CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 19 novembre 1998, n° 3275-96
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Stand Auto (SARL), Malet
Défendeur :
Europcar (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assié
Conseillers :
Mme Laporte, M. Maron
Avoués :
SCP Bommart-Minault, SCP Merle & Carena-Doron
Avocats :
Mes Protat, Bensard.
Faits et procédure :
Le 15 septembre 1987, la société Europcar a conclu avec la société Stand Auto un contrat d'agent Europcar afin d'exploiter la location de véhicules au public, dans le secteur du 11ème arrondissement de Paris.
Ce contrat était d'une durée déterminée. Un autre contrat lui a fait suite, portant diverses modifications et ce, jusqu'à la rupture des relations commerciales le 31 décembre 1993.
Les parties n'ont pas trouvé d'accord permettant la poursuite de leurs relations commerciales.
La société Europcar a ouvert une station de location à sa marque, près du lieu d'exploitation de la société Stand Auto.
La société Stand Auto a remplacé l'exploitation de la marque Europcar par celle de la marque Avis.
La société Stand Auto et Monsieur Malet, agissant tant à titre personnel, qu'en sa qualité de gérant de la société Stand Auto, ont fait assigner la société Europcar, le 11 avril 1994, afin d'entendre le tribunal de commerce de Versailles dire que la société Europcar avait pris l'initiative unilatérale de ne pas renouveler le contrat d'agent commercial exclusif de la société Stand Auto et de Monsieur Malet par sa lettre recommandée du 27 septembre 1993 à effet au 1er janvier 1994.
Ils estimaient que cette rupture ouvrait droit à une indemnité d'un montant de 1 327 164 F HT en application de la loi du 25 juin 1991 et à une autre de 8 525 940 F HT au titre de la perte des commissions de trois années.
Ils demandaient encore 4 711 704 F HT pour la perte des commissions de la dernière année, 2 243 668 F HT pour dépréciation du fonds de commerce, 1 570 568 F HT pour préjudice commercial et 631 603 F HT de rappel de commissions.
Ils sollicitaient enfin 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Stand Auto et Monsieur Malet exposaient qu'un contrat d'agent exclusif avait été conclu entre Europcar et Monsieur Malet, ès-qualités de gérant de la société Stand Auto, pour une durée de un an du ler octobre 1987 au 30 septembre 1988, que la tacite reconduction en était exclue, mais que la partie qui ne signerait pas un nouveau contrat, devrait prévenir l'autre partie dans les trois mois précédant l'expiration du contrat.
Ce contrat avait pour Europcar un caractère personnel qu'elle que soit la forme de l'entreprise.
Il était accordé à l'agent commercial une rémunération par commission mensuelle de 20 % du chiffre d'affaires. Europcar assurait les véhicules et prenait en charges le gros entretien et les réparations.
Europcar avait laissé le contrat se renouveler en 1989, accordant en mai 1989 une commission de 30 % et une super commission pouvant atteindre 10 % du chiffre d'affaires, par lettre du 3 mai 1989, elle prévoyait une nouvelle implantation géographique exclusive.
Un nouveau contrat avait été signé le ler juillet 1989, comprenant le secteur de Paris Nation, pour une période de 18 mois, du ler juillet 1989 au 31 décembre 1990, le contrat prévoyait son renouvellement par périodes d'un an, sauf dénonciation trois mois avant le terme du contrat.
La date du 31 décembre 1990 étant passée, sans qu'un nouveau contrat soit établi, le contrat s'était poursuivi, mais il est devenu à durée indéterminée.
Monsieur Malet et la société Stand Auto s'étaient acquittés de leurs obligations puisqu'ils avaient reçu les félicitations de la marque.
En décembre 1991 et janvier 1992, la société Europcar avait proposé à la société Stand Auto un nouveau contrat d'une durée de trois ans, ce projet comportait une clause nouvelle et exorbitante par rapport aux précédentes relations commerciales. Elle modifiait la substance du contrat.
La clause 4-3 dénommée "responsabilité de l'agent" prévoyait, en effet que si un véhicule était détourné et non retrouvé, suite au non-respect par l'agent des normes Europcar, l'agent serait redevable de la valeur comptable du véhicule et du coût de sa location. S'il était retrouvé accidenté, l'agent devrait payer le coût des éventuelles réparations. S'il était retrouvé en bon état, l'agent devrait payer le coût de la location.
Les sommes dues devaient être compensées avec les commissions de l'agent.
La société Europcar pourrait résilier le contrat au troisième détournement,
Cette clause était de nature à mettre en péril l'entreprise de l'agent commercial, les véhicules haut de gamme étant l'objet de vols fréquents.
Monsieur Malet et la société Stand Auto avaient demandé la suppression de cette clause et la société Europcar avait sommé la société Stand Auto et Monsieur Malet de l'accepter, précisant qu'à défaut elle mettrait fin à leur collaboration.
Finalement, la société Europcar avait pris l'initiative de la rupture, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 1993.
Ensuite, Europcar avait établi une nouvelle agence Boulevard Voltaire, à proximité du centre de location, détournant la clientèle.
Par son attitude abusive et dolosive, Europcar tentait d'imposer à son agent une clause léonine, ce qui ouvrait également droit à indemnisation.
L'agent commercial a droit à une indemnité correspondante à la moyenne des commissions touchées au cours des cinq dernières années.
La rupture fautive des relations contractuelles débutées en 1987 et poursuivies ensuite, justifiait du versement de dommages et intérêts du montant des commissions des trois années, somme que les demandeurs auraient dû percevoir durant cette période.
En outre, le fonds de commerce avait subi une dépréciation représentant la valeur de 50 % du chiffre d'affaires annuel et il y avait lieu d'indemniser aussi le préjudice commercial et la perte de l'enseigne.
Un rappel de commissions était, en outre, dû sur les années 1991, 1992 et 1993, puisque celles-ci étaient prévues au contrat au taux de 40 % du chiffre d'affaires et qu'elles avaient été payées au taux de 35 %.
La loi du 25 juillet 1991 et la directive 86-653 du Conseil des Communautés Européennes sont, selon la société Stand Auto et Monsieur Malet, applicables au litige.
Conformément à la jurisprudence (cass. civ. 1er janvier 1984) faute de dénonciation du contrat, celui-ci s'est trouvé reconduit du ler janvier 1991 au ler janvier 1994, la tacite reconduction d'un contrat à durée déterminée, n'emportant pas prolongation du contrat d'origine, mais donnant naissance à un nouveau contrat à durée indéterminée.
Il était, selon la société Stand Auto et Monsieur Malet, inexact d'affirmer que la clause exorbitante que la société Europcar avait voulu imposer, ne concernerait que les mandataires qui ne respecteraient pas la procédure édictée pour la remise des véhicules, une erreur d'un préposé étant toujours possible.
Il était par ailleurs faux de prétendre que les autres agents Europcar auraient accepté ladite clause, les sept contrats versés aux débats ne reflétant pas l'état réel du nombre d'agents qui n'y sont pas soumis, notamment ceux du réseau Elf.
La société Europcar exposait pour sa défense qu'elle avait accepté de modifier le contrat qu'elle avait proposé initialement à la société Stand Auto.
La première mouture prévoyait que si un véhicule était détourné pendant la durée du contrat, suite au-non respect par l'agent des normes Europcar précisées dans le contrat, et n'était pas retrouvé dans un délai de 30 jours suivant le dépôt de la plainte, l'agent serait redevable de la valeur comptable du véhicule et du coût de la location au tarif convenu avec le locataire, jusqu'au jour du dépôt de plainte.
L'agent acceptait expressément que les sommes précédemment définies se compensent avec les commissions mensuelles dues par Europcar.
Europcar aurait la faculté de résilier le contrat, conformément à son article 7, dès le troisième détournement, ce qu'acceptait l'agent, sans préjudice de tous dommages et intérêts.
Les clauses relatives à la compensation du paiement et à la résiliation ont été supprimées, dans la seconde mouture du contrat proposé à Stand Auto.
Cependant, la société Stand Auto soutenait que cette clause aurait mis en péril la pérennité de l'entreprise, car les véhicules haut de gamme sont l'objet de vols fréquents.
Selon la société Stand Auto tout rapprochement était devenu impossible, la société Europcar refusant de supprimer la clause 4-3 . C'est pourquoi la société Europcar avait mis fin au contrat par lettre recommandée du 17 septembre 1993, avec effet au 31 décembre 1993.
Europcar précisait que le contrat conclu le ler juillet 1989 était un contrat à durée déterminé, antérieur à la loi du 25 juin 1991 qui ne s'applique qu'aux contrats conclus aprés son entrée en vigueur, et, à compter du 1er janvier 1994, à l'ensemble des contrats en cours à cette date (article 20). Le contrat initial est donc antérieur à l'application de la loi.
Il s'agit toujours du même contrat de juillet 1989 qui s'est poursuivi automatiquement, sans aucune expression de la volonté des parties, non pas pour une durée indéterminée, mais par des périodes successives d'un an, la volonté d'une des parties ne s'est manifestée que pour y mettre fin.
Ce contrat est donc bien un contrat à durée déterminée.
Le décret du 23 décembre 1958, n'est applicable qu'aux agents commerciaux inscrits au registre spécial, que c'est cette immatriculation qui confère le statut d'agent commercial.
Monsieur Malet et la société Stand Auto n'établissent pas avoir été immatriculés à ce registre. Dans ce cas, la forme juridique du contrat est celle d'un "mandat d'intérêt commun".
Aux termes d'un contrat de droit commun, ce qui est le cas de celui conclu entre les sociétés Europcar et Stand Auto, cette dernière était responsable vis-à-vis de la société Europcar des fautes qu'elle pouvait commettre dans l'exécution de son mandat, notamment en ne respectant pas les instructions de la société Europcar.
La société Stand Auto devait alors en répondre. Par contre, Si elle n'avait pas commis de faute, sa responsabilité n'était pas engagée.
C'est pourquoi une clause des contrats de la société Europcar, prévoit qu'en cas de vol d'un véhicule, celui-ci n'est assuré qu'au tiers illimité par Europcar. La clause relative au vol se retrouve dans tous les contrats et dans les projets de nouveaux contrats.
Cette clause ne vise absolument pas les cas de vols de véhicules, dont l'agent n'est pas responsable, mais les cas de détournement de véhicule à la suite de la faute de l'agent qui n'a pas respecté les procédures de Europcar.
Contrairement à ce que dit Stand Auto, il ne s'agit pas de mettre à la charge des agents tous les vols de véhicules, mais uniquement les détournements dus à une faute de l'agent ou de ses préposés, que ces détournements sont rares et que l'adjonction de cette clause dans le contrat n'était pas indispensable, puisque de toute facon, cette responsabilité est de droit commun. Europcar voulait seulement sensibiliser ses agents sur le respect de sa procédure.
Le nouveau contrat, transmis par Europcar le 19 décembre 1991, devait être conclu pour une durée de trois ans à compter du ler janvier 1992.
Par suite des observations de Stand Auto un nouveau contrat a été établi et adressé le 2 juillet 1992.
Ce projet a été retourné signé par Monsieur Malet, avec la mention "exclusion provisoire de la clause 4-3 d'Europcar". Il prétendait que la société Stand Auto lèverait cette réserve dès qu'elle aurait l'accord de ses assureurs. Cependant, suite à la relance d'Europcar du 15 janvier 1993, Stand Auto lui faisait savoir, sans apporter la preuve, qu'elle ne trouvait pas d'assureur et qu'elle ne s'engagerait à régler que le montant de la franchise inhérente à la catégonie du véhicule détourné.
Les parties ont poursuivi la négociation mais la société Stand Auto est restée sur ses positions.
La société Europcar lui a alors indiqué ne pas vouloir renouveler le contrat à son échéance.
C'est donc la société Stand Auto qui a refusé de poursuivre ses relations contractuelles avec la société Europcar,
Les contrats d'Europcar avec ses autres agents sont sensiblement les mêmes, que cela démontre que la clause 4-3 n'est nullement abusive, et aussi qu'il est possible de s'assurer en responsabilité civile.
La société Europcar estime qu'elle n'a commis aucun abus de droit en proposant la clause 4-3 du contrat. Elle ne faisait que formaliser et aménager la responsabilité de droit du mandataire. Cette clause a été acceptée par les autres agents.
Dès lors, le non-renouvellement du contrat à durée déterminée conclu entre les sociétés Europcar et Stand Auto ne peut générer aucune indemnité au profit de la société Stand Auto ou de Monsieur Malet.
En ce qui concerne les autres demandes d'indemnisations, la société Stand Auto et Monsieur Malet ne sont pas licenciés de la marque. Ils n'ont aucun droit sur elle et ne peuvent réclamer une indemnisation pour préjudice commercial et perte de l'enseigne.
La fin des relations commerciales étant intervenues le 1er janvier 1994, il n'y a pas eu la perte des commissions de trois années.
En outre, la société Stand Auto ne peut prétendre avoir souffert de la résiliation de son contrat, dans la mesure où elle a continué de prospecter la clientèle pour le compte de la société Avis, dont elle est devenue l'agent peu de temps apres la résiliation, compensant ainsi son manque à gagner.
Elle loue des véhicules Avis et n'a subi aucune dépréciation de son fonds de commerce.
En ce qui concerne sa demande de paiement d'un appel de commissions, le contrat du ler juillet 1989 fixait la commission à 30 % du chiffre d'affaires, une super commission pouvant atteindre 10 % était prévue à condition que celle-ci fasse l'objet d'un avenant annuel, ce qui n'a pas été le cas.
Par lettre du 29 mai 1990, la commission de la société Stand Auto a été portée à 35 % du chiffre d'affaires, mais pas à 40 %.
Par un jugement déféré en date du 23 février 1996, le tribunal de commerce de Versailles a déclaré irrecevable l'action personnelle de Monsieur Malet et a rejeté la qualification d'agent commercial de la société Stand Auto. En outre, le tribunal a rejeté la requalification du contrat en un contrat à durée indéterminée et déclare infondées les demandes tendant à voir réparer les conséquences de la rupture et la diminution de la valeur du fonds de commerce ainsi que le préjudice commercial.
Appelants de cette décision, la société Stand Auto et Monsieur Malet font tout d'abord grief aux premiers juges d'avoir statué ultra-petita estimant qu'il n'y avait aucun lien juridique entre la société Europcar et Monsieur Malet alors que le contrat tel qu'il a été rédigé revêtait un caractère personnel.
En outre, ils considèrent qu'ils relèvent du statut des agents commerciaux comme l'indique l'intitulé même du contrat. En conséquence, la tacite reconduction prévue au contrat du 1er juillet 1989 en a fait un contrat à durée indéterminée et leur ouvrant, en conséquence, droit à l'indemnité de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991. Au surplus, le contrat a continué jusqu'à son apurement intervenu au mois d'avril 1994. Les appelants s'estiment fondés à recevoir une indemnité équivalente à la moyenne des commissions perçues au cours des cinq dernières années, soit 1 327 164 F HT.
Par ailleurs, ils considérent devoir être indemnisés de la rupture des relations contractuelles, rupture imputable à la société Europcar. Cette dernière a, en effet, voulu leur imposer, lors de la négociation d'un nouveau contrat, une clause par laquelle ils devaient assumer la valeur comptable de tout véhicule détourné. Compte tenu de cette valeur et du refus des assureurs de prendre en charge ce risque, la clause était de nature à mettre en peril l'économie d'une société à responsabilité limitée. D'autre part, la société Europcar s'est établie à proximité de leur fonds détournant de façon abusive la clientèle créée par leur travail. Il convient de leur allouer une indemnité de 4 711 704 F HT au titre de la rupture abusive, 2 243 668 F HT au titre de la dépréciation du fonds de commerce, 1 570 568 F HT au titre du préjudice commercial et perte d'enseigne, outre le rappel des commissions s'élevant à 631 663 F HT avec intérêts de droit. Ils sollicitent, en outre, l'allocation de 80 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la capitalisation des intérêts.
La société Europcar, intimée, conclut à la confirmation du jugement. Elle rejette l'existence d'un quelconque lien de droit entre la société Europcar et Monsieur Malet, gérant de la société Stand Auto. Au principal, elle réfute l'application en l'espèce de la loi du 25 juin 1991, au motif que le contrat du ler juillet 1989 est un contrat à durée déterminée conclu avant la loi du 25 juin 1991. Ce même contrat s'est poursuivi automatiquement sans aucune expression de volonté des parties pour des périodes successives d'un an. La jurisprudence relative au décret du 23 décembre 1958 a jugé qu'un contrat à durée déterminée renouvelable par tacite reconduction ne se transformait pas en un contrat à durée indéterminée. D'autre part, la société Europcar soutient que le contrat litigieux ne s'est pas poursuivi au-delà du 31 décembre 1993. Durant les premiers mois de l'année 1994, la société Europcar n'a fait que reprendre progressivement les matériels lors de leur retour à l'agence.
En outre, la société Europcar relève que l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux conditionne l'application du statut. A défaut, le contrat est un mandat d'intérêt commun. Aussi n'a-t-elle fait que rompre un contrat à durée determinée en respectant le délai du preavis.
En second lieu, la société Europcar considère qu'il n'y a pas eu abus de droit dans le renouvellement du contrat. Seul, l'abus peut ouvrir le droit à indemnisation du mandataire et il ne peut en être ainsi d'une clause contenue dans le nouveau contrat qui rappelle les obligations du mandataire et porte sur sa responsabilité au titre du droit commun. Cette responsabilité de droit commun ne fait que sanctionner la faute du mandataire. Tel était l'objet de la clause 4-3 du contrat refusée par la société Stand Auto qui en a subordonné l'application à l'obtention d'une police d'assurance contre le vol alors qu'il s'agissait d'une assurance responsabilité civile professionnelle.
En outre, la société Europcar soutient que les conditions du nouveau contrat étaient acceptables et plus favorables que certaines autres acceptées par d'autres agents.
Subsidiairement, si la loi du 25 juin 1991 était applicable, la société Europcar soutient que la cessation des relations résulte de l'initiative de l'agent et n'ouvre pas droit à indemnité.
Trés subsidiairement, la concluante conteste l'évaluation du préjudice des appelants. Que ceux-ci ne peuvent cumuler l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive CEE du 18 décembre 1986 et celle prévue par la loi du 25 juin 1991.
Enfin, elle conteste le rappel des commissions sollicité par la société Stand Auto au motif que celle-ci n'avait contractuellement droit qu'au commissionnement de 35 % à partir du 1er janvier 1991 et non celui de 40 % comme elle le prétend.
En tout état de cause, la société Europcar sollicite l'allocation de 80 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce LA COUR
- Sur le grief d'ultra-petita :
Attendu que le juge ne fait droit aux demandes que s'ils les estime régulières, recevables et bien fondées ;
Attendu qu'en écartant les demandes formées par Monsieur Malet en son nom personnel après avoir estimé que celui-ci n'avait jamais contracté avec la société Europcar en cette qualité les premiers juges n'ont fait qu'appliquer la loi, dès lors qu'il ne leur est pas reproché d'avoir méconnu les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, au fond, sur les demandes de Monsieur Malet que le contrat dont il se prévaut pour former ses demandes a été signé entre la société Europcar International et cie et la société Europcar France, désignées comme Europcar, d'une part, et "Monsieur Christian Malet gérant société Stand Auto", d'autre part ;
Attendu que si, compte tenu de cette formulation imprécise des parties contractantes, il existe une ambiguïté, il appartient au juge de l'interpréter ;
Attendu que l'indication selon laquelle Monsieur Malet est "gérant de la société Stand Auto" conduit à interpréter ce contrat comme signé, par Monsieur Malet, en cette qualité, qu'aucun élément, par contre, ne permet de considérer, faute de précisions, qu'il aurait, en outre, contracté à titre personnel qu'en particulier les stipulations de l'article 1er de cette convention, selon lesquelles le contrat a un "caractère personnel" n'impliquent nullement - au contraire - un engagement personnel, distinct, de Monsieur Malet ;
- Sur la demande de rappel de commissions :
Attendu qu'aucun document contractuel ne justifie cette demande ; qu'il y a lieu de l'écarter ;
- Sur la nature des relations contractuelles et ses conséquences :
Attendu que si le contrat est désigné, par les parties, comme un "contrat d'agent Europcar", cette indication, qui n'est au demeurant pas même une qualification ne saurait lier le juge auquel il appartient de restituer, le cas échéant, leur exacte qualification aux actes juridiques qui lui sont soumis ;
Attendu que les relations contractuelles qui se sont nouées entre les sociétés Stand Auto et Europcar ont débuté par la signature du contrat en date du 16 septembre 1987 ; que l'article 5 de ce contrat prévoyait que celui-ci était "conclu pour une durée déterminée de 1 an" à compter du 1er octobre 1987 et excluait "toute tacite reconduction";
Attendu que les parties ont ensuite, le 1er juillet 1989, signé un nouveau contrat, pour une durée de dix huit mois ; que ce contrat devait, sous les mêmes réserves, se renouveler par périodes d'un an ;
Attendu que ce second contrat n'a pas été dénoncé avant le 27 septembre 1993 ; que la dénonciation effectuée à cette date visait les stipulations de l'article 5 selon lesquelles "la partie qui ne désirerait pas signer un nouveau contrat devra(it) prévenir l'autre par lettre recommandée dans les 3 mois qui precéd(eraient) l'expiration du... contrat" ;
Attendu qu'il en résulte que ce contrat s'est renouvelé pour des durées à chaque fois déterminées, d'un an, conformément aux stipulations de l'article 5 selon lesquelles à son expiration (31 décembre 1990), le contrat serait "renouvelé par période (sic) de un an" ;
Attendu en effet que, contrairement aux prétentions de Monsieur Malet et de la société Stand Auto, le renouvellement s'est, conformément aux stipulations contractuelles, renouvelé à chaque fois pour des durées déterminées, conformément aux prévisions contractuelles, aucune disposition législative applicable au contrat en question n'édictant, que le renouvellement aurait un effet sur la nature du contrat qui deviendrait à durée indéterminée ; qu'il en est d'autant plus ainsi que les parties avaient expressément prévu que le renouvellement tacite aurait pour effet de reconduire les relations contractuelles pour une durée différente (un an) de celle des relations initiales (dix-huit mois) ;
Attendu que le renouvellement du contrat s'analyse non comme la création d'un rapport juridique nouveau, mais comme la poursuite du rapport préexistant ;
Attendu que si la société Europcar a, le 27 septembre 1993, notifié à la société Stand Auto que le contrat ne se renouvellerait pas à l'échéance du 31 décembre 1993, la société Stand Auto en a contesté les termes par lettre en date du 4 octobre 1993; que les parties sont demeurées en rapport contractuel jusqu'en avril 1994, comme cela résulte des pièces versées aux débats, notamment de la pièce 25 (journal des ventes locations agents) ainsi que des factures émises par la société Stand Auto en paiement de commissions jusque et inclusivement en mars 1994 et réglées par la société Europcar et du fait que cette dernière société a laissé à disposition de la société Stand Auto sa flotte de véhicules;
Attendu que les relations contractuelles s'étant poursuivies au-delà du 31 décembre 1993 et le contrat était demeuré en cours, d'accord entre les parties, il en est résulté que celui-ci est entré dans le champ d'application de la loi du 25 juin 1991, la société Stand Auto, professionnel indépendant, étant chargé de conclure des contrats de location au nom et pour le compte de la société Europcar;
Attendu en conséquence que la société Stand Auto est fondée à demander, sur le fondement de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, condamnation de la société Europcar, qui a eu l'initiative de la rupture du contrat, à lui payer une indemnité compensatrice, dont le montant, non contesté, correspond à une année d'indemnités calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées au cours des cinq dernières années, soit 1 327 164 F HT ;
- Sur le caractère abusif ou non de la rupture :
Attendu qu'il était légitime, de la part de la société Europcar, de chercher à renégocier les termes de la convention qui la liait à la société Stand Auto et qui venait à expiration ;
Attendu que les termes du contrat proposé, en particulier en ce qu'ils concernent la responsabilité de l'agent Europcar (article 4.3), n'apparaissent pas comme de nature à mettre en cause l'équilibre du contrat, non plus que de nature à modifier fondamentalement le contenu des relations antérieures la clause prévue à l'article 4.3 du projet de contrat n'étant, contrairement aux allégations de la société Stand Auto, nullement "exorbitante du contrat précédent" ; que, pour autant, la société Europcar était bien fondée à accorder une importance déterminante à la signature de nouveaux contrats avec ses agents ;
Attendu en conséquence qu'il n'y a pas eu de faute, de la part de la société Europcar à décider de mettre un terme à ses relations contractuelles avec la société Stand Auto devant l'échec des pourparlers destinés à la mise en œuvre de nouvelles relations contractuelles ; qu'il y a lieu, dès lors, de débouter la société Stand Auto de ses demandes de dommages-intérêts ;
- Sur les autres demandes de dommages-intérêts formées par la société Stand Auto :
Attendu que la société Stand Auto demande, en outre, les sommes de 4 711 704 F HT pour perte de commissions sur une durée de trois ans correspondant à la durée du projet de contrat, 2 243 668 F HT pour dépréciation du fonds de commerce et 1 570 568 F HT pour préjudice commercial et perte d'enseigne avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et anatocisme ;
Attendu que les préjudices allégués, à les supposer existants, découleraient de la rupture laquelle, comme il vient d'être précisé, n'est pas constitutive d'une faute de la part de la société Europcar; que le fait, de la part de cette société, d'avoir établi une nouvelle agence relativement proche de celle qui était exploitée par la société Stand Auto n'est, en l'absence d'autres éléments, pas constitutive, par elle-même, d'une faute, dès lors qu'aucune des stipulations du contrat qui la liait à la société Stand Auto n'excluait une telle faculté; qu'au demeurant, la société Stand Auto exploite, de son côté, une nouvelle enseigne ; qu'il ne saurait, dès lors, être fait droit à ses demandes de dommages-intérêts;
Attendu que l'équité commande condamnation de la société Europcar à payer à la société Stand Auto la somme de 80 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Statuant publiquemont et contradictoirement, - Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, - Dit que la société Europcar SA devra payer à la société Stand Auto SARL la somme de 1 327 164 F HT d'indemnité compensatrice, - Déboute la société Stand Auto SARL du surplus de ses demandes, - Dit Monsieur Christian Malet irrecevable en ses demandes, - Dit que la société Europcar SA devra payer à la société Stand Auto SARL la somme de 80 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, -Dit qu'elle devra supporter les dépens, - Admet la SCP Bommart-Minault au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.