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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 2 juillet 1997, n° 95-4345

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Partenaire Européen (SARL)

Défendeur :

Dehu

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

Mme Plantard, M. Prouzat

Avoués :

SCP Negre, Me Rouquette

Avocats :

Mes Avrold, Naval

T. com. Montpellier, du 29 mars 1995

29 mars 1995

Faits et procédure :

Par acte sous seing privé du 30 juillet 1992, la société Le Partenaire Européen a conclu un contrat d'agent commercial à durée indéterminée avec M. Dehu, soumis à la loi du 25 juin 1991 relative aux agents commerciaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er décembre 1992, Le Partenaire Européen résiliait cette convention avec effet immédiat aux motifs de violations par le mandataire de l'article 5 du contrat et des règles déontologiques.

Par exploit du 17 mars 1993, M. Dehu assignait Le Partenaire Européen devant le Tribunal de commerce de Montpellier aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 37 985,52 F à titre de commissions impayées, celle de 200 000 F pour rupture abusive des relations contractuelles, celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement avant dire droit du 29 mars 1994, le Tribunal de commerce de Montpellier ordonnait une expertise.

Après dépôt d'expertise, le Tribunal de commerce de Montpellier, le 29 mars 1995, condamnait, avec exécution provisoire, Le Partenaire Européen à payer à M. Dehu :

- la somme de 42 766,72 F au titre des commissions impayées augmentée des intérêts légaux depuis la date de l'assignation,

- la somme de 170 412,80 F au titre de l'indemnité compensatrice et ce avec intérêts aux taux légal à compter de la demande en justice,

- la somme de 8 000 F à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le Partenaire Européen a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le Partenaire Européen demande à la Cour, à titre principal, de débouter Dehu de l'ensemble de ses demandes, de constater que la rupture du contrat de travail de Dehu est intervenu en raison du comportement fautif de ce dernier, le privant de toute indemnité, et que Dehu ne peut prétendre qu'à la somme de 5246,44 F TTC au titre du solde des commissions.

A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de dire et juger que l'indemnité compensatrice du préjudice subi ne saurait excéder la somme de 91 374,84 F HT, de condamner Dehu à lui payer la somme de 6 000 F HT au titre de l'article 700 du NCPC outre sa condamnation aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, Le Partenaire Européen soutient n'avoir jamais reçu de courrier de son agent réclamant des informations sur les pratiques commerciales de l'entreprise, estimant que ce courrier ne sert que de prétexte à la procédure judiciaire intentée par Dehu.

Elle rappelle que l'article 5 de la convention liant les parties disposait que l'agent devait réaliser un chiffre d'affaire minimum de 200 000 F HT entre le 30 août et le 31 décembre 1992, l'objectif devant être réajusté annuellement et que la non réalisation de cet objectif peut être considérée comme l'inexécution d'une condition contractuelle susceptible d'entraîner la résiliation du contrat pour faute imputable à l'agent défaillant.

Elle estime que l'expert n'a pas tiré les conséquences légitimes de cette disposition puisque Dehu n'ayant pas atteint les objectifs précités, ce manquement justifie une résiliation sans indemnité.

Elle réfute l'analyse de l'expert qui estime que la rupture de la convention a pour cause une lettre de doléances envoyée par Dehu à son mandant, précisant qu'il n'est pas démontré que cette lettre lui soit parvenue et que de toute manière la rupture à pour origine le comportement de l'agent avec les clients.

Elle indique en effet avoir reçu de nombreuses plaintes de clients sur le comportement de Dehu, lequel antidatait les contrats et faisait abusivement encaisser des chèques de clients afin de pouvoir respecter les quotas souscrits et donc percevoir les commissions à un taux majoré.

Elle conclut par conséquent au bien fondé de la rupture et à l'absence d'indemnité pour le mandataire.

Sur les commissions impayées à l'agent, Le Partenaire Européen soutient que les commissions sont subordonnées à l'encaissement du prix de la commande du client, contrairement à ce qu'a retenu l'expert dans son rapport.

Qu'en outre, ce dernier a à tort retenu un taux de commissions de 40 % au lieu de celui de 30 %, puisque l'application du taux de 40 % suppose la réalisation d'un chiffre d'affaires moyen de plus de 50 000 F HT par mois de l'agent, qui n'a pas en l'espèce été réalisé par Dehu puisque le chiffre d'affaires mensuel de Dehu peut être déterminé à la somme de 42 911,97 F. l'expert a du reste oublié selon Le Partenaire Européen de retrancher du chiffre d'affaires réalisé par Dehu divers contrats annulés, des sommes remboursées à certains clients, ou des factures non honorées par ces derniers, ce qui ramène l'assiette du commissionnement à la somme de 190 364,25 F, n'ouvrant droit qu'au taux de 30 % soit la somme de 67 731,60 F au titre de commissions impayées. Dehu ayant déjà perçu, ainsi qu'il le reconnaît, la somme de 62 634,18 F, ne lui reste due que la somme de 5 097,42 F.

A titre subsidiaire, si la Cour retenait l'absence d'un juste motif de rupture, Le Partenaire Européen conclut à l'arbitraire des bases de calcul retenues par l'expert pour évaluer le préjudice subi par l'agent commercial et soutient que seule la somme de 91 374,84 F serait due à Dehu.

M. Dehu conclut à la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Montpellier dans toutes ses dispositions et demande à la Cour de condamner Le Partenaire Européen à lui payer la somme de 10 000 F HT au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, il rappelle les incohérences - relevées par l'expert - de l'argumentation du mandant concernant les causes de la rupture du contrat. Il soutient que les courriers de clients le mettant soit disant en cause sont tous postérieurs à la rupture du contrat l'unissant au Partenaire Européen et qu'en outre ces courriers de réclamations n'ont pour origine que l'absence de contrepartie par le mandant au règlement effectué par ses clients.

Il conclut en conséquence à l'absence de faute de sa part, ce qui légitime le paiement d'une indemnité compensatrice par son ancien mandant à la somme de 170 412,80 F.

Sur les commissions impayées, M. Dehu soutient que le contrat ne subordonnait pas le fait générateur des commissions au règlement complet des commandes par les clients et que le taux de commissions à appliquer est bien celui de 40 %, le chiffre d'affaires réalisé pendant la période considérée étant supérieur à la somme de 200 000 F HT, ainsi que le reconnaît Le Partenaire Européen qui l'évalue à tort à la somme de 202 916,52 F HT, le chiffre effectivement réalisé étant celui de 240 659 F TTC.

Sur ce :

I- Sur les commissions :

Aux termes du contrat signé le 30 juillet 1992, les commissions acquises au titre d'un mois et non contestées étaient, réglées le 15 du mois suivant.

Seule l'affaire menée à bonne fin ouvrait droit à commission et celle-ci devait être remboursée si le contrat n'était pas exécuté pour des circonstances non imputables au mandant.

Le montant de la commission était de 40 % pour un chiffre d'affaires, hors taxes, supérieur à 50 000 F, et ce dès le premier mois.

Il en résulte que l'employeur doit démontrer que l'affaire traitée par l'agent n'a pas été menée à bonne fin et qu'il est étranger à cet échec.

Or tel n'est pas le cas, en dehors des renonciations effectuées dans le cadre de la loi Scrivener. En effet les courriers produits aux débats démontrent que les clients étaient mécontents des résultats obtenus : Marcel Maurel, Jacqueline Lefebvre, Guy Gacon, J. Delest, G. Forte, H. Mauléon, Pierre Croce, L. Hoyez, J.M. Mestre.

Et il en est de même contrairement à ses affirmations, des dossiers Jougla, Cuisimano, Mavila qui démontrent que le défaut de prestations a été déterminant.

Faute pour le mandant de justifier de ses diligences dans la publicité effectuée, il y a lieu de considérer que les annulations intervenues postérieurement à l'expiration du délai de rétractation lui sont imputables.

La commission sur ces dossiers est donc due à l'agent commercial, faute pour le mandant de démontrer la responsabilité de Dehu dans la rupture du contrat par le client démarché, qui s'estimait trompé sur les prestations offertes et invoquant les violations de la loi Scrivener pour obtenir un remboursement plus rapide des sommes payées.

Attendu qu'il convient d'entériner le calcul approfondi et sérieux de l'expert Prouzet qui n'est pas sérieusement remis en cause et qui aboutit à un chiffre d'affaires de 213 016 F sur quatre mois, soit 53 254 F HT par mois. Que c'est donc à juste titre que Dehu réclame sur la base du taux de 40 % stipulé la somme de 42 766,72 F TTC.

II- Sur la rupture :

Attendu que le contrat signé le 30 juillet 1992 est un contrat d'agence commerciale à durée indéterminée, soumis à la loi du 25 juin 1991.

Attendu que l'article 12 de la loi dispose : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ".

Que l'article 13 de la loi de 1991 dispose que : " La réparation prévue à l'article précédent n'est pas due dans les cas suivants :

a) La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

b) La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

c) Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence ".

Attendu que la société Le Partenaire Européen a résilié la convention le 1er décembre 1992 avec effet immédiat en invoquant une méconnaissance de l'article 5 de la convention relatif aux quotas et aux règles déontologiques.

Attendu que la clause de quotas ne fait naître vis à vis du mandataire qu'une obligation de moyens.

Attendu qu'en l'espèce Le Partenaire Européen n'établit pas que son mandataire ait fait preuve de carence dans l'exécution de son obligation de prospection d'une clientèle.

Que la non-réalisation des objectifs fixés, à la supposer avérée ne constitue pas dès lors une faute grave privative de l'indemnité compensatrice de rupture.

Attendu que si la non-réalisation des quotas, lorsqu'elle est démontrée, peut cependant constituer une cause légitime de rupture, force est de constater que Le Partenaire Européen n'établit pas que ces objectifs correspondent à des normes sérieuses et réalisables ni ne démontre que leur non respect serait imputable à une carence de l'agent commercial.

Qu'ainsi, elle ne saurait justifier la résiliation du contrat ;

Attendu en outre que la référence dans la lettre de résiliation à une violation des règles déontologiques par l'agent est vague et trop imprécise pour permettre d'en vérifier le bien fondé ;

Attendu que de surcroît, il résulte des documents produits qu'ils ont été connus du mandant postérieurement au congé ;

Qu'ils n'apparaissent pas constituer un motif suffisant de rupture pour Le Partenaire Européen qui n'ignorait pas dès le contrat Contaratos, daté du 26 juillet 1992, soit quatre jour avant l'embauche, que Dehu antidatait certains contrats.

Qu'il a néanmoins poursuivi sa collaboration sans prestation, ni mise en garde, ni vérification ultérieure.

Que ce comportement conforte la thèse de Dehu qui laisse entendre que sa pratique lui avait été enseignée lors de sa formation par Le Partenaire Européen.

Qu'en tout cas il résulte d'une telle tolérance que les motifs allégués constituent non la cause de la rupture, mais une tentative pour la justifier a posteriori.

Qu'il en est de même du comportement ultérieur de Dehu, certes critiquable pour le moins, quand bien même il s'expliquerait par le départ d'un collaborateur créancier de son mandant et remercié brutalement, qui ne saurait légitimer la rupture.

Attendu qu'enfin le grief de concurrence déloyale n'est nullement établi.

Attendu qu'en définitive Le Partenaire Européen ne démontre pas que sa décision de résiliation de la convention a pour origine des manquements de l'agent commercial à ses obligations, et encore moins des manquements graves ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de condamner Le Partenaire Européen à payer à son ancien mandataire une indemnité compensatrice du préjudice subi.

Attendu que la relation contractuelle des parties a été particulièrement brève (4 mois).

Qu'ainsi la Cour est en mesure de fixer cette indemnité à la somme de 91 374,845 F HT, faute de preuve d'un préjudice supplémentaire, mais compte tenu du caractère brutal de la rupture, de la nature des griefs invoqués, de la privation du préavis et du calcul effectué par le mandant lui-même, à titre subsidiaire ;

Attendu que la condamnation aux dommages intérêts n'est en rien justifiée ;

Attendu que Le Partenaire Européen, qui succombe encore pour l'essentiel, supportera les dépens d'appel et sera en outre condamné à payer 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à l'agent commercial.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement sur le montant de l'indemnité de rupture et les dommages intérêts. Statuant à nouveau, Condamna le SARL Le Partenaire Européen à payer à Daniel Dehu la somme de 91 374,84 F HT. Déboute Daniel Dehu de sa demande de dommages intérêts. Confirme le jugement pour le surplus. Y ajoutant, Condamne la SARL Le Partenaire Européen à payer à Daniel Dehu 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel. La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.