CA Paris, 5e ch. A, 30 janvier 2002, n° 2000-01164
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Décor 17 (SA)
Défendeur :
La Jemato (SPRL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoué :
SCP Hardouin-Herscovici
Avocat :
Me Salles
La société Décor 17, franchiseur, a conclu avec la société La Jemato deux contrats de franchise les 27 février 1995 et 1er juin 1996 pour l'exploitation d'un magasin à l'enseigne " Le Torchon à carreaux " situés l'un dans le centre commercial Ville 2 à Charleroi, l'autre à City 2 à Bruxelles, par ailleurs elle a accordé à cette société une licence d'exploitation d'un logiciel informatique de gestion, Infotac.
Estimant que la société La Jemato ne respectait pas ses obligations, la société Décor 17 l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation des contrats de franchise à ses torts exclusifs ainsi que diverses condamnations.
Par jugement du 12 février 1999 le tribunal a :
- prononcé la résiliation du contrat de franchise de Bruxelles aux torts de la société La Jemato,
- prononcé la résiliation du contrat de franchise de Charleroi aux torts exclusifs de la société Décor 17,
- ordonné la cessation de l'activité de la société La Jemato au titre de la franchise résiliée, la dépose de l'enseigne " Le Torchon à carreaux " et de tous éléments distinctifs, la restitution des manuels de documentation sous astreinte de 3 000 F par jour de retard à compter du 10e jour suivant la signification du jugement,
- condamné la société La Jemato à payer à la société Décor 17, après compensation la somme de 1 807 F à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société La Jemato à payer à la société Décor 17 la somme de 2 955 F au titre de factures impayées,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société La Jemato aux dépens.
Appelante, la société Décor 17 prie la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise du 1er juin 1999 aux torts de la société La Jemato et l'a condamnée à payer une indemnité de 241 807 F, a déclaré illicite la cession du logiciel Infotac par la société La Jemato à la société Electro Store et a condamné la société La Jemato à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation correspondant à la redevance de communication, a prononcé la résiliation du contrat du 2 février 1995 à ses torts enfin l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale commise par la société La Jemato,
- en conséquence, de :
- condamner la société La Jemato à lui payer la somme de 132 886 F à titre de dommages et intérêts pour perte de redevances de communication du contrat de franchise du 1er juin 1998,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise du 27 février 1995 aux torts exclusifs de la société La Jemato,
- condamner la société La Jemato à lu payer la somme de 77 431 F au titre de la redevance de franchise pour la durée restant à courir pour le contrat du 27 février 1995 ainsi qu'une somme de 40 740 F au titre de la redevance de communication,
- condamner la société La Jemato à lui payer la somme de 1 million de francs en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale et celle de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Assignée et réassignée la société La Jemato n'a pas constitué avoué l'arrêt sera réputé contradictoire l'acte ayant été délivré à son représentant légal.
Cela étant exposé,
1. Sur la résiliation du contrat du 27 février 1995
Considérant que la société Décor 17 soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'elle avait commis une faute en envoyant à l'ensemble des fournisseurs une lettre circulaire annonçant l'exclusion de la société La Jemato de la franchise " Le Torchon à carreaux " alors que ce courrier n'était qu'une réponse aux agissements déloyaux et répétés de cette société qui venait d'ouvrir sans lui en avoir demandé l'autorisation un magasin concurrent à Charleroi et que de ce fait le contrat de franchise se trouvait rompu de plein droit aux torts du franchisé ce en application de son article 4.7.3 ;
Qu'en tout état de cause, elle devait mettre d'urgence fin à ces agissements pour préserver les intérêts du réseau, que de plus au jour de l'exclusion les parties étaient en procédure pour agissements illicites constitutifs de concurrence déloyale depuis près de 4 mois ;
Considérant que le 1er octobre 1998, la société " La Jemato " qui exploitait à Charleroi en sa qualité de franchisé un magasin " Le Torchon à carreaux " a ouvert dans cette même ville un second établissement qualifié de " succursale " sur le registre du commerce avec une activité identique à celle de l'établissement principal ;
Qu'il ressort du procès-verbal de constat de Maître Demine qu'étaient effectivement vendus dans cet établissement des objets destinés à l'art de la table et à la décoration de la maison dont la plupart n'avaient pas de marque apparente ;
Que la société La Jemato a donc méconnu ses obligations contractuelles tirées de l'article 4.3. du contrat de franchise qui lui interdisait d'exploiter sur le territoire national français et belge un magasin commercialisant en gros ou en détail des produits identiques ou similaires à ceux référencés par le franchisé ;
Considérant que cette faute relève de la sanction prévue à l'article 4.7.3 qui énonce que le contrat sera rompu de plein droit avant son terme normal un mois après une mise en demeure en cas d'inobservation par l'une des parties de l'une de ses obligations contractuelles et non de l'article 4.7.2. qui n'impose pas la formalité de la mise en demeure pour des cas qui y sont limitativement énumérés parmi lesquels ne figure pas le cas de l'espèce ;
Que sans avoir respecté les dispositions de l'article 4.7.3., la société Décor 17 a par lettre circulaire du 6 novembre 1997 informé ses fournisseurs que la société La Jemato ne faisait plus partie de sa chaîne, qu'elle avait été contrainte de retirer l'enseigne, qu'une procédure judiciaire était en cours et qu'en conséquence ce point de vente ne devait plus bénéficier des avantages spécifiques (tarifs, produits...) réservés du Torchon à carreaux ;
Qu'elle a donc commis une faute dans l'exécution du contrat ;
Considérant qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments la cour prononcera la résiliation du contrat aux torts réciproques des parties ;
Considérant sur le préjudice, que la société La Jemato défaillante ne produit aucune pièce, que la société Décor 17 est mal fondée en sa demande en paiement d'une somme équivalente aux redevances qu'elle aurait perçues si le contrat s'était exécuté jusqu'à son terme dès lors qu'elle a pris l'initiative d'en demander la résiliation par voie d'assignation du 27 juillet 1998 alors même que le second magasin n'était pas ouvert ;
2. Sur les redevances de communication et sur les demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale dirigées contre la société La Jemato
Considérant qu'il est stipulé au contrat de franchise que le franchisé consacrera au budget de communication des sommes égales à 2,5 % de son chiffre d'affaires hors taxes et que comme pour la redevance il adressera le règlement TTC le 15 de chaque mois ;
Que la résiliation aux torts du franchisé du contrat de franchise du 1er juin 1996, a, comme il le relève, privé le franchiseur de la redevance qu'il aurait dû percevoir à ce titre jusqu'à l'échéance du contrat soit la somme de 132 886 F ;
Considérant que la société Décor 17 soutient que la société La Jemato a commis des faits constitutifs de concurrence illicite au motif qu'agissant par son gérant, Monsieur Willaert elle a créé une société concurrente Electro Store et ouvert un second établissement sans l'avertir ni avoir reçu d'autorisation ;
Que s'agissant du premier grief le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte a jugé que l'éventuel comportement fautif de Monsieur Willaert qui, il y a lieu de le relever, détenait à titre personnel la moitié des parts sociales de la société Electro Store qu'il a cédé un mois après leur acquisition tout en démissionnait de son poste de gérant de cette société, ne peut être reproché à la société La Jemato qu'il gère;
Qu'en ce qui concerne le second grief, la société Décor 17 qui ne chiffre pas son préjudice (elle fixe à un million de francs le préjudice né des deux actes de concurrence déloyale allégués) et au surplus ne verse aux débats aucune pièce de nature à l'évaluer, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts;
3. Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Décor 17 la somme de 300 euro au seul titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de sa saisine, Réforme le jugement prononcé le 12 février 1999, Statuant sur les chefs déférés et y ajoutant, Condamne la société La Jemato à payer à la société Décor 17 au titre de la résiliation du contrat de franchise conclu le 1er juin 1996 la somme complémentaire de 20 258,34 euro, Prononce la résiliation du contrat conclu le 27 février 1995 aux torts réciproques des parties, Déboute la société Décor 17 de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre ainsi que celle au titre de concurrence déloyale pour ouverture d'un " accord établissement ", Déclare la société Décor 17 irrecevable en sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société La Jemato pour l'ouverture d'un magasin Electro Store, Dit sans objet la compensation ordonnée par le tribunal, Condamne la société La Jemato à payer à la société Décor 17 la somme de 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société La Jemato aux dépens, Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.