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Décisions

Cass. com., 24 septembre 2002, n° 00-15.596

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Electraf (SA)

Défendeur :

Roger (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Le Prado, SCP Defrenois, Levis.

Nîmes, 2e ch. civ., du 23 mars 2000

23 mars 2000

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Nîmes, 23 mars 2000) que les sociétés Roger et Electraf France (société Electraf) ont une activité identique de négoce en gros de matériels et outillages électriques ; que se prétendant victime de concurrence déloyale par débauchage de son personnel et détournement de clientèle, la société Electraf a assigné la société Roger en réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Electraf fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non fondée sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Roger, en réparation d'un préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de ses motifs relatifs au comportement concurrentiel déloyal du fait de la société Roger, le jugement entrepris expose l'argumentation de cette société, en relevant qu'elle contestait avoir débauché massivement le personnel de la société Electraf, qu'elle contestait également le fait de s'être rendue coupable d'un détournement patent de clientèle, soutenant qu'aucun détournement de clientèle par des procédés déloyaux ne pouvait être relevé, et qu'elle contestait enfin avoir détourné les moyens de production et d'organisation de la société requérante ; que le jugement réfute ensuite cette argumentation ; que la Cour d'appel qui, pour estimer que le tribunal s'est contredit et a rejeté les torts reprochés à la société Roger, a attribué aux premiers juges des énonciations qui n'étaient que l'exposé de l'argumentation de la société Roger, a dénaturé le jugement entrepris et a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que constituent des actes de concurrence déloyale la désorganisation d'une entreprise concurrente et le détournement de clientèle, indépendamment de l'intention de son auteur ; que la Cour d'appel, qui a rejeté l'action en concurrence déloyale formée par la société Electraf contre la société Roger, tout en constatant l'embauche, par la société Roger, de plusieurs salariés d'une entreprise concurrente, dont l'un d'eux avait fait l'objet d'une mise à pied pour avoir détourné de la clientèle et divulgué des informations confidentielles, la concomitance de l'arrêt des facturations de la société Electraf et des facturations opérées par la société Roger concernant un même client, la trace de clients de la société Electraf dans le fichier saisi dans les bureaux de la société Roger, la possession par ces salariés de documents appartenant à leur ancien employeur, dont certains postérieurs à leur démission, et l'utilisation par le nouvel employeur de documents présentant des similitudes avec ceux de la société concurrente, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; 3°) que la société Electraf avait fait valoir qu'aucun des trois salariés démissionnaires n'avait respecté son préavis, ce qui ajoutait à la désorganisation de l'entreprise, et que M. Faus avait déclaré au cours d'une assemblée générale des actionnaires que 60 % des clients lui appartenaient et l'avaient suivi à la concurrence ; que la Cour d'appel a rejeté l'action en concurrence déloyale formée par la société Electraf contre la société Roger, en affirmant que les salariés non liés par une clause de non-concurrence étaient libres de tout engagement, et que le détournement de clientèle n'était pas prouvé par la concomitance entre l'arrêt de facturation par la société Electraf et la facturation par la société Roger ni par la trace de clients de la société Electraf dans le fichier saisi dans les bureaux de la société Roger ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'embauche, par la société Roger, de salariés sans respect de leur préavis, ni sur l'affirmation d'un salarié suivant laquelle 60 % des clients lui appartenaient et l'avaient suivi "à la concurrence", n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 4°) que celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation et prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que la Cour d'appel qui, pour écarter le grief tiré d'une brusque rupture d'approvisionnement invoqué par la société Electraf à l'encontre de la société Roger, a retenu que la société Electraf ne démontrait pas qu'il n'avait pas été satisfait à sa commande, ni qu'une action judiciaire ait été engagée à cette fin auprès du juge commissaire du redressement judiciaire ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant que la société Roger avait été ainsi sommée de livrer au prix et conditions habituels, la cour d'appel a violé les articles 1315, alinéa 2, du Code civil et 9 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, quecontrairement aux énonciations du moyen, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que les informations figurant dans les documents appartenant à la société Electraf détenus par un salarié et postérieurs à sa démission aient servi à la société Roger, et que la société Electraf ne démontre pas que la similitude de présentation de certains documents comptables fournis par des imprimeurs procède, de la part de la société Roger, d'une reproduction servile d'un modèle qu'elle aurait elle-même créé; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui en déduit, après avoir relevé que les embauches critiquées s'était déroulées sur sept mois sans surenchère dans les salaires offerts ou dans d'autres avantages et concernait des salariés libres de tout engagement et que le transfert de clientèle observé est de règle dans une économie de marché, que la concurrence déloyale alléguée n'était pas établie, a pu statuer comme elle a fait, abstraction faite de la dénaturation invoquée à la première branche du moyen, sans incidence sur la solution du litige;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que les salariés embauchés étaient libres de tout engagement, la Cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation de la société Electraf, et à répondre au simple argument tiré des propos prêtés à un salarié démissionnaire, n'encourt pas le grief de la troisième branche du moyen;

Attendu, enfin, qu'il appartenait à la société Electraf d'établir la preuve de ce que la société Roger refusait de la livrer et se rendait ainsi coupable d'une rupture fautive des relations commerciales entre les parties ; que dès lors, la Cour d'appel qui a relevé que la société Electraf ne rapportait pas cette preuve, a statué à bon droit ;

Qu'il suit de là qu'irrecevable en sa première branche et non fondé en ses trois autres branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société Electraf aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Electraf à payer à la société Roger la somme de 1 800 euros.