CCE, 25 novembre 1981, n° 82-123
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
VBBB/VBVB
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment son article 3, vu la notification faite par la Vereeniging ter Bevordering van de Belangen des Boekhandels, Amsterdam, Pays-Bas, le 30 octobre 1962, conformément à l'ar- ticle 5 du règlement n° 17 et par la Vereeniging ter Bevordering van het Vlaamsche Boekwezen, Anvers, Belgique, le 3 novembre 1962, de l'article 2 paragraphes 2, 4, 6 et 7 (dispositions concernant l'attribution réciproque de droits d'exclusivité) de l'accord conclu entre ces deux associations, vu la demande d'attestation négative concernant ledit accord faite par ces associations lors de la notification, vu la décision prise par la Commission, le 7 décembre 1977, d'engager la procédure, vu la demande présentée par Maxis BV, Muiden, Pays-Bas, le 8 juin 1978, en application de l'article 3 paragraphe 2 sous b) du règlement n° 17, après avoir entendu les associations d'entreprises intéressées conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et aux dispositions du règlement n° 99/63 de la Commission (2), les 15 et 16 mars 1978 ainsi que le 18 octobre 1979, vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 20 mai 1981, Considérant que les points de fait et de droit sont les suivants :
I LES FAITS
1. L'objet de la procédure
(1) La présente procédure concerne l'accord conclu le 21 janvier 1949 entre la Vereeniging ter Bevordering van de Belangen des Boekhandels (association pour la promotion des intérêts du commerce du livre, dénommée ci-après VBBB) et la Vereeniging ter Bevordering van het Vlaamsche Boekwezen (association pour la promotion du livre flamand, dénommée ci-après VBVB) et modifié le 2 juillet 1958. Cet accord, qui réglemente le commerce du livre entre les Pays-Bas et la Flandre, a été notifié à la Commission le 30 octobre 1962 par la VBBB et le 3 novembre 1962 par la VBVB, conformément aux dispositions du règlement n° 17. La procédure ne vise pas les systèmes néerlandais et flamand de prix collectifs verticalement imposés.
2. Les parties à l'accord
a. VBBB
(2) La VBBB est une association qui regroupe des éditeurs, des grossistes du secteur du livre, des importateurs de livres et des clubs du livre établis aux Pays-Bas. Une distinction est faite, au sein de cette association, entre les agréés et les inscrits. Les " agréés " sont ceux qui ont été agréés en tant qu'éditeurs, libraires, grossistes, importateurs ou clubs du livre, conformément aux dispositions du règlement concernant le commerce du livre aux Pays-Bas (Reglement voor het Handelsverkeer van Boeken in Nederland); les " inscrits " sont ceux qui ont été inscrits comme détaillants conformément aux dispositions dudit règlement. Les agréés et les inscrits sont tenus de respecter ce règlement. En outre, les agréés peuvent, s'ils le souhaitent, devenir membres de l'association.
La VBBB a pour objet de défendre les intérêts communs du commerce du livre et de l'édition et de promouvoir la coopération dans le secteur du livre au sens le plus large (article 1er du règlement général). Elle s'acquitte de cette tâche :
a) en arrêtant et en faisant appliquer des règlements contraignants destinés au secteur du livre;
b) en créant, en finançant et en administrant des organismes et des fonds destinés à la promotion du livre;
c) en maintenant une concertation visant à l'organisation du commerce du livre;
d) en encourageant l'arbitrage et le recours à des clauses compromissoires
et, enfin, en prenant toutes mesures qui lui paraissent utiles et nécessaires à l'accomplissement de sa mission (article 2 du règlement général).
(3) La VBBB est habilitée à conclure des accords relatifs au commerce du livre avec des organisations nationales ou étrangères (article 24 sous c) primo du règlement général). Les membres sont tenus, en vertu de l'article 14 sous a) tertio du règlement général, de respecter ces accords. La même obligation incombe aux agréés et aux inscrits conformément à l'article 3 sous e) du Reglement Handelsverkeer.
Le Reglement Handelsverkeer que la VBBB a adopté en application de l'article 2 paragraphe 1 du règlement général vise à fixer les normes et les usages qui régissent le commerce du livre aux Pays-Bas, et à en encourager le respect et l'application.
b. VBVB
(4) Jusqu'en 1971, la VBVB groupait les libraires et éditeurs de la partie néerlandophone de la Belgique ainsi que les titulaires de professions ayant un lien avec la librairie. Depuis 1971, la VBVB est une fédération de ligues et d'associations dotée de la personnalité morale, qui regroupent des éditeurs, des libraires, des représentants exclusifs d'éditions nationales ou étrangères et des titulaires de professions ayant un lien avec l'édition. A l'heure actuelle, elle compte comme membres, qu'il s'agisse de ligues ou, le cas échéant, d'associations, la Vereniging van Uitgevers van Nederlandstalige Boeken (association des éditeurs de livres en langue néerlandaise), l'Algemene Vlaamse Boekverkopersbond (association générale des libraires flamands) et le Bond van Alleenverkopers van Nederlandstalige Boeken (association des distributeurs exclusifs de livres en langue néerlandaise).
La VBVB a pour objet de défendre les intérêts du secteur du livre, au sens le plus large. A cette fin, elle doit notamment :
a) établir des contacts avec des organismes officiels lorsque les intérêts de l'association ou du secteur du livre l'exigent;
b) établir des contacts avec des associations analogues nationales ou étrangères, afin de défendre les intérêts de la branche et, le cas échéant, de conclure avec elles des accords dans ce sens ou devenir membre de ces associations;
c) promouvoir l'arbitrage au sein de la branche;
d) encourager la conclusion d'accords obligatoires concernant le commerce du livre et en assurer le respect après épuisement de tous les moyens de conciliation;
e) mettre en place un service d'assistance pour le secteur du livre;
f) créer un organe de publicité collective en faveur du livre, de la lecture et du commerce du livre
et, enfin, entreprendre tout ce qui peut paraître utile et nécessaire à l'accomplissement de sa tâche (article 2 des statuts en vigueur depuis le 1er janvier 1971).
(5) Jusqu'en 1972, la VBVB avait également un Verkoopreglement voor het Vlaamse Boekbedrijf, qui établissait les principaux usages et pratiques en vigueur dans le secteur du livre en Flandre et qui visait à réglementer l'exercice du commerce du livre. En vertu de l'article 18 sous b) de ce règlement, les libraires, distributeurs exclusifs et grossistes agréés par la VBVB devaient s'engager à n'avoir en stock en vue de la vente que des livres belges ou néerlandais dont les éditeurs étaient agréés par la VBVB ou la VBBB.
(6) En 1975 a été conclu un " accord entre les associations " (c'est-à-dire les associations affiliées à la VBVB) qui vise à assurer l'application du prix de vente au détail fixé par l'éditeur (3).
Cet accord ne comporte aucune disposition concernant le respect de l'accord entre la VBBB et la VBVB. Il remplace le Verkoopreglement voor het Vlaamse Boekbedrijf, en vigueur depuis 1929, dont le principe n'était pas différent.
(7) L'accord entre les associations a été remplacé en avril 1979 par un nouveau Reglement Handelsverkeer. Conformément à ce règlement, adopté par la VBVB et les trois associations membres, les adhérents sont tenus de respecter les accords conclus par la VBVB ou ses associations membres avec des organisations nationales ou étrangères.
3. Les principales dispositions de l'accord
(8) Le 21 janvier 1949, la VBBB et la VBVB ont conclu un accord réglementant le commerce du livre entre la Belgique et les Pays-Bas.
(9) Depuis les modifications intervenues le 2 juillet 1958, l'accord contient notamment les dispositions suivantes :
a) les personnes exerçant dans l'un des deux pays la profession d'éditeur et/ou de libraire et qui sont membres de l'association de ce pays peuvent, à leur demande, devenir membres de l'association de l'autre pays, avec les mêmes droits et obligations que les éditeurs et libraires qui, dans cet autre pays, sont membres de cette association.
Ne peuvent être admis comme membres les personnes qui, étant membres de l'association de l'un des deux pays, exercent dans l'autre pays la profession d'éditeur et/ou de libraire sans avoir été agréés par l'association de ce pays (article 1er).
b) Les publications ne seront ni vendues ni mises en vente en Belgique et aux Pays-Bas à des prix de détail inférieurs à ceux qui ont été fixés par les éditeurs néerlandais et belges, calculés sur la base de facteurs de conversion établis par les associations flamande et néerlandaise. Il est uniquement permis d'accorder un rabais sur ces prix aux libraires et grossistes qui sont agréés en tant que tels par les associations des deux pays.
Il est interdit d'acheter ou d'avoir en stock des publications parues dans l'un des deux pays ou d'en promouvoir la vente, d'une manière ou d'une autre, dans l'autre pays, lorsqu'elles n'ont pas été éditées par des éditeurs agréés dans le premier pays.
Enfin, il est interdit de désigner comme représentant exclusif ou dépositaire dans l'autre pays quelqu'un qui, dans ce pays, se présente au public, systématiquement ou occasionnellement, même pour une seule édition, en tant qu'éditeur, libraire ou importateur sans avoir été agréé par l'association de ce pays (article 2).
c) Les articles 3 et 4 de l'accord indiquent les dispositions auxquelles les éditeurs et libraires agréés dans l'un des deux pays sont tenus de se conformer lorsqu'ils exercent des activités commerciales dans l'autre pays. Ainsi, pour exercer une activité commerciale aux Pays-Bas, les éditeurs et libraires agréés en Belgique doivent respecter les dispositions suivantes :
- l'éditeur est tenu de fixer un seul prix de détail pour les exemplaires de même nature de chacune de ses publications,
- l'éditeur est habilité à fixer, outre ce prix de détail, un prix moins élevé pour les ventes effectuées dans les cas énumérés dans l'accord. Les publications doivent également pouvoir être achetées à ce prix inférieur par l'intermédiaire d'un libraire. Ce prix moins élevé ne doit cependant jamais être présenté comme un rabais sur le prix de détail,
- l'éditeur est autorisé à abaisser le prix de vente au détail d'une ou plusieurs de ses publications aux conditions prévues dans l'accord,
- l'accord précise également ce qu'il y a lieu de considérer comme vente à un prix inférieur au prix de détail fixé par l'éditeur,
- les éditeurs doivent toujours indiquer clairement que les publications mentionnées dans les circulaires, prospectus, catalogues et annonces peuvent être achetées par l'intermédiaire d'une librairie,
- il est interdit de donner l'impression, dans des communications destinées au public, que l'on vend à un prix inférieur au prix de détail,
- il est également interdit d'engager comme colporteurs, ou de rétribuer à ce titre, des personnes autres que celles dont la profession est le colportage,
- de même, la commande ou l'achat des publications visées à l'article 3 sous a) du Nederlands Verkeersreglement ne peut se faire que dans un point de vente considéré comme une succursale ou assimilé à une succursale au sens dudit règlement (article 3).
d) Les éditeurs et libraires agréés aux Pays-Bas sont tenus de respecter les dispositions suivantes, dans la mesure où ils veulent exercer une activité commerciale en Belgique :
- l'éditeur doit fixer le prix de vente au détail de chacune de ses publications au moment de leur parution, ainsi que les prix de série, primes et avantages éventuels accordés aux particuliers,
- l'éditeur peut baisser ses prix de vente aux particuliers selon les conditions prévues dans l'accord,
- il est interdit de donner d'une quelconque façon l'impression que le prix de vente peut être inférieur au prix de détail,
- les livres appartenant à la catégorie des " livres de prix " ne peuvent être proposés en vente aux écoles et aux institutions publiques par les libraires et les éditeurs que pendant la période et avec le rabais stipulés dans l'accord,
- les éditeurs sont autorisés à vendre directement à prix réduit, aux catégories de personnes intéressées, les publications qu'ils mettent dans le commerce pour le compte des pouvoirs publics, de sociétés ou d'associations, à condition qu'ils le mentionnent dans leurs offres et dans l'annonce publiée dans l'organe de l'association flamande,
- les éditeurs sont tenus d'indiquer clairement que les publications peuvent être obtenues auprès des librairies agréées,
- s'il est fait appel à des courtiers ou à des colporteurs, l'éditeur, le dépositaire exclusif, le grossiste ou le libraire est responsable de leurs agissements au regard des règlements de l'association flamande (article 4).
4. La distribution et le système de fixation des prix de livres en langue néerlandaise aux Pays-Bas
4.1. La distribution
(10) Le marché du livre aux Pays-Bas a enregistré pendant la période allant de la fin des années quarante jusqu'au milieu des années soixante-dix une croissance annuelle de 6 à 7 %. Depuis lors, le marché du livre, et plus particulièrement celui du livre d'intérêt général, a connu une stagnation (4). Le total des titres de livres néerlandais disponibles aux Pays-Bas s'élève à environ 65 000. Annuellement 8 000 à 8 500 nouveaux titres et 5 000 réimpressions sont mis sur le marché.
Le commerce du livre aux Pays-Bas est essentiellement entre les mains d'éditeurs, de grossistes, de libraires, d'importateurs ou de clubs du livre agréés par la VBBB ou de détaillants enregistrés par cette association.
(11) Au total, il existe aux Pays-Bas environ mille unités d'exploitation qui s'occupent de l'édition de livres d'une manière exclusive ou non. Environ cinq cents de celles-ci sont agréées par la VBBB et représentent 72 % du total des livres vendus aux Pays-Bas.
Sur l'ensemble des maisons d'édition agréés, il y en a environ cent qui font partie d'un des grands groupes d'éditeurs tels que De Boer, Combo, Elsevier, ICV, Kluwer et VNU. La part de ces groupes du marché du livre d'intérêt général est de 50 %. Les autres éditeurs indépendants interviennent pour l'autre moitié. Malgré cette concentration, il semble exister encore de bonnes chances pour de petits éditeurs indépendants de se maintenir et même de pénétrer comme nouveau venu sur le marché, surtout dans des petits secteurs spécifiques. Ceci ressort notamment du fait que, pendant les dernières années, le nombre de maisons d'édition agréées par la VBBB a augmenté. En outre, la concentration n'empêche pas les éditeurs absorbés de continuer sous leur propre nom leur activité comme société opérationnelle. Un certain nombre de grands éditeurs ont acquis des intérêts dans des librairies et des clubs du livre.
(12) Environ 80 % des grossistes sont agréés par la VBBB, mais il faut noter que le seul grossiste dont les activités s'étendent à l'ensemble du pays livre exclusivement à des libraires agréés.
Le canal de distribution qui connaît la croissance la plus grande est représenté par les clubs du livre dont environ dix existent aux Pays-Bas. Leur part de marché a augmenté de 50 % pendant les quatres dernières années; en 1979, 24 % des livres d'intérêt général ont été vendus par l'intermédiaire de ces clubs. Les cinq plus grands clubs sont ECI, NBC (tous deux ayant des membres dans la partie néerlandophone de la Belgique), NLK - Boek en Plaat, VCL et Silhouette. Les clubs du livre disposent de 25 à 30 magasins où la vente à des prix avec des remises allant jusqu'à 50 % est réservée exclusivement aux membres. Un certain nombre de grands éditeurs ont pris des participations importantes dans ces clubs.
Sur les quelque 10 000 points de vente, on compte environ 1 900 librairies agréées par la VBBB. Celles-ci écoulent environ 55 % des livres d'intérêt général vendus aux Pays-Bas. La marge brute de revente dans la librairie est de 30 %. Entre 300 à 500 librairies disposent d'un large assortiment de titres.
4.2. Le système de fixation des prix
(13) Le Reglement Handelsverkeer oblige les éditeurs agréés à fixer un seul prix de détail pour chacune de leurs publications, exception faite de certains cas bien délimités (articles 5 et 6). Les livres ne peuvent être vendus ou proposés à la vente au-dessous de ce prix. Un rabais ne peut être accordé qu'en cas de livraison à des établissements agréés et enregistrés et à des firmes inscrites au registre du commerce de la Chambre de commerce (Handelsregister van de Kamer van Koophandel) exclusivement en qualité de détaillants pour certains articles, à condition que le contenu de ces livres présente un lien étroit avec les articles vendus par ces négociants, et, en cas de livraison de livres d'intérêt général coûtant moins de 35 florins, à des détaillants et grossistes inscrits au Handelsregister (articles 12 et 13).
5. La distribution et le système de fixation des prix des livres en langue néerlandaise en Belgique
5.1. La distribution
(14) En 1977, le marché flamand du livre représentait sur le plan des prix aux consommateurs environ 96 millions d'écus pour 6 millions de néerlandophones. La consommation de livres par tête est moins élevée qu'aux Pays-Bas. Les éditeurs flamands fournissent environ 25 % du total des livres qui sont commercialisés dans la partie néerlandophone de la Belgique et dans la région bilingue de Bruxelles-capitale. Le nombre de publications disponibles augmente d'environ 2,5 % par an. On compte environ 5 000 nouvelles publications, dont un tiers environ provient des maisons d'éditions flamandes, le reste étant importé des Pays-Bas.
Environ cent quarante éditeurs (soit quelque 80 % du nombre total d'éditeurs de la partie néerlandophone de la Belgique), dont tous les éditeurs importants, sont affiliés à la Vereniging van Uitgevers van Nederlandstalige Boeken. De nombreuses maisons d'édition établies en Flandre ont été acquises par des groupes néerlandais. Les autres éditeurs flamands sont dans l'ensemble peu importants.
(15) Près de la moitié des grossistes opérant dans la partie néerlandophone de la Belgique et dans la région bilingue de Bruxelles-capitale sont membres de l'Algemene Vlaamse Boekverkopersbond. En fait, il n'y a que treize grossistes, dont les trois plus importants détiennent environ 80 % du marché. Les autres ont surtout une importance régionale.
(16) Sur l'ensemble des véritables librairies (c'est-à-dire les libraires qui exercent cette activité à titre principal), 700 (90 %) environ sont membres de l'Algemene Vlaamse Boekverkopersbond. Il existe en outre, dans la partie néerlandophone, quelque 2 250 librairies - magasins de journaux. Les ventes sont assurées à environ 45 % par les librairies proprement dites.
5.2. Le système de fixation des prix
(17) Le Reglement Handelsverkeer oblige l'éditeur ou le distributeur exclusif à fixer un seul prix de détail pour chacune de ses publications, exception faite de certains cas bien délimités (articles 3 et 4). Les livres ne peuvent être vendus ou proposés à la vente au-dessous de ce prix. Un rabais ne peut être accordé qu'en cas de livraison à des revendeurs. Si ceux-ci ne sont pas membres de l'association, les conditions de vente doivent mentionner l'obligation d'appliquer les prix de détail fixés, qui devront également être respectés en cas de revente jusqu'au consommateur/utilisateur.
6. Le commerce de livres en langue néerlandaise entre les Pays-Bas et la partie néerlandophone de la Belgique
6.1. L'importation de livres en langue néerlandaise aux Pays-Bas
(18) On ne connaît pas exactement le nombre d'importateurs aux Pays-Bas, mais, parmi ceux qui font profession d'importer des livres, dix sont agréés par la VBBB.
Il existe également aux Pays-Bas différents dépôts d'éditeurs étrangers. Ceux-ci approvisionnent le marché néerlandais par l'intermédiaire de ces dépôts ou magasins. Les dépositaires n'importent pas pour leur compte propre ni à leurs risques.
D'autre part, certains éditeurs néerlandais importent pour leur compte propre et à leurs risques des éditions étrangères dont ils ont la représentation exclusive.
En dehors des personnes pour lesquelles l'importation de livres constitue la seule activité, on compte encore quarante-quatre libraires professionnels, dits scientifiques, qui importent eux-même et pour lesquels l'importation d'éditions étrangères essentiellement scientifiques constitue une partie importante de leur activité. Ces libraires sont tous agréés, à une seule exception près.
Les livres en langue néerlandaise édités à l'étranger représentent environ 7 % du marché aux Pays-Bas.
La valeur des importations aux Pays-Bas de livres en langue néerlandaise édités en Belgique augmente d'environ 7 % par an et a atteint environ 18 millions d'écus en 1979. La moitié de cette somme est représentée par des bandes dessinées.
6.2. L'importation de livres en langue néerlandaise dans la partie néerlandophone de la Belgique
(19) Sur le total des livres commercialisés dans la partie néerlandophone de la Belgique et la région bilingue de Bruxelles-capitale, 80 % environ sont importés des Pays-Bas (pour une valeur de 36 millions d'écus en 1977) et 5 % d'autres pays.
Le Bond van Alleenverkopers van Nederlandstalige Boeken groupe 90 % des importateurs de livres en langue néerlandaise établis dans les provinces flamandes et à Bruxelles. Environ 90 % des livres importés des Pays-Bas passent par des importateurs qui ont, pour le marché belge, l'exclusivité de l'importation de livres provenant d'un éditeur néerlandais.
7. Le système de fixation des prix des livres en langue néerlandaise importés aux Pays-Bas et dans la partie néerlandophone de la Belgique
7.1. Le système de fixation des prix des livres importés aux Pays-Bas
(22) Pour compléter ce qui a été dit au paragraphe 13, il convient de préciser que le prix des éditions étrangères est le prix de détail imposé par l'éditeur, converti sur la base du taux fixé périodiquement par la VBBB après avis de la commission pour les facteurs de conversion. Depuis 1978, le gouvernement fixe les taux de conversion dans l'arrêté relatif aux prix des livres importés (Prijzenbeschikking geimporteerde boeken). Ces taux constituent un élément du calcul du prix maximal qui peut être pratiqué conformément aux dispositions de l'arrêté relatif aux prix des livres importés (à l'exception des livres de poche).
Le prix du livre de poche étranger peut être fixé par l'importateur à condition qu'il soit le représentant exclusif et qu'il permette aux revendeurs de lui rendre les invendus. L'arrêté relatif aux prix des livres importés l'oblige à ne pas dépasser un certain prix maximal.
7.2. Le système de fixation des prix des livres importés dans la partie néerlandophone de la Belgique
(21) Pour compléter ce qui a été dit au paragraphe 17, il y a lieu de préciser que le prix des éditions étrangères est le prix de détail imposé par l'éditeur, converti sur la base du taux fixé par la Commission des prix du ministère des affaires économiques en application de l'arrêté ministériel du 13 juin 1974. Conformément aux dispositions de cet arrêté, le taux de conversion est un élément du calcul du prix maximal autorisé.
8. Déroulement de la procédure, nouvelles propositions des parties concernées et actions engagées devant les tribunaux nationaux
8.1. Le déroulement de la procédure
(22) La Commission a communiqué à la VBBB, le 19 décembre 1977, et à la VBVB, le 12 janvier 1978, des griefs à l'égard de l'accord, indiquant qu'elle se proposait de constater que l'accord visé par la présente décision constituait une violation de l'article 85 paragraphe 1 et qu'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 ne pouvait être envisagée. Dans leurs observations orales et écrites au sujet de ces griefs, les associations concernées ont déclaré que l'accord n'existait plus qu'en théorie.
(23) Le 8 juin 1978, l'entreprise Maxis BV, un grand magasin en libre service installé à Muiden (Pays-Bas), a inclus l'accord conclu entre la VBBB et la VBVB dans l'objet de la plainte qu'elle avait adressée à la Commission, conformément aux dispositions du règlement n° 17 du Conseil, contre le Reglement Handelsverkeer de la VBBB. Etant donné que Maxis importe des éditions belges aux Pays-Bas, elle peut faire valoir un intérêt légitime dans l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 3 paragraphe 3 sous b), du règlement n° 17. Néanmoins, dans la présente décision, la Commission ne s'est pas fondée sur les arguments invoqués par l'intéressée.
8.2. Les nouvelles propositions des parties concernées
(24) Après l'audition des 15 et 16 mars 1978, plusieurs échanges de vues ont eu lieu dans le cadre de la présente affaire entre les parties concernées et les représentants de la Commission. Par lettre du 22 septembre 1978, les parties ont adressé à la Commission un projet de nouvel accord (5), dont les principaux éléments sont les suivants :
a) Les deux associations s'engagent réciproquement à faire respecter les prix imposés pour les livres provenant de l'autre pays.
b) Les deux associations veilleront à ce que les éditeurs fixent, non seulement pour leur propre pays mais aussi pour l'autre pays, un prix de détail qui - hors TVA - ne peut être inférieur dans le second pays à celui du premier pays.
c) Les deux associations s'engagent à ne pas vendre dans leur propre pays des livres à un prix inférieur au prix imposé aux livres édités dans le pays de l'autre partie.
d) Les membres des trois associations professionnelles flamandes, ainsi que les personnes relevant aux Pays-Bas du Reglement voor het Handelsverkeer doivent, s'ils exercent des activités commerciales dans l'autre pays, respecter les dispositions dudit règlement, notamment en ce qui concerne les prix spéciaux et les rabais, ainsi que l'augmentation des prix et l'abolition des prix fixes.
e) les deux associations veilleront à ce que, dans les deux pays, les prix soient effectivement fixés par les éditeurs ou les importateurs.
f) En cas de réimportation de livres provenant des Pays-Bas ou de Belgique, le prix de détail fixé initialement redevient applicable et doit être respecté. Les associations veilleront à ce que, en cas de réexportation, l'éditeur ou le revendeur auquel le règlement national est applicable pratique effectivement le prix imposé.
(25) Après avoir réexaminé la présente affaire, la Commission a informé les parties concernées, par lettre du 9 août 1979, qu'elle a les mêmes griefs à l'égard du projet de nouvel accord qu'à l'égard de l'accord notifié. En outre, les parties ont été invitées à présenter leurs observations écrites, ainsi qu'à exprimer oralement leur point de vue. Une audition a eu lieu le 18 octobre 1979.
(26) Par la suite, les associations concernées ont étudié certaines propositions en vue de remplacer le système collectif de prix imposés pour les livres en langue néerlandaise par une réglementation moins stricte. Par lettre du 15 février 1980, elles ont soumis le projet suivant (6) à la Commission :
a) Le système collectif de prix imposés ne sera appliqué que pendant l'année qui suit la première parution d'un ouvrage.
b) Le prix visé sous a) cesse d'être applicable après un an, à moins que l'éditeur ne décide librement et individuellement pour chaque ouvrage de maintenir le prix imposé.
c) Les dispositions indiquées sous a) et b) s'appliquent de toute façon aux livres d'intérêt général et de préférence aux livres scolaires et aux livres scientifiques, mais non à certaines catégories qui ont été exclues.
d) Pendant la première année, le prix imposé est appliqué conformément au Reglement voor Handelsverkeer; il en va de même après la première année, si l'éditeur choisit de maintenir le prix imposé.
e) L'application du prix de détail au-delà des frontières serait rendue possible par une exemption de l'accord entre la VBBB, et la VBVB à accorder par la Commission. Le respect du prix imposé pour les livres provenant du pays voisin serait assuré pour les adhérents par le Règlement Handelsverkeer et, pour les autres, par les conditions de livraison qui seraient définies au moment de l'importation.
(27) Dans une phase ultérieure, en septembre/octobre 1980, de nouvelles propositions ont encore été transmises à la Commission (7). Elles visaient à supprimer l'exclusivité inhérente au système d'agréation et à éliminer toute obligation collective dans le commerce de livres entre la Belgique et les Pays-Bas. Ces propositions peuvent être résumées de la façon suivante :
(28) 1. Conditions de livraison pour les livres d'intérêt général en langue néerlandaise avec prix de vente imposé en Belgique et aux Pays-Bas :
a) Un éditeur ou un représentant exclusif de livres d'intérêt général en langue néerlandaise peut - sans y être obligé (8) - fixer pour chacun de ses livres un prix qui sera appliqué lors de la vente aux consommateurs/utilisateurs; chaque acheteur de livres, pour lesquels un prix de vente au détail a été fixé, doit imposer aux commerçants auxquels il vend des livres, le respect du prix de détail.
b) Le prix de vente au détail visé sous a) doit être respecté pendant les deux années qui suivent la parution d'un livre.
c) Dans certains cas, il peut être dérogé aux prix de vente au détail pendant des périodes limitées (par exemple, prix de souscription, prix réservés aux membres, prix de série, prix applicables, aux achats combinés et aux achats à crédit et bons d'achat).
d) Lorsque des livres à prix imposés sont vendus à des négociants, les conditions générales de livraison uniformes doivent être indiquées sur la confirmation de la commande et/ou la facture; en passant une commande, les commerçants sont réputés accepter ces conditions et sont tenus de s'y conformer.
e) Lorsque des livres provenant des Pays-Bas sont vendus à un commerçant belge ou inversement, le prix imposé lui sera appliqué; lui-même sera obligé d'appliquer ce prix en cas de réexportation aux Pays-Bas ou inversement; ces obligations seront répercutées lors de la revente à d'autres détaillants.
f) Le prix de vente au détail n'est pas applicable aux clubs du livre qui remplissent un certain nombre de conditions.
(29) Accord entre la VBBB et la VBVB :
En application des dispositions relatives aux prix imposés pour les livres en langue néerlandaise, les éditeurs ou les distributeurs exclusifs des deux pays veilleront à ce que, lors de l'exportation et de la revente d'un livre à prix fixe, ce livre soit également soumis dans l'autre pays au régime qui est applicable en matière de prix imposés; cette disposition s'applique en cas de réimportation de livres.
(30) Le 13 novembre 1980, la Commission a fait savoir aux parties concernées qu'une exemption ne pourrait pas être accordée pour les nouvelles propositions. Les arguments avancés par les parties étaient en effet de nature telle que la Commission ne pouvait pas justifier une exemption pour une obligation d'appliquer des prix fixes dans deux Etats membres, même si les prix étaient fixés individuellement.
(31) Après une réunion tenue le 19 mars 1981 entre des représentants des parties concernées et la Commission, celle-ci a fait savoir par lettre du 27 mars 1981 qu'elle maintenait ses objections envers l'accord notifié. Dans la même lettre, il était confirmé que ni l'accord notifié ni les propositions ultérieures ne pouvaient bénéficier d'une exemption. Pour les raisons communiquées à plusieurs reprises aux parties, une exemption ne peut pas être accordée pour un accord ayant comme objet l'application dans les échanges entre Etats membres de prix fixes pour la revente de certains produits, et plus précisément de livres dans le présent cas d'espèce. Les parties ont été priées de mettre fin à l'exécution de l'accord notifié dans un délai d'un mois et d'informer la Commission des mesures prises afin d'arrêter définitivement son exécution. Les parties n'ont pas donné suite à cette demande.
8.3. Procédures intentées devant les tribunaux nationaux
(32) a) Pays-Bas
L'accord visé par la présente décision a fait l'objet d'un jugement du tribunal d'arrondissement d'Amsterdam, en date du 26 mai 1977, dans un litige entre la VBBB et quelques éditeurs, d'une part, et Maxis BV, d'autre part. Aux termes de ce jugement, les livres édités aux Pays-Bas, dont il peut être prouvé qu'ils ont été achetés à l'étranger, peuvent être vendus aux Pays-Bas au-dessous du prix de vente au détail fixé par l'éditeur. L'essentiel de ce jugement a été confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel d'Amsterdam du 28 décembre 1977. L'arrêt de cassation prononcé par le Hoge Raad en date du 18 mai 1979 n'a apporté aucun élément nouveau quant aux faits invoqués dans la présente affaire.
(33) b) Belgique
Par jugement du Président du Tribunal de commerce de Bruxelles en date du 18 juin 1979 (dans un litige opposant les grands magains GB/Inno/BM, requérants, d'une part, et la VBVB et quelques éditeurs, défendeurs, d'autre part), les défendeurs ont été obligés de cesser " de faire dépendre la vente des livres en langue néerlandaise de l'obligation imposée aux requérants d'appliquer le prix de vente aux consommateurs fixé par les fournisseurs ". Ce faisant, le juge a constaté que le Reglement Handelsverkeer violait l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE et qu'il n'était pas prouvé que la Commission ferait selon toute vraisemblance usage de son pouvoir d'appliquer l'article 85 paragraphe 3. Appel a été interjeté de ce jugement.
II APPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1
(34) Aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction.
A. ACCORDS ENTRE ENTREPRISES
(35) L'accord conclu entre la VBBB et la VBVB, qui fait l'objet de la présente décision, doit être considéré, dans sa forme, comme un accord conclu entre des associations d'entreprises groupant des éditeurs, des clubs du livre, des importateurs, des représentants exclusifs, des grossistes et des librairies. Leurs membres ou affiliés sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1, puisqu'ils exercent des activités économiques ou commerciales.
(36) Conformément à l'article 14 de l'Algemeen Reglement et à l'article 3 du Reglement Handelsverkeer (voir paragraphe 3), les membres agréés et inscrits de la VBBB sont tenus de respecter les accords conclus par la VBBB avec des organisations nationales ou étrangères du secteur du livre. Les membres des associations flamandes doivent, en application du Reglement Handelsverkeer (voir paragraphe 7) conclu entre la VBVB et les associations membres, respecter les accords qui ont été conclus par la VBVB avec des organisations nationales ou étrangères.
(37) L'accord conclu entre la VBBB et la VBVB, qui fait l'objet de la présente décision, est un accord que les membres et affiliés de la VBBB et la VBVB sont tenus de respecter tout comme s'il avait été conclu par eux et qui peut en fait être considéré comme un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 (9).
(38) Cette conclusion n'est en aucune façon modifiée par la déclaration faite par les parties à la Commission, dans laquelle elles affirment que l'accord n'existe plus qu'en théorie et qu'en tout état de cause le système collectif d'exclusivité serait supprimé dans la nouvelle version de l'accord. Cependant, l'accord concerné fait toujours l'objet de la notification visée au paragraphe 1 et n'a pas été dénoncé par les parties. Les propositions que ces dernières ont soumises à la Commission (voir paragraphes 28 et 29) n'ont pas entraîné une dénonciation de l'accord initial et n'affectent donc pas la présente procédure qui porte sur ledit accord.
B. RESTRICTION DE LA CONCURRENCE A L'INTERIEUR DU MARCHE COMMUN
1. Le système collectif d'exclusivité
(39) L'article 2 de l'accord dispose que l'octroi d'un rabais sur le prix de détail n'est autorisé qu'en cas de livraison à des personnes agréées. Par ailleurs, il est interdit d'acheter ou de détenir des livres édités dans l'autre pays par un éditeur non agréé, ou d'en encourager la vente. Enfin, cet article prévoit également que seuls les éditeurs, libraires ou importateurs agréés dans un pays peuvent être désignés comme représentants exclusifs ou dépositaires dans l'autre
(40) Ces dispositions visent à réduire la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Elles ont pour effet de limiter la plus grande partie du commerce du livre entre la Belgique et les Pays-Bas aux entreprises qui sont agréées dans les deux pays (ou dans l'un des deux). Ces dispositions empêchent les éditeurs et commerçants agréés de traiter avec des éditeurs et commerçants non agréés de l'autre pays. D'autre part, les entreprises qui ne sont pas agréées (parce qu'elles ne remplissent pas ou ne souhaitent pas remplir les conditions d'agrément) voient leurs possibilités d'achat et de vente limitées, puisqu'il leur est impossible de vendre ou d'acheter certains ouvrages à des éditeurs et des commerçants agréés dans l'autre pays.
2. Le système collectif des prix imposés
(41) L'accord comporte un certain nombre de dispositions destinées à empêcher que des livres édités dans l'un des deux pays soient vendus dans l'autre pays à un prix de détail différent de celui qui a été fixé par l'éditeur. Tous ceux qui vendent des livres ou proposent des livres à la vente sont tenus de respecter les prix fixés par les éditeurs néerlandais ou belges (calculés sur la base des taux de conversion) (article 2). L'éditeur ou le libraire de l'un des deux pays qui désire exercer une activité commerciale dans l'autre pays est soumis à une série d'obligations en matière de prix. La plus importante est celle qui oblige l'éditeur à fixer un seul prix de détail pour chacune de ses publications.
République fédérale d'Allemagne Ce système collectif de prix imposés applicable au-delà des frontières a pour objet et pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun. Il exclut toute concurrence au niveau des prix pour un même titre entre les libraires des deux pays. Les commerçants se voient donc interdire tout effort personnel qui leur permettrait d'accroître leur part de marché en revendant des livres au-dessous du prix fixé par l'éditeur, et de faire bénéficier les consommateurs des avantages résultant de mesures de rationalisation. Ce système restreint en outre la liberté d'action des éditeurs et des importateurs. Il leur est en effet interdit de promouvoir, dans l'un des deux pays, la vente de livres parus dans l'autre pays par une diminution temporaire ou permanente des prix, ou de faire bénéficier les consommateurs de l'autre pays des éventuelles économies de coût réalisées.
3. Restriction " sensible "
(43) Le système collectif d'exclusivité et de prix imposés instauré par l'accord restreint la concurrence de façon sensible. La majorité des entreprises opérant dans le secteur du livre en Flandre et aux Pays-Bas (éditeurs, clubs du livre, importateurs, distributeurs exclusifs, grossistes et libraires) sont agréées par les deux associations ou y sont affiliées. Elles sont tenues de respecter les dispositions de l'accord et des sanctions sont prévues en cas d'infraction. Les entreprises non agréées ou non affiliées ne disposent donc que de faibles possibilités d'achat ou de vente en Belgique et aux Pays-Bas. On peut souligner, en outre, que les éditeurs agréés détiennent aux Pays-Bas une part de marché supérieure à 70 % et que, en Flandre, 80 % des éditeurs sont affiliés à la VBVB. Il est donc permis de penser qu'une grande partie des éditions de livres importés des Pays-Bas en Flandre ou de Flandre aux Pays-Bas proviennent très probablement d'éditeurs agréés ou affiliés et sont donc soumises au système collectif d'exclusivité et de prix imposés instauré par l'accord. Les libraires se voient ainsi interdire toute concurrence sur les prix avec d'autres détaillants pour une grande partie des livres qu'ils vendent.
C. EFFETS DEFAVORABLES SUR LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES
(44) L'accord concerne le commerce du livre entre la Belgique et les Pays-Bas. Il vise à soumettre ce commerce à une réglementation qui empêche les éditeurs de livres en langue néerlandaise et les libraires de l'un des deux pays de choisir librement leurs canaux d'approvisionnement et de distribution dans l'autre pays, ainsi qu'à fixer leurs conditions d'achat et de vente. L'accord est donc de nature à entraver la liberté des échanges entre Etats membres en excluant une vraie concurrence entre les libraires et à avoir des effets préjudiciables sur le commerce intracommunautaire.
(45) La convention instituant une union de langue néerlandaise conclue entre le royaume de Belgique et le royaume des Pays-Bas (signée le 9 septembre 1980 mais non encore ratifiée), qui vise à réaliser l'intégration des Pays-Bas et de la communauté néerlandophone de la Belgique sur le plan de la langue et des lettres néerlandaises et qui concerne notamment, dans une certaine mesure, l'édition et la diffusion de livres, ne constitue pas un obstacle à l'application de l'article 85 paragraphe 1, dès lors que le commerce entre Etats membres, en l'occurrence entre la Belgique et les Pays-Bas, est affecté.
(46) Ces effets préjudiciables sont sensibles. Le commerce du livre entre les Pays-Bas et la Belgique est très important. Environ 80 % des livres vendus en Flandre proviennent des Pays-Bas et représentent environ 36 millions d'écus (en 1977). Certes, aux Pays-Bas, la part de marché des livres publiés en Flandre est sensiblement inférieure, mais elle se chiffre tout de même à quelque 18 millions d'écus (en 1979). Ainsi qu'on l'a déjà dit plus haut (paragraphe 43), une très grande partie des livres importés sont très probablement édités par des éditeurs agréés ou affiliés. Dès lors, l'accord régit dans une très large mesure le commerce des livres entre les deux pays.
III APPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3
(47) Conformément à l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
(48) En ce qui concerne le système collectif d'exclusivité, il faut remarquer que les parties n'ont avancé aucun argument tant dans leurs observations écrites que dans leurs explications orales tendant à justifier une exemption éventuelle de cette partie de l'accord en cause. En outre, les parties ont déclaré que ce système ne devrait plus réapparaître dans un nouvel accord. A cet égard, la Commission est d'avis que le système collectif d'exclusivité ne contribue pas à améliorer la production ou la distribution des produits en question, c'est-à-dire les livres, parce que le système a pour objet et pour effet la mise en place d'un système de protection en faveur des éditeurs et revendeurs liés aux associations mises en cause qui limite de manière sensible les possibilités d'achat et de vente dans l'autre pays des entreprises non agréées ou non adhérentes du secteur des livres d'un pays et qui restreint ou empêche le libre développement d'autres formes de distribution et méthodes de vente.
En ce qui concerne le système collectif de prix imposés dans les échanges de livres de langue néerlandaise entre les Pays-Bas et la Belgique, la Commission estime nécessaire d'examiner de façon approfondie les arguments invoqués par les parties à l'égard de chacune des quatre conditions de l'article 85 paragraphe 3, bien que cela soit en principe superflu lorsque l'accord ne remplit déjà pas l'une des ces conditions. Dans sa contre-argumentation, la Commission fait connaître sa position au sujet de la partie de l'accord qui est visée par la présente décision.
La Commission désire, en outre, attirer l'attention sur le fait que, dans la présente décision, elle traite certains aspects de la fixation collective des prix en général, étant donné que l'appréciation de l'accord, qui concerne la fixation des prix des livres dans le commerce entre Etats membres, ne peut pas être détachée complètement de ces aspects généraux.
A. CONTRIBUTION A L'AMELIORATION DE LA PRODUCTION OU DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS
(49) Le système collectif de prix imposés dans le commerce du livre en langue néerlandaise entre la Belgique et les Pays-Bas qui est instauré par l'accord ne contribue ni à améliorer la production des produits concernés, en l'occurrence l'édition des livres en langue néerlandaise, ni à en promouvoir la distribution.
(50) Les parties concernées prétendent que le système collectif des prix imposés instauré par l'accord contribue à améliorer la production et la distribution des produits, parce que l'existence d'un prix fixe pour les livres en langue néerlandaise dans les deux pays permet aux éditeurs - par un système de compensation interne entre livres à tirage restreint et à rotation lente et livres à tirage élevé et à rotation rapide - de mettre sur le marché un large éventail de titres. Avec le système des prix imposés, l'éditeur qui décide de publier un livre bénéficie de la stabilité qui est nécessaire pour mettre sur le marché un assortiment important. L'éditeur serait en effet assuré que les libraires organisés accepteraient de prendre ses livres en stock, même ceux qui sont à écoulement lent, et d'en promouvoir la vente. Le prix imposé permettrait en outre aux petites et moyennes maisons d'édition, qui sont souvent spécialisées dans des publications peu commerciales, de se maintenir sur le marché. En ce qui concerne la distribution, le prix imposé donnerait au libraire la possibilité de disposer d'un stock important et diversifié, le coût occasionné par les livres à rotation lente pouvant être compensé par le bénéfice réalisé sur les livres à rotation rapide. Ce bénéfice lui permettrait d'offrir des services à la clientèle et de passer des commandes individuelles pour certains clients.
(51) L'argumentation des parties concernées se fonde sur le rapport entre le principe de compensation interne au niveau du producteur, en l'occurrence l'éditeur, et du distributeur, c'est-à-dire le libraire, et le système collectif de prix imposés. La Commission ne peut accepter cette argumentation, étant donné que la compensation interne, dans la mesure où elle serait possible en l'espèce d'un point de vue économique ou commercial, n'exige pas nécessairement un système collectif de prix imposés. La décision d'opérer une certaine compensation entre le coût des éditions peu commerciales et celui des éditions à grand tirage est prise individuellement et librement par l'éditeur, lorsqu'il fixe ses prix de vente. La compensation souhaitée par l'éditeur n'exige pas un système dans lequel celui-ci fixerait pour chaque livre, jusqu'au stade du consommateur, un prix de vente qui devrait aussi être respecté dans l'autre pays par toutes les personnes agréées, inscrites ou affiliées. En effet, il devrait suffire à l'éditeur de mettre sur le marché des livres à grand tirage dont il pourrait vendre une certaine quantité, ce qui lui permettrait, grâce aux recettes relativement importantes qu'il en tirerait, de publier des livres qui se vendent plus difficilement. La Commission n'admet pas que cela doive être lié à un système de prix imposés, d'autant plus que, en pratique, les éditeurs de livres d'intérêt général ne publient souvent pas de livres à diffusion restreinte, tels que les ouvrages spécialisés ou les œuvres littéraires moins populaires. La Commission ne peut davantage admettre l'argument invoqué par les parties au sujet des libraires. Malgré le système collectif de prix imposés, le nombre de librairies générales a déjà fortement baissé, en tout cas aux Pays-Bas, en raison notamment du succès des magasins à entrée libre qui vendent presque exclusivement des livres populaires et des magazines, et de l'augmentation assez importante du chiffre d'affaires des clubs du livre, qui proposent en général un assortiment assez restreint.
(52) En outre, pour déterminer si certaines restrictions de concurrence peuvent être exemptées de l'interdiction des ententes en vertu de l'article 85 paragraphe 3, il importe uniquement de savoir si elles représentent une amélioration objective par rapport à une situation dans laquelle elles n'existeraient pas. Dans ces conditions, le fait que l'application du système collectif de prix imposés au-delà des frontières présente des avantages pour certains agents du marché n'est pas déterminant. Il devrait plutôt être démontré que, d'un point de vue industriel et commercial, la décision individuelle de lier la publication de livres commercialement peu intéressants à la publication et à la vente de livres à grand tirage, n'est raisonnablement pas possible ni envisageable. De plus, il conviendrait de prouver que l'existence de petites et moyennes maisons d'édition spécialisées serait sérieusement mise en péril dans un système où le commerce et la fixation des prix seraient libres, preuve qui n'a toujours pas été faite.
(53) En tout état de cause, la Commission considère que les éventuels avantages objectifs que devrait procurer le présent accord ne contrebalancent pas les inconvénients qu'il comporte du point de vue de la concurrence. La Commission souligne que l'accord visé par la présente décision aurait un effet plutôt défavorable que favorable sur la distribution des livres, car le système collectif de prix imposés a pour effet d'exclure toute concurrence sur ces prix au niveau de la distribution d'une même publication. Cela est d'autant plus grave que, en l'absence d'une véritable concurrence entre les différents titres, la concurrence qui s'exerce sur le plan du prix d'un même livre entre les canaux de distribution peut contribuer dans une large mesure à la rationalisation et à l'amélioration de l'appareil de distribution.
B. PARTIE EQUITABLE DU PROFIT POUR LES UTILISATEURS
(54) Les parties prétendent que le système collectif des prix imposés dans le commerce des livres en langue néerlandaise entre la Belgique et les Pays-Bas réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte au niveau de la production et de la distribution des livres. Au niveau de la production ou de l'édition de livres, la gamme des livres offerts serait en effet plus vaste que si un tel système n'existait pas. Compte tenu du fait notamment que les éditeurs ne cumulent généralement pas l'édition de livres d'intérêt général et l'édition d'ouvrages spécialisés, mais qu'ils se limitent à éditer l'une ou l'autre catégorie de livres, la condition précitée est à considérer comme n'étant pas remplie. Il est difficile d'admettre que le libraire n'accepterait ou ne serait à même de servir la clientèle en la conseillant et en exécutant des commandes individuelles que dans le cadre d'un système collectif de prix imposés. En effet, on conçoit mal qu'un libraire ne pourrait exercer une activité commerciale normale en l'absence d'un système de prix imposés, dès lors que les services qu'il rend sont rémunérés convenablement. En outre, le système prive l'utilisateur de la possibilité de décider lui-même d'acheter un livre à un prix qui inclut la rémunération d'un service ou de s'adresser plutôt à un libraire qui n'offre aucun service et qui pourrait dès lors demander un prix moins élevé. Quelle que soit sa préférence, le consommateur paie donc partout le même prix pour un livre en langue néerlandaise édité dans l'autre pays et il doit rémunérer le service qui lui est offert même s'il ne le souhaite pas, ce qui semble être souvent le cas.
(55) Il convient également de souligner que, même si le large éventail de titres et la possibilité d'un service à fournir par les libraires constituent un élément positif pour le consommateur, celui-ci ne profite en général pas des avantages de rationalisation qu'un librairie peut obtenir. En effet, il est interdit au libraire d'accorder une remise à un bon client. Comme le prix d'un produit - et cela vaut également pour les livres - joue un rôle important dans la décision d'achat de la plupart des consommateurs, la Commission estime que l'accord visé par la présente décision ne réserve pas aux utilisateurs une partie équitable du profit que en résulte.
(56) En outre, il y a lieu de noter que le système collectif de prix imposés pour les livres en langue néerlandaise aboutit à ce que la majorité des consommateurs, qui préfèrent les livres plutôt populaires, participent aux frais d'édition des livres à faible tirage, destinés le plus souvent à une couche minoritaire de la population. Si l'on pèse les avantages et les inconvénients que peut présenter l'accord considéré, il est difficile d'admettre que les inconvénients qui en résultent pour la plupart des consommateurs ne l'emportent pas sur les avantages qui sont réservés à une faible partie de la population.
C. CARACTÈRE INDISPENSABLE DES RESTRICTIONS IMPOSEES PAR L'ACCORD
(57) En ce qui concerne la troisième condition de l'article 85 paragraphe 3 , les parties font valoir que le système collectif de prix imposés dans le commerce des livres en langue néerlandaise entre le Pays-Bas et la Belgique serait indispensable pour arriver à une amélioration de la production et de la distribution des livres. Sans un tel système, les libraires professionnels perdraient la plus grande partie de leurs ventes de livres à succès au profit des magasins " cash and carry ", de telle sorte qu'ils ne pourraient plus financer le stockage des livres à faible rotation et les services rendus aux consommateurs avec les bénéfices réalisés sur les livres de grande diffusion. Ils réduiraient donc considérablement le nombre de livres à faible tirage pris en stock. Dans ces conditions, l'éditeur n'aurait plus la certitude de pouvoir écouler ses publications par l'intermédiaire des libraires et serait dès lors moins disposé à éditer des publications non populaires. Cette évolution aboutirait à la disparition des petites et moyennes maisons d'édition spécialisées.
(58) La Commission est d'avis qu'un système collectif de prix imposés n'est pas indispensable pour obtenir une éventuelle amélioration de la production et de la distribution de livres en langue néerlandaise. En particulier, des restrictions de concurrence dans le commerce entre la Belgique et les Pays-Bas, telles que celles qui figurent dans l'accord visé par la présente décision, ne sont pas indispensables. La détérioration de la production ou de la distribution de livres en langue néerlandaise qui a été observée au cours des dernières années n'est pas forcément imputable à l'application ou à la non-application d'un système collectif de prix imposés dans les deux pays; elle peut en effet s'expliquer aussi par le mauvais climat économique général. La Commission estime que les parties concernées disposent de moyens moins restrictifs pour réaliser une amélioration de l'édition et de la distribution des livres de langue néerlandaise.
(59) La Commission reconnaît en outre le rôle important du livre comme support culturel parmi d'autres, par exemple le théâtre, la musique, le cinéma, la peinture. Elle partage l'opinion des parties qu'il faut éviter que des livres présentant une valeur culturelle cessent d'être édités, mais elle est d'avis que cela n'exige pas un système collectif de prix imposés pour toutes les catégories de livres dans le commerce entre deux Etats membres. Il y a d'autres solutions qui ne nuiraient pas au rôle du livre en tant que support culturel, mais qui seraient plus conformes aux règles de concurrence du traité CEE.
(60) Enfin, lorsqu'elles essaient d'expliquer pourquoi il est indispensable d'étendre à la Flandre le système de prix imposés appliqué par les éditeurs néerlandais, alors que les améliorations de la distribution prétendument obtenues par le règlement de la VBBB ne produisent d'effets que sur le territoire néerlandais, et vice versa en ce qui concerne la réglementation de la VBVB à l'égard des Pays-Bas, les parties concernées font valoir que les Pays-Bas et la Flandre, du fait de leur unité culturelle, forment un marché unique pour les livres de langue néerlandaise. Pour maintenir l'unité du marché et permettre le développement de la culture néerlandaise, il faut que les prix imposés par l'éditeur soient respectés non seulement à l'intérieur de chacun des pays concernés, mais également dans les échanges entre eux. Sans un tel système, l'unité culturelle du territoire néerlandophone serait compromise. La Commission estime que la suppression du système collectif de prix imposés dans le commerce des livres entre la Belgique et les Pays-Bas ne mettra pas en danger l'unité culturelle du territoire néerlandophone. L'accord visé par la présente décision ne concerne qu'un des aspects de l'unité culturelle, c'est-à-dire le livre de langue néerlandaise, et l'accent devrait être mis davantage sur des méthodes de coopération qui, tout en sauvegardant la liberté d'expression des auteurs, profiteraient à toutes les catégories de lecteurs et laisseraient toute la liberté possible aux agents économiques qui se chargent de la distribution de livres.
La Commission estime qu'il n'appartient pas aux entreprises ou aux associations d'entreprises de conclure des accords portant sur des matières culturelles qui relèvent par excellence de la compétence des pouvoirs publics même si la Commission reconnaît que les entreprises peuvent également apporter une contribution de valeur à la diffusion de la culture. La Commission est convaincue que les Etats membres concernés ne manqueraient pas de prendre les mesures nécessaires en vue de protéger certaines valeurs culturelles si cela s'imposait. A cet égard, la Commission se réfère à la convention conclue entre le royaume de Belgique et le royaume des Pays-Bas au sujet de l'union de langue néerlandaise, qui vise à réaliser l'intégration dans le domaine de la langue et des lettres néerlandaises au sens le plus large, et qui stipule que des initiatives peuvent être prises dans le domaine de l'édition et de la diffusion de livres.
D. EXCLUSION DE LA CONCURRENCE POUR UNE PARTIE IMPORTANTE DES PRODUITS EN CAUSE
(61) Les parties soutiennent enfin que le système collectif de prix imposés dans le commerce du livre en langue néerlandaise entre la Belgique et les Pays-Bas n'éliminerait pas la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Tout d'abord, il y aurait un groupe d'éditeurs non agréés qui ne participerait pas au système collectif. Ensuite, les éditeurs agréés se feraient concurrence pour une même catégorie de livres. Enfin, la concurrence pourrait s'exercer entre les libraires sur le plan des stocks, de la spécialisation, du service et de l'exécution de commandes.
(62) S'il est exact qu'une concurrence sur les prix peut exister entre les libraires pour les publications d'éditeurs non agréés, il convient toutefois de noter que la part de ces éditeurs non agréés dans les ventes totales de livres est modeste, si on la compare à celle des éditeurs agréés. Le système collectif des prix imposés s'applique à la très grande majorité des livres qui sont vendus dans un des deux pays, mais édités dans l'autre. Pour toutes ces publications, la concurrence sur les prix entre les libraires est éliminée. Par ailleurs, les autres éléments sur lesquels s'exerce la concurrence, tels que les stocks, la spécialisation, le service et l'exécution des commandes, peuvent être considérés comme d'importance secondaire, en tout cas du point de vue du consommateur qui souvent n'est pas beaucoup intéressé par des livres très spécialisés. La concurrence est donc éliminée entre les libraires pour une partie substantielle des produits en cause.
Cette conclusion n'est en rien modifiée par le fait qu'il existe une certaine concurrence sur les prix entre les éditeurs. Celle-ci est d'ailleurs limitée à un petit nombre de titres ou de séries. La plupart des livres sont en principe des œuvres entièrement originales écrites par un auteur suivant son inspiration du moment. Ces ouvrages ne sont dès lors pas comparables entre eux. Toutefois, dans un certain nombre d'éditions, ce n'est pas la création subjective de l'auteur qui prime, mais l'information objective que contient l'ouvrage. Dans ce cas, des livres qui fournissent les mêmes informations objectives peuvent, jusqu'à un certain point, se substituer les uns aux autres et donc appartenir au même marché. Ces éditions ne représentent cependant qu'une partie limitée du nombre total de livres qui sont sur le marché.
(63) Etant donné que les quatre conditions de l'article 85 paragraphe 3 ne sont pas réunies, l'accord notifié ne peut être exempté de l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1.
IV APPLICABILITE DE L'ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT n° 17
(64) Si la Commission constate, sur demande ou d'office, une infraction aux dispositions de l'article 85 du traité CEE, elle peut, en application des dispositions de l'article 3 paragraphe 1 du règlement n° 17, obliger par voie de décision les entreprises ou associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. Ainsi qu'il a été exposé ci-avant, l'accord notifié, conclu entre la VBBB et la VBVB, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1. Il faut dès lors obliger les associations d'entreprises concernées à mettre fin immédiatement et formellement à l'infraction.
(65) Pour que toutes les entreprises du commerce du livre sachent clairement qu'il a été effectivement mis fin aux restrictions de concurrence dans les échanges entre la Belgique et les Pays-Bas qui avaient été instaurées par l'accord entre la VBBB et la VBVB, il y a lieu de contraindre les associations d'entreprises intéressées à communiquer par écrit à leurs membres, affiliés, agréés et inscrits, que les restrictions de concurrence résultant de cet accord ont été éliminées et à préciser les conséquences pratiques qui en découlent pour le commerce du livre en langue néerlandaise entre la Belgique et les Pays-Bas. Un projet de communication devra être soumis à la Commission dans les quatre mois qui suivent la réception de la présente décision,
A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
L'accord entre la Vereeniging ter Bevordering van de Belangen des Boekhandels et la Vereeniging ter Bevordering van het Vlaamsche Boekwezen, conclu le 21 janvier 1949 et modifié le 2 juillet 1958, instaurant un système collectif d'exclusivité et de prix imposés dans le commerce du livre en langue néerlandaise entre la Belgique et le Pays-Bas, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.
Article 2
La demande d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté économique européenne est rejetée.
Article 3
Les associations d'entreprises mentionnées à l'article 5 sont tenues de mettre fin immédiatement à l'infraction constatée à l'article 1er.
Article 4
Les associations d'entreprises mentionnées à l'article 5 sont tenues d'informer par écrit leurs membres, affiliés, agréés et inscrits, de la présente décision et de leur indiquer qu'il a été mis fin aux restrictions de concurrence instaurées par l'accord visé à l'article 1er et de préciser les conséquences pratiques qui en résultent pour le commerce du livre en langue néerlandaise entre la Belgique et les Pays-Bas. Elles transmettront à la Commission un projet de communication en ce sens dans les quatre mois qui suivent la réception de la présente décision.
Article 5
La présente décision est destinée aux associations d'entreprises suivantes :
1. Vereeniging ter Bevordering van de Belangen des Boekhandels,
Postbus 5475,
NL-1007-A1 Amsterdam;
2. Vereeniging ter Bevordering van het Vlaamsche Boekwezen,
Frankrijklei 93, bus 3,
B-2000 Antwerpen.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(3) La présente décision utilise indifféremment les expressions " prix de vente au détail ", " prix au public " et " prix aux particuliers ", ces termes ayant été utilisés comme synonymes dans les accords en question.
(4) Selon les indications de la Struktuuronderzoek Boeken, les livres d'intérêt général représentent 60 % du total, les livres éducatifs 20 % et les livres scientifiques 14 %.
(5) Ce projet n'a pas fait l'objet d'une notification au sens du règlement n° 17 du Conseil.
(6) Ce projet n'a pas fait l'objet d'une notification au sens du règlement n° 17 du Conseil.
(7) Ces propositions n'ont pas fait l'objet d'une notification au sens du règlement n° 17 du Conseil.
(8) En ce qui concerne les livres scolaires et scientifiques, l'éditeur est tenu de fixer un prix de vente au détail pour chacune de ses publications; toutefois, cette obligation ne résulte pas des dispositions de l'accord conclu entre la VBBB et la VBVB, mais des règles que les deux associations ont déclarées applicables pour la distribution dans leur pays respectif.
(9) Voir décision de la Commission, du 25 juillet 1974, dans l'affaire n° IV/26.602, Frubo (JO n° L 237 du 29. 8. 1974, p. 16), confirmée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 mai 1975 dans l'affaire 71-74.