CA Paris, 9e ch. A, 16 janvier 2002, n° 01-00652
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bethancourt, Berthod, Defontaine Girardin, Sciardis, Delepierre, Perch, Mathieu, Deslandes, Veau, Alain Mathieu (Sté), Sicardis (SARL), Sodivec (SARL), Mont Alma (SARL), Challenger (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Beauquis
Avocat général :
M. Guirimand
Conseillers :
M. Morel, Mme Filippini
Avocats :
Mes Tiquant, Meresse, Chouraqui, Barthélémy
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par ordonnance de l'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris en date du 23 février 1998, Roger X a été renvoyé devant le tribunal pour :
- avoir, à Paris entre 1986 et 1994, en tout cas sur le territoire national, imposé directement ou indirectement à ses franchisés un prix de revente des produits qu'il leur vendait.
Faits prévus et punis par les articles 34 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
- avoir, à Paris et en région parisienne entre 1991 et 1994, accordé des prêts usuraires à la société Sciardis.
Faits prévus et punis par les articles L. 313-3 à L. 313-6 du Code de la consommation.
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier à l'égard de Mme Michèle Huber, Franck Deslandes, Guy Pech, M. Roger Veau et la SARL Challenger, par jugement contradictoire à l'encontre de Roger X, Maître Berthe, la SARL Cigamont, la SARL Mont Alma, Marie-Thérèse Berthot, commerçante en nom propre, Marie-Thérèse Berthod, la SARL Sciardis, M. et Mme Sciardis, la SARL Sodivec, Jeannine Rey, M. et Mme Delepierre, Maître Charly et la société Jamafi, Mme Pierrette Defontaine Girardin, M. Christian Babillot, Maître Moyrand, Mme Bethancourt, la SARL ABBS, SARL Sodivec, Mme Verrechia, la SARL Dolmen, la société Alain Mathieu, M. Alain Mathieu, Maître Crozat, la SARL Fashion Shop, parties civiles, par jugement de défaut à l'égard de Michel Ginfray, Mme Martine Ricord, M. René Arnavon, SARL Jobin, SA Fromageau, M. Michel Dupuy, parties civiles,
a déclaré X Roger :
- coupable d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service, faits commis depuis 1986 et jusqu'en 1994, à Paris, et sur le territoire national.
- coupable de prêt usuraire ou concours à son obtention ou à son octroi, faits commis depuis 1991 et jusqu'en 1994, à Paris, Région parisienne,
A condamné Roger X à une amende délictuelle de cent mille (100 000) francs.
A ordonné la publication du jugement par extraits dans le journal du Textile et le Monde.
Sur l'action civile :
A condamné Roger X à payer à la SARL Sciardis, partie civile, la somme de trente mille (30 000) francs à titre de dommages-intérêts et celle de cinq mille (5 000) francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
L'a déboutée du surplus de ses demandes;
A déclaré Me Gilles Berthe ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Cigamont, de la SARL Mont Alma et de Marie-Thérèse Berthod, Marie-Thérèse Berthod, la SARL Sodivec, M. et Mme Delepierre, Me Charly ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Jamafi, Jeannine Rey, M. et Mme Sciardis, Me Verrechia ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Dolmen, M. Babilliot, la SA Alain Mathieu, Alain Mathieu, Me Moyrand ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ABBS et de Madame Béthancourt veuve Bensamoun, Maître Croizat ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Fashion Shop, Pierrette Defontaine Girardin, Roger Veau, la SARL Challenger, Guy Pech, et Franck Deslandes recevables en leurs constitutions de parties civiles;
Au fond, les a en déboutées.
A constaté le désistement présumé de Michel Ginfray, Martine Ricord, René Arnavon, la SARL Jobin, Michel Dupuy et la SA Fromageau.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F (soit 91,47 euro) dont est redevable le condamné.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Madame Béthancourt, le 24 janvier 2001, partie civile, contre Monsieur X Roger.
Madame Berthod Marie-Thérèse, Monsieur Sciardis Michel, Monsieur Delepierre, parties civiles, le 24 janvier 2001 contre Monsieur X Roger.
Madame Defontaine Girardin Pierrette, partie civile, le 24 janvier 2001 contre Monsieur X Roger.
La société Alain Mathieu prise en la personne de son représentant légal M. Alain Mathieu, partie civile, et Monsieur Mathieu Alain, partie civile, le 25 janvier 2001 contre Monsieur X Roger.
Monsieur Franck Deslandes, partie civile, le 26 mars 2001, contre M. X Roger.
Monsieur Roger Veau, partie civile, le 2 avril 2001, contre Roger X.
La SARL Sciardis, prise en la personne de son représentant légal, la SARL Sodivec, prise en la personne de son représentant légal, la SARL Mont Alma, prise en la personne de Maître Berthe en sa qualité de liquidateur judiciaire, Monsieur et Madame Sciardis Michel, Monsieur et Madame Delepierre, Madame Berthod Marie-Thérèse, prise en la personne de Maître Berthe, en sa qualité de liquidateur judiciaire, parties civiles, le 20 avril 2001 contre Roger X.
(le présent acte rectifie celui pris le 24 janvier 2001 en ce que les personnes appelantes sont la SARL Sciardis, la SARL Sodivec, la SARL Mont Alma, la SARL Cigamont, prise en la personne de Maître Berthe, en sa qualité de liquidateur judiciaire, M. et Mme Sciardis Michel, M. et Mme Delepierre, Mme Berthod Marie-Thérèse, prise en la personne de Me Berthe en sa qualité de liquidateur judiciaire.)
Monsieur Guy Pech, partie civile, agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualités de représentant légal de la SARL Challenger, partie civile, le 11 juin 2001, contre X Roger.
[...]
DÉCISION :
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme,
Considérant que Franck Deslandes, partie civile régulièrement citée, ne comparaît pas devant la cour; qu'il sera statué à son égard par arrêt de défaut;
que Roger Veau, Guy Pech et la société Challenger, parties civiles non comparantes, ont adressé à la cour leur demande dans les formes prévues par les articles 420-1 et 420-2 du Code de procédure pénale; qu'il sera statué à leur égard par arrêt contradictoire à signifier;
Considérant que :
- Me Berthe ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cigamont, Mont Alma et de Madame Berthod, commerçante en liquidation judiciaire personnelle,
- La société Sodivec,
- Mme Delepierre,
- La SARL Sciardis,
- Mme Sciardis,
ont interjeté appel par acte du 20 avril 2001 d'un jugement contradictoire du 16 janvier 2001 après l'expiration du délai prévu par l'article 498 du Code de procédure pénale; qu'en conséquence lesdits appels seront déclarés irrecevables comme tardifs.
Considérant que Madame Berthod, partie civile, à titre personnel, a interjeté appel le 24 janvier 2001 dans les délais prévus par la loi, mais qu'il ressort de ses écritures qu'elle a été placée en liquidation judiciaire personnelle par jugement du 7 juin 1996;
que l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 permet au débiteur soumis à une liquidation de biens de se constituer partie civile s'il limite son action à la poursuite de l'action publique sans solliciter de réparation civile; qu' en l'espèce, la cour étant saisie des seules dispositions civiles du jugement, l'appel de Madame Berthod sera déclaré irrecevable;
qu'en ce qui concerne Madame Béthancourt-Bensamoun, il ne ressort pas des pièces de la procédure qu'elle soit en liquidation judiciaire personnelle, contrairement aux affirmations de la partie civile;
Considérant que les appels interjetés par :
- M. Delepierre,
- M. Sciardis,
- Mme Béthancourt-Bensamoun,
- La société Alain Mathieu,
- M. Alain Mathieu,
- M. Roger Veau,
- M. Franck Deslandes,
- M. Guy Pech,
- La SARL Challenger,
- Mme Defontaine Girardin,
- Me Croizat, ès-qualités de mandataire-liquidateur de la société Fashion Shop,
sont intervenus dans les formes et délais prévus par la loi; qu'ils seront déclarés recevables;
Au fond,
Considérant que les premiers juges après rappel de la procédure et des termes de la prévention dirigée contre Roger X ont exactement relaté l'ensemble des faits de la cause;
qu'en substance il lui est reproché d'avoir, étant président du conseil général de la SA Groupe X et de sa filiale X SA, imposé aux commerçants franchisés du groupe X un prix de revente minimum des produits qu'il leur vendait, et également d'avoir accordé des prêts usuraires à la société Sciardis;
Considérant que par jugement du 16 janvier 2001 le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré Roger X coupable des délits visés à la prévention et, statuant sur l'action civile, l'a condamné à payer à la société Sciardis la somme de 30 000 F, soit 4 573 ,47 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du chef du délit d'usure et l'a débouté de ses demandes visant le délit d'imposition de prix de vente minimum;
que toutes les autres parties civiles ont été déboutées de leurs demandes de ce même chef de préjudice;
que sur l'appel des parties civiles énoncées ci-dessus, la cour se trouve saisie des seules dispositions civiles du jugement;
Considérant que les parties civiles déclarées recevables présentent à la Cour les demandes suivantes tendant à la condamnation de Roger X à des dommages-intérêts;
M. Delepierre :
"Condamner Roger X à payer à Monsieur et Madame Delepierre, en réparation de leur préjudice personnel et moral la somme de 1 125 011,38 F;
Condamne Roger X en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au paiement de la somme de 50 000 F".
étant rappelé que la société Sodivel et Madame Delepierre ont été déclarées irrecevables en leur appel et qu'en conséquence leurs conclusions sont inopérantes en l'espèce;
M. Sciardis :
Condamner Roger X à payer à Monsieur et Madame Sciardis en réparation de leur préjudice personnel et moral la somme de 932 114 F;
Condamne Roger X en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au paiement de la somme de 50 000 F";
étant rappelé que la société Sciardis et Mme Sciardis ont été déclarées irrecevables en leur appel et qu'en conséquence leurs conclusions sont inopérantes en l'espèce;
Mme Bensamoun-Béthancourt :
"Les condamner également au paiement de la somme de 1 419 309,92 F avec intérêts de droit, à Madame Béthancourt veuve Bensamoun, en réparation de son préjudice personnel et moral,
étant rappelé que la société ABBS représentée par son liquidateur Me Moyrand n'a pas interjeté appel et qu'en conséquence ses conclusions sont inopérantes en l'espèce;
M. Alain Mathieu et la société Alain Mathieu :
font déposer par leur conseil des conclusions tendant à voir :
"Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a refusé d'indemniser les parties civiles.
Prononcer la nullité du contrat de franchise,
Condamner Roger X au remboursement du droit d'entrée et des redevances payées par la société Mathieu SA, respectivement 25 000 F HT et 346 943,82 F HT,
Condamner Roger X à l'indemnisation des pertes comptables supportées par la société Mathieu SA pour un montant cumulé de 2 566.527 F au 31 décembre 1992, sauf à parfaire.
Condamner Roger X au remboursement de la marge brute perçue sur les marchandises vendues aux franchisés dans le cadre du contrat de franchise litigieux.
Désigner tel expert qui lui plaira aux fins de procéder à la détermination du montant de la marge brute perçue par les sociétés du groupe X pris en la personne de son représentant légal, M. Roger X, au titre des achats de marchandises effectués en exécution du contrat de franchise.
A titre subsidiaire,
Condamner Roger X à payer une indemnité égale au droit d'entrée et aux redevances payées par la société Mathieu SA, respectivement 25 000 F HT et 346 943,82 F HT.
Condamner Roger X à l'indemnisation des pertes comptables supportées par la société Mathieu SA pour un montant cumulé de 2 566 527 F au 31 décembre 1992, sauf à parfaire.
Désigner tel expert qui lui plaira aux fins de procéder à la détermination du montant de la marge brute perçue par les sociétés du groupe X pris en la personne de son représentant légal, M. Roger X au titre des achats de marchandises effectués en exécution du contrat de franchise, aux fins de condamnation de M. Roger X au paiement d'une indemnité égale à ce montant.
A titre encore plus subsidiaire,
Condamner Roger X à indemniser la SA Mathieu à hauteur d'une somme égale au montant des pertes cumulées, soit 2 566 527 F au 31 décembre 1992, sauf à parfaire, conséquences de l'impossibilité pour elle d'écouler ses marchandises à un prix compatible avec son environnement concurrentiel et ses charges d'exploitation.
En tout état de cause,
Condamner Roger X à payer à Monsieur Alain Mathieu, en réparation de leur préjudice personnel et moral la somme de 500 000 F.
Condamner Roger X en application de l'article 475-1 au paiement de la somme de 50 000 F."
Madame Pierrette Defontaine-Girardin et Me Croizat ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Fashion Shop :
font déposer par leur conseil des conclusions tendant à voir infirmer le jugement entrepris et :
"Condamner Monsieur Roger X au paiement de la somme de 4 300 000 F à titre de dommages-intérêts à Madame Defontaine en réparation de son préjudice personnel et moral;
Condamner Monsieur Roger X à payer la somme de 2 903 824,24 F à Me Crozat, ès-qualité;
Le condamner également au paiement de la somme de 30 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;"
M. Guy Pech et la société Challenger :
ont adressé à la Cour une demande tendant à voir Roger X condamné à leur payer la somme de 2 770 738 F à titre de dommages-intérêts.
M. Franck Deslandes :
a adressé à la Cour une demande tendant à voir Roger X condamné à lui payer la somme de 1 167 450 F à titre de dommages-intérêts.
M. Roger Veau :
a adressé à la cour une demande tendant à voir Roger X condamné à lui payer la somme de 980 000 à titre de dommages-intérêts;
Considérant que Roger X prévenu fait déposer par son conseil des conclusions tendant à voir :
"- déclarer irrecevables les appels de :
* Madame Marie-Thérèse Berthod,
* Me Berthe ès-qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cigamont et Mont Alma et de Madame Marie-Thérèse Berthod,
* La SARL Sciardis et Mme Sciardis,
* La SARL Sodivec et Madame Delepierre,
* Madame Bensamoun;
- donner acte à l'absence d'appel de la société ABBS et de Maître Moyrand, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ABBS et de Madame Bensamoun;
- dire que la Cour n'est pas saisie des intérêts civils relatifs au délit d'usure;
- dire que la Cour n'est pas saisie des demandes relatives au délit de prix minimums imposés présentées par Madame Berthod, Maître Berthe ès-qualités, la SARL Sciardis, Madame Sciardis, la SARL Sodivec, Madame Delepierre, Madame Bensamoun, la société ABBS, Maître Moyrand ès-qualités"
et, pour le surplus, à voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les parties civiles de leurs demandes de réparation du préjudice subi du chef du délit d'imposition de prix de revente minimum.
Sur ce :
Considérant qu'en substance les préjudices allégués par les représentants des parties civiles portent principalement sur l'ensemble des résultats commerciaux et financiers des entreprises qu'ils dirigeaient, voire sur le passif de la procédure de liquidation, également sur l'incidence sur leur patrimoine en raison de cautions personnelles accordées, voire même sur la perte de biens immobiliers et d'éléments de leur patrimoine sans rapport avec leurs activités commerciales;
que dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de lien de causalité entre l'infraction et les préjudices dont il est demandé réparation;
Considérant néanmoins que par décision définitive Roger X a été déclaré coupable du délit d'imposition d'un prix de revente imposé;
que cette infraction porte atteinte à l'ordre public économique en ce qu'il est de nature à perturber la liberté de la concurrence et par voie de conséquence les intérêts des consommateurs;
que dans ces conditions force est de constater que les personnes physiques qui ont été amenées sous la pression du groupe X à participer par leur signature à cette pratique illégale et économiquement nuisible ont subi à titre personnel un préjudice moral;
que la cour, au vu des éléments du dossier, condamnera Roger X à payer à chacune des personnes physiques constituées parties civiles la somme de 1 525 euro à titre de dommages-intérêts;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Guy Pech, la société Challenger, Roger Veau, par défaut à l'égard de Franck Deslandes, et contradictoirement à l'égard des autres parties et en second ressort, En la forme, Déclare irrecevables les appels interjetés par : - Me Berthe és-qualités de mandataire-liquidateur des sociétés Cigamont et Mont Alma et de Mme Berthod, - la société Sodivec, - Mme Delepierre, - la SARL Sciardis, - Mme Sciardis, - Mme Berthod, Infirmant en partie le jugement déféré, Condamne Roger X à payer une somme de 1 525 euro à chacune des parties civiles suivantes : M. Delepierre, M. Sciardis, Mme Béthancourt-Bensamoun, M. Alain Mathieu, M. Roger Veau, M. Franck Deslandes, M. Guy Pech, Mme Defontaine-Girardin. Le condamne également à payer au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale la somme de 760 euro à chacune des parties civiles suivantes : M. Delepierre, M. Sciardis, M. Alain Mathieu, Mme Defontaine-Girardin. Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes.