CA Paris, 4e ch. B, 1 février 2002, n° 2000-01171
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Première Vision Le Salon (SA), Association Première Vision - Tissus Création
Défendeur :
BTC International (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
Mmes Schoendoerffer, Regniez
Avoué :
SCP Bernabé-Chardin-Cheviller
Avocats :
Mes Champagner Katz, Lavalade.
L'association Première Vision - Tissus Création est titulaire de :
- la marque semi-figurative " Première Vision le salon ", déposée le 20 décembre 1995 et enregistrée sous le numéro 95.603.186, dans les classes 35, 41 et 42 pour désigner, notamment les services de : " organisation et conduite de salons professionnels, de défilés de mode. Information sur la mode, à savoir définition et présentation des tendances de mode et présentation des collections "
- la marque figurative " Première Vision ", déposée le 18 janvier 1995 et enregistrée sous le numéro 95.554.633 dans les classes 35, 41 et 42 pour désigner, notamment, " l'organisation et la conduite de salons professionnels, de présentation des tendances de mode et présentation de collections ",
- la marque nominative " Première Vision ", déposée le 16 novembre 1995 et enregistrée sous le numéro 95.598.308 dans les classes 35, 41 et 42 pour désigner, notamment, les services de : " organisation et conduite de salons professionnels, de défilés de mode. Information sur la mode, à savoir définition et présentation des tendances de mode et présentation des collections ".
La société Première Vision Le Salon, ci-après Première Vision, qui a pour activité l'organisation et l'exploitation de salons professionnels consacrés à la représentation de tissus français et européens, est titulaire d'une licence d'exploitation de ces trois marques et du droit d'utilisation du nom commercial Première Vision.
Reprochant à la société BTC International, d'avoir utilisé la dénomination " Première Vision " dans des brochures publicitaires à l'occasion d'une présentation de tissus thaïlandais, les 6 et 7 mars 1998 à l'hôtel Concorde Lafayette, alors que la société Première Vision organisait à Villepinte un salon pour la présentation des tissus des saisons Printemps-Eté 1999, les association et société Première Vision l'ont fait assigner aux fins de contrefaçon, concurrence déloyale, mesures d'interdiction et de publicité et paiement des sommes de 1 000 000 F, 500 000 F et 1 500 000 F à titre de dommages et intérêts.
BTC International a conclu au débouté de toutes les demandes en faisant valoir qu'elle n'avait utilisé la dénomination " Première Vision " que pour indiquer un itinéraire d'accès à son propre salon depuis un salon très connu se tenant à Villepinte.
Par jugement rendu le 13 avril 1999, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- dit qu'en diffusant des lettres d'information reproduisant la dénomination " Première Vision " la société BTC International a commis des actes de concurrence déloyale et une atteinte au nom commercial au détriment de la société Première Vision,
- interdit à la société BTC International l'usage de la dénomination Première Vision, et ce, sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée dès la signification de sa décision,
- ordonné la confiscation en vue de leur destruction des documents portant la dénomination " Première Vision ", aux frais de la société BTC International,
- condamné la société BTC International à payer à la société Première Vision la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- autorisé la société Première Vision à faire publier le dispositif de sa décision dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société BTC International, et ce, dans la limite de 20 000 F HT par insertion,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société BTC International aux dépens.
La société Première Vision Le Salon et l'association Première Vision - Tissus Creation ont interjeté appel de cette décision le 23 décembre 1999.
Par leurs dernières écritures signifiées le 30 octobre 2001 à la société BTC International, elles concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que, sur le fondement du Livre VII du Code de la propriété intellectuelle, il n'y avait pas d'actes de contrefaçon de marque et de dénomination sociale du fait de l'usage du vocable " Première Vision " par la société BTC International et en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts de ce chef.
Elles estiment que BTC International s'est rendue coupable tant de contrefaçon que de concurrence déloyale et demandent qu'elle soit condamnée à leur payer, au titre de la contrefaçon, les sommes de :
- 100 000 F en réparation des investissements exposés pour promouvoir la dénomination " Première Vision ",
- 800 000 F en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à leur image de marque et à celle du salon Première Vision,
- 500 000 F en réparation du préjudice subi pour captation de clientèle.
Elles concluent par ailleurs à la confirmation de la décision en ce qu'il a relevé l'existence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Elles estiment cependant que le tribunal a méconnu l'importance de leur préjudice et demandent que BTC International soit condamnée à leur payer en réparation du dommage subi à ce titre une somme de 1 500 000 F.
Elles concluent encore à la confirmation du jugement en ce qui concerne les mesures d'interdiction et de publicité prononcées, mais demandent que, la décision étant réformée sur ce point, la cour autorise dix parutions au prix de 40 000 F HT chacune,
Elles demandent la condamnation de BTC International à leur payer une somme de 80 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter tous les dépens.
La société Best Trading Compagny " BTC International ", bien qu'assignée et réassignée par acte des 2 mai et 15 juin 2000 n'a pas constitué avoué.
Ceci exposé, LA COUR,
Considérant que les appelantes font justement valoir qu'en indiquant dans une lettre d'information destinée à la promotion d'une présentation, à l'hôtel Concorde Lafayette, de collections de tissus thaïlandais " Comment se rendre à l'Hôtel Concorde Lafayette depuis " Première Vision " ", BTC International a fait une utilisation des marques " Première Vision " et procédé à une reproduction non autorisée pour promouvoir une manifestation au moins similaire aux services d'organisation et de conduite de salons professionnels, de défilés de mode et d'information sur la mode, de définition et présentation des tendances de mode et présentation des collections, visés par lesdites marques et, qui, au demeurant, pouvait prêter à confusion quant à l'existence d'une commune organisation ; que, ce faisant, l'intimée a commis un acte de contrefaçon ;
Considérant, encore, quel'usage de l'expression " Première Vision ", partie distinctive de la dénomination sociale des société et association appelantes et nom commercial de la société Première Vision, est également de nature à entraîner un risque de confusion quant à l'organisateur de la présentation de l'hôtel Concorde Lafayette et, dès lors, constitutive d'un acte de concurrence déloyale;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que les appelantes qui font état des importants investissements publicitaires qui ont été consentis par elles pour la promotion du salon " Première Vision " excipent au titre de la contrefaçon des chefs de préjudice suivants :
- atteinte à leur image, préjudice évalué à la somme de 800 000 F,
- atteinte à leurs investissements promotionnels, 100 000 F,
- captation de clientèle, 500 000 F ;
Qu'au titre de la concurrence déloyale, elles demandent le paiement d'une somme de 1 500 000 F ;
Considérant qu'eu égard aux divers éléments du dossier et à la distribution de 3 000 lettres d'information reproduisant les marques et dénominations sociales et commerciale " Première Vision ", le préjudice subi sera exactement réparé par l'allocation aux appelantes de somme de 12 000 Euros au titre de la contrefaçon et de la somme de 4 600 Euros au titre de la concurrence déloyale ;
Que le jugement sera, en outre, confirmé en ce qu'il a interdit sous astreinte à la société BTC International l'usage de la dénomination Première Vision, ordonné la confiscation en vue de leur destruction des documents portant la dénomination " Première Vision ", aux frais de la société BTC International, condamné la société BTC International à payer à la société Première Vision la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et autorisé cette société Première Vision à faire publier le présent dispositif dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société BTC International, et ce, dans la limite de 20 000 F HT par insertion, observation qu'une publicité plus étendue ne se justifie pas, mais ladite publication devant tenir compte du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que, devant la Cour, l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, à l'exception des chefs de décision relatifs au débouté des sociétés appelantes au titre de la contrefaçon de marques et au montant des dommages et intérêts alloués ; Réformant sur ces points, statuant à nouveau et ajoutant, Dit que l'utilisation de l'expression " Première Vision " dans les lettres d'information adressées par la société Best Trading Compagny " BTC International " est constitutive de contrefaçon des marques semi-figurative " Première Vision le salon ", numéro 95.603.186, figurative " Première Vision ", numéro 95.554.633 et nominative " Première Vision ", numéro 95.598.308 ; Condamne la société Best Trading Compagny " BTC International " à payer aux société Première Vision Le Salon et association Première Vision - Tissus Creation les sommes de : - douze mille euros (12 000 Euros) au titre de la contrefaçon de leurs marques, - quatre mille six cents Euros (4 600 Euros) au titre de la concurrence déloyale, Dit que les mesures de publication ordonnées par les premiers juges devront tenir compte du présent arrêt ; Rejette toute autre demande des parties ; Condamne la société Best Trading Compagny " BTC International " aux entiers dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.