigieuses par le biais de nouvelles copies de celles-ci obtenues dans le cadre de la procédure relative au secteur du PVC. Une telle solution se heurterait en effet à la jurisprudence résultant des arrêts Dow Benelux/Commission, précité; du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C-67-91, Rec. p. I-4785), et du 19 mai 1994, SEP/Commission (C-36-92 P, Rec. p. I-1911).

298. À cet égard, il convient de rappeler qu'il résulte des articles 20, paragraphe 1, et 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 que les informations recueillies au cours de vérifications ne doivent pas être utilisées dans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou la décision de vérification (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 17).

299. Cette exigence vise à préserver, outre le secret professionnel, expressément mentionné à l'article 20 du règlement n° 17, les droits de la défense des entreprises (voir arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 18), droits qui, à la fois, relèvent des principes fondamentaux du droit communautaire et sont consacrés par l'article 6 de la CEDH.

300. Ces droits seraient gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but de celle-ci (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 18).

301. Toutefois, on ne saurait en conclure qu'il serait interdit à la Commission d'ouvrir une procédure d'enquête afin de vérifier l'exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d'une vérification antérieure au cas où ces informations indiqueraient l'existence de comportements contraires aux règles de concurrence du traité (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 19).

302. En l'espèce, le Tribunal, après avoir rappelé à bon droit ces principes dégagés par la Cour dans l'arrêt Dow Benelux/Commission, précité, principes qui ne sont pas contredits par les arrêts précités Asociación Española de Banca Privada e.a. (point 43) et SEP/Commission (point 29), invoqués par DSM, a constaté, au point 474 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'avait pas introduit d'office, dans la présente affaire, les pièces mêmes qu'elle avait recueillies dans une autre procédure, mais qu'elle avait de nouveau obtenu ces pièces dans le cadre de mandats de vérification portant, notamment, sur le PVC.

303. Sur la base de cette constatation de fait, il a ensuite justement analysé le moyen comme posant la question de savoir si la Commission, ayant obtenu des documents dans une première affaire et les ayant utilisés comme indices pour ouvrir une autre procédure, était en droit de demander, sur le fondement de mandats relatifs à cette seconde procédure, de nouvelles copies de ces documents et de les utiliser alors comme moyens de preuve dans cette seconde affaire.

304. Sur cette question, il a exactement considéré, au point 476 de l'arrêt attaqué, que, dans la mesure où la Commission avait de nouveau obtenu ces documents sur le fondement de mandats de vérification portant, notamment, sur le PVC, conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, et les avait utilisés dans le but indiqué dans ces mandats, elle avait respecté les droits de la défense des entreprises, tels qu'ils découlent de cette disposition.

305. En effet, les entreprises ne sont nullement privées de la protection de l'article 20 du règlement n° 17 lorsque la Commission demande une nouvelle fois un document. Elles se trouvent alors, du point de vue de la défense de leurs droits, dans la même situation que si la Commission ne disposait pas encore du document, puisque l'utilisation directe à titre de preuve, dans une seconde procédure, d'un document obtenu dans une précédente procédure lui est interdite.

306. Il convient encore de souligner, ainsi que le Tribunal l'a fait au point 477 de l'arrêt attaqué, que la circonstance que la Commission a obtenu, pour la première fois, des documents dans une affaire donnée ne confère pas une protection à ce point absolue que ces documents ne pourraient pas être légalement demandés dans une autre affaire et utilisés comme preuves.

307. Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit en concluant à l'absence de violation de l'article 20 du règlement n° 17 ainsi que du principe fondamental du respect des droits de la défense.

308. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

11. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa et Enichem d'une violation des droits de la défense résultant d'un accès insuffisant au dossier de la Commission

309. LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa et Enichem soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant le moyen, soulevé devant lui, qu'elles avaient tiré d'une violation du principe fondamental du respect des droits de la défense résultant de l'accès insuffisant accordé par la Commission à son dossier au cours de la procédure administrative.

310. Elles soulignent que le Tribunal a constaté que, lors de la procédure administrative, la Commission ne leur avait pas régulièrement donné accès à son dossier.

311. Elles lui font grief d'avoir néanmoins subordonné l'annulation de la décision PVC II à la condition que la non-divulgation de documents ait pu influencer, au détriment de l'entreprise intéressée, le déroulement de la procédure et le contenu de ladite décision.

312. Selon elles, il n'est pas nécessaire, aux fins d'une annulation, que la non-divulgation ait exercé une influence effective. Pour LVM et DSM, en considération du droit d'égalité d'accès au dossier qui résulterait de l'article 6 de la CEDH (arrêt Edwards, précité, § 36; Commission eur.D.H., Lynas c. Suisse du 6 octobre 1977, requête n° 7317-75, Annuaire de la convention européenne des droits de l'homme, p. 413), la simple constatation d'un accès incomplet au dossier entraîne l'annulation de la décision de la Commission. Dans le même sens, Enichem affirme que le défaut de communication de toutes les pièces du dossier, à l'exception des documents confidentiels ou internes, constitue en lui-même une violation des droits de la défense. De l'avis de Degussa, il suffit que la Commission n'ait pas transmis des documents éventuellement utiles à la défense des entreprises.

313. LVM, DSM, Elf Atochem, Degussa et Enichem reprochent au Tribunal d'avoir ensuite examiné lui-même les documents non accessibles au cours de la procédure administrative, afin de déterminer si leur non-divulgation avait pu exercer une influence, au détriment de l'entreprise intéressée, sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision PVC II.

314. LVM et DSM prétendent qu'une telle approche était en contradiction avec la propre affirmation du Tribunal selon laquelle une violation des droits de la défense au stade de la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure juridictionnelle. Dans le même sens que Degussa et Enichem, elles estiment que, en examinant les pièces litigieuses, le Tribunal a agi comme auteur de l'instruction, aux lieu et place de la Commission, et opéré ainsi une régularisation a posteriori.

315. À cet égard, il convient de rappeler que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs (arrêt du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51-92 P, Rec. p. I-4235, point 75, et la jurisprudence citée).

316. Le droit d'accès au dossier de la Commission vise donc à garantir un exercice effectif des droits de la défense (voir arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, point 76), droits qui, à la fois, relèvent des principes fondamentaux du droit communautaire et sont consacrés par l'article 6 de la CEDH, ainsi qu'il a été rappelé au point 299 du présent arrêt.

317. La violation du droit d'accès au dossier de la Commission au cours de la procédure préalable à l'adoption de la décision est susceptible, en principe, d'entraîner l'annulation de cette décision lorsqu'il a été porté atteinte aux droits de la défense de l'entreprise concernée (arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, point 77).

318. En pareille hypothèse, la violation survenue n'est pas régularisée du simple fait que l'accès a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. Lorsque l'accès a été assuré à ce stade, l'entreprise concernée ne doit pas démontrer que, si elle avait eu accès aux documents non communiqués, la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais seulement qu'elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense (arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, points 78 et 81).

319. En l'espèce, il est constant que, lors de la procédure administrative, la Commission n'a communiqué qu'une partie de son dossier administratif, ainsi que le Tribunal l'aconstaté au point 1010 de l'arrêt attaqué, avant de conclure, au point 1019 de celui-ci, qu'elle n'avait donc pas régulièrement donné accès audit dossier.

320. Il est également constant que le Tribunal, par lettre du 7 mai 1997, dans le cadre de mesures d'organisation de la procédure, a accordé à chacune des requérantes l'accès au dossier de la Commission, à l'exception des documents internes de cette dernière et de documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles. Il a invité les requérantes à présenter des observations en vue de démontrer en quoi, selon elles, le défaut de communication de certaines pièces avait pu affecter leur défense. Les requérantes lui ont soumis de telles observations.

321. À la lumière des principes rappelés aux points 315 à 318 du présent arrêt, le Tribunal a d'abord jugé à bon droit, au point 1011 de l'arrêt attaqué, que les entreprises bénéficient d'un droit d'accès au dossier, que ce droit relève des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et que le respect de ceux-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire.

322. Il n'a ensuite commis aucune erreur de droit en jugeant, au point 1020 de l'arrêt attaqué, que la circonstance que la Commission n'avait pas régulièrement donné accès à son dossier ne pouvait toutefois, en elle-même, conduire à l'annulation de la décision PVC II. Il n'a fait qu'exprimer en d'autres termes l'idée que cette circonstance est simplement susceptible, en principe, d'entraîner une telle annulation (voir point 317 du présent arrêt).

323. Pareillement, en relevant, au point 1021 de l'arrêt attaqué, qu'il y avait lieu de vérifier si les possibilités de défense des requérantes avaient été affectées par les conditions dans lesquelles elles avaient eu accès au dossier administratif de la Commission, il a énoncé la condition qu'il ait été porté atteinte aux droits de la défense de l'entreprise concernée (voir également point 317 du présent arrêt).

324. Enfin, en jugeant au même point de l'arrêt attaqué, que, pour constater une violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgation des documents en question "a pu influencer", au détriment d'une requérante, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision, il n'a fait qu'énoncer la condition selon laquelle cette requérante doit seulement démontrer qu'elle aurait pu utiliser les documents litigieux pour sa défense (voir point 318 du présent arrêt).

325. Dès lors, en statuant ainsi, loin de procéder à une régularisation a posteriori, il a à juste titre limité son contrôle à la seule question de savoir si les documents en cause auraient été susceptibles d'être invoqués par une entreprise pour sa défense.

326. Il en a déduit exactement, au point 1022 de l'arrêt attaqué, que la décision devrait être annulée si son contrôle devait conduire à une réponse positive.

327. En précisant, à cette occasion, que la violation des droits de la défense intervenue au stade de la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devant le Tribunal, dont le contrôle juridictionnel ne peut pas remplacer une instruction complète de l'affaire dans le cadre d'une procédure administrative, il n'a, sans contradiction aucune, fait que confirmer le caractère limité dudit contrôle. Il a encore confirmé ce caractère limité, notamment au point 1035 de l'arrêt attaqué, en soulignant que son contrôle avait pour objet de vérifier si le défaut de divulgation de pièces ou d'extraits de pièces avait pu affecter les possibilités de défense des requérantes.

328. Il résulte de ce qui précède que les griefs formulés par les requérantes à l'encontre du cadre d'analyse du Tribunal ne sont pas fondés.

329. Degussa soutient encore que les écrits non divulgués au cours de la procédure administrative, examinés aux points 1060 et suivants de l'arrêt attaqué, auraient dû, précisément, être considérés comme susceptibles d'être utiles à la défense. Ces documents montreraient, notamment, l'existence d'une vive concurrence, un comportement agressif des producteurs de PVC au regard des prix, un mauvais fonctionnement du mécanisme de compensation entre producteurs et un succès mitigé des initiatives en matière de prix, parfois considérées comme des échecs. Il n'aurait donc aucunement été exclu que la Commission prît en compte ces circonstances au bénéfice de la requérante. Or, selon la pratique de la Commission, l'échec avéré de la mise en œuvre d'une entente prohibée conduirait généralement à une réduction du montant de l'amende.

330. À cet égard, il convient de rappeler que l'appréciation des faits par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve d'une dénaturation des éléments de preuve produits devant lui, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir point 285 du présent arrêt).

331. En l'espèce, l'appréciation du Tribunal a porté sur la question de savoir si les documents litigieux auraient pu être utilisés par la requérante pour sa défense. Elle a donc porté sur une question de fait.

332. Or, les points contestés de l'arrêt attaqué, examinés au regard des critiques de Degussa et de la motivation de la décision PVC II, ne révèlent aucune dénaturation des faits.

333. Au point 1061 de l'arrêt attaqué, le Tribunal observe que les pièces invoquées ne visent pas à remettre en cause directement d'autres pièces fournies par la Commission à l'appui de ses conclusions, mais à démontrer l'existence d'une vive concurrence incompatible avec celles-ci.

334. Il poursuit, toutefois, aux points 1062 et 1063 de l'arrêt attaqué:

"1062 [...] il ressort de la [décision PVC II] que ces circonstances ont été pleinement prises en compte. Ainsi la Commission ne prétend-elle pas que les prix aient connu une augmentation constante durant la période d'infraction, ni mêmequ'ils soient restés stables au cours de cette période. Bien au contraire, les tableaux annexés à la [décision PVC II] montrent que les prix n'ont cessé de fluctuer, atteignant leur plus bas niveau au premier trimestre de 1982. La Commission a ainsi explicitement reconnu que les initiatives de prix avaient connu un succès mitigé et qu'elles étaient parfois considérées comme des échecs ([décision PVC II], points 22 et 36 à 38). Elle a également indiqué certaines des raisons de ces résultats: outre les éléments extérieurs aux producteurs (achats anticipés des consommateurs, importations de pays tiers, chute de la demande, en particulier en 1981 et en 1982, rabais spéciaux...), elle a relevé que certains producteurs ont parfois donné une préférence à leurs volumes de ventes au détriment des prix ([décision PVC II], points 22 et 38) et que, compte tenu des caractéristiques du marché, il aurait été vain de tenter des initiatives de prix concertées si les conditions n'avaient pas été propices à une majoration ([décision PVC II], point 38). La Commission n'a en outre pas ignoré l'existence de comportements 'agressifs' de certaines entreprises ([décision PVC II], point 22). De même, elle a souligné que les documents partage du fardeau, Alcudia et DSM, s'ils attestent l'existence d'un mécanisme de compensation entre producteurs, permettent également de conclure que ces mécanismes n'ont pas correctement fonctionné ([décision PVC II], point 11). C'est au regard de l'ensemble de ces considérations que la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée aux requérantes.

1063 Au demeurant, il convient de relever que tant les annexes P1 à P70 que les documents envoyés par la Commission aux parties en mai 1988 fournissaient déjà une base documentaire abondante permettant aux requérantes de soutenir, comme elles l'ont d'ailleurs fait, l'existence des circonstances dont elles se prévalent aujourd'hui."

335. Au vu de cette motivation de l'arrêt attaqué, confirmée par la lecture des points cités de la décision PVC II, il apparaît même que Degussa non seulement n'établit pas une dénaturation des faits, mais formule un grief sans objet, dès lors que:

- la Commission a pris en compte les circonstances dont Degussa soutient qu'elles auraient pu être utiles à sa défense;

- Degussa a été en mesure d'invoquer ces circonstances au cours de la procédure administrative, et les a effectivement invoquées, grâce au grand nombre de documents contenant des passages faisant état, selon les termes mêmes du pourvoi, du fait que les producteurs de PVC ne suivaient pas une politique uniforme de prix et se trouvaient entre eux dans une situation de concurrence relativement vive, documents dont elle reconnaît expressément avoir reçu communication de la part de la Commission le 3 mai 1988, à titre de documents "susceptibles d'être utiles à la défense".

336. Dans ces conditions, le grief de Degussa dirigé contre l'appréciation du Tribunal doit être rejeté.

337. Enfin, Enichem conteste l'examen fait par le Tribunal des documents qu'elle avait sélectionnés parmi ceux rendus accessibles au cours de la procédure juridictionnelle et qui l'ont amené à conclure que les droits de la défense n'avaient pas été violés.

338. Elle reproche au Tribunal d'avoir écarté un grand nombre de ces documents, sans même les examiner, au motif que leurs dates se situaient avant ou après la période d'enquête. Elle admet que cette analyse se rattache aux constatations de fait effectuées par le Tribunal et que celles-ci ne peuvent être contestées dans le cadre d'un pourvoi. Cependant, elle critique la méthode utilisée par le Tribunal pour écarter les pièces en cause. Le Tribunal aurait appliqué un critère de temps formaliste et indépendant du fond. Selon elle, un tel critère est inacceptable. Elle fait valoir que des documents contenaient des indications valables pour apprécier le comportement des producteurs, notamment d'elle-même, en particulier au cours de la période et pour des faits faisant l'objet de l'enquête. Elle ajoute que des indications dans le même sens pouvaient également être tirées des documents ne datant pas de la période d'enquête, quand, par exemple, ils faisaient référence à cette période ou permettaient une comparaison entre la période antérieure et la période postérieure.

339. À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a, au point 1040 de l'arrêt attaqué, écarté les pièces et extraits de pièces qui concernaient une période antérieure à l'origine de l'entente ou postérieure à la date de fin de l'infraction prise en compte par la Commission pour la détermination du montant de l'amende. À cet effet, il a souligné que ce n'était pas la date du document qui importait, mais bien la pertinence de l'extrait invoqué par la requérante au regard de la période d'infraction.

340. Il doit être constaté qu'Enichem, sous couvert d'une contestation d'un critère d'appréciation appliqué aux documents litigieux, tente, en réalité, de remettre en cause l'appréciation même effectuée par le Tribunal pour chacun d'eux au regard de son contenu, appréciation qui ne peut être censurée sur pourvoi qu'en cas de dénaturation des éléments de preuve (voir point 285 du présent arrêt).

341. Cependant, elle n'indique pas quels passages précis de documents expressément identifiés seraient de nature à confirmer son allégation selon laquelle lesdits documents auraient pu être utilisés par elle pour sa défense, indépendamment de leurs dates ou de la période à laquelle ils se référaient.

342. Dès lors, elle ne permet pas à la Cour de vérifier si le Tribunal a dénaturé les faits lors de son appréciation.

343. Il s'ensuit que son grief doit être rejeté.

344. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

12. Sur le moyen tiré par Montedison d'une violation du droit à un procès équitable, des articles 48, paragraphe 2, et 64 du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que du principe de responsabilité personnelle en raison des modalités d'organisation de la procédure orale

345. Montedison fait valoir que l'invitation à présenter à l'audience une défense orale commune, exprimée avec insistance par le Tribunal, n'était pas compatible avec le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la CEDH et que les articles 64 et suivants du règlement de procédure du Tribunal ne prévoient pas une défense commune collective. Une telle défense contraindrait, au besoin, à exclure de la défense certains arguments, preuves et thèses qui ne sont pas communs à l'ensemble des entreprises requérantes. L'imposer reviendrait en outre à présumer établie la culpabilité de celles-ci.

346. L'organisation d'une défense commune aurait eu pour conséquence que le Tribunal aurait totalement ignoré deux des principales thèses de Montedison. Par ailleurs, le Tribunal se serait dispensé d'analyser les preuves visées dans la requête de Montedison, alors que, selon elle, il découlait de ces preuves qu'aucun des documents recueillis par la Commission ne la faisait apparaître au rang des participants aux infractions relevées. En définitive, le Tribunal n'aurait retenu qu'une seule preuve à l'encontre de Montedison et il n'aurait examiné qu'un seul argument développé par celle-ci en ce qui concerne les preuves qui lui étaient favorables, en commettant de surcroît une erreur sur son contenu.

347. À cet égard, il y a lieu d'observer que, dans l'énoncé de son moyen, Montedison invoque l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, relatif aux moyens nouveaux soulevés en cours d'instance. Cependant, cette disposition est étrangère au grief avancé.

348. En vertu de l'article 64, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les mesures d'organisation de la procédure ont, notamment, pour objet d'assurer le bon déroulement de la procédure orale.

349. Dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, également consacrés par l'article 6 de la CEDH, le Tribunal peut ainsi inviter les parties à présenter collectivement les moyens communs, afin d'éviter la répétition de développements identiques, chaque partie conservant la possibilité de présenter de façon complémentaire les arguments qui lui seraient propres.

350. En l'espèce, les affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale par ordonnance du 22 janvier 1998.

351. Montedison n'établit pas ni même ne soutient que "l'invitation à présenter une défense orale commune, formée avec insistance par le Tribunal", selon les termes de son pourvoi, aurait été assortie d'une interdiction de présenter individuellementl'argumentation qu'elle ne partageait pas avec les autres parties. Contrairement à son allégation, le seul fait de présenter en commun des moyens identiques n'implique aucunement une présomption de culpabilité des entreprises intéressées.

352.Dès lors, le grief formulé à l'encontre du déroulement de la procédure orale ne saurait être accueilli.

353. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant l'allégation de Montedison selon laquelle le Tribunal n'aurait pas examiné les preuves visées dans sa requête et aurait fondé sa décision sur une seule preuve la concernant, dans la mesure où la requérante formule ce grief non pas à titre de moyen distinct, mais à seule fin d'établir l'atteinte à ses droits de la défense qui serait la conséquence d'un déroulement défectueux de la procédure orale et justifierait ainsi l'annulation de l'arrêt attaqué. En effet, ledit grief repose sur une prémisse qui, nécessaire au succès du moyen, se révèle erronée.

354. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

13. Sur le moyen tiré par Montedison d'une violation du droit à un procès équitable et de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal lors de l'examen des éléments de preuve

355. Montedison fait grief au Tribunal d'avoir violé à la fois son droit à un procès équitable et l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal lors de l'examen des éléments de preuve.

356. Premièrement, elle soutient que, aux points 903 et 904 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a retenu l'existence d'un système de quotas ou de compensation sur le fondement d'un document faisant référence de façon seulement indirecte à Montedison et qu'il a insisté sur une augmentation des quotas demandée par ICI. À cet égard, il n'aurait pas pris en considération l'explication qu'elle avait fournie aux pages 46 et 47 de sa requête.

357. À cet égard, il convient de constater que, au point 896 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a exactement résumé l'argumentation contenue dans la requête de Montedison, à laquelle celle-ci se réfère dans son pourvoi. Il a rappelé que la requérante contestait le caractère probant d'un document dit "Alcudia" et soutenait qu'aucune entreprise italienne n'avait adhéré individuellement à un système de compensation, ajoutant que, à supposer même qu'un tel mécanisme eût été mis en œuvre dans les faits, il ne se serait agi que de l'une de ces mesures de rationalisation prise en vertu d'accords bilatéraux, que la Commission aurait elle-même préconisés en remplacement d'un cartel de crise. Il a ensuite, aux points 903 et 904 du même arrêt, répondu expressément à cette argumentation et retenu la participation de Montedison à l'aspect en cause de l'infraction sur la base de deux pièces, dont le document Alcudia.

358. Il apparaît ainsi que le grief n'est pas fondé. De surcroît, il revient à remettre en cause l'appréciation même des faits opérée par le Tribunal, appréciation qui échappe aucontrôle de la Cour, sauf dénaturation des éléments de preuve (voir point 285 du présent arrêt), laquelle n'est nullement démontrée en l'espèce.

359. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.

360. Deuxièmement, Montedison prétend que le Tribunal n'a pas pris en considération 23 documents, visés aux pages 24 à 31 de sa requête, qui auraient démontré l'existence d'une concurrence agressive, incompatible avec une entente sur les prix et sur des quotas de marché.

361. Cependant, l'examen de la requête soumise par la requérante au Tribunal ne permet pas de retrouver la référence qui y aurait été faite aux 23 documents invoqués, lesquels ne sont, au demeurant, pas autrement identifiés que par leur nombre. De surcroît, Montedison ne précise pas la partie de l'arrêt qu'elle critique.

362. Dans ces conditions, son grief doit être rejeté.

363. Troisièmement, Montedison reproche au Tribunal d'avoir, au point 906 de l'arrêt attaqué, écarté un tableau qu'elle produisait, dans lequel elle comparait les prix cibles allégués par la Commission et les prix effectivement pratiqués par elle-même, afin de démontrer qu'elle ne pouvait avoir participé à des initiatives en matière de prix. Elle conteste qu'il ait pu statuer ainsi au motif qu'elle n'avait précisé ni la source des chiffres constituant, selon elle, les prix effectivement pratiqués par elle ni la date précise à laquelle ils auraient été constatés. Elle fait valoir que la source ne pouvait être que les documents comptables obligatoires indiquant toutes les ventes de Montedipe, filiale à laquelle Montedison avait transféré son activité de production de PVC à compter du 1er janvier 1981, et qu'il s'agissait des prix moyens des ventes effectuées au cours des périodes en cause.

364. Cependant, il convient de relever à nouveau que, sous couvert de son moyen tiré d'une violation de son droit à un procès équitable, l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal étant étranger au grief ici examiné, Montedison entend contester, en réalité, une appréciation d'un élément de preuve opérée par le Tribunal.

365. Une telle appréciation n'étant pas susceptible d'un contrôle de la Cour, sauf dénaturation de l'élément de preuve en cause (voir point 285 du présent arrêt), qui n'est aucunement établie en l'espèce, le grief de la requérante doit être rejeté.

366. Enfin, quatrièmement, Montedison reproche au Tribunal de lui avoir, aux points 1009 et 1028 de l'arrêt attaqué, refusé la possibilité d'invoquer quatre nouveaux documents en sa faveur, dont elle avait pris connaissance dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure prise par le Tribunal et relative à l'accès au dossier de la Commission. Selon elle, le Tribunal a jugé à tort que, dans la mesure où elle n'avait pas soulevé de moyens relatifs à l'accès au dossier de la Commission, il n'y avait paslieu de tenir compte des observations déposées par elle à la suite de cette mesure d'organisation de la procédure.

367. La requérante soutient que les quatre documents en cause illustraient la chute désastreuse des prix en Italie, l'agressivité de la concurrence et le fait que les entreprises étrangères n'étaient pas informées de l'état du marché italien.

368. Selon elle, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, une entreprise qui, en cours d'instance, identifie des documents utiles à sa défense peut soulever un moyen nouveau sur le fondement de ceux-ci, considérés en tant qu'éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

369. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

370. Cette disposition n'exclut aucunement que des éléments de droit ou de fait aient pu être découverts à l'occasion d'une mesure d'organisation de la procédure ayant accordé l'accès au dossier de la Commission à toutes les requérantes, y compris celles qui n'avaient pas soulevé un moyen tiré d'une violation de leur droit d'accès audit dossier.

371. Par ailleurs, elle autorise tout moyen nouveau qui serait fondé sur de tels éléments. Dans des circonstances telles que celles visées au point précédent, il ne saurait donc être exclu qu'une requérante puisse invoquer, à titre de moyen nouveau, celui tiré, précisément, d'une violation de son droit d'accès au dossier.

372. En l'espèce, il est constant que, dans son recours, Montedison n'a pas, à la différence d'autres requérantes, présenté au Tribunal un moyen tiré d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission.

373. Il est également constant que, au titre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a informé les parties, par lettre du 7 mai 1997, de sa décision d'accorder à chacune d'elles l'accès au dossier de la Commission dans l'affaire ayant donné lieu à la décision PVC II, sous réserve des documents internes de la Commission et des documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles. Il a invité les requérantes à présenter ensuite, le cas échéant, des observations en vue de démontrer en quoi le défaut de communication de pièces avait pu porter préjudice à leur défense.

374. Il est enfin constant que, dans le cadre de ces mesures d'organisation de la procédure, Montedison a eu accès au dossier en cause, puis a déposé des observations le 28 juillet 1997, dans lesquelles elle a invoqué les quatre pièces visées au pourvoi.

375. Or, il ressort de ces observations que Montedison a expressément fait valoir que, si elle avait pu disposer de ces documents aux fins de la préparation de sa défense en vuede l'audition des entreprises au cours de la procédure administrative, puis aux fins des recours dirigés contre les décisions PVC I et PVC II, elle aurait pu les invoquer pour démontrer le manque de fondement de l'accusation.

376. Il apparaît ainsi que la requérante a soulevé, à titre de moyen nouveau, un moyen tiré d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

377. Dès lors, le Tribunal a méconnu cette dernière disposition en excluant l'examen des observations déposées par Montedison, au motif, énoncé au point 1028 de l'arrêt attaqué, qu'elle n'avait pas soulevé de moyens relatifs à l'accès au dossier administratif.

378. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être accueilli du chef de l'erreur de droit ainsi commise, et rejeté pour le surplus.

379. En conséquence, l'arrêt attaqué doit être annulé partiellement, en tant qu'il a rejeté un moyen nouveau tiré par Montedison d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission.

14. Sur le moyen tiré par Enichem d'une violation de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal

380. Enichem rappelle que, en 1995, à la demande du Tribunal, les parties ont suspendu l'exposé écrit de leurs griefs dirigés contre la décision PVC II, dans la perspective de l'organisation d'une audience portant exclusivement sur les violations de règles de procédure reprochées à la Commission. Elle ajoute que le Tribunal a souligné que les arguments présentés au nom de toutes les parties ne seraient pris en compte qu'au bénéfice des requérantes qui avaient soulevé ces griefs dans leur propre requête.

381. Enichem précise que, lors de la reprise de la procédure écrite après cette audience, elle a choisi, plutôt que de rappeler dans le texte de son mémoire en réplique la totalité des arguments développés également pour son compte, de renvoyer à ceux-ci et de joindre les textes des plaidoiries communes présentées.

382. La requérante reproche au Tribunal d'avoir jugé en substance, aux points 42 et 43 de l'arrêt attaqué, que son mémoire en réplique, pour autant qu'il procédait à un renvoi aux textes des plaidoiries communes, ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal et ne pouvait donc pas être pris en considération, parce que le renvoi global à d'autres écritures, même si elles étaient annexées, ne pouvait pallier l'absence de mention dans le mémoire en réplique des éléments essentiels de fait et de droit invoqués.

383. Elle soutient que le Tribunal a ainsi fait une application erronée de l'article 44, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure, dès lors que:

- les griefs relatifs à la procédure formulés dans les plaidoiries communes étaient déjà inclus dans sa requête;

- les arguments développés à l'audience faisaient partie de la procédure et étaient connus du Tribunal, puisqu'ils avaient été exposés devant lui;

- les réfutations opposées par les parties requérantes, et notamment Enichem, aux arguments développés par la Commission dans sa défense figuraient déjà dans les plaidoiries communes;

- le renvoi, dans la réplique, aux textes des plaidoiries communes impliquait nécessairement que la requérante faisait sienne l'intégralité de leur contenu, si bien qu'il n'imposait pas au Tribunal de rechercher et de déterminer, dans les annexes, les moyens sur lesquels le recours ou la réplique étaient fondés.

384. Selon elle, la conclusion du Tribunal a eu pour effet que la partie de sa réplique relative aux vices de procédure n'a pas été prise en compte aux fins de l'arrêt ou qu'elle a été amputée de tous les arguments traités lors des plaidoiries communes.

385. À cet égard, il y a lieu de constater que la reprise exhaustive ou même sommaire, dans un mémoire écrit, d'une argumentation développée antérieurement lors d'une procédure orale en relation avec des moyens contenus dans la requête n'est pas une condition de l'examen, par le Tribunal, de ladite argumentation. En effet, dès la procédure orale, cette argumentation est comprise dans les éléments de l'affaire et se trouve portée à la connaissance de la juridiction saisie. Elle doit donc faire l'objet d'un examen de la part de celle-ci, dès lors que, pertinente et se rapportant à des moyens déjà soulevés, elle ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

386. Il apparaît ainsi que le renvoi global, opéré par Enichem dans son mémoire en réplique, au contenu des textes des plaidoiries communes présentées les 13 et 14 juin 1995 était superfétatoire.

387. En écartant ledit mémoire "pour autant qu'il y [était] procédé à un renvoi aux plaidoiries communes", le Tribunal, au point 43 de l'arrêt attaqué, a donc fait de l'article 44, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure une application formelle erronée à des éléments de la procédure orale, puisque, en tout état de cause, il était tenu d'examiner les arguments valablement présentés lors de celle-ci.

388. Cependant, conformément à l'article 51 du statut CE de la Cour de justice, une irrégularité de procédure devant le Tribunal ne peut être sanctionnée par une annulation que s'il est démontré qu'elle a porté atteinte aux intérêts de la partie requérante.

389. Or, Enichem se contente d'affirmer en substance, sans autre précision, que les arguments valablement développés en son nom lors de la procédure orale n'ont pas été pris en compte dans l'arrêt attaqué.

390. Elle n'identifie aucun argument pertinent précis qui, effectivement, n'aurait pas fait l'objet, dans l'arrêt attaqué, en tant qu'élément de la procédure orale connu du Tribunal ou explicitement reproduit dans un mémoire en réplique présenté par une autre requérante et non déclaré irrecevable, d'un examen commun à toutes les parties concernées par les plaidoiries communes, y compris elle-même, et qui, s'il avait été examiné, aurait pu exercer une influence sur la solution du litige.

391. Dans ces conditions, le moyen examiné doit être rejeté.

15. Sur le moyen tiré par Wacker-Chemie et Hoechst d'un examen incomplet des faits

392. Wacker-Chemie et Hoechst font grief au Tribunal d'avoir, au point 611 de l'arrêt attaqué, écarté des chiffres de ventes de Hoechst contenus dans un document établi par une société agréée d'expertise comptable de très bonne réputation et certifiés par deux experts-comptables (ci-après l'"attestation d'experts-comptables"), au motif que ces chiffres ne pouvaient pas être considérés comme présentant une fiabilité suffisante de nature à remettre en cause ceux fournis par Hoechst elle-même en réponse à une demande de renseignements de la Commission. À cet égard, elles se demandent quelles possibilités restent ouvertes aux parties à la procédure de rectifier des indications inexactes données par erreur si les constatations d'une société agréée d'expertise comptable ne suffisent pas.

393. Selon les requérantes, le Tribunal aurait dû, s'il ne se trouvait pas en mesure de reprendre les constatations des experts-comptables, procéder à l'administration des preuves concernant les données qu'il considérait comme inexactes et contestables. Si des doutes avaient dû persister, la décision du Tribunal aurait alors dû être rendue en faveur de l'entreprise poursuivie.

394. En définitive, le Tribunal n'aurait pas examiné les éléments litigieux malgré leur pertinence juridique. Il n'aurait donc aucunement procédé à l'analyse des preuves s'y rapportant et n'aurait pas pu le faire, faute d'avoir procédé à l'administration des preuves.

395. À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 582 et suivants de l'arrêt attaqué, le Tribunal a examiné en fait les contestations relatives à l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

396. Plus précisément, aux points 584 à 617 de l'arrêt attaqué, il a examiné celle relative à l'existence d'un système de quotas.

397. Après une analyse approfondie, il a d'abord retenu six documents à titre d'éléments de preuve de l'existence d'un tel système.

398. Il a ensuite examiné en détail un septième document, à savoir un tableau découvert dans les locaux d'Atochem SA et intitulé "PVC - premier trimestre" (ci-après le "tableau Atochem"). Relatif aux premiers mois de l'année 1984, ce document confirmait, selon la Commission, que le système de quotas avait existé au moins jusqu'au mois d'avril 1984.

399. Afin d'apprécier le caractère probant ou non des informations chiffrées contenues dans cette pièce, le Tribunal a examiné les recoupements auxquels la Commission avait procédé entre ces informations et d'autres informations, en particulier celles relatives aux ventes réalisées par les quatres producteurs allemands de PVC, dont Wacker-Chemie et Hoechst, au cours du premier trimestre de l'année 1984.

400. Il a d'abord observé que, pour déterminer ces ventes, la Commission avait utilisé des données provenant de BASF, de Wacker-Chemie et de Hüls, ainsi que les chiffres de ventes déclarés par Hoechst, et était parvenue à un total présentant une différence négligeable par rapport à celui indiqué sur le tableau Atochem, ce qui confirmait que ce dernier n'avait pu être établi sans un échange de données entre les producteurs.

401. Il a relevé ensuite que, au cours de l'audition devant la Commission, Hoechst avait démenti les chiffres qu'elle avait elle-même fournis et en avait présenté de nouveaux, dont elle devait cependant reconnaître, ultérieurement, le caractère erroné.

402. Il a constaté enfin que, le 21 octobre 1988, Hoechst avait présenté une troisième série de chiffres, figurant dans l'attestation d'experts-comptables invoquée par cette entreprise dans le cadre du présent moyen.

403. Il apparaît ainsi que, en ce qui concerne le point litigieux, le dossier de la Commission contenait trois documents à rapprocher du tableau Atochem pour contrôler les recoupements opérés par la Commission. Ces documents, tous présentés par Hoechst, ont été effectivement analysés par le Tribunal quant à leur valeur probante.

404. Contrairement à ce que soutient Hoechst, le Tribunal, qui disposait de différents éléments du dossier pour trancher le point litigieux, n'était nullement tenu de procéder d'office à une mesure complémentaire d'administration de la preuve. Il n'aurait pas même été obligé d'y procéder s'il était parvenu à la conclusion qu'aucun de ces éléments n'apparaissait probant au terme de son analyse. Il aurait pu alors statuer en fonction des règles gouvernant la charge de la preuve.

405. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'un examen incomplet des faits doit être rejeté.

406. S'agissant de la question de savoir si l'appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve peut être censurée, elle relève du moyen séparé que les requérantes tirent d'une dénaturation des éléments de preuve et qui sera examiné ci-après.

16. Sur le moyen tiré par Wacker-Chemie et Hoechst d'une dénaturation des éléments de preuve

407. Wacker-Chemie et Hoechst font grief au Tribunal d'avoir, aux points 609 et suivants de l'arrêt attaqué, dénaturé les éléments de preuve résultant des chiffres fournis à la Commission par Hoechst, en particulier ceux figurant dans l'attestation d'experts-comptables mentionnée dans le cadre du moyen précédent. Dans les pays d'Europe occidentale, les résultats des contrôles certifiés par des experts-comptables bénéficieraient en général d'une valeur probante dans l'administration de la preuve et, à tout le moins, d'une présomption d'exactitude et d'exhaustivité.

408. À cet égard, il a déjà été rappelé au point 285 du présent arrêt que l'appréciation des faits par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve d'une dénaturation des éléments de preuve produits devant lui, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

409. Au point 609 de l'arrêt attaqué, le Tribunal, pour constater que le total des ventes des producteurs allemands figurant sur le tableau Atochem (198 226 tonnes) ne pouvait avoir été obtenu qu'au moyen d'un échange de données entre les producteurs, a relevé que la différence entre ce total et celui résultant des premiers chiffres communiqués volontairement par Hoechst et de données fournies par BASF, Wacker-Chemie et Hüls (198 353 tonnes) était négligeable.

410. Au point suivant de l'arrêt attaqué, pour écarter la deuxième série de chiffres fournis par Hoechst à la Commission lors de son audition, sans aucun document à l'appui, il a relevé qu'ils n'étaient pas fiables, puisqu'ils auraient impliqué que cette entreprise avait utilisé ses installations à plus de 105 %, alors que les autres producteurs avaient atteint un taux d'utilisation de 70 % seulement. Surtout, il a constaté que Hoechst elle-même avait reconnu ensuite que ces chiffres étaient erronés.

411. S'agissant de l'attestation d'experts-comptables sur laquelle Wacker-Chemie et Hoechst fondent principalement leur critique tirée d'une dénaturation des éléments de preuve, le Tribunal a souligné, au point 611 de l'arrêt attaqué, que la série de chiffres qu'elle contenait ne comportait, par rapport à ceux initialement fournis, qu'une rectification négligeable qui ne faisait que confirmer la précision des chiffres apparaissant dans le tableau Atochem. Il a relevé ensuite que la différence par rapport à ceux-ci résultait en fait du simple ajout, en tant que "ventes aux consommateurs", de la consommation propre de Hoechst pour son usine de Kalle.

412. Dès lors, c'est sans dénaturer l'attestation d'experts-comptables invoquée que, au point 611 de l'arrêt attaqué, il a retenu les chiffres fournis initialement par Hoechst, en observant que ladite attestation n'était pas de nature à les remettre en cause.

413. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

17. Sur les moyens tirés par Montedison, Elf Atochem, Degussa, Wacker-Chemie et Hoechst de défauts de réponse à des moyens ainsi que d'une contradiction et d'une insuffisance de motifs de l'arrêt attaqué

414. Montedison fait grief au Tribunal de ne pas avoir répondu à son moyen tiré d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions, après que la Commission eut adopté la décision PVC I, transfert qui aurait subsisté après l'annulation de celle-ci. Elf Atochem soutient que le Tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de différences existant entre les décisions PVC I et PVC II. Degussa reproche à l'arrêt attaqué un défaut de réponse à son moyen tiré de l'absence d'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur avant la décision PVC II. Enfin, Wacker-Chemie et Hoechst invoquent une contradiction et une insuffisance de motifs de l'arrêt attaqué en ce qui concerne l'examen d'éléments de preuve.

415. Il convient d'examiner successivement chacun de ces moyens.

a) Sur le moyen tiré par Montedison d'un défaut de réponse à son moyen tiré d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission

416. Montedison reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné le premier moyen qu'elle avait soulevé devant lui, tiré d'une violation des articles 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, lus en combinaison avec l'article 87, paragraphe 2, sous d), du traité CE [devenu, après modification, article 83, paragraphe 2, sous d), CE].

417. Elle rappelle que les articles 172 du traité et 17 du règlement n° 17 attribuent au juge communautaire un contrôle de pleine juridiction, c'est-à-dire un pouvoir illimité d'appréciation des faits. L'article 17 du règlement n° 17 conférant en particulier au juge communautaire le pouvoir de supprimer, de réduire ou de majorer l'amende, la Commission ne conserverait plus ce pouvoir après que sa décision a été attaquée. Il s'opérerait en réalité un transfert définitif du pouvoir d'appréciation au profit du juge communautaire.

418. La Commission fait valoir que le pourvoi ne cite aucun passage ou aucune partie de l'arrêt attaqué qui serait visé précisément par le grief invoqué. Elle s'interroge donc sur la recevabilité de celui-ci.

419. Elle oppose à la requérante que, aux points 65 à 85 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, sans toutefois le rapporter expressément à Montedison, le moyen tiré d'une impossibilité pour la Commission d'adopter la décision PVC II en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994. Elle relève également que, aux points 86 à 99 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a statué, en se référant expressément à Montedison, sur le moyen tiré d'une violation du principe non bis in idem, et donc sur la question de la réitération de la première décision annulée de la Commission.

420. Elle ajoute que l'obligation de clarifier l'argumentation incombe à toute partie requérante dès la première instance. Par conséquent, dans l'hypothèse où le Tribunal n'aurait pas été mis en mesure d'examiner le moyen parce que la partie requérante ne l'aurait pas suffisamment explicité, aucune critique ne pourrait être formulée à cet égard contre l'arrêt attaqué, en particulier celle de ne pas avoir examiné ou de ne pas avoir convenablement motivé le rejet dudit moyen.

421. Elle fait enfin valoir que le pourvoi ne fait que reprendre les moyens déjà soulevés en première instance. Ces moyens, déjà examinés et rejetés par le Tribunal sur le fondement d'une motivation appropriée, seraient irrecevables, car ils viseraient à obtenir un simple réexamen de la requête présentée au Tribunal (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, points 113 à 115).

422. À cet égard, il convient de constater que Montedison a effectivement soulevé devant le Tribunal un moyen tiré d'un transfert définitif au juge communautaire, à la suite du recours introduit contre la décision PVC I, du pouvoir d'infliger des amendes. Ce moyen était expressément fondé sur une violation des articles 172 du traité et 17 du règlement n° 17, lus en combinaison avec l'article 87, paragraphe 2, sous d), du traité.

423. Lorsqu'une requérante à un pourvoi soutient que le Tribunal n'a pas répondu à un moyen, il ne saurait lui être reproché, au titre de la recevabilité du moyen du pourvoi, de ne citer aucun passage ou aucune partie de l'arrêt attaqué qui serait visé précisément par son grief, dès lors que, par hypothèse, est invoqué un défaut de réponse. Pour le même motif, il ne saurait lui être opposé qu'elle se limite à répéter ou à reproduire le moyen présenté en première instance.

424. En l'espèce, la Commission soutient que le Tribunal a répondu au moyen litigieux aux points 65 à 85 et 86 à 99 de l'arrêt attaqué.

425. Cependant, le moyen soumis par Montedison dans son recours ne se confondait pas avec les deux moyens examinés dans ces parties de l'arrêt attaqué et tirés d'une violation, respectivement, de l'autorité de la chose jugée et du principe non bis in idem. Il reposait sur un fondement juridique distinct, clairement énoncé.

426. La Commission ne peut faire valoir que Montedison n'aurait pas suffisamment explicité son moyen et que, par suite, elle ne pourrait émettre aucune critique contre l'arrêt attaqué. En effet, la requête contenait une longue argumentation aboutissant à la conclusion que, par l'effet des dispositions invoquées, il s'était opéré un transfert définitif, au juge communautaire, du pouvoir d'infliger des sanctions.

427. Il apparaît ainsi que Montedison est fondée à invoquer un défaut de réponse à un moyen.

428. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être partiellement annulé du chef de ce défaut de réponse.

b) Sur le moyen tiré par Elf Atochem d'un défaut de réponse à son moyen tiré de différences existant entre les décisions PVC I et PVC II

429. Elf Atochem fait grief au Tribunal de ne pas s'être prononcé sur son moyen tiré de ce que la décision PVC II constituait une décision différant en substance de la décision PVC I, moyen qu'elle-même et d'autres requérantes auraient largement développé devant lui, ainsi que cela résulterait du point 222 de l'arrêt attaqué. Cette circonstance serait suffisante pour prononcer l'annulation de l'arrêt attaqué.

430. À cet égard, il convient de constater que, au point 222 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé qu'Elf Atochem ainsi que d'autres requérantes affirmaient, au soutien de leur moyen tiré d'un droit des entreprises d'être à nouveau entendues, que la décision PVC II contenait des différences textuelles par rapport à la décision PVC I sur des points décisifs, tels que l'appréciation des règles relatives à la prescription, la suppression de deux phrases relatives aux effets de l'entente, l'ajout d'une partie relative à la procédure depuis 1988 et l'omission de Solvay et de Norsk Hydro.

431. Or, en relevant, au point 252 de l'arrêt attaqué, que le texte de la décision PVC II ne contenait aucun grief nouveau par rapport à celui de la décision PVC I et en soulignant, à cet égard, que certaines circonstances de fait ou de droit différentes au moment de l'adoption de la décision PVC II n'impliquaient nullement l'existence de nouveaux griefs, le Tribunal a implicitement jugé que les différences relevées entre les deux décisions ne portaient pas sur des points décisifs. Au point 257 de l'arrêt attaqué, il a ensuite confirmé explicitement cette appréciation, en énonçant que la décision PVC II ne comportait que des "modifications rédactionnelles n'affectant pas les griefs".

432. Il a donc répondu à l'argument invoqué par Elf Atochem au soutien du moyen qui lui était soumis.

433. Le moyen examiné du pourvoi doit en conséquence être rejeté.

c) Sur le moyen tiré par Degussa d'un défaut de réponse à son grief tiré de l'absence d'intervention du conseiller-auditeur avant l'adoption de la décision PVC II

434. Degussa reproche au Tribunal d'avoir, au point 270 de l'arrêt attaqué, rejeté son moyen tiré de la nécessité de nouveaux actes de procédure administrative postérieurement à l'annulation de la décision PVC I, sans s'expliquer sur le grief qu'elle tirait de l'absence d'intervention du conseiller-auditeur.

435. À cet égard, il suffit de rappeler que, au point 253 de l'arrêt attaqué, le Tribunal, ayant constaté qu'une nouvelle audition des entreprises intéressées n'était pas nécessaire après l'annulation de la décision PVC I, a déduit en substance qu'une nouvelle intervention du conseiller-auditeur, dans les conditions prévues par la décision du 24 novembre 1990, entre-temps entrée en application, n'était pas requise (voir point 126 du présent arrêt).

436. Il a ainsi répondu au grief formulé par la requérante.

437. Il en résulte que le moyen examiné du pourvoi doit être rejeté.

d) Sur le moyen tiré par Wacker-Chemie et Hoechst d'une contradiction et d'une insuffisance de motifs de l'arrêt attaqué en ce qui concerne l'examen de preuves documentaires

438. Parallèlement à leurs moyens tirés d'un examen incomplet des faits et d'une dénaturation des éléments de preuve, examinés respectivement aux points 392 à 405 et 407 à 413 du présent arrêt, Wacker-Chemie et Hoechst font grief au Tribunal d'avoir, aux points 610 et 611 de l'arrêt attaqué, énoncé des motifs contradictoires et insuffisants à l'occasion de son examen des éléments de preuve de l'existence d'un système de quotas.

439. En effet, le Tribunal n'aurait pas laissé aux parties la possibilité de rectifier, à l'aide de l'attestation d'experts-comptables visée dans leurs deux autres moyens susvisés, des renseignements inexacts communiqués par erreur. En outre, il n'aurait pas tenu compte de documents figurant au dossier de la procédure, qui auraient révélé la conformité des chiffres initialement fournis par Hoechst avec ceux contenus dans l'attestation d'experts-comptables. Enfin, il aurait méconnu le lien de causalité en ne tenant pas compte du fait que Hoechst avait rectifié ses propres chiffres de ventes à la suite d'une modification, par la Commission, du fondement de ses demandes de renseignements et de son administration de la preuve.

440. À cet égard, il suffit de constater que, sous couvert de ce moyen, Wacker-Chemie et Hoechst entendent contester, en réalité, une appréciation des éléments de preuve opérée par le Tribunal.

441. Ainsi qu'il a été souligné au point 285 du présent arrêt, une telle appréciation n'est pas susceptible d'un contrôle de la Cour, sauf dénaturation des éléments de preuve. Or, il a déjà été constaté au point 412 du présent arrêt, à l'occasion de l'examen du moyen tiré par les requérantes d'une dénaturation des éléments de preuve en cause dans le présent moyen, que le grief de dénaturation n'était pas fondé, en particulier en ce qui concerne l'attestation d'experts-comptables.

442. Dès lors, le moyen examiné du pourvoi doit être rejeté.

18. Sur le moyen tiré par LVM, DSM, Enichem et ICI d'une motivation insuffisante ou erronée du rejet d'un moyen tiré d'une violation, par la Commission, de l'article 190 du traité en ce qui concerne son choix d'adopter la décision PVC II après l'annulation de la décision PVC I

443. LVM, DSM, Enichem et ICI font grief au Tribunal d'avoir, aux points 386 à 391 de l'arrêt attaqué, rejeté leur moyen tiré d'une violation, par la Commission, de l'article190 du traité, liée à une insuffisance de motivation de son choix d'adopter une nouvelle décision après l'annulation de la décision PVC I.

444. LVM, DSM et ICI estiment, en particulier, que la Commission aurait dû motiver son choix au regard des obstacles énumérés dans le moyen soulevé devant le Tribunal et rappelés au point 382 de l'arrêt attaqué, à savoir l'absence d'une nouvelle communication des griefs et d'une nouvelle audition des entreprises intéressées, l'utilisation de pièces découvertes dans le cadre d'une procédure distincte ou de preuves obtenues en violation du droit de ne pas s'accuser soi-même, un accès au dossier de la Commission non conforme à la jurisprudence, l'imposition d'une amende reposant sur une erreur de fait ainsi que la conclusion selon laquelle la décision PVC I demeurait valable à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro.

445. Elles considèrent, en outre, que le Tribunal a jugé de manière erronée, au point 389 de l'arrêt attaqué, que les arguments relatifs à ces obstacles allégués ne visaient, en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission sur ces différentes questions. Selon LVM et DSM, la question du bien-fondé de certains arguments est totalement séparée de celle de la motivation de leur rejet. La Commission aurait donc violé son obligation de motivation indépendamment du point de savoir si les arguments soulevés étaient ou non fondés.

446. ICI fait valoir que la Commission n'avait pas l'obligation de prendre une nouvelle décision. Son choix de le faire sans nouvelle communication des griefs, sans nouvelle audition des entreprises ni consultation du comité consultatif n'aurait pas seulement été inhabituel, mais tout à fait sans précédent. Dès lors, les entreprises auraient été en droit d'obtenir des explications sur ces points. ICI invoque à cet égard les arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission (73-74, Rec. p. 1491, point 31), et du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C-350-88, Rec. p. I-395, point 15), en vertu desquels la Commission ne pourrait se limiter à une motivation sommaire lorsqu'elle s'écarte d'une pratique décisionnelle constante.

447. À cet égard, il convient de rappeler que l'article 89 du traité CE (devenu, après modification, article 85 CE) confère à la Commission la mission de veiller à l'application des principes fixés, notamment, par l'article 85 du traité et d'instruire, le cas échéant d'office, les cas d'infraction présumée aux principes précités. Cette mission comprend la constatation d'éventuelles infractions par une décision motivée. Elle constitue une manifestation spécifique de la mission générale de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE).

448. Dans l'accomplissement de cette mission, la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'engagement des poursuites, dans le cadre de la politique générale qu'elle s'est fixée en matière de concurrence.

449. Le Tribunal a relevé à juste titre, au point 387 de l'arrêt attaqué, que la décision PVC II, en ce qu'elle comportait comme premier visa "le traité instituant laCommunauté européenne", contenait implicitement mais nécessairement une référence formelle à la mission assignée à la Commission. Il a ainsi pu retenir que cette seule référence constituait une motivation suffisante de l'intérêt de la Commission à constater une infraction et à sanctionner les entreprises à ce titre. À cette occasion, il a exactement considéré que, disposant d'une compétence discrétionnaire dans la mise en œuvre des prérogatives qui lui sont dévolues par le traité dans le domaine du droit de la concurrence, elle n'était pas tenue d'expliquer davantage les motifs qui l'avaient conduite à choisir cette voie.

450. Ayant correctement précisé les limites de l'obligation de motivation incombant à la Commission quant à son choix d'adopter une nouvelle décision, le Tribunal a donc ensuite jugé à bon droit, au point 389 de l'arrêt attaqué, que la circonstance qu'elle n'ait fourni aucune explication en ce qui concerne les différents éléments énumérés au point 382 de l'arrêt attaqué et reproduits au point 444 du présent arrêt ne constituait pas un défaut de motivation de la décision PVC II, indépendamment de la considération qu'il a formulée par ailleurs, selon laquelle les arguments correspondant à ces éléments ne visaient qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission.

451. Contrairement à ce que soutient ICI, la Commission, en décidant de constater dans une nouvelle décision, après l'annulation de la décision PVC I, les infractions retenues par celle-ci, ne s'est pas écartée d'une pratique décisionnelle constante. Elle a simplement confirmé son choix initial de sanctionner ces infractions, ce à quoi ne s'opposait pas l'article 176 du traité, qui ne lui imposait que de prendre les mesures que comportait l'exécution de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, à savoir réparer la seule illégalité constatée par celui-ci.

452. En tout état de cause, l'obligation de motivation qui s'impose par ailleurs à la Commission en ce qui concerne non plus le choix d'adopter une décision, mais le contenu de celle-ci, a quant à elle pour limites un exposé suffisant de la nature de l'infraction reprochée à son destinataire, des raisons pour lesquelles la Commission considère que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis et des obligations ou sanctions qu'elle entend mettre à la charge de l'entreprise intéressée.

453. Or, en l'espèce, il doit être observé que:

- aucun grief n'a été formulé sur ce second aspect de l'obligation de motivation;

- les éléments à propos desquels les requérantes reprochent un défaut de motivation ne relèvent pas davantage dudit aspect, la Commission n'étant pas tenue d'envisager toutes les contestations susceptibles d'être soulevées dans le cadre d'un contentieux ultérieur et d'y répondre par anticipation dans sa décision;

- les questions relatives auxdits éléments sont justiciables, le cas échéant, d'un contrôle juridictionnel ultérieur.

454. Il découle de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

19. Sur le moyen tiré par Montedison, Degussa et Enichem d'une méconnaissance de la portée de l'obligation de motivation, par la Commission, du mode de calcul de l'amende

Arguments des requérantes

455. Montedison, Degussa et Enichem font en substance grief au Tribunal d'avoir, aux points 1172 à 1184 de l'arrêt attaqué, méconnu la portée de l'obligation qui s'imposait à la Commission, en vertu de l'article 190 du traité, de motiver le mode de calcul des amendes qui leur ont été infligées.

456. Montedison soutient que le Tribunal aurait dû retenir un vice de motivation de la décision PVC II quant au mode de calcul utilisé. Selon elle, la Commission doit indiquer, dans sa décision, les éléments spécifiques dont elle a tenu compte afin de permettre aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs en fixant l'importance de chaque amende et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. Pour déterminer le montant de l'amende, il faudrait établir la gravité de l'infraction en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

457. Degussa reproche au Tribunal d'avoir rejeté son moyen tiré d'une absence de précision, par la Commission, du mode de calcul de l'amende, au motif, erroné, que des indications sur le calcul de l'amende ne font pas partie des éléments de motivation. En outre, le Tribunal aurait été en contradiction avec la lettre de l'article 190 du traité en estimant suffisant, au point 1183 de l'arrêt attaqué, que des indications sur la méthode de calcul aient été communiquées par la Commission au cours de la procédure juridictionnelle relative à la décision PVC I. Enfin, le Tribunal aurait été en contradiction avec lui-même, pour avoir indiqué, au point 1180 de l'arrêt attaqué, qu'il était souhaitable que les entreprises puissent connaître le mode de calcul de l'amende sans être obligées d'introduire un recours juridictionnel.

458. Enichem soutient que, pour rejeter son moyen tiré d'une insuffisance de motivation, le Tribunal a considéré à tort, au point 1179 de l'arrêt attaqué, que les points 51 à 54 des motifs de la décision PVC II contenaient une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération, parmi lesquels figurait, au point 53, l'"importance respective [des entreprises] sur le marché du PVC". Or, l'importance d'un producteur pourrait aussi bien se déduire de sa part de marché que de son chiffre d'affaires. Il ne serait donc pas possible d'affirmer avec certitude que la méthode de calcul de l'amende avait été indiquée sans ambiguïté dans la décision PVC II.

459. À cet égard, Enichem relève que le Tribunal a retenu, en particulier au point 1191 de l'arrêt attaqué, relatif à un autre moyen, que la répartition de l'amende globale entreles différentes entreprises avait été effectuée sur la base des parts de marché respectives. En conséquence, ce critère déterminant aurait dû figurer dans la motivation de la décision PVC II.

460. Comme Degussa, Enichem constate que le Tribunal a indiqué qu'il était souhaitable que les entreprises puissent connaître le mode de calcul de l'amende sans être obligées, à cet effet, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision.

461. Selon elle, la Commission serait en réalité tenue d'indiquer ses calculs dans le corps de la décision, afin d'éviter que les entreprises et le juge communautaire ne soient contraints de deviner la traduction en chiffres des critères généraux énoncés et afin de permettre des observations des parties ainsi qu'un contrôle de légalité par le juge communautaire.

Appréciation de la Cour

462. Dans le cadre de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la portée de l'obligation de motivation du mode de calcul de l'amende infligée, obligation qui incombe à la Commission en vertu de l'article 190 du traité, doit être déterminée au regard des dispositions de l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17, aux termes duquel "il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci".

463. Les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, point 73).

464. Contrairement à ce que les requérantes soutiennent explicitement ou en substance, ces exigences n'imposent pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation (arrêt Sarrió/Commission, précité, points 76 et 80).

465. En ce qui concerne une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises, le Tribunal a rappelé à juste titre, au point 1173 de l'arrêt attaqué, que la portée de l'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

466. Or, il a relevé en l'espèce, au point 1174 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait exposé, aux points 51 à 54 des motifs de la décision PVC II, les éléments généraux et individuels qu'elle avait pris en compte dans la détermination des amendes.

467. À cet égard, il a constaté, aux points 1175 et 1178 de l'arrêt attaqué, que la décision PVC II faisait référence aux éléments d'appréciation suivants:

- importance du produit industriel en cause;

- valeur des ventes s'y rapportant en Europe occidentale;

- nombre des entreprises impliquées;

- niveau de participation et rôle de chacune des entreprises;

- importance respective des entreprises sur le marché du PVC;

- durée de la participation de chaque entreprise à l'infraction.

468. Il a également relevé, au point 1176 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait précisé qu'elle avait pris en compte, à titre de circonstances atténuantes, le fait que:

- les entreprises avaient connu des pertes substantielles pendant une grande partie de la durée de l'infraction;

- la majorité d'entre elles avaient déjà été condamnées à des amendes importantes pour leur participation à une infraction dans le secteur des thermoplastiques (polypropylène) pendant pratiquement la même période.

469. Au regard de ces constatations et de la portée de l'obligation de motivation telle que rappelée ci-dessus, il a donc pu déduire à bon droit, au point 1179 de l'arrêt attaqué, que la décision PVC II contenait une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause.

470. Par ces seuls motifs, il a justifié le rejet du moyen qui lui était présenté.

471. Sa décision ne saurait être considérée comme entachée d'une erreur de droit du seul fait qu'il a par ailleurs énoncé, au point 1180 de l'arrêt attaqué, qu'il est souhaitable que les entreprises - afin de pouvoir arrêter leur position en toute connaissance de cause - puissent connaître en détail, selon tout système que la Commission jugerait opportun, le mode de calcul de l'amende qui leur a été infligée dans une décision constatant une infraction aux règles communautaires de la concurrence, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision.

472. Par cette considération, qui n'était pas le soutien nécessaire de sa décision, il n'a fait que souligner une possibilité ouverte à la Commission d'aller au-delà des exigences de son obligation de motivation, en permettant aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée.

473. Cependant, cette faculté n'est pas de nature à modifier l'étendue des exigences découlant de l'obligation de motivation (arrêt Sarrió/Commission, précité, point 77).

474. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme Degussa, le Tribunal n'a pas estimé suffisante, au point 1183 de l'arrêt attaqué, la circonstance que la Commission avait, au cours de la procédure juridictionnelle relative à la décision PVC I, produit un tableau apportant des précisions sur le calcul des amendes infligées par cette décision, tableau qui avait été joint en annexe aux recours dirigés contre la décision PVC II.

475. En effet, la constatation de cette circonstance, introduite par la locution "de fait", a été opérée surabondamment en l'espèce, alors que le Tribunal avait déjà jugé que l'obligation de motivation avait été respectée.

476. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

20. Sur le moyen tiré par Montedison du rejet erroné, comme irrecevables, de ses conclusions aux fins de condamnation de la Commission au versement de dommages-intérêts

477. Montedison fait grief au Tribunal d'avoir, aux points 1262 et 1263 de l'arrêt attaqué, rejeté, comme irrecevables, ses conclusions aux fins de condamnation de la Commission au versement de dommages-intérêts, au motif que la demande ne satisfaisait pas aux exigences minimales établies par son règlement de procédure.

478. La requérante n'aurait pourtant cessé, pendant les quatre années de procédure, de critiquer le comportement illicite de la Commission. Sa demande aurait donc été non seulement recevable, mais également bien fondée. Elle renvoie en outre à l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, au point 48 duquel la Cour, dans une hypothèse de durée excessive d'une procédure juridictionnelle, a réduit le montant de l'amende pour des raisons d'économie de procédure, en opérant ainsi, selon Montedison, une compensation entre ce montant et celui du préjudice subi, imputé à l'action de la Commission.

479. À cet égard, il doit être relevé que, dans le recours présenté devant le Tribunal, Montedison s'est limitée à formuler une demande de dommages-intérêts, non chiffrée, dans le dispositif de ses conclusions. Elle n'a donc fondé cette demande sur aucune motivation spécifique en fait et en droit.

480. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré, au point 1262 de l'arrêt attaqué, que la requête ne permettait pas d'identifier les moyens sur lesquels larequérante entendait fonder sa demande d'indemnisation. Il a donc jugé à bon droit, au point 1263 de l'arrêt attaqué, que la requête ne satisfaisait pas aux exigences minimales de recevabilité d'un recours établies par les articles 19 du statut CE de la Cour de justice et 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, en vertu desquels la requête doit contenir, notamment, l'exposé sommaire des moyens invoqués.

481. Il y a lieu de relever, de surcroît, que la motivation a posteriori de la demande de dommages-intérêts, que la requérante fonde à présent sur l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, se rapporte à un moyen tiré d'une violation du délai raisonnable, qu'elle n'a soulevé ni dans son recours devant le Tribunal ni dans son pourvoi.

482. Dès lors, le moyen examiné doit être rejeté.

B - Sur les moyens au fond

1. Sur le moyen tiré par Montedison d'une absence d'examen, par le Tribunal, du contexte économique

483. Montedison reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à l'examen du contexte économique qui s'imposerait préalablement à toute décision en matière de concurrence, surtout si la décision inflige une amende (arrêt du 12 décembre 1967, Brasserie de Haecht, 23-67, Rec. p. 525, 537).

484. Elle rappelle que, en première instance, elle a développé une thèse, résumée au point 736 de l'arrêt attaqué, selon laquelle les faits contestés étaient imputables au choc pétrolier qui, en quelques années, aurait contraint plus de la moitié des producteurs de PVC à abandonner le secteur. Or, de ce contexte auraient découlé la parfaite légitimité et même le caractère indispensable des contacts qui ont eu lieu entre les producteurs. Ces contacts auraient simplement visé à réduire les pertes.

485. Au point 740 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé à tort que, si une situation de crise du marché pouvait justifier une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, une telle exemption n'avait cependant jamais été demandée. En effet, la situation n'aurait nécessité aucune exemption, puisqu'une entente ne pourrait être constituée d'un ensemble de comportements que chaque entreprise est obligée d'avoir pour des raisons tant juridiques qu'économiques.

486. À cet égard, il convient de relever que, dans l'arrêt Brasserie de Haecht, précité, visé par la requérante, la Cour a évoqué la nécessité d'observer les effets d'accords, de décisions ou de pratiques dans le cadre du contexte économique au sein duquel ces accords, décisions ou pratiques se situent et où ils peuvent concourir, avec d'autres, à un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence. À la différence de la présente espèce, était en cause, dans cet arrêt, la question de l'existence de contrats similaires qui, ensemble, pouvaient constituer un contexte économique et juridique dans lequel uncontrat donné devait être examiné, afin d'apprécier si le commerce entre États membres était susceptible d'être affecté.

487. Surtout, il doit être constaté que, dans le cadre de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'existence d'une crise sur le marché ne saurait en elle-même exclure le caractère anticoncurrentiel d'une entente.

488. Le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 740 de l'arrêt attaqué, qu'une telle circonstance ne pouvait conduire en l'espèce à la conclusion que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité n'étaient pas remplies. Il a exactement souligné que l'existence d'une crise pouvait, le cas échéant, être invoquée pour obtenir une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, tout en observant qu'aucune demande en ce sens n'avait été présentée par les entreprises intéressées. Ainsi que le soutient à juste titre la Commission, l'argument de Montedison selon lequel une exemption n'aurait pas été nécessaire priverait de toute signification le mécanisme de notification prévu à l'article 4 du règlement n° 17, en permettant aux entreprises frappées d'une amende de demander a posteriori au juge communautaire l'exemption qu'elles n'auraient pas demandée préalablement à la Commission.

489. En tout état de cause, le Tribunal a relevé que la Commission avait pris en considération, en particulier au point 5 des motifs de la décision PVC II, la crise que traversait le secteur et qu'elle en avait tenu compte dans la détermination du montant de l'amende.

490. Montedison fait valoir par ailleurs que, si le Tribunal avait pris en considération le contexte économique de l'affaire, il n'aurait pas jugé, au point 745 de l'arrêt attaqué, que la fixation de prix cibles européens avait nécessairement altéré le jeu de la concurrence sur le marché du PVC et limité les marges de négociation des acheteurs. En effet, d'une part, il incomberait à la Commission de prouver que le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de collusion entre les producteurs. D'autre part, aucune disposition n'énoncerait que les règles de concurrence visent à avantager les producteurs de produits finis par rapport aux producteurs de matières premières, en empêchant que soit proposé à ces derniers un prix susceptible de réduire les pertes.

491. À cet égard, il y a lieu d'observer que le Tribunal a rappelé à bon droit, au point 741 de l'arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue dès qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence (voir, notamment, arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 496).

492. Dès lors, pour autant qu'il puisse être compris comme exigeant la démonstration d'effets anticoncurrentiels concrets, le moyen du pourvoi n'est pas fondé, le Tribunal ayant souligné, également au point 741 de l'arrêt attaqué, que l'objet anticoncurrentiel des comportements reprochés était établi.

493. Le moyen n'est au demeurant pas davantage fondé pour autant qu'il puisse être compris comme visant à reprocher au Tribunal d'avoir, en énonçant que la fixation de prix cibles européens "[avait] nécessairement altéré le jeu de la concurrence", simplement affirmé l'existence d'une altération, sans examiner ni retenir des éléments de preuve la confirmant. En effet, aux points 745 et 746 de l'arrêt attaqué, le Tribunal, se référant à des éléments de preuve expressément cités, a énuméré différents effets que les initiatives des entreprises concernées en matière de prix avaient concrètement produits sur le marché du PVC, nonobstant l'échec de certaines d'entre elles.

494. En toute hypothèse, Montedison n'est pas fondée à soutenir que l'analyse qu'elle conteste aurait pour résultat d'avantager les producteurs de produits finis par rapport aux producteurs de matières premières. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité vise à garantir le libre jeu de la concurrence à tous les niveaux, sous les sanctions qu'il prévoit.

495. Montedison fait encore valoir que, en faisant abstraction du contexte économique, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve et compensé les lacunes sur ce point, qui résulteraient clairement du dossier, par des théories reposant sur des présomptions de comportements anticoncurrentiels. Une telle façon de procéder devrait être sanctionnée, au stade du pourvoi, au titre de la dénaturation des éléments de preuve (arrêt du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C-119-97 P, Rec. p. I-1341, point 66).

496. La requérante reproche ainsi au Tribunal d'avoir déduit de la seule tenue de réunions entre producteurs l'existence d'initiatives en matière de prix, d'échanges d'informations stratégiques et d'une répartition de quotas. Elle lui reproche également d'avoir considéré que les initiatives en matière de prix étaient en elles-mêmes illicites, alors qu'elles constituaient des tentatives de réduire des pertes et que ces tentatives étaient invariablement compromises par la puissance d'une demande très réduite face à une offre excédentaire.

497. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE), 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, ordonnance du 14 mars 1996, Del Plato/Commission, C-31-95 P, Rec. p. I-1443, points 18 et 19, et arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352-98 P, Rec. p. I-5291, point 34), sous peine d'irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné.

498. Cette obligation impose en particulier à un requérant, lorsqu'il allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, d'indiquer de façon précise les éléments quiauraient été dénaturés par celui-ci et de démontrer les erreurs d'analyse qui, dans son appréciation, l'auraient conduit à cette dénaturation.

499. Or, force est de constater que Montedison formule son grief de dénaturation dans des termes généraux.

500. Elle se contente d'alléguer que la dénaturation invoquée est la conséquence d'une absence de prise en compte du contexte économique et de citer comme exemple, par voie de simple affirmation, les conclusions qui auraient été tirées, dans l'arrêt attaqué, de la seule tenue de réunions entre producteurs. Ce faisant, elle n'indique pas les points précis de l'arrêt attaqué qu'elle critique, n'énumère pas les documents faisant l'objet de son grief et s'abstient de démontrer, en particulier, que le Tribunal ne se serait fondé que sur des pièces confirmant la participation des entreprises aux réunions litigieuses, mais n'établissant pas, en outre, l'objet anticoncurrentiel de celles-ci.

501. Il s'ensuit que, dans cette mesure, son grief est irrecevable.

502. Pour le surplus, en tant qu'il vise à faire admettre que les initiatives en matière de prix n'étaient pas illicites en elles-mêmes, dès lors qu'elles constituaient des tentatives de réduire les pertes et que ces tentatives étaient invariablement compromises, il se confond avec les précédents griefs, déjà rejetés, formulés dans le cadre du présent moyen en ce qui concerne, d'une part, le caractère justificatif qu'aurait présenté l'existence d'une crise sur le marché du PVC et, d'autre part, l'allégation selon laquelle devraient être démontrés des effets concrets, sur le marché, des comportements reprochés, dont l'objet anticoncurrentiel serait par ailleurs établi.

503. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le moyen tiré par Enichem de ce qu'il lui aurait été imputé une responsabilité collective

504. Enichem fait grief au Tribunal d'avoir, aux points 768 à 780 de l'arrêt attaqué, rejeté son moyen tiré de ce que la Commission lui aurait imputé une responsabilité collective, en méconnaissance du principe général du caractère personnel de la responsabilité.

505. Elle soutient que le Tribunal ne pouvait valablement déduire de la participation de la requérante à certaines réunions informelles non spécifiées qu'elle aurait eu connaissance d'un plan commun des entreprises participantes ou, selon les expressions utilisées dans la décision PVC II, d'une "entente considérée globalement" ou "dans son ensemble". Faute d'une participation assidue d'Enichem aux réunions, il n'aurait pu lui imputer l'ensemble des violations en partant d'une présomption de connaissance de toutes les manifestations de l'entente.

506. En toute hypothèse, dans la mesure où le Tribunal aurait reconnu que les documents de planification obtenus auprès d'ICI, mentionnés au point 294 du présent arrêt, neconstituaient pas le moment de la formation d'une volonté commune, mais représentaient plutôt un projet d'ICI, il n'aurait pu être déduit desdits documents qu'Enichem avait connaissance d'un plan commun.

507. Dans le cadre d'une responsabilité limitée à une action individuelle, le Tribunal aurait dû redessiner les contours d'une participation plus réduite de la requérante à l'entente, en excluant son implication dans les initiatives en matière de prix ou en la limitant dans le temps. En effet, les documents visés par le Tribunal au point 940 de l'arrêt attaqué pour retenir que les initiatives en matière de prix devaient s'appliquer en Italie, ce que la requérante ne conteste pas, ne feraient jamais référence à celle-ci de façon spécifique et seraient datés de 1982 et de 1983.

508. À cet égard, il a déjà été rappelé, au point 491 du présent arrêt, que, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets.

509. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes:

- une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché;

- la responsabilité d'une entreprise déterminée du chef de l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci.

510. L'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction.

511. Le grief en droit d'Enichem consiste à reprocher l'application d'une présomption de connaissance de tous les éléments de l'entente litigieuse du seul fait d'une participation à certaines réunions qualifiées d'informelles. Il revient à alléguer l'imputation d'une responsabilité présumée du chef d'une action collective.

512. Ce grief n'est pas fondé.

513. Au point 768 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, selon les termes du point 25, deuxième alinéa, des motifs de la décision PVC II, "vu l'absence de documents sur les prix [qui empêchait] de prouver la participation effective de chaque producteur aux initiatives de prix concertées [...] la Commission a examiné, pour chaque participant présumé, s'il existait des preuves suffisantes et certaines de son adhésion à l'ententeconsidérée globalement, plutôt que des preuves de sa participation à chaque manifestation de celle-ci".

514. Au point 771 de l'arrêt attaqué, il a considéré à juste titre que cette approche ne consistait pas, pour la Commission, à retenir le principe d'une responsabilité collective, c'est-à-dire à imputer à certaines entreprises la participation à des faits auxquels elles auraient été étrangères, au seul motif que la participation d'autres entreprises à ces faits était, en revanche, établie. En effet, une telle approche revenait à fonder la sanction sur une participation individuelle prouvée, et non présumée, à tout ou partie d'une action collective.

515. Au point 772 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que l'infraction reprochée consistait en l'organisation régulière, pendant une durée de plusieurs années, de réunions entre producteurs concurrents dont l'objet était l'établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le fonctionnement du marché du PVC.

516. Or, aux points 675, 677, 680 à 686, 931 et 932, il a jugé, au terme de son appréciation souveraine de différents éléments de preuve, qui n'est l'objet d'aucun grief de dénaturation, que:

- Enichem avait participé à des réunions d'entreprises concurrentes, parmi celles tenues d'août 1980 à 1984;

- l'objet desdites réunions était effectivement anticoncurrentiel, visant à dégager des accords, notamment, sur les niveaux de prix et le contrôle des volumes, même si des engagements fermes de prix ne ressortaient pas des discussions.

517. Contrairement à l'allégation de la requérante, le Tribunal n'a pas déduit des documents de planification sa connaissance de l'objet anticoncurrentiel desdits accords, cette connaissance résultant en réalité de sa participation aux réunions.

518. Il a ensuite exactement relevé, au point 939 de l'arrêt attaqué, que la régularité de la présence d'une entreprise aux réunions n'affectait pas sa participation à l'infraction, mais le degré de cette participation.

519. À cet égard, il a souligné au même point que, en ce qui concerne Enichem, la Commission avait tenu compte, notamment au point 8, troisième alinéa, et, en ce qui concerne le montant de l'amende, au point 53 des motifs de la décision PVC II, de ce que, selon les éléments de preuve examinés, sa participation aux réunions avait été plus ou moins régulière. S'agissant du montant de l'amende, il a, dans le cadre d'une appréciation de pleine juridiction, considéré que, si la Commission avait pu obtenir la preuve de la participation de chacune des entreprises à l'ensemble des réunions entre producteurs pendant près de quatre années, les amendes infligées apparaîtraient d'un montant proportionnellement faible au regard de la gravité de l'infraction.

520. Ainsi, le Tribunal, loin de valider la mise en œuvre d'une présomption de responsabilité collective, a constaté, après examen des éléments de preuve, que la Commission avait établi l'adhésion individuelle d'Enichem à l'entente, et donc sa responsabilité également individuelle de ce chef, tout en tenant compte, en ce qui concerne le niveau de la sanction, de sa participation plus limitée aux différents éléments constitutifs de l'infraction.

521. Quant à la contestation, par la requérante, de son implication effective dans les initiatives en matière de prix, il suffit d'observer qu'elle vise à remettre en cause une appréciation, par le Tribunal, des nombreux éléments de preuve visés au point 940 de l'arrêt attaqué, appréciation au terme de laquelle le Tribunal a seulement énoncé que les producteurs italiens n'étaient pas restés extérieurs aux initiatives en matière de prix et que celles-ci devaient s'appliquer en Italie, même si l'augmentation prévue n'avait parfois pas eu lieu, ce qui avait suscité les critiques des concurrents.

522. Or, en l'absence de grief d'une dénaturation des éléments de preuve examinés, qui établirait que ces considérations générales seraient erronées, l'appréciation contestée ne peut faire l'objet d'un contrôle de la Cour dans le cadre d'un pourvoi, ainsi qu'il a déjà été rappelé au point 285 du présent arrêt.

523. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

3. Sur le moyen tiré par Enichem de l'imputation erronée de l'infraction à elle-même, considérée en tant que holding d'un groupe, et de l'exclusion erronée, par le Tribunal, de la pertinence du chiffre d'affaires du holding dans la détermination du montant de l'amende

524. Devant le Tribunal, Enichem a soulevé un moyen d'annulation tiré de ce qu'elle n'aurait pas été valablement destinataire de la décision PVC II en sa qualité de holding d'un groupe. En cette qualité, elle n'aurait, en effet, assumé aucune responsabilité au titre des activités du secteur des matières thermoplastiques, dont le PVC.

525. Dans son appréciation, le Tribunal a d'abord souligné, au point 986 de l'arrêt attaqué, que, selon les termes de la réplique de la requérante (p. 15), ce moyen ne constituait pas une fin en soi, mais le fondement essentiel de développements ultérieurs relatifs au montant de l'amende, laquelle aurait été calculée, selon Enichem, en fonction du chiffre d'affaires du holding, bien supérieur à celui de la société d'exploitation. Il a cependant observé que la Commission avait, ainsi qu'elle en avait le droit, déterminé au préalable un montant global de l'amende et qu'elle l'avait ensuite réparti entre les entreprises en fonction de la part de marché moyenne détenue par chacune et d'éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes propres à chacune. Il en a déduit que, sous réserve de l'application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, fixant le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée, le chiffre d'affaires du holding n'avait pas été pris en compte pour la détermination du montant de l'amende individuelle infligée à la requérante. Dans cette mesure, il a estimé que celle-ci n'avait pas d'intérêt à soulever un moyen tiré d'une détermination erronée du destinataire de la décision PVC II, moyen qu'il n'a toutefois pas déclaré irrecevable.

526. Il a ensuite examiné ledit moyen de manière approfondie aux points 987 à 992 de l'arrêt attaqué, pour finalement le rejeter.

527. Dans son pourvoi, Enichem vise, au titre des éléments critiqués de l'arrêt attaqué, les points 978 à 992 de celui-ci. Elle demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il exclut, à son point 986, la pertinence du chiffre d'affaires du holding dans le calcul de l'amende qui lui a été infligée. Elle précise, avant de le développer, que ce moyen est lié au grief qu'elle avait tiré de l'erreur d'identification du destinataire de la décision, qu'elle souhaite reprendre dans le cadre du pourvoi. Elle demande donc également l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ce grief.

528. À cet égard, il a déjà été rappelé, au point 497 du présent arrêt, qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

529. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, ordonnance Del Plato/Commission, précitée, point 20, et arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, précité, point 35).

530. Échappe a fortiori à la compétence de la Cour le pourvoi qui, sans même reproduire un moyen présenté devant le Tribunal, se limite à énoncer que ce moyen est repris.

531. En l'espèce, le moyen soumis au Tribunal était tiré d'une erreur commise dans l'identification du destinataire de la décision PVC II, c'est-à-dire dans la détermination de la personne juridique responsable de l'infraction. Il a été longuement développé dans la requête, puis dans la réplique.

532. Le Tribunal a motivé le rejet de ce moyen aux points 987 à 992 de l'arrêt attaqué.

533. Cependant, Enichem omet de développer une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont ces motifs seraient entachés. Elle se limite à énoncer qu'elle souhaite reprendre ce moyen, se contentant d'ajouter qu'elle a fait observer à plusieurs reprises l'incohérence du choix opéré par la Commission de la désigner, en sa qualité de holding, en tant que destinataire de la décision PVC II et responsable de l'infraction.

534. Dans cette mesure, le moyen présenté dans le cadre du pourvoi échappe à la compétence de la Cour.

535. S'agissant du grief formulé à l'encontre du point 986 de l'arrêt attaqué, il doit être constaté que les motifs énoncés dans ce point par le Tribunal, reproduits au point 525 du présent arrêt, constituaient une réponse à des considérations finales formulées dans les termes suivants en conclusion des derniers développements de la réplique d'Enichem relatifs au moyen effectivement soumis au Tribunal:

"Nous en aurons fini avec cette question en soulignant que ce qui précède n'est pas un débat stérile constituant une fin en soi, mais le fondement essentiel de nos développements ultérieurs au sujet du montant de l'amende, laquelle a évidemment été calculée en fonction du chiffre d'affaires du holding, bien supérieur à celui de la société d'exploitation. D'où l'intérêt précis de la requérante à voir la décision [PVC II] annulée, pour avoir attribué la responsabilité de l'infraction et pour avoir adressé la décision à Enichem, et non, éventuellement, à Enichem Anic."

536. Or, de telles considérations ne constituaient pas un élément du moyen présenté. Elles ne faisaient qu'annoncer d'autres moyens d'Enichem dirigés contre les conditions de fixation du montant de l'amende et souligner la conséquence, quant au chiffre d'affaires utilisé à cette fin, de l'erreur de droit alléguée concernant la détermination de la personne juridique responsable de l'infraction.

537. Dans cette mesure, la critique dirigée contre le point 986 de l'arrêt attaqué est inopérante, comme étant dirigée contre des motifs surabondants, puisque ceux-ci ne sauraient entraîner l'annulation dudit arrêt (voir, notamment, ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 47, et la jurisprudence citée).

538. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

4. Sur le moyen tiré par Enichem d'une erreur de droit commise par le Tribunal quant aux conséquences à tirer de sa constatation d'un défaut de corrélation entre deux documents fondant l'accusation de la Commission

Éléments de la décision PVC II en cause devant le Tribunal

539. Ainsi qu'il déjà été rappelé au point 294 du présent arrêt, deux documents de planification de 1980 ont été recueillis par la Commission au cours du mois de novembre 1983 dans les locaux d'ICI. Ils étaient intitulés respectivement "Liste de contrôle" et "Réponse aux propositions". Ils équivalaient, selon le point 7, premier alinéa, des motifs de la décision PVC II, à un projet de création d'une entente, le premier visant à instituer un nouveau cadre de réunions en vue de gérer un système révisé de calcul de quotas et de fixation des prix, le second faisant état de la réaction généralement favorable des autres producteurs à la proposition d'ICI.

540. Au point 7, dernier alinéa, des motifs de la décision PVC II, la Commission a affirmé que la réponse aux propositions résumait la réponse des producteurs de PVC aux propositions et montrait qu'ils étaient tous favorables au plan, les seules réserves exprimées ayant trait à la question de savoir s'il convenait d'autoriser une certaine souplesse en ce qui concerne les quotas individuels, comme le prévoyait la proposition d'ICI.

541. Au point 10, premier alinéa, elle a énoncé que la réponse aux propositions montrait que la proposition de calculer à l'avenir les quotas en tonnage par société et non plus sur une base nationale comme auparavant avait été accueillie très favorablement par les producteurs, tout comme la proposition de calculer les quotas en pourcentages sur la base des parts de marché des producteurs en 1979, même si certaines "anomalies" restaient à régler.

542. Au point 25, premier et dernier alinéas, elle a considéré que:

- la preuve essentielle de l'existence de l'entente était apportée par les documents de planification de 1980, par la mise en œuvre attestée d'un système de réunions régulières entre entreprises censées être concurrentes et par les documents portant sur des mécanismes de quotas et de compensation;

- cette preuve essentielle démontrait en fait non seulement l'existence d'un système commun, mais identifiait aussi la quasi-totalité des participants à l'entente, presque toutes les entreprises étant citées dans les documents de planification, et BASF et ICI ayant identifié la plupart de celles qui avaient participé aux réunions;

- une confirmation de ces éléments de preuve se trouvait dans les documents découverts lors des vérifications effectuées en 1987, spécialement chez Solvay et Atochem SA.

543. Au point 30, deuxième alinéa, elle a conclu que les arrangements restrictifs permanents appliqués par les producteurs de PVC pendant plusieurs années se rattachaient incontestablement à la proposition de 1980 dont ils constituaient la mise en œuvre pratique.

544. En ce qui concerne la durée de l'infraction, la Commission a estimé, au point 48, que l'infraction avait commencé vers le mois d'août 1980. Elle fondait sa conclusion sur la date des propositions d'ICI et sur le fait que le nouveau système de réunions avait été instauré à cette époque. Elle admettait qu'il n'était pas possible d'établir avec certitude la date à laquelle chaque producteur avait commencé à assister aux réunions. Toutefois, selon elle, le document de 1980 impliquait tous les producteurs, à l'exception de Hoechst, de Montedison, de Norsk Hydro, de Shell et de LVM, dans l'élaboration du plan original. Elle ajoutait que les dates probables auxquelles cesproducteurs avaient adhéré au plan pouvaient cependant être établies à partir d'autres documents.

545. Devant le Tribunal, Enichem a fait valoir, dans le cadre de sa contestation de l'existence d'une infraction, que les documents de planification étaient dénués de valeur probante quant à l'origine de l'entente. Elle a soutenu que la réponse aux propositions ne constituait pas une réponse des autres producteurs aux propositions formulées par ICI dans la liste de contrôle. D'après elle, les documents de planification pouvaient être simplement l'expression des avis de différentes personnes au sein d'ICI. La requérante a objecté, par ailleurs, qu'il n'était pas possible d'affirmer sans preuve, au point 8 des motifs de la décision PVC II, que les producteurs s'étaient réunis "[à] la suite des propositions de 1980".

Motifs contestés de l'arrêt attaqué

546. Enichem précise que son moyen est dirigé contre les points 663 à 673 de l'arrêt attaqué.

547. Au point 668 de celui-ci, le Tribunal a exclu que les deux documents de planification fussent sans relation l'un avec l'autre, après avoir développé la motivation suivante:

"L'argument selon lequel les deux documents de planification n'auraient pas de lien entre eux ne saurait être retenu. À cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord que ces documents ont été découverts dans les locaux d'ICI et qu'ils étaient matériellement attachés l'un à l'autre. En outre, il convient de relever que la liste de contrôle comportait l'énumération de certains thèmes, qui, d'une façon générale, portaient sur des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et de régulation des prix. Ces thèmes sont eux-mêmes abordés, de façon plus précise, dans la réponse aux propositions. De surcroît, certains points plus détaillés se retrouvent dans l'un et l'autre des documents. Ainsi en est-il de la référence à une période de stabilité de trois mois, de la possibilité d'une augmentation de prix durant le dernier trimestre de l'année 1980, de la nécessité de trouver un arrangement pour tenir compte de nouvelles capacités de production ou encore de la possibilité de variations par rapport aux parts de marché préfixées, avec la même référence à un seuil de 5 % et aux réserves émises à ce propos. [...]"

548. Au point 670 de l'arrêt attaqué, il a toutefois considéré que le libellé même de ces documents ne permettait pas de considérer, comme l'avait fait la Commission aux points 7, dernier alinéa, et 10, premier alinéa, des motifs de la décision PVC II, que le second constituait la réponse des autres producteurs de PVC aux propositions faites par ICI, pas plus qu'il ne permettait de conclure que lesdits documents étaient la seule expression d'avis d'agents d'ICI.

549. Néanmoins, pour juger, au point 671 de l'arrêt attaqué, que les documents de planification constituaient à tout le moins la base sur laquelle des consultations etdiscussions avaient été menées et avaient conduit à la mise en œuvre effective des mesures illicites envisagées, le Tribunal s'est fondé sur la motivation suivante:

"[...] ainsi qu'il résulte de l'examen auquel il a été procédé préalablement, la Commission a produit de nombreuses pièces établissant l'existence des pratiques décrites dans la [décision PVC II]. En outre, il demeure que les documents de planification, et plus particulièrement la liste de contrôle, qui émanent d'un important responsable d'ICI, énoncent de façon claire l'existence d'un projet de création d'entente dans le chef de cette entreprise, qui était, à la date d'élaboration de ces documents, l'un des principaux producteurs européens de PVC; en outre, les pratiques qui étaient prévues dans ces documents ont été constatées, dans les semaines qui ont suivi, sur le marché du PVC en Europe de l'Ouest. [...]"

550. Il a ajouté, au point 672:

"À cet égard, s'il est exact que les documents produits par la Commission à l'appui de ses constatations factuelles relatives aux pratiques sur le marché du PVC ne font aucune référence aux documents de planification, le Tribunal considère que la corrélation étroite entre ces pratiques et celles décrites dans ces documents démontre à suffisance l'existence d'un lien entre elles."

551. Il a finalement jugé, au point 673, que la Commission avait, dès lors, conclu à juste titre que les documents de planification pouvaient être regardés comme étant à l'origine de l'entente qui s'était matérialisée dans les semaines qui avaient suivi leur élaboration.

Arguments de la requérante

552. Dans son pourvoi, Enichem précise qu'elle ne conteste pas la constatation du Tribunal, faite au point 670 de l'arrêt attaqué, selon laquelle les propositions n'étaient rien d'autre qu'un projet d'ICI qui aurait trouvé un écho non pas dans l'approbation des autres entreprises résumées dans la réponse aux propositions, mais plutôt dans les comportements ultérieurs mis en œuvre par les entreprises intéressées. Contrairement à l'analyse de la Commission, la réponse aux propositions n'aurait donc pas déterminé le moment de la formation de l'accord.

553. Cependant, la requérante soutient que le Tribunal aurait dû tenir compte de l'aspect juridique de sa constatation, qui aurait dû aboutir au démantèlement de toutes les preuves de la Commission. Selon elle, il aurait dû prendre acte de la modification substantielle de l'accusation qui en résultait.

554. Sur ce point, elle lui fait grief de l'avoir considérée comme coupable d'une infraction identique à celle reprochée par la Commission.

555. Elle ne conteste pas que, en l'absence de preuve d'une adhésion formelle aux propositions, ses comportements, susceptibles d'apparaître comme l'application d'uneligne commune à tous les producteurs, auraient pu s'analyser comme une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

556. Toutefois, elle considère que son degré de culpabilité aurait dû alors être réduit au regard à la fois de la gravité et de la durée de l'infraction. En effet, une adhésion résultant d'un comportement serait certainement moins grave qu'une adhésion formelle à un accord ou à une pratique concertée. Par ailleurs, s'agissant de la durée, l'époque retenue pour le début de l'infraction n'aurait pu être le mois d'août 1980, puisque la réponse aux propositions perdait son caractère d'acte d'adhésion à l'entente. Comme le reconnaîtrait le Tribunal au point 940 de l'arrêt attaqué, la première initiative en matière de prix, qui daterait du mois de novembre 1980, n'aurait nullement mentionné les producteurs italiens. Quant aux tableaux recueillis auprès de Solvay, relatifs à des informations sur les ventes des entreprises intéressées au cours de l'année 1980 (ci-après les "tableaux Solvay"), ils permettraient tout au plus de reprocher à la requérante un échange d'informations avec un concurrent et certainement pas une entente à l'échelle européenne.

557. Enichem demande en conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal, ayant constaté l'absence de corrélation entre les deux documents de planification, n'en a pas tiré toutes les conséquences sur le plan de la gravité et de la durée de l'infraction reprochée.

Appréciation de la Cour

558. L'article 1er de la décision PVC II fixe "au mois d'août de l'année 1980 environ" la date de l'accord et/ou le point de départ de la pratique concertée en vertu desquels les producteurs en cause ont assisté à des réunions périodiques afin de fixer des prix cibles et des quotas cibles, de planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveiller la mise en œuvre de ces arrangements collusoires.

559. Le mois d'août 1980 ainsi retenu est, conformément aux indications de la décision PVC II et à celles d'Enichem dans sa requête devant le Tribunal (point V, C, 1), le mois de rédaction de la liste de contrôle par un responsable d'ICI. Il est également le mois au cours duquel, selon les éléments de preuve pris en compte par la Commission et appréciés par le Tribunal au point 675 de l'arrêt attaqué, les réunions périodiques des entreprises ont commencé.

560. Au point 48 des motifs de la décision PVC II, la Commission a motivé le choix de ce mois comme point de départ de l'infraction en se fondant à la fois sur la date des propositions d'ICI et sur l'époque à laquelle le nouveau système de réunions avait été instauré.

561. Elle n'a donc pas opéré son choix uniquement en vertu d'une analyse consistant à considérer que les documents de planification consacraient un accord illicite déjà formellement conclu.

562. Dès lors, la constatation opérée par le Tribunal au point 670 de l'arrêt attaqué, selon laquelle le libellé des documents de planification ne permettait pas de considérer que la réponse aux propositions constituait la réponse des autres producteurs aux propositions d'ICI ni, à l'inverse, de conclure que les deux documents n'exprimaient que l'avis d'agents d'ICI, n'a pas la portée que lui attribue Enichem.

563. Elle ne remet pas en cause les éléments de preuve ni n'entraîne une modification substantielle de l'accusation.

564. En effet, au point 668 de l'arrêt attaqué, le Tribunal, appréciant souverainement les éléments de preuve sans faire l'objet d'un grief de dénaturation de ceux-ci, a jugé que les deux documents de planification étaient en relation l'un avec l'autre. Surtout, au point 671, il a, au terme d'une appréciation également souveraine, jugé que ces documents constituaient à tout le moins la base sur laquelle des consultations et discussions entre producteurs avaient été menées et avaient conduit à la mise en œuvre effective, au cours des semaines suivantes, des mesures illicites envisagées.

565. Or, dans son pourvoi, en approuvant le Tribunal d'avoir jugé en substance que les documents de planification n'étaient rien d'autre qu'un projet d'ICI qui aurait trouvé un écho dans les comportements ultérieurs mis en œuvre par les entreprises intéressées (voir point 552 du présent arrêt), Enichem reconnaît désormais implicitement, mais nécessairement, le bien-fondé de la conclusion tirée par le Tribunal au point 671 de l'arrêt attaqué, selon laquelle il existait un lien entre les documents de planification et les pratiques mises en œuvre au cours des semaines suivantes.

566. Cette reconnaissance ne lui permet pas de remettre en cause la conclusion finale énoncée au point 673 de l'arrêt attaqué, selon laquelle les documents de planification pouvaient être considérés comme étant à l'origine de l'entente.

567. La conclusion finale du Tribunal signifie seulement qu'il a considéré les documents de planification comme manifestant une initiative, conçue en termes de propositions visant à la conclusion d'accords ultérieurs, et non comme constatant un accord d'ores et déjà conclu.

568. Or, il convient de constater que, en l'espèce, une telle conclusion est dépourvue de portée concrète quant à la durée de l'infraction, dans la mesure où:

- l'infraction a été considérée comme remontant au mois d'août de l'année 1980 "environ";

- ce point de départ a été retenu, tant par la Commission que par le Tribunal, également parce que les réunions des entreprises ont commencé au cours du mois en cause;

- en ce qui concerne Enichem, le Tribunal a souverainement jugé, aux points 675, 677, 931 et 932 de l'arrêt attaqué, qu'elle avait participé à certaines des réunions tenues pendant plusieurs années à compter du mois d'août 1980;

- de surcroît, la requérante elle-même avait reconnu devant lui, dans les développements de sa requête consacrés à la question de la régularité de sa participation auxdites réunions (point V, C, 1, septième alinéa): "[i]l est tout au plus possible de soutenir qu'au début et à la fin de la période considérée, Enichem a participé à quelques réunions".

569. Cette constatation n'est pas contredite, au stade du pourvoi, par les arguments de la requérante reproduits au point 556 du présent arrêt et relatifs, d'une part, au point 940 de l'arrêt attaqué et, d'autre part, aux tableaux Solvay, qui ont été examinés par le Tribunal aux points 618 à 636 de l'arrêt attaqué.

570. En ce qui concerne le premier argument, il suffit de constater qu'il reprend une précédente contestation, dans le pourvoi, de l'appréciation opérée par le Tribunal, au point 940 de l'arrêt attaqué, sur la question de l'implication d'Enichem dans les initiatives en matière de prix. Or, cette contestation a déjà été examinée et écartée aux points 521 et 522 du présent arrêt.

571. En ce qui concerne le second argument, relatif aux tableaux Solvay, il vise, comme le précédent, à remettre en cause une appréciation portée par le Tribunal sur des éléments de preuve. Conformément à la jurisprudence citée au point 285 du présent arrêt, il échappe en conséquence à la compétence de la Cour au stade du pourvoi, sauf dénaturation desdits éléments de preuve, laquelle n'est pas alléguée en l'espèce.

572. Enichem ne peut, enfin, soutenir utilement que la constatation faite par le Tribunal au point 670 de l'arrêt attaqué aurait dû le conduire à une appréciation différente de la gravité de l'infraction, au motif qu'une adhésion à une entente résultant d'un comportement serait moins grave qu'une adhésion formelle à un accord ou à une pratique concertée.

573. En effet, il résulte du point 53 des motifs de la décision PVC II que la Commission, pour apprécier la gravité de l'infraction reprochée à chaque entreprise, n'a pratiqué aucune distinction entre des adhésions qui auraient été formelles et des adhésions qui seraient résultées des comportements adoptés. À ce même point, elle indique, d'une part, qu'elle a tenu compte, notamment, du niveau de participation de chacune des entreprises aux arrangements collusoires et du rôle qu'elles y ont joué et, d'autre part, qu'elle n'a qualifié aucune entreprise de "chef de file" aux fins de l'imputation de la majeure partie de la responsabilité. Or, s'agissant d'Enichem, il a déjà été constaté, au point 519 du présent arrêt, que tant la Commission que le Tribunal ont effectivement tenu compte, dans l'appréciation de la sanction, de ce que la participation de cette entreprise aux réunions avait été plus ou moins régulière.

574. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné, inopérant, doit être rejeté.

5. Sur le moyen tiré par Wacker-Chemie et Hoechst d'une violation des articles 85, paragraphe 1, du traité et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

575. Wacker-Chemie et Hoechst soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elles invoquent également une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

576. En premier lieu, elles contestent les motifs contenus aux points 609 à 612 de l'arrêt attaqué, relatifs à la participation des producteurs allemands de PVC à une entente sur des quotas. Elles renvoient sur ce point à trois autres moyens de leurs pourvois, tirés, respectivement, d'un examen incomplet des faits, d'une dénaturation des éléments de preuve ainsi que d'une contradiction et d'une insuffisance de motifs de l'arrêt attaqué en ce qui concerne l'examen de preuves documentaires.

577. À cet égard, il suffit de constater que le premier grief ainsi présenté dans le cadre du présent moyen se confond avec les trois moyens auxquels les requérantes se contentent de renvoyer et qui ont déjà été rejetés aux points 392 à 405, 407 à 413 et 438 à 442 du présent arrêt.

578. Ce grief, dépourvu d'existence autonome, est donc sans objet.

579. En deuxième lieu, Wacker-Chemie et Hoechst contestent l'appréciation portée par le Tribunal, aux points 662 à 673 de l'arrêt attaqué, sur les documents de planification recueillis par la Commission au cours du mois de novembre 1983 dans les locaux d'ICI (voir point 539 du présent arrêt), documents qu'elles qualifient de "noyau de l'administration de la preuve".

580. Elles relèvent que, au point 670 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le libellé de ces documents, constitués de la liste de contrôle et de la réponse aux propositions (voir point 539 du présent arrêt), ne permettait pas de considérer, comme l'avait fait la Commission aux points 7, dernier alinéa, et 10, premier alinéa, des motifs de la décision PVC II, que le second constituait la réponse des autres producteurs de PVC aux propositions faites par ICI, pas plus qu'il ne permettait de conclure que lesdits documents étaient la seule expression d'avis d'agents d'ICI (voir point 548 du présent arrêt).

581. Elles reprochent au Tribunal d'avoir néanmoins, au point 671 de l'arrêt attaqué, à partir d'un comportement effectif des entreprises prétendument conforme auxdits documents, conclu à l'existence des mesures envisagées correspondantes.

582. À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal, au point 671 de l'arrêt attaqué, au terme d'une appréciation souveraine, a jugé que les documents de planification constituaient à tout le moins la base sur laquelle des consultations et discussions entre producteurs avaient été menées et avaient conduit à la mise en œuvre effective, aucours des semaines suivantes, des mesures illicites envisagées (voir point 564 du présent arrêt).

583. Or, l'analyse ainsi effectuée n'a pas la portée que lui attribuent les requérantes. Elle ne constitue pas le soutien déterminant de la constatation de l'existence même des mesures constitutives de l'entente.

584. La portée réelle de ladite analyse est précisée au point 672 de l'arrêt attaqué, où le Tribunal retient uniquement "l'existence d'un lien" entre les documents de planification et des pratiques anticoncurrentielles postérieures déjà établies par d'autres documents produits par la Commission.

585. La critique dirigée contre le point 671 de l'arrêt attaqué n'est donc pas fondée.

586. En dernier lieu, Wacker-Chemie et Hoechst font valoir que, en tout état de cause, la conclusion du Tribunal est dépourvue de fondement, dès lors que, selon elles, il n'a pas été établi qu'elles aient participé au système de quotas qui aurait été l'un des éléments constitutifs de l'entente reprochée.

587. À cet égard, il suffit de constater que, par ce grief, les requérantes entendent à nouveau remettre en cause, par voie de simple affirmation, une appréciation des faits par le Tribunal, laquelle ne constitue pas, sous réserve d'une dénaturation des éléments de preuve, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir point 285 du présent arrêt). Or, le moyen tiré par Wacker-Chemie et Hoechst d'une dénaturation des éléments de preuve relatifs à leur participation au système de quotas a déjà été examiné et rejeté aux points 407 à 413 du présent arrêt.

588. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

6. Sur le moyen tiré par Enichem d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, résultant d'une erreur du Tribunal quant au rapport existant entre le chiffre d'affaires de l'exercice précédant la décision PVC II et le montant de l'amende

589. Enichem fait grief au Tribunal d'avoir, aux points 1146 à 1148 de l'arrêt attaqué, commis une erreur dans son analyse du rapport existant entre le chiffre d'affaires de l'exercice précédant la décision de la Commission, auquel renvoie l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, et le montant de l'amende.

590. Le Tribunal aurait écarté à tort le grief de la requérante selon lequel la Commission, dans la décision PVC II, a infligé une amende d'un montant identique à celui de l'amende fixée par la décision PVC I sans tenir compte de la circonstance que, dans ces conditions, le rapport entre le chiffre d'affaires retenu et l'amende fixée par la décision PVC II était nécessairement distinct du rapport entre le chiffre d'affaires retenu et l'amende fixée par la décision PVC I.

591. Selon la requérante, en infligeant la même amende, bien que six ans se fussent écoulés depuis la décision PVC I, la décision PVC II a bouleversé le rapport nécessaire entre la taille de l'entreprise et l'amende. La Commission aurait ainsi violé l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, indépendamment de l'absence de dépassement du plafond de 10 % du chiffre d'affaires pertinent dans chacun des deux cas.

592. À cet égard, il y a lieu de constater que le Tribunal a exactement rappelé, au point 1146 de l'arrêt attaqué, que le chiffre d'affaires indiqué à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 détermine le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise.

593. Ce plafond, qui correspond à "10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent", se rapporte à l'exercice social qui précède la date de la décision (arrêt Sarrió/Commission, précité, point 85).

594. La critique de la requérante tient à l'absence de prise en considération alléguée de l'évolution de son chiffre d'affaires entre l'exercice social 1987, qui a précédé la décision PVC I, et l'exercice social 1993, qui a précédé la décision PVC II.

595. Elle se fonde sur deux prémisses. En premier lieu, le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant la date de chacune des deux décisions aurait exercé une influence sur l'amende infligée. En second lieu, en cas d'annulation d'une décision suivie de l'adoption d'une nouvelle décision, le niveau de la sanction infligée par la première décision s'imposerait à la Commission, en ce sens que celle-ci serait juridiquement tenue de fixer le montant de l'amende infligée par la seconde décision à un niveau correspondant à une même proportion mathématique de chacun des deux chiffres d'affaires pertinents.

596. Or, sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien-fondé de la seconde prémisse, il suffit de constater, d'une part, qu'Enichem n'a pas essayé de démontrer que la première est exacte et, d'autre part, que le dossier ne contient pas d'élément indiquant que la Commission a pris en considération le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant la date de la décision à d'autres fins que la détermination du montant maximal de l'amende encourue.

597. Dans ces conditions, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 1147 de l'arrêt attaqué, qu'une évolution du rapport, d'une part, entre l'amende infligée dans la décision PVC I et le chiffre d'affaires réalisé en 1987 et, d'autre part, entre l'amende, d'un montant identique, infligée dans la décision PVC II et le chiffre d'affaires réalisé en 1993 ne conduisait pas en elle-même à une méconnaissance de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Il a ensuite considéré à juste titre que tel n'aurait été le cas que si l'amende infligée par la décision PVC II avait dépassé le montant maximal fixé à cet article. Or, il a constaté que cette amende était substantiellement inférieure au taux maximal.

598. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

7. Sur le moyen tiré par Enichem d'une violation du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant de l'amende

599. Enichem reproche au Tribunal d'avoir, aux points 1218 à 1224 de l'arrêt attaqué, rejeté le moyen qu'elle avait tiré d'une violation du principe de proportionnalité par la Commission lors de la fixation du montant de l'amende.

600. Elle rappelle que l'amende infligée par la décision PVC II est la même que celle infligée par la décision PVC I. Or, la valeur réelle de cette amende, appréciée à la date de chacune des deux décisions, serait très différente, de sorte que l'amende infligée par la décision PVC II serait injustement pénalisante. En effet, les 2 500 000 écus représenteraient, au taux de conversion de 1988, 3 842 000 000 ITL, tandis que, au taux de conversion de 1994, ils représenteraient 4 835 000 000 ITL. En termes réels, cela traduirait une augmentation de l'amende de 20 %, alors que les éléments sur le fondement desquels elle a été déterminée, en particulier la gravité et la durée de l'infraction, seraient restés identiques.

601. Afin de respecter le principe de proportionnalité, la Commission aurait pu très facilement, selon Enichem, adopter une méthode permettant de conserver la valeur de l'amende infligée à l'origine. Elle aurait pu ainsi autoriser un paiement au taux de conversion de 1988 ou évaluer le montant de l'amende en écus au jour de la décision PVC II, mais en fonction de la valeur de cette amende en monnaie nationale au taux de conversion de 1988.

602. Le Tribunal aurait considéré à tort que les risques de modification des taux de change étaient inévitables. La fluctuation des taux de change serait un aléa propre aux échanges commerciaux, mais étranger à l'application du droit. En l'espèce, l'entreprise aurait été pénalisée à deux reprises, d'abord au moyen de l'amende, puis au moyen de la méthode financière utilisée.

603. À cet égard, il y a lieu de constater que la critique d'Enichem se fonde sur la prémisse selon laquelle, en droit, en cas d'annulation d'une décision suivie de l'adoption d'une nouvelle décision, la contre-valeur en monnaie nationale des amendes fixées par les deux décisions successives doit demeurer identique. Exprimée en d'autres termes, cette prémisse implique que la Commission serait juridiquement tenue de maintenir inchangé, en valeur absolue, le montant de l'amende fixé dans sa première décision.

604. Cependant, sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien-fondé de ladite prémisse, il suffit de constater que, en énonçant, au point 1222 de l'arrêt attaqué, que les risques de modification des taux de change demeurent inévitables, le Tribunal n'a fait que souligner à juste titre que les fluctuations monétaires constituent un aléa susceptible de générer des avantages comme des désavantages, auquel les entreprises qui réalisent une partie de leurs ventes sur les marchés d'exportation sont habituellement appelées à devoir faire face dans le cadre de leurs activités commerciales et dont l'existence, entant que telle, n'est pas de nature à rendre inapproprié le montant d'une amende légalement fixé (arrêts du 16 novembre 2000, Enso Española/Commission, C-282/98 P, Rec. p. I-9817, point 59, et Sarrió/Commission, précité, point 89).

605. Un tel aléa peut se présenter aussi bien dans l'hypothèse où la Commission a adopté une méthode de calcul des amendes qui lui a permis d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise en fonction de la réalité économique telle qu'elle apparaissait à l'époque de l'infraction (arrêts précités Enso Española/Commission, point 58, et Sarrió/Commission, point 86), époque qui peut être antérieure de plusieurs années à la date de la décision infligeant les sanctions, que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, plusieurs années se sont écoulées entre une première décision et une seconde qui, après annulation de la première, inflige une amende d'un même montant exprimé en écus.

606. En tout état de cause, le montant maximal de l'amende déterminé, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en fonction du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant l'adoption de la décision constitue une limite aux conséquences préjudiciables éventuelles des fluctuations monétaires (arrêts précités Enso Española/Commission, point 59, et Sarrió/Commission, point 89).

607. Or, en l'espèce, le Tribunal a souligné, au point 1223 de l'arrêt attaqué, que l'amende infligée par la décision PVC II, même libellée en monnaie nationale, demeure substantiellement inférieure à ce montant maximal.

608. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

8. Sur le moyen tiré par Montedison du caractère disproportionné et inéquitable de l'amende au regard de la gravité et de la durée de l'infraction

609. Montedison fait grief au Tribunal d'avoir, aux points 1216 et 1224 de l'arrêt attaqué, rejeté son moyen tiré du caractère disproportionné et inéquitable de l'amende. À cet effet, il aurait jugé à tort qu'elle n'avait nullement démontré en quoi cette amende aurait été disproportionnée.

610. Montedison conteste l'exigence de preuve qui lui aurait ainsi été opposée, alors que, tout au long de la procédure, elle aurait affirmé qu'elle pouvait se voir imputer une participation à quelques réunions seulement, au cours d'une période comprise entre un et trois ans.

611. À cet égard, il y a lieu d'observer que l'appréciation du caractère proportionné de l'amende infligée par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction, critères visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, relève du contrôle de pleine juridiction confié au Tribunal en vertu de l'article 17 du même règlement.

612. En énonçant, au point 1216 de l'arrêt attaqué, que Montedison n'avait nullement démontré en quoi l'amende infligée aurait été disproportionnée au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, le Tribunal n'a pas littéralement opposé à la requérante une exigence de preuve.

613. Au moyen de cette formulation négative, il n'a fait qu'exprimer la conclusion à laquelle il était parvenu dans le cadre de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, au terme de son appréciation de la gravité et de la durée des faits retenus ainsi qu'au regard des arguments de Montedison contestant ou relativisant celles-ci, qu'il avait antérieurement rejetés.

614. Or, il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle statue sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire (arrêt Sarrió/Commission, précité, point 96).

615. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté.

9. Sur le moyen tiré par Montedison d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne le montant de l'amende

616. Montedison reproche au Tribunal une violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne le montant de l'amende. Elle considère qu'il l'a traitée de la même manière que les autres requérantes qui étaient demeurées actives dans le secteur pendant toute la période considérée et qui semblaient avoir pris une part active aux comportements qualifiés "d'entente". La discrimination serait encore plus évidente au regard des réductions substantielles accordées par le Tribunal à trois requérantes.

617. À cet égard, il convient de rappeler que si, dans le cadre d'un pourvoi, la Cour ne peut substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes (voir point 614 du présent arrêt), en revanche, l'exercice d'une telle compétence ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant desdites amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt Sarrió/Commission, précité, point 97).

618. Cependant, il doit être rappelé qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d'irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir point 497 du présent arrêt).

619. Or, force est de constater que Montedison formule son grief de discrimination dans des termes généraux.

620. Elle n'indique pas les points de l'arrêt attaqué qu'elle critique. En outre, elle ne précise pas, en ce qui concerne les autres entreprises qui auraient été plus actives qu'elle-même et qu'elle ne désigne pas expressément, les éléments de leurs situations dont la comparaison objective avec sa propre situation démontrerait l'existence de la discrimination alléguée.

621. Dès lors, le moyen examiné ne peut qu'être rejeté.

10. Sur le moyen tiré par Enichem d'une interprétation et d'une application erronées du droit communautaire ainsi que d'une appréciation insuffisante des preuves en ce qui concerne le rapport entre l'amende infligée à la requérante et sa part de marché

Arguments de la requérante

622. Enichem fait valoir qu'elle a soutenu devant le Tribunal que, aux fins de la détermination du montant de l'amende, la Commission avait commis une erreur quant à sa part de marché en l'estimant à 6 % en moyenne pour la période de 1980 à 1982 et à 15 % pour les années 1983 et 1984. Elle souligne que, dans toutes les phases de la procédure, elle-même avait invoqué une part moyenne inférieure à 4 % pour la première période, une part de 12,8 % pour 1983 et une part de 12,3 % pour 1984.

623. La requérante fait grief au Tribunal d'avoir, aux points 615 et 616 de l'arrêt attaqué, considéré que les données qu'elle avait avancées n'étaient pas fiables, au motif qu'elle n'avait pas précisé les bases sur lesquelles elle avait établi sa part de marché pour 1984 et qu'elle avait dilué cette part en rapportant ses ventes non pas aux ventes des producteurs européens, mais à la consommation européenne, nécessairement plus élevée, puisque comprenant les importations.

624. Selon Enichem, les affirmations du Tribunal ne sont pas exactes et révèlent l'absence de prise en compte des éléments qu'elle avait présentés.

625. S'agissant de l'accusation de dilution, la requérante fait valoir que, à l'évidence, le marché d'un produit ne se définit pas à partir des ventes des producteurs que la Commission considère comme participant à une infraction, mais à partir de l'ensemble des ventes sur le marché géographique de référence, lequel comprend également les importations.

626. Enichem reproche par ailleurs au Tribunal d'avoir indiqué, aux points 1201 à 1204 de l'arrêt attaqué, que, contrairement à l'affirmation de la requérante, la Commission avait retenu, en ce qui la concerne, une part de marché de moins de 10 %, et non pas de 15 %, au cours de la période de 1980 à 1984.

627. La requérante souligne que la moyenne de 10 %, ou plus exactement de 9,6 %, a été obtenue à partir des chiffres de 6 % et de 15 % retenus par la Commission pour,respectivement, les années 1980 à 1982 ainsi que les années 1983 et 1984, chiffres qu'elle-même a toujours refusé de se voir attribuer. Elle soutient que, sur la base réelle de sa part moyenne au cours des quatre années en cause, soit environ 7,2 %, et même en appliquant la circonstance aggravante de la durée, soit 110 % de cette part de marché, l'amende infligée à Enichem aurait dû être inférieure à 2 000 000 écus, et non s'élever à la somme de 2 500 000 écus à laquelle elle a été condamnée. Enichem ajoute que le Tribunal ne pouvait pas affirmer, sans dénaturer les faits, qu'elle n'avait pas fermement contesté l'attribution d'une part de marché moyenne d'environ 10 %, alors que, à l'audience, elle avait expressément pris position sur ce point, en rappelant combien les données prises en compte par la Commission la laissaient perplexe.

628. La requérante sollicite en définitive l'annulation de l'arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal a écarté comme non fiables les données fournies par elle-même concernant ses parts de marché et où il a considéré comme non contestées celles produites par la Commission.

Appréciation de la Cour

629. Le moyen soulevé vise en substance à remettre en cause une appréciation des éléments de preuve par le Tribunal. Dans cette mesure, il échappe à la compétence de la Cour au stade du pourvoi, sauf dénaturation desdits éléments de preuve (voir point 285 du présent arrêt), que la requérante invoque incidemment.

630. Au point 616 de l'arrêt attaqué, objet du premier grief d'Enichem, le Tribunal a effectivement écarté les données avancées par celle-ci en ce qui concerne sa part de marché, au motif qu'elles ne pouvaient être regardées comme présentant une quelconque fiabilité.

631. L'appréciation de ces données se rapportait à l'examen par le Tribunal, aux points 584 à 617 de l'arrêt attaqué, de l'existence d'un système de quotas et était en relation avec l'analyse du tableau Atochem, déjà mentionné au point 398 du présent arrêt.

632. L'examen visait en particulier à vérifier, aux points 614 et suivants de l'arrêt attaqué, si les parts de marché, pour 1984, des entreprises en cause correspondaient aux parts cibles indiquées dans le tableau Atochem.

633. En ce qui concerne Enichem, le Tribunal a, au point 615 de l'arrêt attaqué, motivé de la manière suivante la conclusion qu'il a ensuite tirée quant à l'absence de fiabilité des données avancées par cette entreprise:

"Enichem soutient que sa part de ventes s'est élevée à 12,3 % en 1984, ce qui serait nettement inférieur à celle indiquée dans le tableau Atochem. Cette objection ne saurait être retenue. Cette requérante a été invitée à préciser les bases sur lesquelles elle avait établi sa part de marché pour 1984, mais n'a pas été en mesure d'apporter une quelconque explication sur les éléments qu'elle avait retenus. En outre, le Tribunal relève que, dans ses annexes à la requête (volume III, annexe 2), la requérante aproduit un tableau récapitulant les ventes d'Enichem, année par année, pour la période de 1979 à 1986, dont on peut comprendre que les parts de marché ont, pour chacune de ces années, été calculées de façon identique. Or, pour les années 1979 à 1982, la requérante a, à la demande du Tribunal dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, tenté d'expliquer comment elle avait calculé sa part de marché. Il en ressort que la requérante s'est bornée, d'une part, à énoncer ses chiffres de ventes pour chacune de ces années, sans aucun élément de nature à soutenir cette affirmation. D'autre part, ces chiffres de ventes ont été rapportés non à celui des ventes de producteurs européens en Europe occidentale, mais aux chiffres de la consommation européenne, nécessairement plus élevée puisqu'elle inclut les importations. Ce faisant, la part de marché alléguée par la requérante s'en trouve substantiellement réduite."

634. Il résulte clairement de cette motivation que le Tribunal a examiné de façon approfondie les éléments d'information établis par Enichem elle-même et lui a demandé des explications détaillées, mais que soit il n'a obtenu aucune explication, soit il a recueilli des explications qui n'étaient assorties d'aucun élément de nature à les soutenir.

635. Il résulte de la même motivation que, contrairement à l'affirmation avancée par Enichem dans le cadre de son pourvoi, le Tribunal a critiqué à juste titre le fait que les chiffres de ventes invoqués par Enichem avaient été rapportés non à celui des ventes des producteurs européens en Europe occidentale, mais aux chiffres de la consommation européenne, qui incluaient les importations. En effet, l'examen du Tribunal, tel que précisé au point 614 de l'arrêt attaqué, visait à vérifier la concordance entre les parts cibles indiquées dans le tableau Atochem et les parts relatives de marché "des producteurs entre eux", c'est-à-dire celles du marché objet du système de quotas, et donc de l'entente.

636. Dans ces conditions, c'est sans aucune dénaturation des éléments de preuve produits au dossier que le Tribunal a conclu à l'absence de fiabilité des données litigieuses et les a écartées.

637. En ce qui concerne le second grief de la requérante, qui vise à faire constater que le Tribunal ne pouvait considérer comme non contestées les données produites par la Commission, il y a lieu d'observer, d'abord, que l'arrêt attaqué a clairement rappelé les contestations d'Enichem:

"1189 Enfin, Enichem observe que la Commission lui aurait attribué une part de marché moyenne de 15 %, sur la période de 1980 à 1984, sensiblement plus élevée que la moyenne réelle, et même plus élevée que la part de marché détenue en 1984 (12,3 %).

[...]

1199 En ce qui concerne Enichem, la requérante soutient que sa part de marché moyenne était de l'ordre de 2,7 % en 1980 et en 1981, 5,5 % en 1982, 12,8 % en 1983 et 12,3 % en 1984, si bien que la part de marché moyenne sur l'ensemble de la période s'établirait à un peu plus de 7 %."

638. Il y a lieu de relever ensuite que le Tribunal a rejeté ces contestations sur le fondement de la motivation suivante:

"1200 Toutefois, en premier lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus point 615), les chiffres produits par la requérante ne présentent pas une certitude suffisante.

1201 En second lieu, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission ne lui a pas attribué une part de marché moyenne de 15 % durant la période de 1980 à 1984. Dans le tableau produit par la Commission, il est ainsi explicitement indiqué que cette part de marché porte sur l'année 1984. En outre, une note de bas de page mentionne que cette part est le résultat de l'acquisition des activités de Montedison dans le secteur du PVC en mars 1983, dont il n'est pas contesté qu'elle avait substantiellement augmenté la part de marché de la requérante. De fait, si la Commission avait retenu une part de marché moyenne de 15 % sur l'ensemble de la période, l'amende infligée à la requérante devrait être supérieure à celles infligées à Elf Atochem et à Solvay, qui se trouvaient, tant en termes de durée que de rôle dans l'infraction, dans une situation identique à celle de la requérante, mais dont les parts de marché telles que retenues par la Commission étaient inférieures à 15 %; or, il apparaît au contraire que l'amende infligée à Enichem est substantiellement inférieure à celle de ces deux entreprises.

1202 En troisième lieu, la part de marché indiquée dans les particularités individuelles jointes à la communication des griefs, soit 12 %, n'est pas contradictoire avec la part indiquée dans le tableau produit par la Commission; en effet, la première concerne l'année 1983 dans son ensemble, alors que la seconde ne concerne que la part de marché après l'acquisition des activités de Montedison dans le secteur du PVC.

1203 En dernier lieu, il apparaît que la requérante a été condamnée à une amende représentant 10,6 % de l'amende globale. Dans ces conditions, compte tenu des modes de calcul retenus par la Commission, il apparaît que la requérante s'est vu attribuer une part de marché moyenne en Europe occidentale de moins de 10 %.

1204 En l'absence de contestations sérieuses de la part de la requérante, il n'y a dès lors pas lieu de réduire l'amende qui lui a été infligée."

639. Il apparaît ainsi que, en se référant à "l'absence de contestations sérieuses de la part de la requérante" pour motiver le rejet de la demande de réduction de l'amende, le Tribunal n'a nullement relevé une absence de contestation des données litigieuses. Aumoyen de cette formulation, il a énoncé qu'il était parvenu à la conclusion que les contestations d'Enichem, qu'il avait effectivement rappelées, puis examinées, n'étaient pas fondées.

640. Le second grief, tel que formulé par la requérante, doit donc être rejeté.

641. À supposer même qu'il puisse être compris comme comportant également le reproche d'une dénaturation des éléments de preuve examinés aux points 1200 à 1203 de l'arrêt attaqué, précités, il ne serait pas davantage fondé.

642. En ce qui concerne la décision du Tribunal d'écarter, au point 1200 de l'arrêt attaqué, par renvoi à la motivation contenue au point 615 de celui-ci, les chiffres produits par Enichem, il a déjà été constaté que l'appréciation correspondante n'était pas entachée de dénaturation (voir point 636 du présent arrêt).

643. Pour le surplus, le simple libellé de la motivation contenue aux points 1201 à 1203 de l'arrêt attaqué ainsi que les éléments examinés du dossier montrent que l'appréciation du Tribunal, contestée dans le pourvoi, selon laquelle la Commission aurait retenu une part de marché de moins de 10 %, et non pas de 15 %, au cours de la période de 1980 à 1984, n'est pas non plus entachée de dénaturation. Cette appréciation établit même que, contrairement à l'affirmation d'Enichem, si la Commission avait effectivement retenu une part de marché de 15 %, l'amende infligée à la requérante aurait été non pas inférieure à 2 000 000 écus, mais supérieure à celles imposées à Elf Atochem et à Solvay, plus sévèrement sanctionnées.

644. Il s'ensuit que le moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

11. Sur le moyen tiré par ICI d'un défaut d'annulation ou de réduction de l'amende par le Tribunal comme conséquence d'une violation du principe du délai raisonnable

645. ICI fait grief au Tribunal d'avoir rejeté ses conclusions en annulation ou en réduction des amendes qui étaient fondées sur la violation du principe du délai raisonnable. Elle relève que ce rejet repose sur la constatation par le Tribunal que la durée de la procédure suivie par la Commission n'était pas déraisonnable. Elle fait valoir que, si l'on admet que cette durée était effectivement déraisonnable, le Tribunal a également commis une erreur en omettant de prendre ce fait en considération dans son évaluation de l'amende infligée à ICI. Indépendamment de cet argument, ICI soutient que l'amende qui lui a été infligée devrait être réduite de manière substantielle du fait de la longueur excessive et déraisonnable de la procédure considérée dans son ensemble.

646. Le moyen examiné ne peut qu'être rejeté au regard de ce qui a été jugé au point 235 du présent arrêt sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable.

VI - Sur les conséquences des annulations partielles de l'arrêt attaqué

647. Selon l'article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.

648. En l'espèce, l'affaire est en état d'être jugée sur les moyens tirés par Montedison, d'une part, d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission et, d'autre part, d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission.

A - Sur le moyen tiré par Montedison d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission

649. Dans ses observations déposées le 28 juillet 1997 devant le Tribunal, Montedison fait valoir que, ayant eu accès au dossier de la Commission à la suite de la mesure d'organisation de la procédure mise en œuvre par le Tribunal par lettre du 7 mai 1997, elle a pris connaissance de quatre documents illustrant des aspects du marché italien du PVC tout à fait incompatibles avec l'existence d'une entente.

650. Selon elle, si elle avait pu disposer de ces documents aux fins de la préparation de sa défense en vue de l'audition des entreprises au cours de la procédure administrative, puis aux fins des recours dirigés contre les décisions PVC I et PVC II, elle aurait pu les invoquer pour démontrer le manque de fondement de l'accusation.

651. À cet égard, il résulte des points 369 à 377 du présent arrêt que ce moyen, bien que n'ayant pas été soulevé au stade de la requête, est recevable en application de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en tant qu'il se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

652. Par suite, il doit être procédé à l'examen objectif des documents litigieux au regard des éléments retenus par la Commission dans la décision PVC II, afin de déterminer si lesdits documents contenaient des éléments utiles à sa défense (arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, points 75, 78, 80 et 81).

653. Montedison indique que ces documents se rapportent à des comptes rendus de réunions préparatoires du comité exécutif de Solvay à son associée italienne Solvic SpA.

654. Elle ne formule pas de commentaires exprès sur le premier de ces documents, joint en annexe 1 à ses observations du 28 juillet 1997.

655. Ce document, daté du 6 mars 1981, est intitulé "Visite du comité exécutif le 13 mars 1981". Il est constitué par la copie d'une seule page du compte rendu en cause, sur laquelle la requérante a souligné la phrase suivante, comprise dans un paragraphe relatif aux prix en Italie: "La situation générale est très compliquée et en évolution et aucune prévision sérieuse n'est possible en ce moment".

656. Au moyen de cette pièce, Montedison vise à montrer qu'elle aurait pu faire valoir l'existence, en Italie, d'une situation incompatible avec l'accusation de mise en œuvre d'initiatives en matière de prix.

657. Cependant, la phrase soulignée traduit en termes généraux l'existence de difficultés, mais ne dément pas l'existence même d'initiatives en matière de prix.

658. Bien plus, les trois phrases qui la précèdent, qui rapportent également des difficultés, se réfèrent quant à elles à:

- un "prix de tarif [...] de 825-840 [ITL]/kg depuis janvier 1981";

- une "situation [...] malgré tout relativement bonne [fin janvier] en Italie", où "[l']on avait obtenu un prix moyen de l'ordre de 760 [ITL]/kg";

- des "décisions d'obtenir au moins pour le 1er mars le prix de tarif".

659. Le deuxième document invoqué par Montedison, joint en annexe 2 à ses observations, est daté du 22 mars 1983 et intitulé "Visite du comité exécutif les 28 et 29 mars 1983".

660. Montedison soutient qu'il met en relief une réduction globale des prix très préoccupante sur le marché italien en 1982.

661. Au moyen de la pièce en cause, elle entend également démontrer qu'elle aurait pu contester l'accusation de mise en œuvre d'initiatives en matière de prix.

662. Toutefois, si le document fait certes état d'une "chute brutale" au cours des quatre premiers mois de l'année 1982, d'une nouvelle "chute" au cours des mois de juillet et d'août de la même année, ainsi que d'une "réduction très préoccupante" à partir de la fin du mois de janvier 1983, il se réfère par ailleurs à:

- une "tentative de hausse entre mai et juin [1982]";

- une "hausse considérable à partir de septembre [1982]", qui a été le résultat d'une "politique plus sévère assumée par quelques producteurs (Solvic notamment) dans le but de soulever une situation très préoccupante" et qui "a donné des résultats satisfaisants".

663. En outre, il contient l'observation finale suivante: "Aujourd'hui, nous sommes, encore une fois, à la veille d'une tentative de hausse de prix".

664. Il apparaît ainsi que les deux documents des 6 mars 1981 et 22 mars 1983 n'ont pas la portée que la requérante leur attribue et qu'ils contiennent même des éléments qui auraient pu conforter l'accusation de la Commission.

665. Le document joint en annexe 4 aux observations de Montedison est daté du 11 avril 1983 et intitulé "Réunion politique préparatoire aux lignes directrices [...] Milan, le 13 avril 1983".

666. La requérante estime qu'il confirme la pratique d'une politique de prix agressive par la société Enoxy (joint venture entre ENI et Occidental Petroleum jusqu'à la fin de l'année 1982). Elle ajoute qu'aucune allusion particulière n'y est faite aux prix pratiqués par elle-même.

667. Il résulte de ses observations du 28 juillet 1997 qu'elle considère que la pièce en cause aurait également pu étayer ses dénégations quant à une mise en œuvre d'initiatives en matière de prix.

668. Il y a lieu de constater que ladite pièce relève effectivement que la société Enoxy, au moyen d'une "politique de prix agressive, a récupéré la position de 1980 de Anic + Sir + Rumianca".

669. Les allégations de Montedison la concernant, de même que celles relatives aux documents précédemment examinés, contiennent cependant toutes l'affirmation sous-jacente selon laquelle la mise en œuvre d'initiatives en matière de prix était contredite par une vive concurrence existant sur le marché italien.

670. Or, il ressort de la décision PVC II que la Commission a tenu compte, dans son analyse, de ce que différentes décisions des entreprises poursuivies avaient été contrariées dans les faits par des comportements concurrentiels de certaines d'entre elles et un contexte général de forte concurrence.

671. En effet, elle n'a pas soutenu que les prix avaient connu une augmentation constante au cours de la période d'infraction ni même qu'ils étaient restés stables au cours de cette période. Au contraire, les tableaux annexés à la décision PVC II montrent que les prix n'ont cessé de fluctuer, atteignant leur plus bas niveau au premier trimestre de 1982.

672. Aux points 22 et 36 à 38 des motifs de la décision PVC II, la Commission a:

- fait état de comportements "agressifs" de certaines entreprises;

- explicitement reconnu que les initiatives en matière de prix avaient connu un succès mitigé et avaient même parfois été considérées comme des échecs;

- indiqué certaines des raisons expliquant ces résultats.

673. C'est donc au regard de l'ensemble de ces considérations qu'elle a déterminé le montant de l'amende infligée aux requérantes.

674. Surtout, s'agissant des trois documents susvisés, il doit être relevé, au vu du point 20, quatrième alinéa, des motifs de la décision PVC II, que Montedison, comme d'autres producteurs, ne s'est pas vu reprocher la mise en œuvre des initiatives en matière de prix, la Commission n'ayant pu obtenir d'elle des documents relatifs aux prix pratiqués. Il ressort en revanche des points 20, cinquième alinéa, et 26, dernier alinéa, des motifs de la même décision qu'elle n'a été mise en cause que pour sa participation aux réunions informelles entre producteurs au cours desquelles était décidée la fixation de prix cibles.

675. Il résulte de ce qui précède que Montedison n'est pas fondée à soutenir que les documents des 6 mars 1981, 22 mars 1983 et 11 avril 1983 contenaient des éléments utiles à sa défense.

676. Quant au document joint en annexe 3 aux observations de Montedison, il est daté du 23 mars 1983 et intitulé "Visite du comité exécutif les 28 et 29 mars 1983".

677. La requérante prétend, en premier lieu, que ce document souligne la tendance des consommateurs italiens à se tourner pour leurs achats de PVC vers plus d'un fournisseur, illustrant ainsi des faits de "tourisme des clients".

678. Il convient de comprendre l'argumentation de la requérante comme concernant sa contestation de l'objet des discussions menées au cours des réunions périodiques des entreprises poursuivies.

679. Au point 7, cinquième alinéa, des motifs de la décision PVC II, la Commission a retenu, sur le fondement de l'un des documents de planification, à savoir la liste de contrôle, que ces réunions avaient pour objet de discuter des questions telles que, notamment, "des mesures visant à assurer le succès [des initiatives en matière de prix], y compris les mesures visant à dissuader les clients de faire du 'tourisme' (c'est-à-dire à décourager les acheteurs de changer de fournisseur pour s'adresser à celui qui offre le prix le plus bas)". Au point 39, troisième alinéa, des motifs de la même décision, elle a considéré ensuite que "[l]es arrangements visant à décourager les clients de 'faire du tourisme', tels que le 'gel' de la clientèle ou la fin de non-recevoir opposée à des demandes, avaient manifestement pour objectif d'empêcher le développement de nouvelles relations commerciales".

680. À cet égard, Montedison souligne un passage du document du 23 mars 1983, dans lequel:

- il est indiqué que, "dans plusieurs cas", des clients qui avaient auparavant comme alternative plusieurs fournisseurs nationaux "accepteront difficilement d'être liés à un seul fournisseur";

- il est ajouté que, "[e]n effet, déjà à partir de fin 1982, nous avons été contactés par des clients traditionnels MTE et Enoxy qui voulaient connaître notre disponibilité à les fournir d'une façon régulière".

681. Toutefois, la première observation traduit, dans l'esprit de son auteur, l'intention d'obtenir comme résultat qu'un client donné demeure lié à son fournisseur italien traditionnel plutôt que de solliciter également d'autres fournisseurs. Quant à la seconde observation, elle présente comme un risque naissant par rapport à cet objectif des contacts pris aux fins de livraisons. Or, dans le cadre d'une situation normale de concurrence, de tels contacts seraient a priori perçus par l'entreprise sollicitée comme une opportunité d'accroissement de sa part de marché, et non comme un risque.

682. Le signalement de difficultés rencontrées ou envisagées, extérieures aux fournisseurs en cause, confirmait donc, plus qu'il n'infirmait, l'intention de se prémunir contre une mise en concurrence desdits fournisseurs par leurs clients.

683. Dès lors, Montedison n'est pas fondée à soutenir que, sur ce point, le document invoqué contenait des éléments utiles à sa défense.

684. La requérante soutient, en second lieu, que le document du 23 mars 1983 contient une analyse de la structure commerciale du groupe Montedison fondée davantage sur des estimations que sur des éléments certains. Il mettrait donc en évidence le fait qu'aucun échange d'informations n'avait eu lieu entre les producteurs pour ce qui concerne le marché italien.

685. Toutefois, il suffit de constater que:

- l'extrait produit, s'il vise, à titre d'illustration de la répartition des ventes entre les différents producteurs, un "tableau 6", n'est pas assorti d'une copie de celui-ci, de sorte que le caractère d'estimations des données fondant l'analyse ne peut être vérifié;

- la seule phrase du document citée par Montedison dans ses observations ("Nous estimons qu'à la vente du PVC en Italie [...] étaient affectées environ 15 unités [...]") n'est pas de nature à corroborer ses dénégations quant à des échanges de données chiffrées spécifiques aux ventes réalisées.

686. En conséquence, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que, sur ce point également, le document du 23 mars 1983 contenait des éléments utiles à sa défense.

687. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

688. Par suite, le recours de cette requérante, en tant qu'il est fondé sur ledit moyen, doit lui-même être rejeté.

B - Sur le moyen tiré par Montedison d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission

689. Dans son recours, Montedison fait valoir en substance que, par l'effet des articles 172 du traité et 17 du règlement n° 17, lus en combinaison avec l'article 87, paragraphe 2, sous d), du traité, qui confèrent au juge communautaire une compétence de pleine juridiction à l'égard des actes de la Commission infligeant des amendes en matière de concurrence, la Commission est irrémédiablement privée du pouvoir d'infliger de telles amendes lorsque sa décision est l'objet d'un recours juridictionnel.

690. La Commission aurait l'obligation précise de demander subsidiairement au juge communautaire d'exercer sa compétence de pleine juridiction et de statuer au fond, dans l'hypothèse où les griefs du requérant portant sur la violation des formes substantielles par la Commission seraient accueillis. Si elle omettait de le faire, il lui serait interdit, après le prononcé de l'arrêt annulant sa décision, de prendre une autre sanction à l'égard des mêmes faits.

691. La requérante conteste que la Commission puisse, pendant la procédure pendante devant le Tribunal ou après le prononcé d'un arrêt, réitérer sa décision, le cas échéant, à l'infini en cas de recours ultérieur. Au soutien de son analyse, elle invoque l'arrêt du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission (14/81, Rec. p. 749).

692. À cet égard, il suffit de rappeler que les dispositions invoquées par Montedison ne concernent que l'intensité du contrôle exercé par le juge communautaire sur les décisions de la Commission en matière de concurrence. Au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d'annuler l'acte attaqué, la compétence de pleine juridiction dont il dispose habilite le juge communautaire à réformer l'acte attaqué, même en l'absence d'annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de faits, afin de modifier, par exemple, le montant de l'amende infligée.

693. Cependant, la seule introduction d'un recours contentieux n'emporte pas transfert définitif, au juge communautaire, du pouvoir d'infliger des sanctions. La Commission est privée définitivement de son pouvoir lorsque le juge a effectivement exercé sa compétence de pleine juridiction. En revanche, lorsqu'il se limite à annuler une décision du chef d'une illégalité, sans statuer lui-même sur la matérialité de l'infraction et sur la sanction, l'institution dont émane l'acte annulé peut reprendre la procédure au stade de l'illégalité constatée et exercer à nouveau son pouvoir de sanction.

694. Suivre l'argumentation de Montedison serait contraire à l'économie et à l'objet du contrôle de légalité. Le juge communautaire n'étant à l'évidence pas compétent pour se substituer à la Commission dans la reprise d'une procédure administrative totalement ou partiellement annulée, la réparation de l'illégalité constatée serait dépourvue de tout effet en l'absence de pouvoir de sanction de la Commission à l'issue de la procédure régularisée par celle-ci.

695. En l'espèce, l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994 n'a pas donné lieu à l'exercice de pouvoirs de pleine juridiction, mais à un simple contrôle de légalité. Il n'a donc pas privé la Commission de son pouvoir d'infliger des sanctions.

696. L'arrêt Alpha Steel/Commission, précité, invoqué par la requérante, n'est pas pertinent au regard de la situation de la présente procédure. Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait, au cours de la procédure juridictionnelle, retiré la décision attaquée et lui avait substitué une autre décision. En tout état de cause, cet arrêt a confirmé le droit de la Commission de prendre une nouvelle décision.

697. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

698. Par suite, le recours de cette requérante, en tant qu'il est fondé sur ledit moyen, doit lui-même être rejeté.

Sur les dépens

699. Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens dans le cadre de leurs pourvois ou sur évocation par la Cour, il y a lieu de les condamner aux dépens liés aux présentes procédures, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission. S'agissant des dépens liés aux procédures de première instance ayant abouti à l'arrêt attaqué, ils seront supportés selon les modalités déterminées au point 5 du dispositif de celui-ci.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Les affaires C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P sont jointes aux fins de l'arrêt.

2) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94), est annulé partiellement, en tant qu'il a:

- rejeté le moyen nouveau tiré par Montedison SpA d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission;

- omis de répondre au moyen tiré par Montedison SpA d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission.

3) Les pourvois sont rejetés pour le surplus.

4) Le recours de Montedison SpA, en tant qu'il est fondé, d'une part, sur le moyen tiré d'une violation de son droit d'accès au dossier de la Commission et, d'autre part, sur le moyen tiré d'un transfert définitif au juge communautaire du pouvoir d'infliger des sanctions après la décision de la Commission, est rejeté.

5) Les requérantes sont condamnées aux dépens liés aux présentes procédures. Les dépens liés aux procédures de première instance ayant abouti à l'arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, seront supportés selon les modalités déterminées au point 5 du dispositif de celui-ci.