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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ., 20 février 2002, n° 01-02173

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Streibig (SA), Streibig

Défendeur :

Striebig AG (Sté), Striebig (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Goyet

Conseillers :

Mme Mazarin, M. Die

Avoués :

SCP Cahn, Levy, Bergmann, Me Frick

Avocat :

Me Paetzold.

TGI Saverne, ch. com., du 26 mars 2001

26 mars 2001

La société de droit suisse Striebig AG fabrique et commercialise des scies industrielles verticales.

De 1965 à 1993, la société Striebig AG distribuait ses produits sur le marché français par l'intermédiaire d'une société Schneeberger ;

En 1994, fut créée la SA Streibig, avec pour objet, l'achat, la vente, l'importation et l'exportation de machines et matériels destinés au commerce et à l'industrie du bois et produits non ferreux. Depuis sa création, son dirigeant est M. André Streibig.

La société Striebig AG confia à la SA Streibig la distribution de ses produits en France. Par une lettre du 7 janvier 1994, elle l'autorisa à utiliser la dénomination sociale " Striebig France ". Pour le reste, les relations entre les sociétés furent régies par des accords verbaux.

La société Striebig AG déposa en Suisse, le 1er décembre 1995, puis auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, le 3 avril 1996, la marque " Striebig " pour l'Allemagne, l'Autriche, le Benelux, l'Espagne, la France et I'Italie, dans les classes 7 (machines, en particulier pour travailler le bois), 37 (installation, maintenance et réparation de ces machines) et 40 (traitement de matériaux, en particulier sciage et fraisage). Cette inscription fut renouvelée le 29 mars 1999.

Par une lettre recommandée du 21 décembre 1999, la société Striebig AG notifia à la SA Streibig la résiliation du contrat de distribution à compter du 30 juin 2000.

Par une lettre du 20 avril 2000, elle la mit en demeure de ne plus utiliser, à compter du 1er juillet 2000, la marque " Striebig " et de la retirer de tous les documents, véhicules, bâtiments, ni le nom " Striebig France " et de transférer le domaine Internet " Striebig.fr ".

Le 22 mai 2000, à Horbourg-Wihr, débuta l'exploitation de la filiale que la société Striebig AG avait créée et à laquelle elle confia la distribution de ses produits, à savoir la SARL Striebig, avec pour signe " Striebig " et pour nom commercial " Striebig France ". Cette nouvelle entreprise embaucha du personnel de la SA Streibig, et elle contracta avec des monteurs qui avaient travaillé avec la SA Streibig.

Par lettre recommandée de son avocat du 3 juillet 2000, la société Striebig AG mit la SA Streibig en demeure de cesser, dans les huit jours, toute utilisation de la marque Striebig, et de solliciter auprès de l'AFNIC le transfert de nom de site électronique et l'adresse de messagerie électronique Striebig.

Le 4 juillet 2000, à la requête de la société Striebig AG, Maître Thomas, huissier à Molsheim, constata que sur le site Internet " http ://www.streibig.fr " apparaissait les mentions " site officiel de la société Striebig France " ou " Striebig ", l'adresse électronique " [email protected] " et l'adresse géographique " Striebig 166 rue d'Altorf 67120 Dachstein ".

Le 18 juillet 2000, la SA Streibig fut autorisée à assigner la société Striebig AG à jour fixe pour obtenir livraison de machines qu'elle avait commandées. Les parties transigèrent par un protocole d'accord signé le 31 août 2000. Par ordonnance du 11 septembre 2000, le juge des référés commerciaux du Tribunal de grande instance de Saverne donna acte à la SA Streibig de son désistement et constata l'extinction de l'instance.

Le 12 septembre 2000, la société Striebig AG forma opposition aux demandes d'enregistrement des signes verbaux Streibig et A. Streibig, à titre de marques, que M. André Streibig avait déposées le 7 juin 2000 pour distinguer des machines, éléments de machines ou des services liés au travail du bois. En l'absence de contestation de M. André Streibig, les demandes d'enregistrement furent rejetées le 27 février 2001 par décisions du directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle, au principal motif que les dénominations contestées " Streibig " et " A. Streibig " constituaient " l'imitation de la marque antérieure invoquée " et ne pouvaient être adoptées comme marques pour des produits et services, pour certains, identiques, et pour d'autres similaires, sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur " la marque verbale Striebig ". Des certificats de non appel de ces décisions furent délivrés les 20 juillet et 7 août 2001.

Le 24 septembre 2000, la société Striebig AG assigna la SA Streibig, en référé, pour obtenir, à titre provisoire, l'interdiction de reproduire et d'utiliser la marque " Striebig " et le transfert du nom du domaine Internet " Striebig.fr ". Le 28 septembre 2000, elle se désista de sa demande. Le président du Tribunal de grande instance de Saverne constata l'extinction de l'instance par ordonnance du 9 octobre 2000.

Par lettre recommandée de son avocat, en date du 10 octobre 2000, la société Striebig AG mit la SA Streibig en demeure de cesser l'utilisation de la marque " Streibig " au motif de l'imitation de la marque antérieure " Striebig ".

Le 10 novembre 2000, agissant à la requête de la société Striebig AG, et sur autorisation du président du Tribunal de commerce de Bobigny, Maître Dellatana, huissier à Raincy, se rendit au salon d'exposition Expobois, au Parc des Expositions de Villepinte (93), procéda à des constatations et des photographies sur la scie à panneau de modèle " Prestige " exposée au stand (numéroté E90) de la SA Streibig, et sur celle de modèle " Standard " exposée au stand (numéroté M90) de la société Striebig AG. Il releva que les deux scies industrielles étaient équipées du même système de blocage à pédale et de la même butée escamotable en partie basse du cadre, que les peintures rouge ou fuchsia et grise étaient les deux composantes utilisées sur les groupes de sciage, et que les marques Striebig et Streibig étaient positionnées en caractères identiques sur le même côté droit des panneaux des deux machines.

Le 13 décembre 2000, la société Striebig AG et la société SARL Striebig assignèrent à jour fixe la SA Streibig et M. André Streibig en invoquant la contrefaçon par reproduction de la marque " Striebig ", la contrefaçon par imitation de la marque " Striebig ", un abus dans l'utilisation du nom patronymique de M. André Streibig comme dénomination sociale et des actes de concurrence déloyale. Elles demandèrent au tribunal d'interdire à la SA Streibig d'utiliser les marques Streibig et Striebig, de restreindre l'utilisation du nom patronymique Streibig, d'interdire l'emploi de documents commerciaux proches des leurs et d'interdire la commercialisation de la scie verticale " Prestige ". Elles sollicitèrent également une provision de 50 000 F et une expertise pour chiffrer leur préjudice.

M. André Streibig s'estima victime d'une concurrence déloyale et demanda reconventionnellement une somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 26 mars 2001, le Tribunal de grande instance de Saverne, en sa chambre commerciale, estima qu'en considération des ressemblances visuelles et phonétiques entre " Streibig " et " Striebig ", il y avait un risque certain de confusion pour les clients, que M. André Streibig jouait sur la confusion et essayait de capter la clientèle attachée à la renommée de la société Striebig, que les imitations des documents commerciaux et des scies verticales révélaient du parasitisme économique et que la scie " Standard " avait été copiée par la scie " Prestige ".

Le tribunal déclara que :

- la SA Streibig avait commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque " Striebig " ;

- la SA Streibig et M. André Streibig avaient commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "Striebig" ;

- la SA Streibig n'utilisait pas de bonne foi le nom patronymique de M. André Streibig, et que cette utilisation portait atteinte aux droits de la société Streibig AG, titulaire de la marque " Striebig " ;

- la SA Streibig et M. André Streibig avaient commis des actes de concurrence déloyale sous forme de parasitisme en présentant la marque Streibig sur le côté latéral droit des documents commerciaux et de la scie verticale " Prestige " et en imprimant cette marque en couleur gris foncé, précédée d'une forme géométrique de couleur rouge ;

- la SA Streibig avait commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant de façon parasitaire la scie verticale " Prestige ", copie servile de la scie verticale "Standard".

En conséquence, le tribunal :

- interdit, sous astreinte, à la SA Streibig de reproduire ou d'utiliser la marque " Striebig " ;

- interdit, sous astreinte, à la SA Streibig et à M. André Streibig d'utiliser les marques " Streibig " et " A. Streibig " imitant la marque " Striebig " ;

- limita, sous astreinte, l'utilisation du nom patronymique de M. André Streibig en imposant de le distinguer de manière significative, par exemple, par l'adjonction sur le papier à en-tête de son prénom et la forme juridique de la société, soit " André Streibig SA " ;

- interdit sous astreinte à la SA Streibig et à M. André Streibig de présenter les marques Streibig et A. Streibig sur le côté droit des documents commerciaux et de la scie verticale " Prestige ", ou autres machines, en écriture grise foncée précédée d'une forme géométrique rouge ;

- interdit à la SA Streibig de commercialiser la scie verticale " Prestige "

- condamna solidairement la SA Streibig et M. André Streibig au paiement d'une provision de 100 000 F à valoir sur les dommages et intérêts ;

- désigna M. Moussard pour procéder à une expertise pour déterminer le volume des ventes réalisé à raison des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, et pour chiffrer les préjudices subis ;

- ordonna la publication de son jugement dans trois journaux choisis par les demanderesses ;

- autorisa l'exécution provisoire de sa décision ;

- condamna solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à supporter les dépens ;

- débouta les défendeurs de tous les chefs de leur demande reconventionnelle.

La SA Streibig et M. André Streibig ont interjeté appel de ce jugement par une déclaration reçue le 7 mai 2001.

Le 20 juillet 2001, ils ont demandé en référé que soit ordonné le sursis à l'exécution provisoire de l'interdiction de commercialiser la scie verticale " Prestige ", sous astreinte de la somme de 50 000 F par jour de retard, passé le délai d'un mois suivant la signification du jugement.

Par ordonnance du 7 août 2001, le délégataire du premier président de céans a déclaré irrecevables les conclusions que les sociétés intimées avaient déposées pour faire interdire la commercialisation des scies " Premium ", " Classic " et " Economic " sous astreinte. Pour le surplus, il a ordonné la réouverture des débats sur l'importance de la commercialisation de la scie " Prestige " et il a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.

Par ordonnance du 31 août 2001, le délégataire du premier président a accordé le sursis à l'exécution provisoire de la partie du jugement interdisant la commercialisation de la scie " Prestige ". Il a donné acte à la SA Streibig et à M. André Streibig de ce qu'ils s'engageaient à ne pas vendre la scie " Prestige " sous la marque " Streibig " ou " Striebig ", mais exclusivement sous la marque " André Streibig ".

En cours de procédure, la SA Streibig est devenue la SAS André Streibig.

Au soutien de leur appel, et dans leurs conclusions déposées le 6 juillet 2001, la SAS André Streibig et M. André Streibig font valoir :

- que la marque Striebig a été utilisée jusqu'au 30 juin 2000 avec l'autorisation de la société Striebig AG ; qu'après cette date, son emploi était né de situations antérieures, en tout cas, était resté sans importance commerciale, et dénué de volonté de fraude ;

- que la SA Streibig dispose d'une priorité sur les marques Streibig et A. Streibig qui correspondent à sa dénomination sociale, et que leur notoriété est antérieure au dépôt de la marque Striebig ;

- que l'utilisation de bonne foi du patronyme de M. André Streibig est antérieure au dépôt de la marque Striebig ;

- que les scies "Prestige" ne sont pas des copies serviles parce qu'elles sont équipées des rouleaux freinés qui sont employés par tous les constructeurs et qu'ils répondent a une nécessité fonctionnelle ;

- que les sociétés intimées ont provoqué des annulations de commandes passées avant le 30 juin 2000 ;

- qu'en dépit de la transaction intervenue, les livraisons retardées au cours du premier semestre 2000 ne sont toujours pas exécutées ;

- que les sociétés intimées ont débauché trois salaries et détourné le réseau de monteurs agréés ;

- que la SARL Striebig retarde ou refuse la livraison des pièces détachées commandées pour l'entretien du parc de maclimes déjà vendues, qu'elle limite à 100 000 F la garantie assurance-crédit dans ses relations avec la SA Striebig, et qu'elle livre irrégulièrement ;

- que les sociétés intimées ont copié les tarifs édités par la SA Streibig en 1999, pour créer une confusion ;

- que pour créer l'impression d'une continuité entre l'activité de la SA Streibig et celle de la SARL Striebig, la société Striebig AG s'est adressée au même assureur crédit, la société Gerling-Namur ainsi qu'aux transporteurs Exapac et Ducros.

Les parties appelantes demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire qu'elles n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale, ni de contrefaçon, ni d'imitation, et :

- de dire que la SA Streibig et M. André Streibig sont autorisés à utiliser sa dénomination sociale pour la SA et son nom patronymique pour M. André Streibig, sans restriction, avec d'autant plus de droits qu'ils bénéficient de l'antériorité de l'usage de leur nom et dénomination dans cette activité, avec le parfait accord de la société Striebig AG depuis 1996, avant tout dépôt de sa marque internationale par la société Striebig AG ;

- déclarer les sociétés intimées coupables d'actes de concurrence déloyale a l'encontre de la SA Streibig et de M. André Streibig ;

- dire que l'exécution provisoire du jugement dont appel a entraîné un préjudice pour les appelants, et ordonner son indemnisation ;

- autoriser la SA Streibig à faire publier le jugement dans trois journaux de son choix, aux frais solidaires des intimées, dans la limite de 150 000 F HT ;

- condamner solidairement les intimées à payer 700 000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels, et désigner un expert pour chiffrer le préjudice définitif ;

- condamner solidairement les parties intimées aux dépens, ainsi qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à 100 000 F pour la demande principale, et 150 000 F pour la demande reconventionnelle.

Par un mémoire déposé le 2 août 2001, la société de droit italien Putsch-Meniconi intervient volontairement pour faire valoir :

- qu'elle fabrique les scies que la SA Streibig commercialise sous la marque "Prestige" et qui sont équipées de rouleaux et de freins vendus et fabriqués depuis 1971 ;

- que les sociétés intimées ont induit le tribunal en erreur, et que leurs interventions auprès des clients acquéreurs de scies fabriquées par Putsch-Meniconi ont causé un préjudice important.

Elle demande à la cour de recevoir son intervention au soutien des parties appelantes, en tant que le premier juge a considéré que les scies "Prestige" étaient des copies serviles des scies de la société Striebig AG, d'infirmer le jugement de ce chef, de réserver ses droits à conclure sur la réparation de son préjudice, et de condamner les intimées à lui verser 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 11 octobre 2001, la société Striebig AG et la SARL Striebig répliquent :

- que persiste la contrefaçon par reproduction de la marque Striebig, comme en atteste un constat d'huissier des 25 et 27 juin 2001, selon lequel, sur le site web "Grandes entreprises", la SA Streibig se présente encore comme "Striebig France" sous l'adresse de la SA Streibig ;

- qu'on été commis des actes de contrefaçon de la marque Striebig en ce que les différences avec les marques Streibig et A. Streibig sont difficilement perceptibles tant sur le plan visuel que sur le plan phonique, qu'il en résulte une possibilité de confusion, sans que les sociétés appelantes puissent justifier d'aucune antériorité parce que la marque Striebig est connue depuis 1965 ;

- que l'utilisation du nom patronymique de M. André Streibig en tant que dénomination sociale n'est pas faite de bonne foi ;

- qu'ont été commis des actes de concurrence déloyale en ce que :

- la marque Streibig a été apposée sur les documents commerciaux et les machines avec la même présentation visuelle que la marque Striebig,

- la scie verticale "Prestige" est la copie servile de la scie "Standard" parce qu'en dehors de toute contrainte fonctionnelle ou technique, elle en copie la présentation optique et le système des rouleaux de transport et supports qui permet de distinguer les scies Striebig de toutes les autres scies verticales ; seule la société Striebig AG n'utilise que des rouleaux qui permettent à la fois de transporter les panneaux et de leur servir de support avec un système original de blocage, tandis que les autres fabricants Putsch-Meniconi et Holzler emploient un système alternant les rouleaux de transport et les supports fixes ; la SA Streibig produit elle-même un rapport d'examen technique qui rapporte qu'elle a remplacé les supports inférieurs fixes en aluminium de la machine Putsch-Meniconi par des rouleaux fraisés du type Striebig ;

- la SA Streibig a bien tenté de capter la clientèle des sociétés intimées ;

- que la SA Streibig persistant dans la violation des droits des sociétés intimées, il y a lieu d'allouer un complément de provision de dommages et intérêts d'un million de francs à la société Striebig AG.

Au soutien de l'appel incident qu'elles forment, la société Striebig AG et la SARL Striebig font valoir qu'ont été commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale identiques pour les modèles "Premium", "Classic" et "Economic" de la gamme commercialisée par la SA Streibig.

Aux demandes reconventionnelles des parties appelantes, elles objectent :

- que l'accord du 31 août 2000 a mis fin au litige relatif aux difficultés d'approvisionnement ;

- qu'elles n'ont commis aucun acte déloyal de captation de clientèle ;

- qu'elles ne se sont livrées à aucun débauchage déloyal de salariés ou de revendeurs agréés.

Elles demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris, et de condamner solidairement la SAS André Streibig, la société Putsch-Meniconi et M. André Streibig à verser à la société Striebig AG la somme de 200 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

- y ajoutant, d'interdire à la SAS André Streibig et à M. André Streibig, sous astreinte de 50 000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, d'utiliser le terme Streibig à titre de marque de fabrique, et de commercialiser des scies verticales "Premium", "classic", et "Economic" ;

- de condamner solidairement la SAS André Streibig et M. André Streibig à verser à la société Striebig AG un complément de provision d'un million de francs.

Sur quoi, LA COUR,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Sur la contrefaçon de la marque Striebig :

La société Striebig AG justifie que le 3 avril 1996, elle a obtenu de l'Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle l'enregistrement de la marque Striebig.

Elle est fondée à obtenir la sanction de toute atteinte à ses droits. Par application de l'article L. 716-1 du Code de la propriété industrielle, constitue une contrefaçon et engage la responsabilité de son auteur, toute violation de l'interdiction d'utiliser ou imiter la marque protégée.

1.1 Sur la contrefaçon par reproduction :

L'article L. 713-2 du Code de la propriété industrielle dispose que " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage et l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que formule, façon, système, imitation, genre, méthode ", ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement".

II n'est pas contesté que la société Striebig AG avait autorisé la SA Streibig à employer la marque Striebig et que cette autorisation a pris fin le 30 juin 2000 ;

II est également admis qu'après cette date, la SA Streibig a continué d'employer la marque Striebig.

Cette utilisation n'a pas été seulement accidentelle, comme le prétend la SA Streibig. Elle apparaît, au contraire, révélatrice de l'intention malicieuse de la société appelante puisqu'eIle a persisté non seulement après le délai de six mois accordé par la société Striebig AG, mais encore après que la société Striebig AG se fut désistée de sa première action, close par l'ordonnance de référé du 9 octobre 2000.

II est ainsi produit aux débats des télécopies que l'appelante a adressées les 9 octobre et 6 novembre 2000 pour commander des montages de machines et qui portaient la mention Striebig France. Le constat d'huissier dressé les 25 et 27 juin 2001 montre qu'à ces dates, sur le site "web" des Grandes Entreprises, la SA Streibig se présentait encore sous son adresse comme fabricant de scies à panneaux, en employant le nom de "Striebig France" et un logo "Striebig".

La contrefaçon reprochée est donc établie.

1.2 Sur la contrefaçon par imitation :

L'article L. 713-3 du Code de la propriété industrielle dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public (...) l'imitation d'une marque ou l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement".

Les parties appelantes ne contestent pas avoir utilisé les marques " Streibig " et " A. Streibig " pour des produits et services identiques à ceux designés à l'enregistrement de la marque "Striebig". M. André Streibig a même demandé leur protection le 7 juin 2000.

Or, l'imitation s'apprécie d'après les ressemblances entre les signes, et non d'après les différences.

II est évident que visuellement comme phonétiquement, les marques peuvent être confondues par un acheteur d'attention moyenne.

Comme l'ont noté les premiers juges, même la juxtaposition laisse subsister le risque de confusion.

Au surplus, les dissemblances sont minimes.

La marque Streibig ne se différencie de la marque protégée Striebig que par l'inversion des voyelles E et I placées au milieu des mots. La marque A. Streibig ne s'en distingue que par l'ajout de la lettre A.

Les parties appelantes excipent de l'antériorité de leurs droits sur la dénomination sociale "Streibig".

Mais elles confondent la dénomination sociale de l'entreprise et la marque de ses produits et services.

En tout cas, elles ne rapportent pas la preuve qu'avant l'enregistrement de la marque internationale "Striebig ", les termes "Streibig" ou "A. Streibig" avaient servi de marque de fabrique ;

Dès lors est également établie la contrefaçon par imitation qui leur est reprochée, et les parties appelantes ne peuvent se prévaloir de la notoriété de M. André Streibig avant le dépôt de la marque Striebig pour prétendre pouvoir utiliser la marque Streibig, alors que ses ressemblances évidentes avec la marque Striebig et le risque de confusion entraîné par ces ressemblances justifient l'interdiction de son usage.

M. Streibig a d'ailleurs admis la ressemblance de sa marque avec la marque Striebig en ne formant pas de recours contre la décision du directeur de l'INPL refusant l'enregistrement de celle-ci à la suite de l'opposition formée par la société Striebig.

Sur l'abus dans l'utilisation du nom patronymique de M. André Streibig :

L'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est, soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique (...). Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite ".

M. André Streibig n'est pas suspecté d'avoir agi de mauvaise foi lorsqu'à la création de l'entreprise en 1994, il a donné son patronyme pour servir de dénomination sociale à la SA Streibig.

L'usage du nom "Streibig", similaire au terme "Striebig" pour les raisons exposées plus haut, est antérieur, en tant que dénomination sociale, au dépôt de la marque internationale "Striebig".

Mais les parties intimées rapportent la preuve que cette dénomination sociale a été utilisée au détriment de leurs droits sur la marque "Striebig". Comme elles le soulignent, les parties appelantes produisent elles-mêmes une lettre du 18 avril 2001 par laquelle la société SA BMRA, à l'enseigne "Point P" leur adressa précisément ce reproche en ces termes : "Nous nous apercevons qu'au lieu de commander un matériel de marque Striebig, comme nous le pensions, vous avez joué d'une part, sur la quasi-similitude des noms, et d'autre part, sur l'utilisation d'un papier à en-tête portant un logo extrêmement ressemblant, pour nous proposer, en réalité, un matériel de marque Streibig ne correspondant pas à celui que nous pensions acquérir".

Dès lors, est justifiée la demande de limitation de l'usage du patronyme Streibig, en tant que dénomination sociale, aux cas où il sera distingué de manière significative de la marque protégée, par exemple, par l'adjonction sur le papier à en-tête, du prénom de M. Streibig et de la forme juridique de la société, ainsi que l'a décidé à juste titre le premier juge.

Sur la concurrence déloyale :

Comme toute faute, la concurrence déloyale expose la responsabilité de son auteur à l'égard de celui au détriment duquel il I'a exercée.

En l'espèce, il est admis qu'exerçant la même activité et s'adressant à la même clientèle, les parties sont en rapport de concurrence.

Il reste à chacune de rapporter la preuve de la déloyauté des agissements qu'elle reproche à la partie adverse en vue de capter sa clientèle.

3-1 Sur la déloyauté des actes reprochés à la SA Streibig :

Les sociétés intimées font trois griefs à la SA Streibig :

3-1-1 L'aggravation du risque de confusion résultant de la contrefaçon par imitation de la marque :

Un concurrent commet un acte déloyal lorsqu'il imite où reproduit un aspect distinctif, non compris dans le dépôt de la marque, d'un produit marqué ou d'un élément extérieur du produit marqué, par exemple les documents commerciaux, et qu'il aggrave ainsi le risque de confusion qui résulte d'une contrefaçon.

La société Striebig a obtenu l'enregistrement de sa marque "Striebig" sans graphisme particulier, ni couleurs accompagnatrices. Mais elle montre, par les pièces qu'elle produit, qu'elle l'a exploitée en l'apposant verticalement sur le bord droit de ses documents commerciaux et de ses machines, par une mention imprimée en gris et précédée d'une forme carrée rouge.

Or, la SA Streibig a utilisé sa marque contrefaisante "Streibig" en l'imprimant verticalement en gris et en la faisant précéder d'une forme géométrique ronde et rouge, représentant une lame de scie circulaire. Il est établi par les pièces versées aux débats, que la marque contrefaisante a ainsi été apposée sur le bord droit des documents commerciaux de la SA Streibig, comme sur le côté droit de ses machines de type " Prestige ", " Premium ", " Classic " et " Economic ".

Il en résulte une aggravation du risque de confusion visuelle déjà provoquée par l'emploi de la marque contrefaisante, même si la stylisation d'une scie circulaire rouge est différente de la représentation d'un carré rouge.

La SA Streibig a ainsi déloyalement agi pour détourner la clientèle qui était accoutumée à la représentation graphique habituelle de la marque protégée "Striebig ".

3-1-2 Le parasitisme.

Le parasitisme commercial est constitué d'un ensemble de comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre, afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Lorsqu'il tend à détourner la clientèle, il forme aussi un acte de concurrence déloyale.

Les parties intimées produisent un exemplaire de la lettre qu'à la date du 3 novembre 2000, M. André Streibig a adressée, en langue allemande, à des entreprises allemandes pour présenter la gamme des machines de la SA Streibig.

La lettre explique certes : "En 1994, je me suis mis à mon propre compte en assurant la distribution exclusive en France des scies à plaque de la marque Striebig. Attachant une grande importance au marché français, mon partenaire a créé une succursale en France, ce qui a malheureusement mis un terme à notre collaboration".

Mais le document porte la marque contrefaisante "Streibig" avec la présentation graphique habituellement employée pour la marque protégée "Striebig".

En s'adressant à des entreprises allemandes qui n'appartenaient pas à leur clientèle, en attirant l'attention sur la précédente distribution en France des scies à plaque de marque "Striebig" tout en faisant usage de la marque contrefaisante "Streibig", les parties appelantes ont étendu I'aire de la confusion qu'elles avaient fait naître en France. Elles se sont immiscées sur le marché allemand pour profiter de la notoriété que la société Striebig AG avait pu y acquérir et, sans y développer les mêmes efforts, ni exposer les mêmes débours, capter la clientèle potentielle.

Le parasitisme reproché est caractérisé et il constitue un acte déloyal.

3.1.3 La copie servile et l'imitation de la forme des produits marqués :

Lorsqu'elle n'est pas justifiée par une contrainte technique et qu'elle peut engendrer un risque de confusion, la reproduction ou l'imitation de la forme du produit marqué est constitutive d'un acte de concurrence déloyale si elle est commise par un concurrent de celui qui a eu la primeur de son usage dans le commerce.

L'imitation de la forme s'apprécie au regard des ressemblances des produits, et non par rapport aux différences.

Les sociétés intimées admettent que toutes les scies verticales ont toujours un châssis vertical, une poutre mobile qui porte la lame, un tableau de commande et un système d'aspiration de la poussière.

Elles invoquent en premier lieu une imitation de l'aspect visuel des machines de leur marque.

Sans être contestées, elles rapportent la preuve que leurs scies ont des cadres blancs avec des éléments horizontaux de couleur rouge.

Les photographies annexées au constat d'huissier du 10 novembre 2000 montrent que la scie de type " Prestige " de la SA Streibig a été peinte des mêmes lignes horizontales rouges sur fond blanc que le modèle " Standard " de marque " Striebig ".

Le catalogue de la SA Streibig révèle qu'elle a employé la même association de couleurs pour ses modèles " Premium ", " Economic " et " Classic ".

Il en résulte une impression d'ensemble qui est de nature à établir une confusion dans l'esprit de la clientèle. Elle est renforcée par la circonstance que les autres fabricants européens ont choisi d'autres associations de couleurs, à savoir, selon les catalogues produits aux débats, le bleu sur fond blanc pour le fabricant allemand Holzler, et le jaune sur fond blanc pour le fabricant italien Putsch-Meniconi.

La confusion a été recherchée. Dans une lettre du 6 juillet 2001 à l'expert privé commis par la SA Streibig, la société italienne Putsch-Meniconi révèle qu'elle est le fabricant des machines vendues par la SA Streibig et qu'elle a spécialement changé les couleurs pour remplacer le jaune par le rouge.

En second lieu, les sociétés intimées invoquent une imitation de forme par l'emploi, à la partie inférieure des scies, d'un système de rouleaux freinés à l'aide d'une pédale, destinés à la fois au déplacement et au support des panneaux à travailler, et l'absence de tout autre support.

Le constat d'huissier du 10 novembre 2000 atteste que le modèle " Prestige " de la SA Streibig est équipé du même système que le modèle " Standard " de marque Striebig. Les catalogues montrent qu'il en est de même pour les modèles " Prestige " et " Classic ".

Les parties appelantes excipent du défaut d'originalité du système. La société Pusch-Meniconi affirme que les scies commercialisées par la SA Streibig sont celles qu'elle fabrique depuis de nombreuses années. Elle précise que son modèle SVP 221, équipé de rouleaux et de freins, figurait à son catalogue du 2ème trimestre 1981.

Les parties appelantes produisent diverses pièces qui prouvent l'ancienneté de l'emploi des rouleaux freinés par la Société Putsch-Meniconi. Un catalogue de la société Putsch-Meniconi, date du deuxième trimestre 1971, comporte des illustrations qui laissent voir que seuls des rouleaux freinés étaient montés sur ces scies. Pour autant, l'antériorité de l'usage revendiqué n'est pas établie.

En revanche, la société Striebig AG affirme avoir eu la primeur du système des rouleaux freinés, et elle produit la lettre d'un revendeur de machines qui atteste que se trouve encore sur le marché une scie qu'elle a fabriquée en 1968 et qui est équipée de rouleaux freinés débrayables par pédale.

Mais surtout, les scies fabriquées par la société Putsch-Meniconi ont été modifiées à la demande de la SA Streibig.

Les parties appelantes produisent elles-mêmes le rapport de M. Meyer qu'elles ont mandaté pour examiner les scies. Ce technicien a expressément indiqué que sur les scies fabriquées par la société Putsch-Meniconi, les supports inférieurs fixes avaient été remplacés par des rouleaux freinés. En annexe de son rapport, il a verse la lettre du 6 juillet 2001 par laquelle la société Putsch-Meniconi a confirmé que pour le marché français, elle avait remplacé les supports inférieurs fixes par des rouleaux freinés. Ce Courrier ajoute : "Les rouleaux freinés existaient autrefois sur les anciens modèles SVP 924 et SVP 634 datant de 1970", ce qui démontre qu'avant la commercialisation de ses scies par la SA Streibig, la société Putsch-Meniconi ne fabriquait plus que des supports inférieurs fixes sur son modèle SVP 950 en production depuis 1990 et quelle n'a remplacé les supports fixes par des rouleaux qu'à la demande de la SA Streibig ;

Aucune contrainte technique ne justifie cette modification qui a nécessairement accru la ressemblance visuelle entre les scies de la SA Streibig et celles de la marque Striebig.

Des différences subsistent. Comme le soulignent les parties appelantes, le rapport de M. Meyer énumère les dissemblances du châssis, du cadre, de la barre support intermédiaire, des systèmes de mesure et de guidage, de la protection de la tête de sciage et du moteur.

Les scies de la SA Streibig ne copient donc pas servilement les scies de marque Striebig. Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

Mais obtenue par un changement de couleur et une modification du système de support, une ressemblance a été intentionnellement créée avec la forme d'ensemble des machines de marque Striebig. Elle a aggravé le risque de confusion déjà produit dans l'esprit de la clientèle par la marque contrefaisante. Elle constitue un acte de déloyale concurrence.

La manœuvre qui a été commise au détriment des sociétés intimées justifie que l'interdiction prononcée soit confirmée pour le modèle " Prestige ", et soit étendue aux modèles " Premium ", " Classic " et " Economic ", mais il y a lieu de préciser que cette interdiction se justifie uniquement par l'utilisation des couleurs rouges sur fond blanc et par l'existence de rouleaux freinés débrayables par pédale sur ces modèles.

3.2 Sur la déloyauté des actes reprochés à la société Striebig AG et à la SARL Striebig :

Les parties appelantes articulent six griefs au soutien de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale.

3.2-1 Le détournement de la commande de machines :

Pour certaines commandes qu'elle avait reçues avant le 30 juin 2000, la SA Streibig reproche aux sociétés intimées d'avoir provoqué leur annulation ou d'avoir empêché leur exécution en ne la livrant pas, ou inexactement ou avec retard.

Or, le protocole passé le 31 août 2000 entre la SA Streibig et la société Striebig AG stipule expressément en son article 6 : " Sous réserve de la parfaite exécution du présent accord intervenu librement après négociations entre les parties, celles-ci renoncent irrévocablement l'une envers l'autre sur le fondement des articles 2044 et suivants du Code civil, à toute réclamation, droit et action pour tout fait concernant les commandes transmises par Streibig SA pendant le préavis de résiliation du contrat de distribution conclu avec Striebig AG ".

Les parties ont donc transigé et, conformément aux dispositions de l'article 2044 du Code civil, par un contrat écrit, ont mis fin à leur litige relatif à l'exécution des commandes reçues par la SA Streibig et transmises à la société Striebig AG pendant la période qui s'était écoulée entre la notification de la résiliation du contrat de distribution, le 21 décembre 1999, et sa fin le 30 juin 2000.

Faute pour les parties appelantes de rapporter que cet accord transactionnel n'a pas été exécuté, elles sont infondées à prétendre que le comportement des sociétés intimées, fut-il fautif, exposent leur responsabilité pour concurrence déloyale.

3.2.-2 Le refus de livraison :

Les sociétés intimées se plaignent qu'en dépit de la transaction intervenue, des livraisons dues par la société Striebig AG à la SA Streibig n'ont pas été exécutées.

Elles se réfèrent à la lettre qu'à la date du 22 mai 2001, la SAS André Striebig a adressée à la SARL Striebig (à l'enseigne Striebig France) pour réclamer la livraison de diverses pièces détachées qu'elles avaient précédemment commandées.

Mais elles produisent également la réponse que la SARL Striebig a faite à la SAS André Streibig, le 31 mai 2001, pour expliquer que la commande avait été bloquée parce que la SAS André Streibig avait dépassé son encours autorisé et restait devoir la somme de 107 270,38 F.

En tout cas, elles ne démontrent pas que les sociétés intimées aient agi déloyalement pour capter ou détourner la clientèle.

3.2-3 Le débauchage.

Le débauchage de salariés est un acte déloyal lorsqu'il cherche à désorganiser l'entreprise d'un concurrent.

Mais les sociétés appelantes se limitent à invoquer le départ de deux salariés qui, selon les contrats de travail produits aux débats, avaient été embauchés par la " Société Striebig France " représentée par M. André Streibig, à savoir :

- M. Olivier Morisset, embauché le 16 mars 1998, en qualité de technicien et de commercial sédentaire, qui a démissionné à compter du 4 juillet 2000, et qui a été embauché par la SARL Striebig ;

- M. Jean-Marc Mesange, embauché le 12 novembre 1998 en qualité de magasinier, qui a démissionné le 29 juillet 2000 et qui a été embauché par la SARL Striebig.

Elles n'établissent pas en quoi le départ de ces deux seuls salariés embauchés depuis seulement deux ans et occupant des postes subalternes, était susceptible d'avoir désorganisé la SA Streibig.

Elles ne démontrent pas non plus que les démissions aient été provoquées par une manœuvre des sociétés intimées. Il apparaît au contraire que la SARL Striebig a fait publier des offres d'emploi en mai 2000 et qu'elle a ensuite embauché des personnes qui lui avaient présenté leur candidature. Dans une lettre du 24 janvier 2001, M. Mesange a même expliqué qu'il avait quitté la SA Streibig parce que M. Streibig lui donnait l'ordre de copier des pièces Striebig et qu'il ne voulait pas être impliqué dans ces pratiques.

Les parties appelantes invoquent également le départ de M. Dominique Oheix avec lequel un contrat de " représentant multicarte " avait été conclu pour prendre effet à dater du 3 janvier 1994, qui a présenté sa démission à compter du 30 juin 2000 et qui est devenu un agent commercial de la SARL Striebig.

Dans sa lettre de démission, M. Oheix a explicitement indiqué que son départ était lié à l'arrêt de la commercialisation des scies à panneaux de la marque Striebig. II apparaît légitime que ce représentant multicartes, qui, selon les sociétés intimées, avait déjà représenté la marque Striebig lorsqu'elle était distribuée par la société Schneeberger, ait voulu poursuivre son activité avec la nouvelle entreprise désormais chargée de la commercialisation des scies Striebig.

En tout cas, aucune manœuvre des sociétés intimées n'est caractérisée.

Les parties appelantes se plaignent enfin du détournement complet de leur réseau de monteurs agréés : les douze monteurs auraient été contactés et embauchés par les sociétés intimées en exclusivité. Mais elles ne justifient pas avoir possédé ce réseau, ni des liens qu'elles auraient noués avec les monteurs et qui auraient été rompus par l'intervention déloyale des sociétés intimées.

Des seules pièces qu'elles produisent, il apparaît, au contraire, qu'existent des " monteurs agrées Striebig ". L'agrément est donc lié à la marque Striebig, et non à la SA Streibig ou à la personne de M. André Streibig. Les sociétés intimées ont légitimement proposé aux professionnels, déjà présentés comme monteurs agréés, de souscrire des contrats avec la SARL Striebig pour définir le montant de leurs rémunérations et les conditions de leur intervention pour le montage et la maintenance des machines de marque Striebig.

Au surplus, aucune clause d'exclusivité ne figure aux contrats, et les monteurs agréés pour la marque Striebig semblent libres de conserver heurs relations avec les parties appelantes.

3.2-4 Le retard ou le refus de livraison de pièces détachées :

Les parties appelantes font grief aux sociétés intimées de ne leur livrer qu'irrégulièrement des pièces détachées destinées à l'entretien licite du parc de machines vendues, et ce, en raison de pratiques de M. Mesange et au prétexte d'une limitation de la garantie d'assurance crédit.

Elles produisent l'attestation de M. Beckers, employé de la SAS André Streibig, qui rapporte que téléphoniquement, M. Mesange (devenu salarié de la SARL Striebig) lui avait dit que le délai de livraison était à " perte de vue ". Mais il ne peut en être tiré la preuve de la volonté des sociétés intimées de perturber la livraison des pièces détachées commandées par les parties appelantes.

Les parties appelantes fournissent également l'explication que la SARL Striebig leur a donnée le 18 octobre 2000 : " La société d'assurance crédit avec laquelle nous travaillons a annulé la couverture concernant votre société ; nous sommes donc obligés de vous réclamer un règlement par chèque avant livraison ".

L'exigence d'un règlement par anticipation n'apparaît aucunement déloyale. Le grief n'est pas fondé, surtout si l'on sait que la SA Streibig restait devoir 107 270,38 F.

3.2 -5 La copie des tarifs :

Les parties appelantes reprochent aux sociétés intimées d'avoir copié les tarifs édités par la SA Streibig en 1999 pour créer une confusion dans l'esprit de la clientèle.

Le tarif édité en juillet 2000 par la SARL Striebig comporte de nombreux prix identiques à ceux mentionnés au tarif édité en juillet 1999 par la SA Streibig. Ces similitudes ne manifestent pas l'intention de provoquer une confusion puisqu'iI s'agit des mêmes machines, toujours fabriquées par la même société Striebig AG.

Au contraire, il faut observer que certaines machines nouvelles ou certains accessoires figurent au tarif de la SARL Striebig, tandis qu'ils n'étaient pas mentionnés au tarif de la SA Streibig, comme par exemple, l'isolation pour pays tropicaux ou l'emballage maritime pour le modèle " Econom II ATRK ".

Surtout, il faut noter qu'hormis l'apposition verticale de la même marque Striebig sur le bord droit des pages, les documents diffèrent par leur présentation typographique.

3.2-6 Le recours au même assureur-crédit et aux mêmes transporteurs :

Aucune confusion ne peut avoir été provoquée dans l'esprit de la clientèle par les circonstances, habituellement inconnues d'elle, que comme la SA Streibig, la SARL Striebig a contracté avec la société Gerling-Namur, assureur-crédit, et avec les transporteurs Exapac et Ducros.

Aucun acte de concurrence déloyale ne peut donc être imputé aux sociétés intimées.

Sur la demande en responsabilité pour l'exécution provisoire du jugement entrepris

Le respect d'une décision de justice n'a jamais de caractère fautif.

Il ne peut être reproché aux sociétés intimées d'avoir fait mettre à exécution les dispositions du jugement entrepris qui étaient exécutoires par provision.

Elles seront déboutées de leur demande en déclaration de responsabilité de ce chef.

Au regard du préjudice subi par les sociétés intimées, sont parfaitement justifiées les mesures d'expertise ordonnées et la provision fixée.

Les sociétés intimées soumettent de nouvelles prétentions à l'auteur d'appel. Par application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, elles sont recevables parce qu'elles sont provoquées par la révélation d'un fait, à savoir la commercialisation des scies " Premium ", " Classic " et " Economic ".

A l'exception de la déclaration de servilité de la copie, les dispositions du jugement entrepris seront donc confirmées et étendues aux modèles visés à la demande additionnelle des sociétés intimées. La partie intervenante Putsch-Meniconi sera donc satisfaite en sa demande tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré que la scie " Prestige " était la copie servile des scies de la société Striebig. Mais elle n'établit pas le préjudice qu'elle aurait subi des démarches que les sociétés intimées auraient faites auprès de leurs partenaires commerciaux. Il apparaît au contraire que la société Putsch-Meniconi a elle-même réalisé le changement de couleur et la modification technique qui ont accentué la ressemblance de la scie " Prestige " avec les scies Striebig. Il n'y a donc pas lieu de réserver ses droits à réparation.

Les parties appelantes seront déboutées de heurs demandes reconventionnelles.

Faute pour les sociétés intimées de justifier d'une baisse des ventes sur le marché français, il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de la provision à valoir sur I'indemnisation des préjudices qui seront chiffrés après l'expertise ordonnée.

II apparaît conforme à l'équité que les parties appelantes et la société intervenante contribuent aux frais irrépétibles qu'elles ont contraint les sociétés intimées d'exposer.

Conformément aux dispositions de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, les dépens seront mis à la charge des parties appelantes qui succombent.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré en dernier ressort ; Déclare l'appel recevable ; Confirme le jugement entrepris, seul en ce qu'il a déclaré que la scie verticale "Prestige" est une copie servile de la scie verticale " Standard " de la société Striebig AG ; Précise que les montants exprimés en francs dans le dispositif du jugement confirmé doivent être lus comme suit : - la somme de 50 000 F pour 7 622,45 euros ; - la somme de 100 000 F pour 15 244,90 euros ; la somme de 20 000 F pour 3 811,23 euros ; la somme de 5 000 F pour 762,25 euros ; Y ajoutant, Interdit à la SAS André Streibig et a M. André Streibig, sous astreinte de 1 500 euros (mille cinq cents euros) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, de commercialiser les scies verticales " Premium ", " Classic " et " Economic ", mais uniquement en ce qu'elles sont en couleur rouge sur fond blanc et en ce qu'elles comportent des rouleaux freinés débrayables par pédale, restriction qui doit également être étendue à la scie " Prestige " ; Condamne solidairement la SAS André Streibig, M. André Streibig et la société Putsch-Meniconi à verser à la société Striebig AG et à la SARL Striebig, ensemble, la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne la SAS André Streibig et M. André Streibig aux entiers dépens.