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Décisions

CA Amiens, 1re ch., 6 février 2001, n° 99-03956

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Decaudain

Défendeur :

Sucrière de Bucy le Long (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

MM. Bougon, Coural

Avoués :

SCP Million Plateau Crépin, SCP Selosse Bouvet, André

Avocats :

Mes Michel, Catoni, Melin, Simon

TGI Soissons, du 16 sept. 1999

16 septembre 1999

M. Philippe Decaudain a exercé à compter du 1er janvier1993 l'activité d'agent commercial de la Compagnie Française de Sucrerie (CFS) pour la commercialisation de la vinasse.

Dans le cadre d'opérations de restructuration intervenues en 1996 et 1997 l'usine de Bucy le Long appartenant à la CFS a été transmise à la SA Sucrière de Bucy le Long.

Par courrier en date du 27 mai 1997 cette dernière a fait connaître à M. Decaudain sa décision de commercialiser directement les vinasses de l'usine de Bucy le Long.

Par acte d'huissier en date du 13 août 1997 M. Decaudain a fait assigner la société Sucrière de Bucy le Long devant le Tribunal de grande instance de Soissons pour, sous exécution provisoire, s'entendre condamner à lui payer :

- 225 000 F TTC au titre des commissions dues,

- 56 250 F TTC au titre de l'indemnité de préavis,

- 426 540 F hors taxes au titre de l'indemnité de cessation de contrat,

- 142 150 F hors taxes au titre de l'indemnité de frais de réemploi,

- les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 16 mai 1997 ;

- 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Tribunal de grande instance de Soissons a, par jugement en date du 16 septembre 1999, débouté M. Decaudain de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société Sucrière de Bucy le Long.

M. Decaudain a relevé appel de cette décision.

Par conclusions en date du 29 août 2000 l'appelant soutient qu'en vertu des articles 371 et 372-1 de la loi du 24 juillet 1966 son mandat d'agent commercial a été transmis de plein droit à la société Sucrière de Bucy le Long qui a reçu de la CFS la totalité de l'actif constitué par l'usine de Bucy le Long. Il fait valoir que la correspondance échangée entre les parties démontre leur intention commune de maintenir ce mandat dont la cessibilité résulte par ailleurs des dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991 alors au surplus que l'intimée lui a réglé des commissions correspondant à des commandes établies sur bordereaux de la CFS. Il prétend que les conditions dans lesquelles la société Sucrière de Bucy le Long a résilié le contrat d'agent commercial caractérisent un abus de droit car la résiliation, d'une part, résulte de modifications substantielles que celle-ci voulait lui imposer, notamment en limitant sa clientèle et par suite sa rémunération et, d'autre part, est intervenue à la fin du mois de mai 1997 à une période de l'année où il lui était matériellement impossible de pouvoir visiter la totalité de sa clientèle ce dont l'intimée a profité pour obtenir directement de celle-ci des commandes de sorte que les commissions de l'année 1997 doivent lui être versées. Il rappelle qu'en application de la loi précitée de 1991 il est en droit de prétendre à un préavis de trois mois ainsi qu'à une indemnité de cessation de contrat laquelle doit être évaluée sur la base de deux ans de commissions brutes. II invoque en outre un préjudice complémentaire résultant de la taxation des plus-values justifiant l'octroi de frais de réemploi. Il fait observer que quelles que soient les conventions intervenues entre la CFS et la société Sucrière de Bucy le Long cette dernière est directement redevable des sommes dont il réclame paiement. Il conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de condamner l'intimée à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 1997, les sommes de 225 000 F TTC au titre des commissions dues, de 56 250 F TTC représentant l'indemnité de préavis, de 426 540 F hors taxes à titre d'indemnité de cessation de contrat et de 142 150 F correspondant aux frais de réemploi. Il sollicite également le bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à concurrence de la somme de 30 000 F.

La société Sucrière de Bucy le Long par écritures en date du 26 mai 2000 expose qu'elle n'a acquis qu'une branche autonome des activités des sociétés CFS puis Sucrière de Berneuil sur Aisne et qu'une telle opération d'apport partiel d'actif n'emporte pas transmission des contrats d'agence passés par le cédant de sorte qu'à défaut d'accord particuliers ceux-ci prennent fin par l'effet de la cession. Elle indique que dans ce cas la poursuite des relations contractuelles avec le cessionnaire nécessite la conclusion d'un nouveau contrat entre ce dernier et l'agent commercial qui en l'espèce n'a pas été conclu, M. Decaudain n'ayant dès lors d'action qu'à l'encontre de la CFS. Elle souligne que les courriers échangés entre les parties établissent que l'appelant avait conscience qu'elle ne reprenait pas automatiquement son contrat et qu'un nouvel accord était nécessaire qui a d'ailleurs fait l'objet de pourparlers qui n'ont pu aboutir en raison des exigences nouvelles formulées par M. Decaudain. Elle fait valoir que son courrier en date du 16 mai 1997 ne peut être tenu comme valant rupture de contrat puisque aucun accord n'était intervenu sur celui-ci et que l'appelant n'a accompli aucune opération d'agent commercial pour son compte en 1997. A titre subsidiaire elle fait valoir, d'une part, que M. Decaudain ne justifie pas avoir apporté, créé ou développé une clientèle dont il serait privé pour l'avenir et, d'autre part que seule l'attitude de celui-ci est à l'origine de la perte des commissions afférentes à l'année 1997 puisqu'il a refusé les propositions qui lui étaient faites et encore que si l'existence d'un mandat entre les parties était reconnue elle ne pourrait l'être que pour l'année précitée de sorte que le préavis devrait être limité à un mois et que l'indemnité de cessation de contrat et les frais de réemploi ne pourraient correspondre aux sommes réclamées dans le cadre de la présente procédure. Elle conclut à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de M. Decaudain à lui payer la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2000.

SUR CE :

Attendu qu'il est établi par les pièces régulièrement versées aux débats, spécialement l'extrait de la publication Picardie La Gazette du 1er juillet 1997,que la société Sucrière de Bucy le Long et la société Sucrière de Berneuil sur Aisne ont conclu le 14 mai 1997 un traité d'apport partiel d'actif, approuvé par les assemblées générales mixtes ordinaires et extraordinaires de ces sociétés tenues le 16 juin 1997, aux termes duquel la première nommée a reçu de la seconde, moyennant la prise en charge du passif correspondant, sa branche complète et autonome d'activité de fabrication de sucres, d'alcools et de déshydratation de pulpes de betteraves dans le périmètre de laquelle se trouvait comprise, ainsi qu'il est constant entre les parties, l'usine de Bucy le Long, anciennement propriété de la CFS, dont M. Decaudain commercialisait les vinasses depuis le 1er janvier 1993, dans le cadre d'un contrat verbal d'agent commercial le liant à cette dernière ;

Attendu qu'une telle opération n'emporte pas, à la différence de la solution légalement fixée pour les contrats de travail, transmission de plein droit au bénéficiaire de l'apport des contrats d'agent commercial conclus par I'apporteur qui prennent alors fin par l'effet de l'opération considérée sauf accord particulier entre les parties qui ne se rencontre pas en l'espèce ; qu'en effet d'une part le courrier de la CFS en date du 30 septembre 1996 n'emporte aucun engagement de reprise du contrat d'agence par l'entreprise cessionnaire et, d'autre part, la correspondance échangée entre M. Decaudain et la société Sucrière de Bucy le Long, notamment les courriers de l'appelant, ou de son conseil, en date des 25 novembre 1996, 22 janvier, 1er mars et 3 avril 1997, ainsi qu'une lettre non datée répondant à un courrier de l'intimée daté du 16 mai 1997, lesquels se rapportent expressément à une " éventuelle collaboration " dont ils tentent de définir les termes et ceux de l'intimée en date des 13 mars, 16 et 27 mai 1997, démontre leur désaccord persistant sur l'étendue et les modalités d'exécution du mandat qui pourrait être confié à M. Decaudain par la société Sucrière de Bucy le Long sans que puisse être utilement invoqué par l'appelant pour caractériser la reprise du contrat l'ayant lié à l'ancienne mandante le règlement par la cessionnaire des commissions dues par celle-ci dès lors qu'aux termes du traité d'apport partiel d'actif précité la Société Sucrière de Bucy le Long avait en charge le passif afférent à l'apport réalisé ;

Attendu qu'il est ainsi établi que l'intimée n'était pas tenue de la poursuite du contrat d'agent commercial ayant lié la CFS et M. Decaudain, qu'aucun accord des parties n'est intervenu quant à cette continuation et qu'aucun nouveau contrat d'agence n'a été conclu entre la société Sucrière de Bucy le Long et l'appelant;

Attendu que par ailleurs, comme l'ont exactement relevé les premiers juges il n'est pas démontré que la CFS, qui n'est pas partie à la procédure, soit, d'une part, redevable d'indemnités de rupture à M. Decaudain, et d'autre part, tenue d'une garantie de passif de ce chef envers l'intimée;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu que M. Decaudain qui succombe sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Sucrière de Bucy Le Long la somme de 6.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance devant la Cour ;

Par ces motifs : La COUR, statuant par arrêt contradictoire ; Reçoit l'appel en la forme ; Confirme le jugement ; Condamne M. Decaudain aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP " Selosse - Bouvet et André ", avoué ; Le condamne également à payer à la société Sucrière de Bucy le Long la somme de 6.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile de l'instance d'appel.