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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 9 octobre 1998, n° 96-01602

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Spir Communication (SA)

Défendeur :

Comareg (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

Mmes Robert, Martin

Avoués :

SCP Brondel-Tudela, Me Barriquand

Avocats :

Mes Omaggio, Delsart.

T. com. Lyon, du 6 févr. 1996

6 février 1996

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Les sociétés Spir Communication et Comareg éditent et distribuent toutes deux sur l'ensemble du territoire national, des journaux gratuits de petites annonces.

Elles occupent les toutes premières places sur ce marché.

La société Comareg a demandé à l'Institut BVA une étude sur l'audience de plusieurs de ses publications.

A partir des résultats de cette étude, elle a notamment publié une pochette destinée aux clients du journal "Bonjour Inter 7 Le Havre", pochette destinée à leur remettre des propositions de plans médias.

Elle a, par ailleurs, publié dans le journal de l'Essonne des publicités reprenant certains résultats de l'étude réalisée dans le département de l'Essonne.

La société Spir estimant qu'il s'agissait d'une publicité comparative illicite et dénigrante, a assigné, par acte en date du 6 février 1996, la société Comareg en paiement de dommages et intérêts, en interdiction sous astreinte d'une telle publication.

Par jugement en date du 6 février 1996, le Tribunal de Commerce de Lyon a :

- débouté la société Spir Communication de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Comareg ;

- condamné la société Spir Communication à payer à la société Comareg la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Spir Communication demande à la Cour :

- de condamner la société Comareg à lui payer la somme de 250.000 F, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi.

- d'ordonner par ailleurs l'interdiction de poursuivre toute nouvelle diffusion d'une telle publicité sous astreinte de 10.000 F par jour et par publicité illicite, à compter de l'arrêt à intervenir ;

- d'ordonner la publication de la décision qui sera prononcée dans trois journaux à son choix ainsi que dans ses journaux dans la zone litigieuse et ce aux frais de la société Comareg, sans que le prix unitaire de publication ne puisse dépasser la somme de 5.000 F HT;

- de condamner la société Comareg à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir à l'appui de ses prétentions :

- qu'aucun élément de fait ou de droit ne permet de constater que les publicités litigieuses ne concernent que des annonceurs professionnels et partant excluent le principe même de toute distribution au public et au consommateur ;

- que les publicités litigieuses ne lui ont pas été communiquées préalablement à leur diffusion ;

- que les critères de comparaison avancés par la société Comareg ne sont pas objectifs ni sérieux mais contestables, aléatoires et erronés;

- que les publicités comparatives sont dénigrantes et partant font état d'une concurrence déloyale ;

- que l'identification du premier concurrent dans l'Essonne est aisée.

La société Comareg requiert la confirmation de la décision déférée et la condamnation de la société Spir au titre des frais exposés devant la Cour d'Appel au paiement de la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient :

- que le reproche de défaut de communication ne peut que concerner les publicités "Bonjour de l'Essonne" et que les pochettes destinées aux clients du journal "Bonjour Inter 7 Du Havre" ne sont pas destinées à des consommateurs;

- que ce reproche n'est pas fondé dans la mesure où l'article L. 121-8 doit être interprété de façon restrictive et a pour but d'éviter des poursuites en contrefaçons de marque pour l'auteur de la publicité comparative;

- que le titre de la société Spir n'était pas identifiable;

- qu'en tout état de cause, il n existe aucune sanction civile du défaut de communication préalable;

- que BVA atteste que les résultats des études réalisés conformément aux règles en usage dans la profession dont il est fait état dans les documents commerciaux correspondent à ceux enregistrés lors des études ;

- que la publicité n'est pas dénigrante;

- qu'aucun élément ne permet d'apprécier le préjudice.

MOTIFS ET DECISION :

Attendu que la société Comareg a diffusé dans son journal gratuit d'Evry des annonces mentionnant :

"Une parution dans "Bonjour" touche autant de personnes que quatre passages dans le premier concurrent qui dit mieux ? Etude réalisée par BVA en mars, avril 1995 par téléphone auprès d'un échantillon de 300 personnes représentatives de l'Essonne, âgées de quinze ans et plus."

"Pour passer leurs petites annonces, 60 % des habitants de l'Essonne choisissent "Bonjour" qui dit mieux, étude BVA réalisée après avril 1995 par téléphone auprès d'un échantillon de 300 personnes représentatives de la population de l'Essonne, âgées de quinze ans et plus, le texte étant assorti d'une illustration faisant apparaître que le gratuit Comareg représente 60 % des clients, le premier quotidien régional 13 % et 10 % pour le premier concurrent."

"42 % des habitants de l'Essonne déclarent faire confiance à "Bonjour" pour acheter ou vendre par petites annonces qui dit mieux, étude réalisée en mars, avril 1995 par téléphone auprès de 300 personnes représentatives de la population de l'Essonne, âgée de 15 ans et plus, le texte étant assorti d'une illustration faisant que le gratuit Comareg représente 42 % des clients, le premier quotidien régional 15 % et 6 % pour le premier concurrent.";

Attendu que la Comareg a diffusé en outre au Havre aux annonceurs potentiels, une plaquette publicitaire avec comme titre "des lecteurs nombreux et attentifs" faisant apparaître que le journal Comareg est le plus lu et le plus efficace.

Attendu qu'il ressort que la société Spir est identifiable et que la société Comareg ne conteste pas l'applicabilité de la loi du 18 janvier 1992.

Attendu que l'article L. 121-8 du Code de la Consommation dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 1992 concerne la publicité qui met en comparaison des biens ou des services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui;

Qu'elle n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur ;

Qu'elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou de services de même nature et disponibles sur le marché ;

Attendu que l'article L. 121-12 précise qu'avant toute diffusion, l'annonceur communique l'annonce comparative aux professionnels susvisés dans un délai au moins égal à celui exigé selon le type de support retenu pour l'annulation d'un ordre de publicité ; Que cette disposition est destinée à permettre au concurrent critiqué de réagir commercialement et/ou de saisir le juge des référés ;

Attendu qu'à cet égard, la société Spir soutient que la société Comareg n'a pas effectué de communication et que de ce fait sa publicité a en conséquence un caractère illicite ;

Mais attendu qu'il apparaît que cette obligation de communication est dépourvue de sanction spécifique, la loi renvoyant à l'article 1382 du Code Civil et à la répression de la publicité trompeuse ;

Qu'au surplus si l'on considérait qu'une publicité sans communication préalable est illicite, il ressort des dispositions légales, elles-mêmes, qu'elle est sans application lorsque l'entreprise, objet de la comparaison, n'est pas expressément désignée;

Qu'en outre l'article précité apparaît devoir être d'interprétation restrictive dans la mesure où étendre son application au cas de marques ou d'enseignes identifiables créerait une incertitude le rendant difficilement applicable ;

Qu'il s'ensuit que sans qu'il y ait lieu de rechercher notamment si une Communication préalable devait être faite ou non pour les plaquettes publicitaires destinées aux annonceurs du Havre, le moyen invoqué par la société Spir communication ne peut être retenu ;

Attendu par ailleurs que la publicité comparative doit être véridique et que si elle porte sur des produits ou services, les critères de comparaison doivent être vérifiables ;

Que l'annonceur doit être en mesure de prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations ;

Attendu que en premier lieu, il convient de retenir qu'un sondage réalisé sur un échantillon de 300 personnes est susceptible de donner des résultats sérieux et objectifs ;

Attendu d'autre part que la société BVA atteste que les résultats des études réalisées conformément aux règles en usage dans la profession dont il est fait état dans les documents commerciaux correspondent à ceux enregistrés lors des études entreprises;que les résultats sur la couverture des titres sont issus de calculs médiaplanning sur les pourcentages observés sur l'indicateur d'habitude de lecture ;que les autres résultats correspondent aux pourcentages de réponses aux questions posées ;

Attendu que s'agissant de l'Essonne, la société Spir soutient que les zones de diffusion des journaux sont différentes d'un concurrent à l'autre et que les tirages doivent être relativisés pour déterminer la diffusion exacte dans le département que les tirages ne sont pas les mêmes ;

Mais attendu que cette contestation apparaît inopérante dans la mesure où les publicités ne font pas état d'une diffusion mais reproduisent les résultats d'une étude de BVA qui a une notoriété certaine en matière de sondage ;

Attendu d'autre part que les publicités ne sont pas contradictoires ; Qu'il n'existe pas de contradiction dans la mesure où les questions sont différentes puisque 42 % des personnes interrogées dans l'Essonne déclarent faire confiance à Comareg pour acheter ou vendre par petites annonces et ceux qui effectivement ont fait insérer une petite annonce sont 60 % à l'avoir fait dans le journal Comareg ;

Que à cet égard, la société Comareg verse aux débats un document expliquant comment le score de pénétration permet de déterminer le nombre de personnes touchées par le passage du message publicitaire dans le support ;

Attendu qu'en ce qui concerne la publicité effectuée au Havre, la plaquette "Merci Le Havrais" ne compare pas le nombre d'annonces et de numéros diffusés;

Attendu d'autre part, il n'apparaît pas que la différence de taille des personnages en proportion des chiffres qu'ils représentent constitue un dénigrement;

Attendu qu'ainsi la société Comareg justifie que sa publicité est loyale et véridique;

Qu'en conséquence la décision déférée doit être confirmée ;

Attendu que la somme allouée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doit être portée à 15.000 F ;

Attendu que la société Spir Communication doit être condamnée aux dépens d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, confirme la décision déférée, porte à 15.000 F la somme allouée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamne la société Spir Communication aux dépens d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître Barriquand, Avoué.