Cass. com., 22 octobre 2002, n° 01-10.283
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Euroflex (SA)
Défendeur :
Extruflex (SA), Du Buit (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Mes Vuitton, Bertrand
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 février 2001), que la société Extruflex, qui exerce une activité dans le domaine des produits en " PVC ", a assigné sa concurrente, la société Euroflex sur le fondement de la concurrence déloyale en lui reprochant différents agissements parmi lesquels I'atteinte à sa dénomination sociale, le débauchage de certains de ses anciens salariés, dont M. Leveille-Nizerolle, le dénigrement, le détournement de sa clientèle et la désorganisation ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Euroflex fait grief à I'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Extroflex ou en tant que de besoin à Me Du Buit, ès qualités, la somme forfaitaire de 3 500 000 F pour actes de concurrence déloyale vis-à-vis de cette société et de lui avoir ordonné de modifier sa dénomination sociale et de la changer pour une dénomination non similaire à celle de la société Extruflex dans les deux mois qui suivront la signification de l'arrêt sous astreinte de 2 000 F par jour de retard, alors, selon le moyen, qu'il appartient aux juges du fond de caractériser la faute ; qu'en l'espèce, en ne donnant aucune précision sur la teneur de la clause de non-concurrence -date d'effet, champ géographique et activités expressément visées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu qu'en l'état des conclusions d'appel de la société Euroflex qui ne contestait pas que M. Leveille-Nizerolle ait été tenu par une clause de non-concurrence applicable, tant par sa date d'effet que par sa portée matérielle et son champ géographique mais soutenait seulement qu'il n'était pas démontré que M. Leveille-Nizerolle ait eu un rôle direct ou indirect dans I'action concurrente de la société Euroflex, I'arrêt qui constate que M Leveille-Nizerolle servait d'intermédiaire entre la société Euroflex et des clients avec lesquels il était en relation du temps où il était directeur commercial et directeur des achats de la société Extruflex et que le succès fulgurant qu'a connu la société Euroflex dans le domaine du PVC doit tout à M. Leveille-Nizerolle lequel avait créé cette activité au sein de la société Extruflex et est un professionnel reconnu dans cette branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches et le troisième moyen, pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que la société Euroflex fait encore le même grief à I'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond sont tenus de caractériser les éléments constitutifs de la faute qu'ils imputent à une partie au litige ; qu'en statuant par voie de pure affirmation et par un exemple sans lien avec le litige, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) qu'en statuant comme elle I'a fait, sans s'expliquer sur le point de savoir comment, postérieurement à son licenciement de la société Extroflex, M. Leveille-Nizerolle aurait pu connaître les pratiques tarifaires de cette société, pour démarcher les clients de la société Euroflex à des prix inférieurs, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 3°) qu'en tout état de cause, la cour d'appeI qui n'a pas recherché, comme l'y invitaient les conclusions de la société Euroflex si sa politique tarifaire n'était pas davantage en rapport avec le marché que celle suivie par la société Extroflex dont il était unanimement reconnu qu'elle était élevée et l'origine de la perte de certains de ses clients, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 4°) que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, pièces à l'appui, la société Euroflex avait fait valoir que la perte de clientèle subie par la société Extroflex avait des raisons liées à son inadaptation au prix du marché, expressément relevée par l'expert, ce qui prouvait I'existence d'une réelle concurrence entre ces sociétés ; qu'en délaissant ces moyens péremptoires des conclusions de la société Euroflex, la cour d'appel a violé l'article 425 du nouveau Code de procédure civile ; 5°) que les juges du fond saisis de I'action en réparation doivent constater le rapport de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 6°) que dans ses conclusions délaissées, la société Eurofiex avait fait valoir, en se référant au rapport de I'expert, que les clients de la société Extroflex, avertis de I'ouverture de la procédure collective frappant leur fournisseur, avaient légitimement pu s'en détourner ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'il ressort d'un constat d'huissier daté du 30 mai 1996 que quarante et un clients perdus par la société Extruflex étaient devenus depuis décembre 1995 des clients de la société Euroflex et que les dix-huit " prospects " annoncés par celle-ci étaient tous des clients actuels de la société Extruflex et estimé qu'il n'est pas douteux que le choix de ces clients s'est porté sur la société Euroflex, société nouvelle inconnue sur le marché plutôt que sur une autre société en raison des relations qu'ils avaient nouées avec M. Leveille-Nizerolle, la cour d'appel, qui retient justement que le démarchage des clients d'un concurrent devient fautif lorsque comme en l'espèce il est pratiqué par un ancien salarié du concurrent tenu à son égard à une obligation de non-concurrence, a, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux pratiques tarifaires de la société Euroflex et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, établi le détournement fautif de clientèle et a légalement justifie sa décision;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté, outre l'utilisation fautive des services de M. Leveille-Nizerolle et le détournement de clientèle qui en était résulté, le choix délibéré d'une dénomination quasi identique à celle de la société Extruflex, créant un risque de confusion et procédant d'une volonté délibérée des dirigeants de la société Euroflex de nuire à sa concurrente, ainsi que l'existence d'un dénigrement, par des motifs non critiqués, l'arrêt, qui retient qu'en l'état de I'ensemble de ces chefs de préjudice, I'estimation effectuée par les premiers juges sur le fondement du rapport de l'expert lequel a exclu les pertes de clientèles dues à la pratique de prix trop élevés de la société Extruflex, est justifiée, a répondu en les écartant, aux conclusions prétendument omises et a légalement justifié sa décision ;
Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.