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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 27 mars 2002, n° 2001-20362

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Free Proxad (Sté), Sebilleau, Robriquet

Défendeur :

Evasion Location (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Conseillers :

MM. Pellegrin, Beaufrère

Avoués :

SCP Monin, Me Cordeau, SCP d'Auriac-Guizard

Avocats :

Mes Coursin, Klingler, Houlliot.

TGI Paris, du 12 oct. 2001

12 octobre 2001

Vus les appels formés respectivement le 7 novembre 2001 par la société Free et le 9 novembre 2001 par M. Sebilleau et Mlle Robriquet d'une ordonnance rendue le 12 octobre 2001 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, qui a rejeté l'exception de nullité de l'assignation présentée par M. Sebilleau et Mlle Robriquet, a constaté la suppression par la société Free d'un des deux sites Internet litigieux, a rejeté la demande tendant à voir interdire la diffusion d'un autre site et la demande de provision de la société Evasion Location, a donné acte à la société Free de ce qu'elle tenait à disposition les éléments d'identification personnelle des éditeurs des sites et a condamné M. Sebilleau et Mlle Robriquet à payer la somme de 3 500 F à la société Evasion Location en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 25 janvier 2002, par lesquelles M. Sebilleau et Mlle Robriquet demandent à la cour d'annuler l'assignation introductive d'instance, subsidiairement de confirmer l'ordonnance d'en ce qu'elle a débouté la société Evasion Location de ses demandes, de mettre hors de cause Mlle Robriquet et de condamner la société Evasion Location à leur payer la somme de 2 288,74 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu les conclusions du 11 février 2002, par lesquelles la société Evasion Location demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, sauf à condamner M. Sebilleau à lui payer une provision de 7 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice, la société Free à verser la somme de 3 050 euros pour appel abusif et, ensemble, ces trois parties à la somme 30,50 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les conclusions du 11 février 2002, par lesquelles la société Free demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa demande d'indemnité de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de lui allouer la somme de 3 000 euros à ce titre,

Considérant que courant 2000 ou 2001, M. Sebilleau, mécontent de la qualité des prestations offertes lors de la location d'un bateau en Grèce auprès de la société Evasion Location, a mis en ligne deux sites Internet hébergés par la société Free, dénommés " evasionlocation.free.fr " et " metapub.free.fr ", le second renvoyant seulement au premier ; qu'estimant que ces sites constituaient un dénigrement de ses services commerciaux, la société Free a assigné M. Sebilleau, ainsi que son amie Mlle Robriquet, et la société Free, pour les voir condamner sous astreinte à cesser la diffusion des deux sites, pour voir ordonner à la société Free de communiquer l'identité officielle des auteurs de ces sites et pour obtenir une provision sur la réparation de son préjudice ; que le juge des référés a, suivant l'évolution du litige, partiellement droit fait droit à ces demandes, en refusant notamment la demande de provision de la société Evasion Location en raison d'une contestation sérieuse sur l'existence et le montant du préjudice ; qu'il a, d'autre part, rejeté la demande de nullité de la procédure présentée par M. Sebilleau et Mlle Robriquet, refusé de prononcer la mise hors de cause de cette dernière et débouté la société Free de ses demandes d'indemnité pour frais irrépétibles, en condamnant M. Sebilleau et Mlle Robriquet à payer à la société Evasion Location une somme à ce titre ;

Considérant, sur la nullité de la procédure, que les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise n'entrent pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale; que le juge des référés ayant exactement relevé, par des motifs pertinents que la cour adopte, que les critiques de M. Sebilleau figurant sur son site Internet portaient sur la mauvaise qualité des prestations fournies, au demeurant non contestée par la société Evasion Location, il en a exactement déduit que les règles relatives à la diffamation n'étaient pas applicables en l'espèce;

Considérant que les dispositions par lesquelles le juge des référés a constaté la suppression du site " evasionlocation.free.fr " et a rejeté les demandes concernant le site " metapub.free.fr " ne sont pas sérieusement critiquées en appel, pas plus que ne le sont les faits de dénigrement reprochés à M. Sebilleau; que la demande de cessation de la diffusion était donc justifiée ;

Considérant, cependant, que la société Evasion Location ne caractérise pas le préjudice dont elle demande la réparation par provision, autrement que par les faits de dénigrement eux-mêmes et par l'affirmation que 1500 personnes se seraient connectées sur le site dénigrant ; qu'en cet état de la procédure, qui n'indique pas l'étendue du préjudice allégué, alors que la réalité des désagréments et avaries décrits par M. Sebilleau sur le bateau loué n'est pas déniée, le juge des référés a justement considéré qu'il existe une contestation sérieuse sur la provision et que la réparation du préjudice relève du seul pouvoir des juges du fond éventuellement saisis ;

Considérant que la société Evasion Location reconnaît en appel, au vu des éléments d'identification produits par la société Free, que Mlle Robriquet n'est pas l'auteur des sites incriminés, lesquels ont été mis en ligne seulement par M. Sebilleau ; qu'il convient de mettre hors de cause Mlle Robriquet ;

Considérant que la société Free expose à juste titre qu'en vertu de la loi du 30 septembre 1986, modifiée par la loi du 1er août 2000, elle n'est responsable ni civilement, ni pénalement du contenu des sites qu'elle héberge, dès lors qu'elle respecte les conditions d'hébergement des sites prévues par ce texte ; que le contrat électronique d'hébergement des sites, qui n'est pas contesté par M. Sebilleau, stipule également que l'auteur du site est seul responsable de son contenu, et interdit tout atteinte aux droits des tiers ; que la demande d'indemnité de l'article 700 de la société Free est donc justifiée à l'encontre de M. Sebilleau, auteur du site litigieux ; qu'elle sera toutefois réduite à de plus justes proportions en raison du caractère globalement commercial des services offerts par la société Free, dont la valeur publicitaire, qui fonde ses recettes, dépend du nombre de sites qu'elle héberge et de leur attractivité ;

Considérant que l'appel de la société Free n'est pas abusif ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée par la société Evasion Location ;

Considérant que M. Sebilleau ne peut arguer du seul défaut de demande amiable de la société Evasion Location préalablement à l'assignation pour s'opposer à la demande d'indemnité de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile de la société Evasion Location ; que la demande de celle-ci sera toutefois réduite, dès lors que la suppression du site litigieux est intervenue dans les jours suivant l'assignation et que la demande de provision est rejetée ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare recevables les appels ; Confirme l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris du 12 octobre 2001, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à Mlle Robriquet et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Statuant à nouveau de ces seuls chefs, Met hors de cause Mlle Robriquet ; Condamne M. Sebilleau à payer à la société Evasion Location la somme de 300 euros et à la société Free la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ; Condamne M. Sebilleau aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.