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Décisions

CA Colmar, ch. soc. B, 17 mars 1997, n° 9502261

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Steinmetz

Défendeur :

Delta Mics (SA), Delibes (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jurd

Conseillers :

M. Litique, Mme Sanvido

Avocats :

Mes Fritsch, Thuault, Ambach.

Cons. prud'h. Schiltigheim, du 23 sept. …

23 septembre 1994

Engagé verbalement le 1er avril 1995 par la SA Delta Mics en qualité de VRP multicartes pour le secteur grand est de la France, puis selon contrat de travail écrit du 22 décembre 1987 prévoyant notamment en son article 1er et qu'il s'engageait à ne pas prendre pendant l'exécution du contrat de nouvelles représentations sans obtenir préalablement l'accord de la société et à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à toute activité susceptible de concurrencer la société, et en son article 12, outre l'obligation d'envoyer des fiches de rapport hebdomadaire et de faire un rapport sur l'activité de son secteur, notamment eu égard à celle de la concurrence, celle d'observer la plus complète discrétion sur les méthodes et les activités de la société et à ne communiquer à qui que ce soit aucun renseignement commercial ou autre dont la divulgation serait de nature à porter préjudice à celle-ci, enfin en son article 7 un chiffre d'affaires minimum de 6 % par an du chiffre d'affaires hors export de la société, Marcel Steinmetz, déjà mis en demeure le 14 mai 1992 d'assurer un redressement significatif de la situation compte tenu de la baisse de son chiffre d'affaires et d'envoyer des rapports hebdomadaires de visite circonstanciés démontrant la réalité de son action commerciale et s'étant vu reprocher par courrier du 20 mai 1992 être le seul représentant à avoir toujours refusé d'indiquer sur les listing de visite les dates de visite et le nom des contacts, enfin dont l'épouse avait été engagée en qualité de représentant le 1er octobre 1991 par la société concurrente Moto-Lita, était, suite à une convocation du 4 juin 1992 avec mise à pied conservatoire à un entretien préalable fixé au 16 juin 1992 auquel il refusait d'assister, licencié pour faute grave par lettre recommandée du 19 juin 1992 aux motifs énoncés " d'avoir pris de nouvelles représentations (Moto-Lita) de surcroît concurrentes, puisque proposant à la vente des produits que nous-mêmes diffusons (Zender), refusé d' envoyer des rapports d'activité exploitables en omettant toujours de mentionner à la date de vos visites, et pour chute du chiffre d'affaires notamment au titre du mois de mai 1992 (- 64,15 %), tout à fait significative et préjudiciable aux intérêts de la société et ce, alors même que cette chute va croissante dans votre secteur depuis plusieurs mois ".

Titulaire d'un contrat d'exclusivité avec la société allemande Zender depuis le 17 décembre 1987, la SA Delta Mics était admise au bénéfice du redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Auxerre du 19 avril 1993, un plan de redressement et de continuation étant homologué par jugement du 18 avril 1994, et Maître Delibes étant nommé tout à la fois représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan.

Estimant son licenciement abusif et n'avoir pas été intégralement rempli de ses droits, Marcel Steinmetz saisissait le Conseil de prud'hommes de Schiltigheim le 24 mai 1993, soit près d'un an après son licenciement, d'une demande tendant à l'octroi des montants suivants :

- 22 325 F à titre d'indemnité de préavis ; - 11 658 F à titre d'indemnité de compensatrice de congés payés ; - 200 000 F à titre d'indemnité de clientèle ; - 22 325 F à titre de commissions sur retour d'échantillonnage ; - 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

De son côté, l'employeur se portait demandeur reconventionnel en sollicitant la condamnation de son ex-salarié au paiement des montants suivants :

- 50 000 F au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; - 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

tout en reconnaissant lui devoir une indemnité compensatrice de congés payés de 7 290,54 F.

Par jugement du 23 septembre 1994, le Conseil saisi, relevant que, alors que selon le contrat de travail le représentant s'engageait à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à toute activité susceptible de concurrencer la société, M. Steinmetz avait un secteur exclusif, devait envoyer deux fois par semaine les commandes et un rapport hebdomadaire, enfin s'engageait à la discrétion et à ne communiquer aucun renseignement commercial pouvant porter préjudice à la société ; relevant que la baisse du chiffre d'affaires de janvier à mai 1992 était reconnue ; estimant que, alors que la société Delta Mics commercialisait des produits Zender dans ses catalogues depuis 1988, Mme Steinmetz, épouse du demandeur, était entrée au service de la société Moto-Lita pour visiter la même clientèle que son époux ; jugeant que dans ces conditions, compte tenu de la communauté de vie existant entre eux, M. Steinmetz avait manqué de loyauté envers son employeur, ce qui était constitutif d'une faute grave, et causait un préjudice certain à celui-ci estimant que l'indemnité compensatrice de congés payés se chiffrait à 7 290,94 F et que, s'agissant des commissions sur retour d'échantillonnage, la sagesse commandait de renverser la charge de la preuve ; jugeant que la procédure n'était pas abusive et qu'il y avait lieu de faire masse des dépens, a statué comme suit :

" Déclare la demande de Monsieur Steinmetz recevable ;

Dit et Juge que la rupture intervenue se qualifie en un licenciement pour des motifs réels et sérieux de faute grave ;

Reçoit partiellement Monsieur Steinmetz en ses chefs de demande ;

Constate que la société Delta Mics a été admise au bénéfice du redressement judiciaire dont l'administrateur est Maître Ségard et le représentant des créanciers étant Maître Delibes ;

- qu'il y a lieu de fixer le montant des créances à :

- 7 290,94 F au titre des congés payés sous réserve de la preuve de leur versement par Delta Mics ;

- 22 325 F au titre des retours sur échantillonnage augmentés des congés payés à hauteur de 10 % maximum ;

- 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Ordonne au représentant des créanciers d'inscrire lesdits montants sur le relevé des créances salariales ;

Déclare le présent jugement opposable au AGS/Assedic de Bourgogne sauf pour la somme allouée au titre de l'article 700 ;

Déboute Monsieur Steinmetz du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Delta Mics de ses demandes reconventionnelles ;

Fait masse des dépens. "

A l'encontre de ce jugement à lui notifié le 30 décembre 1994, Marcel Steinmetz a régulièrement interjeté appel par lettre recommandée expédiée le 20 janvier 1995 au Greffe du Conseil de prud'hommes.

Développant à la barre les moyens et arguments contenus dans ses mémoires des 10 novembre 1995 et 27 janvier 1997, il conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné son ex-employeur à lui payer divers montants, à l'infirmation pour le surplus et à l'octroi des mêmes montants que ceux réclamés en première instance, sauf l'indemnité compensatrice de congés payés réclamée à hauteur de 4 367,06 F, le tout avec les intérêts légaux à compter du 19 juin 1992, date du licenciement, enfin à voir son ex-employeur supporter les dépens et à voir sa créance fixée à 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, en faisant valoir pour l'essentiel que :

- la lettre de licenciement fixe les limites du litige et la charge de la preuve incombe à l'employeur, s'agissant d'une faute grave.

- en cours de procédure, la société Delta Mics a abandonné le grief consistant à reprocher à M. Steinmetz d'avoir pris une carte concurrente et de toute façon les premiers juges n'ont pas à vérifier si Mme Steinmetz représentait une société concurrente à celle de son mari.

- la société Delta Mics n'a jamais distribué les volants Zender mais les seuls éléments de carrosserie aérodynamique dits " kits de carrosserie ".

- la société Delta Mics n'a jamais prouvé qu'elle était distributrice exclusive de tous les produits Zender, qu'elle avait la distribution des volants Zender, que ces volants étaient vendus par elle aux clients et que l'ensemble des représentants, y compris l'appelant, avait la charge de cette vente.

- s'agissant des rapports de visite, la société Delta Mics lui reproche de ne pas lui avoir fourni des renseignements sur la concurrence et de n'avoir pas fait des suggestions et critiques de la clientèle, ce qui n'est pas dans la lettre de licenciement, enfin de ne pas avoir fourni de rapports hebdomadaires, ce qui est également faux.

- en ce qui concerne le chiffre d'affaires, l'employeur se contente d'affirmations mélangeant adroitement objectifs décrétés par l'employeur et chiffre d'affaires réalisé au sujet duquel il reste muet quant aux commandes indirectes dont le représentant n'a jamais été informé ni commissionné, et alors que, pendant son temps de présence dans la société, il a multiplié par cinq le chiffre d'affaires initial et que ces pertes sont dues à l'insatisfaction des clients du fait de mauvaises livraisons.

- les montants réclamés sont justifiés.

- la demande reconventionnelle résulte d'un véritable montage d'autant que la société Delta Mics a renoncé à la clause de non-concurrence par lettre du 2 juillet 1992.

Développant à la barre les moyens et arguments contenus dans son mémoire du 13 mars 1996, la société Delta Mics et Maître Delibes, sur appel principal et appel incident, concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. Steinmetz de diverses demandes, à l'infirmation sur les montants alloués et sur le rejet de la demande reconventionnelle, au débouté de M. Steinmetz de l'intégralité de ses prétentions et à sa condamnation au paiement, outre les dépens et 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, d'un montant de 50 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive en soutenant en substance que :

- s'il est exact que l'appelant n'a pas été engagé par la société Moto-Lita, il a toutefois indirectement contracté avec cette société sous couvert de son épouse tout en prospectant lui-même la clientèle. D'ailleurs, l'appelant s'est toujours refusé catégoriquement à verser aux débats la carte de VRP de son épouse ainsi que leurs déclarations de salaire et celle au titre de la CCVRP.

- la société Delta Mics a toujours distribué les différentes versions des catalogues Zender en complément de ses propres catalogues dans lesquels figurait seulement une mention rappelant cette disponibilité du catalogue " spécial Zender ". Bien plus, les volants en cuir et en bois figurant dans le catalogue Zender et dans l'extrait du tarif Zender figurent également dans les tarifs publiés par Delta Mics.

- les rapports de visite adressés par l'appelant étaient incomplets, inexploitables, ne permettant en aucune façon de vérifier qu'elle était la réalité de l'activité développée par lui, ce dernier se refusant à porter la date à laquelle il visitait les clients nouveaux la chute du chiffre d'affaires, d'ailleurs reconnue par l'appelant provient tout simplement de ce qu'il travaillait surtout pour ses autres commettants, et notamment pour la société Moto-Lita aux lieu et place de son épouse.

-la faute grave est ainsi prouvée.

- l'appelant n'a donc pas droit à une indemnité de préavis ni à une indemnité de clientèle, ni à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- l'appelant ne justifie nullement qu'il lui serait encore dû la somme de 4 367,06 F au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

- il appartient au salarié de prouver qu'il a droit à des commissions sur retour d'échantillonnage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que, consécutivement à son licenciement il a été remplacé par M. Zwercher qui a visité sa clientèle dès le 7 septembre 1992.

- l'attitude abusive et dolosive de l'appelant justifie l'octroi des dommages et intérêts pour procédure abusive.

- les nouvelles pièces de l'appelant produites le jour des débats doivent être écartées.

Développant à la barre les moyens et arguments contenus dans son mémoire du 10 décembre 1996, l'AGS aux droits de laquelle vient le CGEA de Chalon-sur-Saône, conclut à la confirmation du jugement entrepris, à l'exception des commissions sur retour d'échantillonnage, au débouté de l'appelant sur ce point et à sa condamnation aux dépens, y compris ceux nés de la mise en cause de l'AGS, subsidiairement à voir la garantie de l'AGS engagée en l'absence de fonds disponibles dans les cadre et limite des plafonds réglementaires et légaux, à voir écarter les dernières pièces de l'appelant versées aux débats tardivement, en faisant valoir en substance que :

- la lettre de licenciement est parfaitement circonstanciée, mettant en avant trois griefs principaux qui sont prouvés et caractérisent la faute grave du salarié lié contractuellement à la société Delta Mics par une clause d'exclusivité et de fidélité et qui ne pouvait donc ignorer, en laissant s'adonner son épouse à une activité concurrentielle à la sienne, qu'il manquait à ses engagements contractuels en tirant indirectement un profit personnel.

- M. Steinmetz a accusé notamment à partir de 1992 une baisse constante de son chiffre d'affaires qui n'est d'ailleurs pas discutée par lui.

- les rapports d'activité sollicités par l'employeur n'étaient pas exploitables.

- les montants réclamés au titre de la rupture du contrat de travail ne sont pas dus en présence d'une faute grave.

- contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la charge de la preuve concernant les commissions de retour sur échantillonnage incombe au représentant. Or celle-ci n'est pas rapportée par l'appelant.

- l'AGS a exclusivement la qualité de mise en cause, de sorte qu'aucune condamnation directe ne peut intervenir à son encontre. Sa garantie n'est acquise qu'en l'absence de fonds disponibles conformément à l'article L. 143-11-7 du Code du travail sur des montants nets et dans la limite des plafonds réglementaires et légaux, à l'exclusion des frais et de l'éventuelle indemnité due à l'application de l'article 700 du NCPC.

- le cours des intérêts légaux est arrêté par l'effet du jugement d'ouverture en redressement judiciaire soit au 19 avril 1993.

Sur quoi LA COUR

Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :

I - Sur l'exception de procédure

Il résulte de l'article R. 516-0 du Code du travail que les dispositions de l'article 135 du NCPC, selon lesquelles le juge peut écarter des débats des pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utiles, sont applicables devant les juridictions statuant en matière prud'homale (soc. 7 juin 1995). Les attestations Durr et Kuhn versées aux débats par l'appelant le jour de l'audience de plaidoirie sont donc tardives, l'oralité des débats ne pouvant, en présence du refus des autres parties, entraîner un débat contradictoire en ce qui les concerne.

En conséquence, il convient de faire droit à la requête des intimés et d'écarter ces deux attestations des débats.

II - Sur la faute grave

La lettre de licenciement fixant les limites du litige, la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

S'agissant du premier grief tiré de la représentation Moto-Lita, contrairement à ce que soutient l'appelant, il résulte bien des pièces, et notamment des catalogues de la société Delta Mics que les volants Zender y figuraient depuis 1988, avec renvoi pour renseignements supplémentaires au catalogue Zender lui-même et que les mêmes références se trouvaient, concernant les volants Zender, dans le tarif Delta Mics. Dans ces conditions, et alors que la société Delta Mics avait un contrat d'exclusivité avec la société Zender pour la distribution des produits de cette dernière en France, il est établi que l'appelant avait bien la charge de distribuer les volants Zender au travers des catalogues fournis par son employeur.

La société Moto-Lita France SA vendant exclusivement des volants de direction pour tous les véhicules, ainsi que cela résulte de son papier à en-tête, s'il est exact que, selon courrier de cette dernière du 7 septembre 1993, elle n'a pas employé M. Steinmetz, il résulte bien de son courrier du 16 mars 1994 qu'elle employait Mme Steinmetz, épouse de l'appelant, depuis le 1er octobre 1991. Il s'agit donc bien d'une société concurrente de la société Delta Mics.

Dès lors, s'il est exact que M. Steinmetz n'a pas pris une nouvelle représentation Moto-Lita, à juste titre les premiers juges ont considéré que, en violation de l'article 1er de son contrat de travail, il s'était indirectement intéressé à une activité susceptible de concurrencer son employeur. En effet, et alors qu'il pouvait contrer les allégations de ce dernier en produisant la carte de VRP de son épouse et les déclarations de cette dernière à CCVRP, ce qu'il s'est bien gardé de faire malgré une sommation de son adversaire, il ne pouvait visiter la clientèle, au lieu et place de son épouse, pour une société concurrente de son employeur. A tout le moins, et à supposer établie l'activité effective de Mme Steinmetz, l'appelant ne pouvait ignorer, en laissant s'adonner son épouse à une activité concurrentielle à la sienne, qu'il manquait ainsi à ses engagements contractuels en en tirant indirectement un profit personnel.

Bien plus, s'agissant du grief de baisse du chiffre d'affaires, s'il est exact que, au moins jusqu'en 1991, M. Steinmetz a réalisé le chiffre d'affaires minimum imposé par l'employeur conformément à l'article 7 de son contrat de travail, dès 1990 le chiffre d'affaires était en baisse par rapport à l'année précédente jusqu'à atteindre une chute vertigineuse en 1992 pour atteindre effectivement, au titre du mois de mai 1992, une baisse de 64,15 %. Or, les explications de l'appelant dans son courrier à l'employeur le 16 mai 1992, consistant à en imputer les causes aux nombreuses ruptures de stock et aux problèmes de qualité de jante, enfin à un marché moins porteur, ne sont corroborées par aucune pièce et notamment par aucune réclamation de clients. Dans ces conditions, et eu égard à l'embauche prouvée de Mme Steinmetz le 1er octobre 1991 par la société Moto-Lita, la version de l'employeur consistant à jumeler baisse du chiffre d'affaires en 1992 avec activité concurrentielle au profit de la société Moto-Lita est tout à fait plausible.

Enfin, s'agissant du troisième grief, si aucun des rapports d'activité envoyés par M. Steinmetz n'est versé aux débats, la lettre de licenciement précise bien qu'il s'agissait de rapports d'activité inexploitables, sans mention des dates de visite. Or, tout au long des courriers précédant le licenciement, il est justement reproché à M. Steinmetz d'être le seul représentant à toujours refuser d'indiquer sur les listings de visite les dates de celles-ci et les noms des contacts. Bien plus, l'article 12 de son contrat de travail obligeait l'appelant à faire un rapport sur l'activité des autres secteurs, la position de production de la société Delta Mics par rapport à celle de la concurrence, les suggestions critiques de la clientèle etc, toutes choses qu'à priori il n'a jamais faites.

Dans ces conditions, les violations répétées par M. Steinmetz, de son contrat de travail, et notamment de son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur, renouvelées en dépit des mises en garde, sont constitutives d'une faute grave; en conséquence, le jugement doit être confirmé sur ce point.

III - Sur les montants

A) indemnité de préavis, congés payés sur le préavis, dommages et intérêts pour licenciement abusif, indemnité de clientèle :

Les divers montants réclamés au titre de ces chefs de demande ne sont pas dus en présence d'une faute grave. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Steinmetz de ses demandes sur ces points.

B) commissions de retour sur échantillonnage

Celles-ci sont dues quelle que soit la rupture du contrat de travail, et la charge de la preuve incombe au VRP, contrairement à l'opinion des premiers juges.

Alors qu'il s'agit d'une commission due sur les ordres transmis par la clientèle après le départ de représentant de l'entreprise, mais qui sont le résultat de son activité personnelle de prospection, il convient d'observer qu'en l'espèce, outre que l'appelant ne prouve rien, il a été remplacé dès le 7 septembre 1992, selon les pièces versées aux débats, par un remplaçant M. Zwercher. Dans ces conditions, il n'est pas prouvé que le chiffre d'affaires réalisé pendant les mois qui ont suivi la rupture du contrat de travail était exclusivement le résultat de l'activité du VRP sortant.

Dans ces conditions, les affirmations de l'appelant selon lesquelles il aurait droit à des commissions à hauteur de 22 325 F n'étant étayées par aucune pièce, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de débouter M. Steinmetz de sa demande.

C) indemnité compensatrice de congés payés (solde)

Le montant réclamé de 4 367,06 F résulte de la différence entre le montant initialement réclamé de 11 658 F diminué du montant payé par l'intimé de 7 290,94 F.

Or, il résulte de la demande introductive d'instance que le montant de 11 658 F correspondait aux congés payés de l'année 1991-1992 aux congés payés sur le préavis et au congé payé pour la période du 1er au 20 juin 1992.

En présence d'une faute grave, aucun congé payé sur le préavis n'est dû si bien que le montant alloué de 7 290,94 F par les premiers juges est satisfactoire.

En conséquence, il convient de débouter M. Steinmetz de sa demande et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué le montant de 7 290,94 F.

D) dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Or, en l'espèce, dès lors que la demande de M. Steinmetz a en partie été accueillie en première instance, la procédure ne saurait être déclarée abusive. De même, le fait pour M. Steinmetz de relever appel pour ne faire valoir que les moyens déjà avancés devant les premiers juges et rejetés par ceux-ci ne caractérise aucun abus de droit de saisir

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau la juridiction du second degré pour statuer en fait et en droit sur la chose jugée en première instance (Civ. 16.1.91). Enfin, la société Delta Mics ne justifie pas de l'étendue de son préjudice.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société Delta Mics. Le jugement sera confirmé sur ce point.

IV - Pour le surplus

La société Delta Mics ayant été mis en redressement judiciaire antérieurement à la saisine du Conseil de prud'hommes, aucun intérêt légal n'est dû sur le montant alloué au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

En outre, ce montant ayant été réglé par la société Delta Mics, la garantie de l'AGS ne saurait intervenir. Il convient simplement de déclarer le présent arrêt opposable au CGEA de Chalon-sur-Saône en tant que de besoin.

L'appelant succombant pour l'essentiel supportera les dépens des deux instances et sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ne saurait prospérer.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter l'appelant de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC.

En revanche, l'équité commande de le faire participer, à concurrence de 6 000 F, aux frais irrépétibles qu'a du exposer la société Delta Mics.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare tant l'appel principal que l'appel incident réguliers et recevables en la forme ; Ecarte des débats les attestations Durr et Kuhn comme tardives ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave, en ce qu'il a fixé la créance de M. Steinmetz dans le redressement judiciaire de la société Delta Mics au montant de 7 290,94 F (sept mille deux cent quatre vingt dix francs et quatre vingt quatorze centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, mais l'a débouté de ses autres demandes, enfin en ce qu'il a débouté la société Delta Mics de sa demande reconventionnelle ; Déboute M. Steinmetz de sa demande au titre des commissions sur retour d'échantillonnage ; Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Chalon-sur-Saône ; Condamne M. Marcel Steinmetz aux dépens des deux instances et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC pour les deux instances ; Le condamne à payer à la SA Delta Mics en redressement judiciaire, respectivement M. Delibes commissaire à l'exécution du plan et représentant des créanciers, un montant de 6 000 F (six mille francs) au titre de l'article 700 du NCPC.