Cass. com., 26 mars 2002, n° 99-16.313
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Automobiles Peugeot (SA)
Défendeur :
Autoshop Design (SARL), Prepol (Sté), GA Autosport BV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Thomas-Raquin, Bénabent.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Besançon, 30 avril 1999), qu'après saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Autoshop Design (société Autoshop), la société des Automobiles Peugeot (société Peugeot), propriétaire de plusieurs marques de véhicules et de modèles d'ailerons, qui affirme en outre être titulaire de droits d'auteur sur ces différentes œuvres, a assigné en contrefaçon d'œuvre de l'esprit, de modèles et de marques, ainsi qu'en concurrence déloyale, la société Autoshop et ses fournisseurs les sociétés GA Autosport BV (société Autosport) et Prepol ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Peugeot fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur et de modèles d'ailerons, alors, selon le moyen, qu'à l'appui de son action en contrefaçon, la société Peugeot invoquait tant la protection du droit des dessins et modèles que celle du droit d'auteur (conclusions d'appel p. 2 et 13) ; qu'il incombait dès lors à la Cour d'appel de rechercher si, en sus de la protection des dessins et modèles, les ailerons constituaient une création de forme originale bénéficiant de la protection du droit d'auteur ; qu' en se bornant uniquement à constater l'absence de nouveauté des ailerons fabriqués par Peugeot pour décider qu'ils ne relevaient pas de la protection des dessins et modèles, la Cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur l'originalité des ailerons litigieux et leur protection par le droit d'auteur, n'a pas répondu aux conclusions de l'exposante en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, que la Cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux simples affirmations non assorties d'offre de preuve que comportaient les conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Peugeot reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en concurrence déloyale concernant les ailerons, alors, selon le moyen : 1°) que la différence de l'action en contrefaçon, l'action en concurrence déloyale bénéficie également à ceux qui ne sont titulaires d'aucun droit privatif sur un produit ou service de telle sorte qu'elle n'est subordonnée à aucune condition de nouveauté ou d'originalité ; que l'action en concurrence déloyale qui tend à préserver le libre jeu de la concurrence en luttant contre les pratiques déloyales par le jeu de la responsabilité civile, suppose uniquement un comportement fautif de celui contre laquelle elle est dirigée à l'origine du préjudice subi par celui qui l'intente ; qu'en déboutant dès lors la société Peugeot de son action en concurrence déloyale après avoir relevé que l'aileron fabriqué par Peugeot n'était pas nouveau compte tenu des antériorités existant chez des concurrents, la Cour d'appel a violé l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle par fausse application et l'article 1382 du Code civil par refus d'application ; 2°) qu'en outre la faute de la victime ne constitue une cause exonératoire de la responsabilité de l'auteur de la faute que pour autant qu'elle a contribué à la réalisation du dommage dont la première demande réparation ; que l'action en concurrence déloyale fondée sur la copie servile suppose la diffusion de produits identiques à ceux distribués par la victime, et un préjudice résultant de la confusion susceptible de s'instaurer dans l'esprit du public quant à la provenance des produits ; qu'en relevant dès lors que la société Peugeot ne pouvait intenter une action en concurrence déloyale contre les sociétés Autoshop Design et Autosport BV visant la vente d'ailerons identiques aux ailerons Peugeot, motif pris de ce que les ailerons commercialisés par Peugeot auraient été eux-mêmes identiques à d'autres commercialisés antérieurement par des tiers, la Cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé l'incidence de l'éventuelle faute commise par Peugeot sur son propre dommage, a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que la société Peugeot ne pouvait invoquer à l'appui de son action la copie servile de ses ailerons, dès lors que ceux-ci étaient identiques ou quasi identiques à des modèles de fabrication antérieure et concurrente, la Cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur la faute de la société Peugeot, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Peugeot fait enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon de droits d'auteur par reproduction de ses véhicules sur des papiers commerciaux, alors, selon le moyen : 1°) qu'est illicite la reproduction d'une œuvre sans le consentement de son auteur ; que le monopole de reproduction de l'œuvre ne connaît d'autres exceptions que la reproduction à usage strictement privé ou celle qui s'inscrit dans le cadre des analyses et courtes citations dans un but pédagogique ou d'information générale du public ; qu'en jugeant licite la reproduction par les sociétés Autoshop Design et Autosport BV des modèles de véhicules Peugeot sur leurs papiers commerciaux après avoir relevé qu'elle constituait une simple référence documentaire destinée à informer les consommateurs sur l'usage des produits distribués par ces sociétés, lorsque le monopole de reproduction ne connaît aucune exception permettant à un tiers de reproduire l'œuvre d'un auteur à des fins de promotion commerciale, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5 du Code de propriété intellectuelle ; 2°) que la contrefaçon d'une œuvre protégée par le droit d'auteur est réalisée par la seule violation du monopole de reproduction de l'auteur, peu important l'absence de confusion susceptible d'intervenir dans l'esprit du public ; qu'en relevant dès lors qu'aucune confusion n'était susceptible d'intervenir dans l'esprit du public quant à l'origine non Peugeot des ailerons, ni quant au fait que les véhicules présentés n'étaient nullement proposés à la vente, pour débouter l'exposante de son action en contrefaçon de ses droits d'auteur, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-4 par refus d'application et l'article 1382 du Code civil par fausse application ;
Mais attendu que, dès lors que la société Peugeot était propriétaire des marques déposées pour protéger les véhicules argués de contrefaçon, peu important le droit d'auteur qu'elle alléguait, c'est à bon droit que la Cour d'appel, par motifs adoptés, a fait application des dispositions de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi