Ministre de l’Économie, 14 juin 2002, n° ECOC0200394Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société MSA-Gallet
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 15 avril 2002, vous avez notifié la prise de contrôle de la société CGF-Gallet par la société MSA-Gallet, dans le secteur des équipements de protection individuelle.
La société MSA-Gallet est une société anonyme simplifiée de droit français détenue à 100 % par la société MSA-USA. La société MSA-USA contrôle directement et indirectement 29 sociétés réparties dans le monde. La société MSA-Gallet, holding financier créé pour les besoins de la présente opération, a pour vocation de détenir les titres des sociétés CGF-Gallet.
Le groupe MSA est actif sur le plan mondial dans le secteur des équipements de protection individuelle et le secteur des appareils de détection du gaz, ainsi que dans la fabrication de spécialités chimiques. En Europe, le groupe n'est actif que dans le secteur des équipements de protection individuelle et équipements de détection du gaz où l'activité des filiales présentes dans tous les Etats membres de l'Union européenne est organisée par la filiale allemande du groupe, MSA Europe GmbH. En France, le groupe MSA n'était, avant l'opération, présent qu'à travers sa filiale française.
Le groupe MSA a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires mondial consolidé de 500 millions de dollars, dont 99 millions ont été réalisés en Europe. Les ventes en France se sont élevées à 6 millions d'euros.
CGF-Gallet est une société anonyme de droit français, cotée au second marché de la Bourse de Paris. Avant l'opération, les membres de la famille Gallet détenaient 77,6 % du capital social, le public 20,6 % et le 1,8 % restant était détenu par d'autres actionnaires. CGF-Gallet est un holding financier qui gère les participations dans les différentes sociétés du groupe. Le groupe est composé de six filiales, dont une est située en France (Gallet SA), une aux Pays-Bas (Gallet International BV), une aux Etats-Unis (CGF Helmets Inc.), deux au Canada (Gallet Sécurité Internationale et Gallet Investment) et une au Maroc (Gallet Protection).
Le groupe Gallet fabrique et commercialise essentiellement des casques destinés à protéger la tête contre différents risques. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Gallet s'est élevé en 2000 à 29,5 millions d'euros, dont 17 millions sont issus des ventes réalisées en France.
L'acquisition de la société CGF-Gallet doit se dérouler en deux étapes ; tout d'abord, l'achat des titres détenus par les membres de la famille Gallet et, ensuite, l'acquisition des titres restants par le biais d'une offre publique d'achat. L'opération permet ainsi au groupe MSA de prendre le contrôle exclusif du groupe Gallet et constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
L'opération n'étant pas contrôlable en termes de chiffre d'affaires, il convient de définir les marchés pertinents.
Le secteur des appareils de détection doit être tout d'abord distingué du secteur des équipements de protection individuelle en raison de la différence d'usage des produits proposés : les appareils de détection sont utilisés pour localiser et identifier les différentes sources de risques, tandis que les équipements de protection individuelle sont destinés à protéger le corps humain face à ces risques.
Au sein de la catégorie des appareils de détection, le groupe MSA commercialise essentiellement en France des appareils de détection de gaz, qui représentent [60-70 %] des ventes de sa filiale française. Il pourrait être envisagé de distinguer deux marchés pertinents distincts d'appareils de détection de gaz :
- le marché des appareils de détection fixes qui nécessitent une installation complexe et onéreuse dans des lieux à risques (sites industriels) ;
- le marché des appareils de détection portables, beaucoup moins coûteux, transportables, utilisés ponctuellement dans des circonstances particulières (industries pétrolières ou chimiques).
Toutefois, que l'on considère un marché global des appareils de détection de gaz ou que l'on retienne deux marchés distincts, on observe que, quelle que soit la délimitation retenue, MSA réalise au maximum [0-10 %] des ventes en France. Dès lors, quelle que soit la délimitation de marché que l'on retient, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Au sein de la catégorie des équipements de protection individuelle, il convient également de définir différents marchés pertinents en fonction de la partie du corps qu'il s'agit de protéger (tête en général, visage, yeux, oreilles, mains, membres, etc.) et en fonction de la nature des risques auxquels les personnes peuvent être exposées (températures basses ou élevées, chocs, projectiles, balles, émanations toxiques, projections diverses, etc.).
Au sein de cette catégorie d'équipements, le groupe MSA se positionne en France essentiellement sur les appareils respiratoires, qui représentent [20-30 %] de ses ventes. Deux marchés pourraient, le cas échéant, être distingués, dans la mesure où les produits ne répondent pas aux mêmes besoins et sont destinés à des utilisateurs différents :
- le marché des appareils respiratoires filtrants, utilisés dans le secteur de l'agriculture, dans les ateliers de peinture et dans l'industrie en général ;
- le marché des appareils respiratoires isolants, utilisés par les professionnels de la sécurité civile, les forces armées ou de maintien de l'ordre, ainsi que les industries chimiques pétrolières et d'assainissement.
La part de marché du groupe MSA sur le territoire français est de [0-10 %] en matière d'appareils respiratoires filtrants et de [0-10 %] en ce qui concerne les appareils respiratoires isolants. Il n'est donc en tout état de cause pas nécessaire de délimiter plus précisément les marchés, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché que l'on retient, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Le groupe Gallet, quant à lui, fabrique et commercialise quatre types de casques :
- des casques de lutte contre le feu ;
- des casques de maintien de l'ordre ;
- des casques de combat ;
- des casques destinés à l'aéronautique.
Ces casques ne s'adressent pas aux mêmes utilisateurs et protègent contre des risques de natures tout à fait différentes. En conséquence, il convient de considérer que les quatre types de casques correspondent à des marchés de produits distincts.
Il convient de souligner que le marché des casques de pompiers est composé de deux segments distincts que sont les casques de lutte contre le feu en zone urbaine (casques F 1 en France) et de lutte contre les feux de forêt (casques F 2). Il ne semble néanmoins pas nécessaire de définir des marchés distincts en fonction de ces deux types de casques, dans la mesure où l'analyse des marchés serait identique dans les deux cas.
Le groupe Gallet commercialise également des accessoires (lampes, systèmes de communication) qui peuvent faire l'objet d'une demande séparée ou qui peuvent être directement intégrés aux casques à la demande des clients. La plupart du temps, les accessoires sont directement intégrés aux casques, ce qui conduit à considérer qu'il n'est pas nécessaire, pour l'analyse de la présente opération, de distinguer le marché des accessoires de celui des casques.
Le groupe Gallet ayant réalisé plus de [70-80 %] des ventes en France de casques de pompiers, de police et de combat, l'opération est contrôlable au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques.
1. Les marchés des casques de pompiers
Selon la partie notifiante, la dimension géographique des marchés de casques de pompiers serait européenne, sinon mondiale, en raison de l'internationalisation des normes de sécurité et de l'ouverture de la pratique des appels d'offres au niveau européen et mondial. Cette affirmation est fondée sur le critère de la substituabilité de l'offre, dans la mesure où les principaux concurrents sont capables de s'adapter aux différentes normes en vigueur.
Toutefois, l'examen des parts de marché en Europe montre que les opérateurs se répartissent entre les différents pays avec, dans la plupart des cas, de fortes disparités de la structure de la concurrence entre les différents marchés. Gallet détient des parts de marché très importantes dans plusieurs pays de l'Union européenne (Belgique, Luxembourg, Espagne, Pays-Bas), mais reste encore relativement faiblement représenté dans d'autres, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne.
Cette structure fortement cloisonnée s'explique pour plusieurs raisons.
En premier lieu, la demande s'exprime de manière très différente d'un Etat à l'autre. En France, les achats de matériels et d'équipements et donc de casques de pompiers sont effectués par appels d'offres communautaires au niveau départemental par les directions départementales d'incendie et de secours (DDSIS). Dans certains pays, les achats peuvent être effectués de façon plus centralisée. Dans d'autres pays, la demande peut, au contraire, être plus localisée. Cet élément contribue à renforcer l'idée selon laquelle les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence sont sensiblement différentes d'un pays à l'autre.
En second lieu, les traditions et les exigences locales par rapport au produit demandé peuvent être également très différentes. La France se caractérise notamment par la volonté de la direction de la défense et de la sécurité civiles d'harmoniser l'uniforme des sapeurs-pompiers sur l'ensemble du territoire et d'imposer des normes de sécurité supplémentaires. Il en résulte que des normes différentes peuvent être mises en ouvre d'un pays à l'autre. Ainsi, malgré un niveau minimum de sécurité commun à tous les Etats de l'Union européenne, la demande française se distingue dans la mesure où un casque utilisable en Allemagne ne pourra pas être utilisé en France. Cela constitue une forte barrière à l'entrée sur le marché français.
En dernier lieu, la partie notifiante relève elle-même que les différents marchés nationaux de casques de pompiers sont inégalement dynamiques. Le nombre de casques commandés peut varier très fortement d'un pays à l'autre pour des raisons diverses, comme par exemple le nombre de professionnels de la sécurité par rapport à la population, la mise en conformité plus ou moins tardive avec les normes minimales communautaires de sécurité, le rythme des départs en retraite des pompiers, etc. Les effectifs français de pompiers comptent aujourd'hui environ 240 000 intervenants dont la plupart sont déjà équipés. Le marché français se réduit à un marché de renouvellement et de pièces détachées, ce qui n'est pas nécessairement le cas de marchés géographiques voisins, comme par exemple celui de l'Allemagne.
Les barrières à l'entrée sur les marchés nationaux et la variation des conditions de concurrence qui y règnent conduisent donc à penser que la dimension géographique du marché pertinent des casques de pompiers est nationale, en tout cas pour ce qui concerne la France, quand bien même certains opérateurs, dont Gallet, seraient à même d'exporter leurs produits dans le monde entier.
Sur ce marché français des casques de pompiers, la part du groupe Gallet est de [90-100 %].
Cette forte part de marché s'explique en particulier du fait que Gallet a été choisi en 1982 par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris pour mener les études nécessaires au développement d'un équipement complet de protection de la tête. Gallet a donc été la seule entreprise retenue pour développer des modèles correspondant aux exigences des pompiers.
L'harmonisation de la tenue des pompiers a conduit ensuite à imposer le casque Gallet à l'ensemble des pompiers français par l'intermédiaire d'un arrêté fixant les tenues des sapeurs-pompiers. Ce texte contenait notamment en annexe des clauses techniques particulières très détaillées et très proches du modèle Gallet. Le dépôt de brevets correspondant à ces modèles a empêché les concurrents de Gallet de pénétrer par la suite sur le marché français. Les barrières à l'entrée du marché français des casques de pompiers sont donc particulièrement importantes et ont placé Gallet en position dominante pendant [...].
Le réseau de distribution des casques de pompiers contribue à confirmer que le marché des casques de pompiers en France est particulièrement fermé et peu concurrentiel.
La grande majorité des ventes de casques de pompiers Gallet s'effectue par l'intermédiaire de distributeurs indépendants, en France comme à l'étranger.
Cinq distributeurs sont présents sur le marché français. Ils sont liés à Gallet par des contrats qui contiennent des clauses d'approvisionnement exclusif et de non-concurrence. Ils ne peuvent donc pas distribuer d'autres casques que ceux de Gallet. Ces distributeurs se font en principe concurrence lors des appels d'offres lancés par les DDSIS. Force est néanmoins de constater qu'aucun d'entre eux ne couvre l'ensemble du territoire et que chacun dispose ainsi d'une zone géographique où il est historiquement davantage présent que les autres.
Les ventes à l'étranger passent également par des distributeurs par pays. Ils bénéficient du statut d'importateur/distributeur exclusif de casques Gallet sur le territoire où ils sont présents. Ils achètent à Gallet et distribuent des casques généralement adaptés à leurs propres marchés. Les tests de marché ont confirmé qu'ils ne soumissionnent jamais en France aux appels d'offres des DDSIS. Ce dernier élément tend à confirmer que les barrières à l'entrée sur le marché français sont particulièrement élevées.
L'opération permet aujourd'hui à Gallet de renforcer ses capacités de recherche et de favoriser son expansion sur le plan européen et mondial. Il faut à ce titre souligner que le groupe MSA a par ailleurs récemment acquis le leader américain en matière de casques de pompiers, la société Cairns & Brother Co, qui détient une part de [60-70] % du marché nord-américain des casques de pompiers. Cette précédente opération a entraîné la disparition d'un entrant potentiel sur les marchés français et européen. De plus, le groupe MSA contrôlera dorénavant les deux leaders américain et européen en matière de casques de pompiers.
Cependant, les brevets dont bénéficie le groupe Gallet concernant la structure essentielle des casques mis au point en 1982 et 1983 sont sur le point de tomber dans le domaine public en 2002 pour le casque destiné aux feux en zones urbaines et 2003 pour le casque destiné aux feux de forêt. Il s'ensuit que les concurrents pourront désormais s'inspirer de ces modèles pour proposer des casques de qualité tout à fait comparable. Cet élément devrait contribuer à atténuer les barrières à l'entrée très fortes, voire insurmontables, que l'on observe aujourd'hui sur le marché français.
En outre, il convient de souligner que la direction de la défense et de la sécurité civile a adopté au cours de l'année 2000 un nouvel arrêté relatif aux tenues, insignes et attributs des sapeurs-pompiers. Ce texte s'accompagne, en annexe, de notes d'informations techniques relatives aux équipements et en particulier aux casques. Ces notes ont fait l'objet d'une très récente révision destinée à permettre à d'autres fabricants de casques de proposer des produits légèrement différents de ceux de Gallet, en particulier en ce qui concerne les matériaux utilisables. Cette révision contribue également à ouvrir davantage les possibilités d'entrée sur le marché français.
En outre, MSA-Gallet s'est engagé à renoncer aux clauses d'approvisionnement exclusif et aux clauses de non-concurrence prévues dans les contrats entre la société Gallet et les distributeurs pour une durée de dix ans. Dès lors, les concurrents de Gallet auront la possibilité d'accéder au réseau français de distribution de Gallet. Ce dernier élément, conjugué aux deux précédents, est de nature à faciliter l'entrée de concurrents crédibles présents sur des marchés géographiques voisins (Schubert, Rosenbauer, Pacific Helmets, etc.).
En conséquence, l'ouverture progressive du marché français à la concurrence étrangère, et en particulier européenne, qui résultera de l'arrivée à échéance des brevets de Gallet et de l'ouverture des réseaux de distribution découlant de l'engagement souscrit, est de nature à compenser la disparition du concurrent potentiel que représente Cairn's Helmet, actuellement présent uniquement aux Etats-Unis.
Il résulte de ce qui précède que la position dominante de la société Gallet sur les marchés des casques de pompiers, préexistante à l'opération, ne sera pas renforcée à la suite de l'acquisition de Gallet par MSA.
2. Les marchés des casques de police et de combat
Les variations de parts de marché en matière de casques de police et de combat des différents opérateurs entre les principaux pays européens sont également très importantes, ce qui va dans le sens d'une délimitation nationale des marchés géographiques. Les parts de marché de Gallet en France sont de [80-90 %] pour ce qui est des casques de police et de [90-100 %] pour ce qui concerne les casques de combat.
Les marchés géographiques des casques de police et de combat seraient également de dimension nationale, dans la mesure où les produits doivent s'adapter à une demande nationale différenciée.
A la différence des casques de pompiers, la demande en France est particulièrement concentrée puisqu'elle s'exerce directement par le ministère de l'intérieur, par l'intermédiaire de la direction générale de la police nationale (DGPN) pour les casques de police et le ministère de la défense, par l'intermédiaire du service central d'études et de réalisation du commissariat de l'armée de terre (SCERCAT), pour les casques de combat.
Les parts de marché sont fortes car ces achats sont centralisés et font l'objet d'appels d'offres qui donnent lieu à des contrats de fourniture sur des durées assez longues, du fait de l'exigence d'homogénéisation de l'équipement.
En revanche, les études relatives aux innovations concernant ces casques sont menées par les services du ministère de la défense ou de l'intérieur, aucun brevet n'a été déposé par Gallet sur ses modèles de casques de police ou de combat. Cela pourrait permettre aux concurrents potentiels de présenter des offres plus facilement que sur le marché des casques de pompiers, ce qui a été confirmé par les acheteurs. Ces derniers estiment en outre disposer d'une puissance d'achat suffisante pour contrebalancer la forte position de Gallet sur le marché français ou susciter, en tant que de besoin, de nouvelles offres en provenance de pays étrangers.
Les marchés des casques de police et de combat apparaissent donc plus disputables que le marché des casques de pompiers, en dépit de la forte position de Gallet sur ces marchés.
Le groupe MSA n'est, pour sa part, pas présent sur les marchés de casques de police et de combat en France, ni davantage en dehors de la France.
En conséquence, l'opération ne renforce pas la position que Gallet détenait auparavant sur ces marchés.
3. Les marchés des casques aéronautiques
La part de marché de Gallet ne dépasse pas [0-10 %], que ce soit en France ou en dehors de la France. La société américaine Gentex y occupe une position prépondérante sur le plan mondial, la société Gueneau Optique Scientifique étant par ailleurs le premier opérateur français. MSA est absent de ce marché. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché, sans qu'il soit besoin d'en définir plus avant la dimension géographique.
4. Les marchés des détecteurs de gaz
La part de marché de MSA atteint environ [10-20 %] du marché nord-américain des appareils de détection de gaz portables ou fixes. En matière d'appareils de détection fixes, la part de MSA ne dépasse pas [0-10 %] en Europe et [0- 10 %] en France. En ce qui concerne les appareils de détection portables, MSA n'atteint pas [0-10 %] du marché européen et [0-10 %] du marché français.
Que ce soit sur le marché européen ou français, MSA fait face à des concurrents sérieux, mieux placés en termes de parts de marché, comme Dräger, Zellweger et Oldham pour ce qui est appareils fixes et Dräger, Neotronics et Crowcom pour les appareils portables.
Gallet étant absent de ces marchés, l'opération ne conduit pas à des chevauchements. Compte tenu des parts peu élevées de MSA par rapport à ses concurrents directs en Europe et en France et d'un lien de connexité relativement faible entre les marchés de casques où Gallet est en position dominante et les marchés des appareils de détection de gaz, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés des appareils de détection de gaz, sans qu'il soit besoin d'en définir davantage la dimension en termes de produits ou géographique.
5. Les marchés des appareils respiratoires
Sur les marchés des appareils respiratoires, MSA détient des parts de marché nettement plus faibles en Europe qu'en Amérique du Nord. Il se positionne loin derrière les principaux opérateurs, aussi bien sur le plan français qu'européen. On peut également constater que les parts de marché de ces derniers varient sensiblement d'un pays à l'autre, ce qui tendrait à démontrer que les marchés sont plutôt nationaux, en tout cas en ce qui concerne la France et l'Allemagne.
L'opération n'entraîne aucun chevauchement horizontal sur ces marchés dans la mesure où Gallet ne fabrique ni ne commercialise d'appareils respiratoires.
Néanmoins, force est de constater la forte complémentarité qui peut exister entre les appareils respiratoires et les casques de protection utilisés par les professionnels de la sécurité, notamment les pompiers dans la lutte contre le feu, mais également la police, la gendarmerie ou l'armée dans des circonstances particulières (dispositifs anti-émeutes, alertes bactériologiques, gaz toxiques, etc.).
L'offre d'une gamme complète d'équipements de protection peut constituer un avantage concurrentiel substantiel. Selon les résultats des tests effectués auprès des opérateurs du marché, la demande aurait tendance à préférer n'avoir à s'adresser qu'à un seul fournisseur pour obtenir un assortiment de divers équipements complémentaires de protection.
Dans cette perspective, certains opérateurs ont souligné que le casque exercerait un fort pouvoir d'attraction vers les autres produits de la gamme, d'où l'importance pour les fabricants d'équipements de protection individuelle, notamment d'appareils respiratoires, ou pour les distributeurs de disposer d'un casque de grande qualité dans leur catalogue pour pouvoir mieux écouler les autres produits de la gamme.
[...]
L'opération comporterait donc un premier risque dans la mesure où le nouvel ensemble pourrait utiliser l'effet de levier résultant de sa position dominante sur trois des marchés de casques pour initier une stratégie d'éviction de ses concurrents sur les marchés des appareils respiratoires.
Cet argument doit toutefois être nuancé, en tout cas en ce qui concerne le marché français. En effet, les achats des DDSIS, de la police, de la gendarmerie et de l'armée dépassent de façon systématique les seuils impliquant la passation de marchés publics européens. Le Code des marchés publics ne permet pas d'inclure dans un même lot des appareils respiratoires, qui font partie de l'équipement non personnalisé, et des casques qui font partie de l'équipement personnel de chaque intervenant. En conséquence, il est difficile d'inciter, au moyen de remises de gamme, les utilisateurs finaux à acheter des appareils respiratoires MSA en complément de casques Gallet.
En revanche, il reste possible pour MSA-Gallet d'intervenir au niveau des distributeurs pour les décourager de proposer des produits concurrents de ceux de MSA.
En premier lieu, le nouvel ensemble pourrait imposer aux distributeurs qui veulent distribuer des casques Gallet de ne distribuer que des appareils respiratoires MSA. Mais dans la mesure où MSA-Gallet s'est engagé à renoncer à toute clause d'approvisionnement exclusif, les distributeurs demeurent libres de s'approvisionner en appareils respiratoires auprès d'autres fabricants, sur une période de dix ans.
En second lieu, MSA-Gallet peut encourager les distributeurs à préférer son offre globale portant sur des casques et tout autre produit MSA en accordant des remises de gamme telles que le distributeur sera à même de les répercuter au moment de la soumission aux appels d'offres. Cette stratégie conduirait rapidement à évincer tout concurrent qui ne serait pas en mesure de proposer le même type d'offre couplée aux distributeurs. Cette seconde difficulté est levée dans la mesure où MSA-Gallet s'est engagé à n'accorder aucune remise subordonnée à l'achat de casques Gallet à ses différents clients sur le marché français pendant une durée de dix ans.
On relève par ailleurs que la complémentarité des fonctions du casque et de l'appareil respiratoire implique également une certaine compatibilité technique. Le degré de compatibilité est d'autant plus important lorsque les acheteurs désirent que l'appareil respiratoire soit fixé directement sur le casque, de façon qu'il soit possible de mettre en place le masque sans avoir à retirer le casque. Dans ce cas, l'appareil respiratoire est fixé en quelques secondes grâce à un dispositif spécifique. Gallet a développé plusieurs types de dispositifs en fonction de la demande des fabricants d'appareils respiratoires. En conséquence, Gallet fabrique et vend aux fabricants d'appareils respiratoires des kits dont il détient les brevets, permettant de fixer leurs appareils sur ses casques.
Il pourrait exister un risque que MSA cherche à mettre en difficulté ses concurrents, par exemple en augmentant de manière non justifiée le prix de la partie mâle des kits de fixation ou en augmentant les délais de livraison de cette partie aux fabricants.
Afin d'éliminer ce risque, MSA-Gallet s'engage, d'une part, à continuer à vendre, à des conditions équitables et non discriminatoires, aux fabricants d'appareils respiratoires concurrents de ceux fabriqués par MSA et distribués sur le territoire français, les attaches existantes permettant la fixation des appareils respiratoires aux casques fabriqués par Gallet. MSA-Gallet s'engage, d'autre part, à accorder à tout fabricant d'appareils respiratoires qui en ferait la demande une licence de fabrication des attaches existante encore protégées par un brevet en cours de validité, dont le dépôt serait antérieur à la date de la décision du ministre, à des conditions équitables et non discriminatoires, et ce pour le seul territoire français. Pour éviter que ce second engagement ne soit retardé ou non suivi d'effet, MSA-Gallet s'engage, enfin, à ce que tout litige relatif aux conditions d'octroi de telles licences, notamment sur le montant de la redevance, soit soumis à une instance arbitrale indépendante choisie d'un commun accord avec le demandeur.
Ces trois derniers engagements, souscrits pour une période de dix ans, correspondant à la durée d'utilisation estimée d'un casque, sont de nature à garantir aux concurrents de MSA que leurs appareils respiratoires resteront compatibles avec les casques Gallet dans leur conception actuelle.
Ces engagements garantissent le maintien d'une concurrence effective sur les marchés français des appareils respiratoires sans toutefois restreindre la capacité d'innovation de la nouvelle entité dans le développement de nouveaux procédés protégés de fixation pour ses propres appareils respiratoires ou pour ceux de concurrents. En outre, les brevets portant sur la partie femelle du système de fixation, intégrée au casque, arrivant à expiration en 2002, les fabricants d'appareils respiratoires concurrents de la nouvelle entité auront la possibilité de développer leurs propres systèmes de fixation, compatibles avec les casques Gallet.
Les engagements souscrits ne font par ailleurs pas obstacle à la capacité de la nouvelle entité de développer un produit intégré, associant casque et appareil respiratoire, qui serait le fruit de la capacité d'innovation générée par l'opération. Ce dernier point constitue un élément de progrès économique, découlant directement de l'opération notifiée.
En conclusion, il ressort de ces éléments que l'opération entre le groupe MSA et le groupe Gallet, notifiée le 15 avril 2002, n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante, sur les différents marchés concernés, sous réserve de l'exécution des engagements souscrits. Je vous informe donc qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
Pour le ministre et par délégation : Le directeur de cabinet, Xavier Musca
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et les parts de marché remplacées par des fourchettes.