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Décisions

CA Amiens, ch. com., 28 juin 2002, n° 99-03855

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Promo Collectivités (SARL)

Défendeur :

District Diffusion (Sté), Clergot, Flamant, Nunes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

M. Roche, Mme Rohart-Messager

Avoués :

SCP Millon Plateau, Crepin, SCP Tetelin Marguet, de Surirey, SCP Selosse Bouvet, André

Avocats :

Mes Loffredo Treille, Vernhet Lanctuit.

T. com. Senlis, du 17 sept. 1999

17 septembre 1999

Vu le jugement du 17 septembre 1999 par lequel le Tribunal de commerce de Senlis à :

- dit la société Promo Collectivités mal fondée en sa demande, en toutes fins qu'elle comporte,

- l'en a déboutée,

- dit que la société District Diffusion mal fondée en sa demande reconventionnelle,

- l'en a déboutée,

- condamné la société Promo Collectivités aux dépens et à payer la somme de 15 000 F à la société District Diffusion, celles de 3 000 F à M. Clergot, 3 000 F à M. Flamant et 3 000 F à M. Nunes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Promo Collectivités et ses conclusions, enregistrées le 19 février 2002 et tendant a :

- infirmer le jugement, en conséquence,

- dire et juger que MM. Clergot, Flamant et Nunes et la société District Diffusion ont commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme et de détournement de clientèle,

- les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 152 450 euros sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial,

- désigner tel expert avec notamment pour mission de déterminer le préjudice subi du fait des agissements de la société District Diffusion,

- ordonner l'insertion du jugement à intervenir dans cinq journaux à son choix et à leurs frais solidaires sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 3 810 euros HT,

- les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 7 625 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP Millon Plateau et Crépin, avoué dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu, enregistrées le 26 décembre 2001, les conclusions présentées par la société District Diffusion ainsi que par MM. Clergot et Flamant et tendant a :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Promo Collectivités de ses demandes ainsi que sur les dépens et les indemnités articles 700 accordés à la société District Diffusion 15 000 F, M. Clergot : 3 000 F et M. Flamant : 10 000 F,

- ordonner l'insertion de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux au choix de la société District Diffusion et aux frais avancés de la SARL Promo Collectivités,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Tetelin Marguet et de Surirey, avoué aux offres de droit.

Vu, enregistrées le 10 septembre 2001, les conclusions présentées par M. Nunes et tendant à :

- le mettre hors de cause et rejeter les demandes formulées à son encontre,

- condamner la SARL Promo Collectivités à lui payer la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire outre celle de 8 000 F (1 219,59 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Selosse Bouvet et André, avoué aux offres de droit.

Sur ce,

Attendu qu'il résulte de l'instruction que, courant octobre 1983, M. et Mme Rubin créaient la société Promo Particulier dont l'objet était "la fourniture des tenues et équipements de policiers municipaux", MM. Clergot et Flamant étant embauchés comme vendeurs respectivement les 2 janvier 1987 et 2 mai 1988 avant d'être licenciés le 6 mars 1996 tandis que M. Nunes avait, auprès de ladite société, une mission d'assistance et de conseil bancaire et financier pour laquelle il percevait des honoraires ;

Que, le 28 mars 1997, MM. Clergot, Flamant et Nunes constituaient la société District Diffusion, ce dernier démissionnant le 13 septembre suivant de ses fonctions de gérant de la société et cédant les parts qu'il y détenait le 31 décembre 1997.

Attendu que, reprochant à la société District Diffusion ainsi qu'à ses associés des actes parasitaires constitutifs de concurrence déloyale et de détournement de clientèle, la société Promo Collectivités a, par acte du 27 mai 1998, assigné les intéressés devant le Tribunal de commerce de Senlis aux fins d'obtenir leur condamnation conjointe et solidaire à lui payer les sommes de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que c'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.

Attendu qu'il convient, tout d'abord, de relever que si l'appelante définit son objet ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, la lecture des statuts de la société District Diffusion révèle un objet plus large dès lors que l'entreprise :

" A pour objet en France, dans les départements et territoires d'Outre-mer, dans les pays de la communauté économique européenne ainsi que dans tous les pays étrangers :

L'achat et la vente, au détail et en gros, de tous vêtements administratifs et civils, de tous uniformes destinés notamment aux Polices Municipale et Nationale, à la Gendarmerie, aux corps des Sapeurs-pompiers, aux collectivités publiques ou sociétés de droit privé ainsi que plus généralement de tous vêtements à usage professionnel et de toute confection en tous genres et en toutes matières et de leurs accessoires de toutes sortes, y compris les articles chaussant, les articles de sport, les matériels de loisirs, sans que cette énonciation soit limitative.

Le commerce d'armes de 5ème, 6ème, 7ème et 8ème catégories, leurs munitions et accessoires appropriés et matériel s'y rapportant.

Le commerce de tout matériel optique et leurs accessoires, de tout matériel et systèmes de radiocommunication par ondes ou câbles et accessoires appropriés.

L'étude, la fabrication, l'importation, la commercialisation et l'installation de tous équipements ayant un rapport avec la sécurité ou la navigation terrestre, aérienne ou maritime.

L'importation, l'exportation, la fabrication, la retouche, le travail à façon, le courtage, la distribution, le dépôt, la conservation, le stockage et la consignation de ces articles ainsi que le commerce en général et toutes prestations et opérations accessoires de toutes marchandises connexes ou similaires, sans aucune exception ni réserve.

La commission et la représentation de toutes affaires commerciales.

La prise, l'acquisition, l'exploitation, la vente ou l'octroi de licence de tous brevets, marques de fabriques, franchises entrant dans l'objet de la société (...) ".

Attendu, en deuxième lieu, que si la société Promo Collectivités soutient que le catalogue édité par la société District Diffusion est, en fait, la reproduction pure et simple de ceux édités par ses soins, les conditions de vente étant identiques et le tarif pratiqué systématiquement inférieur au sien propre, il échet de souligner qu'il suffit de comparer, dans un premier temps, la page de couverture pour constater qu'aucune similitude n'apparaît de manière à entraîner une éventuelle confusion dans l'esprit de la clientèle ;

Que, de même, il n'y a jamais eu de reproduction ou d'utilisation d'une photographie du catalogue de l'appelante ; qu'au demeurant, la société District Diffusion démontre avoir utilisé pour son propre catalogue deux mannequins professionnels qui ont été régulièrement rémunérés ;

Qu'en outre, et afin d'éviter toute reproduction ou utilisation frauduleuse, chaque page du catalogue-photos de la société District Diffusion est dotée d'un " pavé " représentant de manière ostentatoire la société ;

Que, par ailleurs, il ne saurait être utilement reproché à cette dernière d'avoir édité un tarif distinct du catalogue dès lors qu'il s'agit d'un usage commun à de nombreuses sociétés et sans aucune spécificité propre ;

Qu'également, si la société Promo Collectivités prétend que l'écusson de la première page du tarif édité par la société intimée aurait été créé par ses soins, il sera observé que celui-ci est très différent de par sa forme, son lettrage et ses coloris de celui commercialisé par l'appelante ;

Qu'au surplus, l'écusson litigieux a fait l'objet de la part de la société District Diffusion d'un dépôt à l'INPl le 30 mai 1997 et publié au BOPI le 3 octobre suivant ;

Qu'en revanche, l'appelante, qui ne saurait, en tout état de cause, s'approprier les symboles de différentes institutions ou administrations françaises telles que les lettres " R, F. " ou les feuilles de chênes ou de lauriers, ne justifie pas d'un dépôt antérieur auprès de l'lNPl de l'écusson qu'elle commercialise ;

Qu'enfin ne peut être imputée à tort à la société District Diffusion l'appropriation de définitions utilisées par toute la profession (ainsi que le prouve la comparaison avec les catalogues et tarifs des autres entreprises) et par les collectivités territoriales elles-mêmes ;

Qu'au demeurant, les conditions de vente de la société District Diffusion sont plus complexes que celles de l'appelante et sa codification de références est également distincte par l'ajout systématique d'une lettre spécifique devant chaque famille de produits ;

Qu'ainsi, au-delà de similitudes induites par la fonctionnalité même des produits commercialisés et leur uniformité intrinsèque, le catalogue de la société District Diffusion ne peut en aucune manière être regardé comme une reprise plagiaire se nourrissant de la substance et de la forme de l'original.

Attendu que si la société Promo Collectivités excipe, à troisième lieu, d'un démarchage de sa clientèle ainsi que d'un détournement de celle-ci par la société District Diffusion, elle ne justifie d'aucune manœuvre caractérisée à cet effet sur un marché ouvert et concurrentiel et qui ne fait l'objet d'aucune exclusivité eu égard à l'existence d'appel d'offres ouverte à tous ;

Que les quelques erreurs recensées par l'appelante et faites par des clients potentiels entre les deux entreprises ne sauraient eu égard à leur nombre limité et aux différentes explications possibles à celles-ci tel le souci d'effectuer un comparatif de prix, être révélatrice d'une véritable confusion dans l'esprit de la clientèle ;

Qu'il sera de toute façon, rappelé qu'en l'absence de manœuvres déloyales - non démontrées en l'espèce - le dommage concurrentiel est par nature illicite ;

Qu'enfin, l'appelante ne peut se fonder sur l'utilisation par la société District Diffusion de l'appellation " Bleu Gitane " pour certains éléments de sa gamme vestimentaire pour prétendre à l'existence d'un acte de concurrence déloyale dès lors que d'autres entreprises exerçant sur le même marché se réfèrent à cette couleur et que l'intéressée ne démontre ni avoir imaginé le mot ni être propriétaire de cette nuance particulière de parements.

Attendu que la société Promo Collectivités reproche en quatrième lieu, aux intimés d'avoir pris les mêmes fournisseurs et en énuméré cinq à cet effet, ce qui révélerait d'un " comportement suiveur " constitutif d'un " agissement parasitaire " ;

Que, toutefois, l'appelante ne justifie d'aucune exclusivité avec lesdits fournisseurs et certains de ces derniers peuvent parfaitement être communs aux parties, tout comme à d'autres concurrents, s'agissant de produits obéissant aux mêmes fonctionnalités et destinés aux mêmes collectivités locales.

Attendu, en cinquième lieu, que les 26 et 27 janvier 1998 Mme Pastor et M. Adiceam, respectivement assistante commerciale et opérateur de commandes, ont démissionné de la société Promo Collectivités et ont été ultérieurement embauchés par la société District Diffusion ;

Que si l'appelante en déduit qu'il existerait " des présomptions suffisantes de débauchage ", il est constant que ces démissions sont intervenues conformément aux dispositions de la convention collective applicable et qu'aucune clause de non concurrence ne liait les intéressés à leur ancien employeur ;

Que par ailleurs les conditions de rémunération offertes par la société District Diffusion ne sont pas substantiellement différentes et correspondent aux fonctions et responsabilités desdits salariés ;

Qu'il ne saurait non plus être prétendu - sans preuve aucune et par de simples affirmations non corroborées - que ces derniers disposeraient des fichiers clientèle de la société Promo Collectivités et utiliseraient des procédés mis au point par celle-ci ;

Que la société District Diffusion explique sur ce point avoir constitué son propre fichier de clients à partir de contacts et de démarchages effectués depuis sa création en 1997 au moyen de supports publics tels que :

- l'annuaire des polices mai 1997 et mars 1998 (dernière édition mise à jour),

- les annonces de recrutement éditées dans la gazette des communes,

- les différentes revues mensuelles éditées par divers syndicats de Police Municipale.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucun des moyens avancés par l'appelante n'est fondé et que ne peut être reproché aux intimés nulle usurpation de notoriété nulle volonté d'instiller un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, et nul désir d'utiliser frauduleusement la renommée ou les initiatives commerciales d'une entreprise rivale;

Qu'il convient, par suite, de débouter la société Promo Collectivités de ses prétentions en l'absence de toute faute imputable aux intimés ;

Qu'en revanche, la société District Diffusion ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire reconventionnelle dès lors qu'elle ne démontre en non la réalité ni l'effectivité du préjudice qu'elle invoque à la suite de l'action engagée à son encontre par la société Promo Collectivités ;

Qu'il en est de même pour la demande en dommages-intérêts formée par M. Nunes pour " préjudice moral important " ;

Que sera également rejetée la demande formée par la société District Diffusion et qu'aucun élément spécifique de l'espèce ne justifie et tendant à ce que soit ordonnée l'insertion de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux de son choix.

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement et de débouter les parties du surplus de leurs conclusions respectives.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que l'appelante, condamnée aux dépens d'appel, versera sur le fondement de l'article susvisé à la société District Diffusion la somme de 2 000 euros et à chacun des autres intimés celle de 1 200 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme ; Au fond, les rejetant, confirme le jugement ; Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives ; Condamne la société Promo Collectivités aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des SCP Tetelin Marguet et de Surirey et Selosse Bouvet et André, avoués ; Condamne la société Promo Collectivités à verser, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme 2 000 euros à la société District Diffusion et celle de 1 200 euros à chacun des autres intimés.