CA Colmar, ch. soc., 25 octobre 1993, n° 1545-92
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Dausch
Défendeur :
UCA (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Litique (faisant fonction)
Conseillers :
Mme Sanvido, M. Defer
Engagée le 2 mai 1977 en qualité de vendeuse par l'Union des Coopérateurs d'Alsace (COOP), Edith Dausch prenait, selon contrat dit "de gérance-mandataire" en date du 21 mars 1983, à compter du 18 mars 1983 la gérance de la succursale "1ère catégorie" rue du Faubourg de Pierre à Strasbourg qu'elle faisait fonctionner avec l'aide de deux apprenties recrutées par la COOP. Cet organisme l'ayant informée en juillet 1987 de ce qu'elle devait travailler seule, Edith Dausch, destinataire le 30 novembre 1987 d'un courrier de la COOP l'invitant à payer sous quinzaine un montant de 66 126 F correspondant à un déficit d'inventaire pour la période allant du 27 juin 1984 au 5 août 1987, notifiait par lettre recommandée du 14 décembre 1987 à la COOP le refus de la modification substantielle de son contrat, sa demande de rétablissement pour le 31 décembre 1987 du revenu minimum de 8 000 F, précisant qu'à défaut elle cesserait ses fonctions au-delà de cette date. La COOP n'ayant pas réagi, elle cessait effectivement de travailler le 5 janvier 1988 après inventaire de la veille.
Contestant être gérante mandataire, mais soutenant être salariée et avoir eu son contrat modifié de façon substantielle et illégitime, elle saisissait le Conseil de prud'hommes de Strasbourg le 4 mars 1988 d'une demande tendant, dans le dernier état de la procédure, à voir dire et juger qu'elle ne pouvait être considérée comme gérante mandataire et à la condamnation de son ex-employeur au paiement, outre les dépens et 5 000 F au titre de l'article 700, d'un montant de 99 600 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
De son côté la COOP, soutenant qu'Edith Dausch avait arrêté de travailler le 4 janvier 1988 en raison de ses déficits d'inventaire, sollicitait en dernier ressort, la condamnation de Mme Dausch à lui payer les montants suivants :
- 8 507 F au titre d'indemnité de préavis contractuelle,
- 59 507 F à titre de dommages-intérêts.
De même la COOP saisissait la juridiction commerciale le 24 novembre 1988 aux fins de voir condamner Edith Dausch à lui payer la somme de 76 022 F représentant les manquants en inventaire. Par jugement du 7 juin 1989, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg ordonnait le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure prud'homale.
Par jugement avant dire droit du 13 novembre 1989, le conseil saisi ordonnait la comparution personnelle des parties et une enquête.
Par jugement du 20 janvier 1992, les premiers juges, considérant que le contrat du 21 mars 1983 était conforme au statut des gérants non salariés de succursale de maison d'alimentation et de détail, ce qui rendait vaine la prétention de Mme Dausch à se considérer comme salariée ; retenant en effet que l'enquête ne permettait pas de conclure que la COOP avait imposé à Mme Dausch l'embauche d'un vendeur ou d'une vendeuse, mais établissait l'impossibilité de recruter des apprentis à compter de juillet 1987 et laissait planer un doute sur la possibilité pour Mme Dausch de former des apprentis ; estimant enfin que l'indemnité de préavis n'était pas due, Mme Dausch ayant annoncé en temps utile son intention de rompre le contrat de travail faute d'aménagement, et que la COOP n'apportait la preuve d'aucun préjudice autre que celui lié aux manquants d'inventaire dont la réparation était poursuivie devant la juridiction commerciale, a débouté les deux parties de l'intégralité de leurs prétentions et condamné Mme Dausch aux dépens.
A l'encontre de ce jugement à elle notifié le 23 janvier 1992, Edith Dausch a régulièrement interjeté appel par lettre recommandée du 18 février 1992 réceptionnée le 19 février 1992 au greffe du conseil de prud'hommes.
Développant à la barre les moyens et arguments contenus dans ses mémoires des 13 mars 1993 et 27 juillet 1993, elle conclut, sur appel principal et appel incident, à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de l'appel incident et à la condamnation de la COOP au paiement, outre les dépens et 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, d'un montant de 99 600 F avec les intérêts légaux à compter de la demande (19/2/1988) en faisant valoir pour l'essentiel que :
* salariée depuis 1977, elle n'a accepté de signer le contrat du 21 mars 1983 qu'en contre partie d'une rémunération plus élevée qu'elle n'a pu maintenir à partir de 1987 lorsque la COOP ne lui a plus adressé d'apprentis,
* les trois conditions objectives du statut défini à l'article L. 782-1 du contrat de travail ne sont pas réunies ; sa rémunération était constituée d'une partie fixe correspondant à des frais de gestion,
* tant la lecture du contrat que ses réelles conditions de travail démontrent qu'elle ne bénéficiait d'aucune indépendance dans la gestion et l'exploitation du magasin,
* elle n'a jamais embauché une seule salariée, apprentie ou vendeuse, le nécessaire étant toujours fait par la COOP qui avait la réalité et l'exclusivité des pouvoirs en matière d'embauche et de débauche, ainsi que cela se passait dans la plupart des points de vente de cette dernière,
* elle était dans l'impossibilité légale d'embaucher des apprentis, n'étant pas titulaire d'un brevet professionnel ou d'un diplôme équivalent au sens de l'article R. 117-3 du Code du travail. D'ailleurs la COOP reconnaît expressément être responsable de la formation dispensée aux apprentis, preuve qu'elle était donc bien leur employeur,
* son refus d'embaucher une vendeuse à temps plein se justifiait en raison de la réduction corrélative de la marge lui restant pour sa rémunération personnelle,
* ses démarches ne sont nullement liées aux déficits d'inventaire invoqués par la COOP,
* alors que dès le 4 novembre 1987 elle avait écrit à son employeur sans que celui-ci daigne lui répondre, la COOP était donc en temps utile clairement avertie des intentions de l'appelante de cesser son travail si rien n'était fait. Le préavis n'est donc pas dû,
* la COOP est dans l'impossibilité de prouver son préjudice, le poste de l'appelante ayant été immédiatement pourvu.
Développant à la barre les moyens et arguments contenus dans ses mémoires des 16 juillet 1993 et 6 septembre 1993, l'Union des Coopérateurs d'Alsace conclut, sur appels principal et incident, à la confirmation du jugement quant au rejet de la demande de Mme Dausch, à l'infirmation pour le surplus et à la condamnation de cette dernière au paiement, outre les dépens et 7 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, d'un montant de 59 000 F au titre du préavis contractuel et des dommages-intérêts y afférents, en soutenant en substance que :
* le contrat signé par l'appelante, en référence aux articles L. 782-1 et suivants du Code du travail, était conforme au statut des gérants non salariés : rémunération par commission sur les ventes brutes, indépendance du gérant dans la gestion et l'exploitation du magasin,
* concernant les embauches, s'il est exact qu'au plan pratique et dans le cadre d'une assistance technique la COOP présentait le personnel au gérant et s'occupait des formalités administratives (ce qui n'était pas une obligation, mais un service rendu aux gérants), l'appelante gardait la décision d'embauche finale et rémunérait ce personnel sur ses commissions, avait autorité sur lui, y compris le pouvoir de le licencier,
* une politique d'embauche au niveau de tout le réseau de vente n'est en rien contradictoire avec le principe de la liberté d'embauche dont jouissent les gérants. C'est ainsi que l'appelante, alors qu'il lui était proposé une vendeuse à temps partiel, a préféré embaucher une vendeuse à temps complet, provoquant par ailleurs une baisse de ses revenus,
* la COOP avait la qualité de maître d'apprentissage au sens de l'article R. 117-3 du Code du travail et à ce titre était responsable de la formation dispensée aux apprentis par l'intermédiaire des gérants qui pouvaient les embaucher eux-mêmes,
* l'appelante ne démontre pas l'état de subordination. Si elle entend remettre en cause son statut, c'est en raison de l'accumulation de déficits d'inventaire, à l'origine de l'introduction d'une procédure devant la juridiction commerciale antérieurement à la présente procédure,
* l'appelante a unilatéralement rompu les relations le 4 janvier 1988 sans respecter le préavis contractuel,
* cette attitude a manifestement créé un préjudice pour la COOP qu'il appartenait aux premiers juges de retenir,
* il résulte de l'article 22 du contrat liant les parties qu'en cas d'irrespect du préavis par l'une des parties, six mois de salaires sont dus ;
Sur quoi, LA COUR,
Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :
I- Sur la nature des relations liant les parties
Il est constant que l'appelante a signé avec la COOP le 21 mars 1983 un contrat-type dit de "gérance mandataire" faisant expressément référence aux articles L. 782-1 et suivants du Code du travail et par lequel "elle acceptait le mandat de gérer la succursale de 1ère catégorie, sise à Strasbourg, rue du Faubourg de Pierre où s'effectue la vente au détail des marchandises dont la société fait commerce".
Or l'analyse du contrat met en évidence les points suivants :
Article 2 : les gérants s'engagent à ne vendre qu'au comptant ... ;
Article 4 : ... les gérants devront tenir la succursale dans un état de propreté constante, maintenir leur personnel et eux-mêmes dans une tenue parfaitement correcte et interdire à leur personnel et à eux-mêmes de fumer pendant les heures d'ouverture du magasin. La Direction impose aux gérants et au personnel de porter les blouses de travail mises à leur disposition pendant l'exercice de leurs fonctions.
Article 5 : la société se réserve le droit de faire procéder quand bon lui semblera, par ses représentants ou inspecteurs, à toutes vérifications de la qualité et de la nature des marchandises.
Article 8 : (...) les gérants ne doivent sous aucun prétexte modifier la disposition du magasin et le matériel qui s'y trouve, sans accord de la Direction (...).
Article 9 : le réassortiment en marchandises de la succursale est fait, soit suivant les commandes du gérant, soit suivant les décisions de la Direction.
Rémunération minima garantie ; la société garantit à ses gérants une rétribution mensuelle minima en fonction de la catégorie à laquelle appartient la succursale tenue ; cette garantie est accordée sur la base de 174 h/mois.
Article 11 : les versements par le gérant des fonds à la caisse de la société seront faits suivant les modalités fixées par la Direction. Ils devront en principe être faits tous les jours en fin de journée.
Il se déduit de la lecture de ces différents articles qu'Edith Dausch ne jouissait, dans la gestion de son commerce, d'aucune indépendance : le nombre d'heures de travail mensuelles, la disposition du magasin, le vêtement de travail et sa couleur (blanche selon les écrits de l'intimée page 8), la remise des fonds était fixée strictement par la Direction, de même que seule la vente au comptant lui était permise; et si la clause selon laquelle elle ne pouvait vendre que les marchandises fournies par la COOP et à des prix imposés constitue, aux termes de l'article L. 782-1, une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat, et si l'article 19 du contrat prévoyant "le versement par la COOP à ses gérants d'une indemnité égale au douzième de leur rémunération de l'année précédente en rétribution des congés payés" n'apporte rien de plus pour être conforme à l'article L. 782-7, il convient d'observer que la COOP avait également, en vertu du contrat, la possibilité de réassortir les marchandises à sa guise et pouvait contrôler par ses inspecteurs, et quant bon lui semblait, la gestion de la gérante en ce qui concerne la marchandise.
Par ailleurs, si l'article 18 du contrat permettait à Mme Dausch d'engager du personnel de son choix, à sa charge et sous son entière responsabilité, et si la définition de la succursale "1ère catégorie" donnée audit contrat n'apportait aucune limite à l'embauche ("un ou plusieurs employés"), cette limite se trouvait en fait au titre des "minimas garantis", la COOP garantissant à ses gérants une rétribution mensuelle minima "en fonction de la catégorie à laquelle appartient la succursale tenue : "1ère catégorie : salaire d'un gérant avec 1 à 3 employés". Sachant qu'aux termes du contrat, le gérant rétribuait ses employés sur ses deniers personnels, il n'avait donc pas intérêt à employer un nombre de salariés plus élevé que celui prévu au contrat s'il voulait obtenir les minimas garantis prévus.
D'autre part, il est constant que jusqu'en 1987, Mme Dausch a fonctionné avec deux apprenties qui lui avait été envoyées par la COOP, celle-ci étant seule agréée au titre de l'article R. 117-3 du Code du travail relatif à la formation des apprentis, donc étant seule l'employeur, Mme Dausch étant tout au plus "la personne responsable, au sein de l'entreprise, de la formation des apprentis".
Ce n'est qu'à partir d'octobre 1987 (selon tableau "déduction de salaires" versé aux débats par la COOP) qu'elle a travaillé avec une vendeuse.
Or, il résulte de l'attestation de Mme Blanchet, qui a travaillé avec Mme Dausch de mars 1983 à octobre 1983, que le témoin "a signé un contrat d'apprentissage avec l'Union des Coopérateurs d'Alsace, puis elle a occupé un poste de vendeuse. Mon contrat, mes mutations et mes rémunérations ont toujours été faits par l'Union des Coopérateurs d'Alsace au siège de la société et en aucun cas par la gérante au magasin".
De même lors de la comparution personnelle des parties devant les premiers juges, le représentant de la COOP devait préciser "avoir été amené en mai 1987 à proposer à Mme Dausch soit de mettre une vendeuse COOP à sa disposition, soit qu'elle engage une employée. Après plusieurs entretiens, Mme Dausch pensait engager quelqu'un, mais cela ne s'est pas fait. On lui a donc proposé une vendeuse COOP à temps partiel. Cette personne est restée jusqu'à fin 1987".
S'il résulte d'attestations d'autres gérants de succursales que ces derniers ont embauché des vendeuses, ceci ne suffirait pas à asseoir en l'espèce la thèse de la COOP : en effet, l'assistance apportée par la COOP à Mme Dausch est (de l'aveu même de son représentant lors de la comparution personnelle) davantage qu'une simple assistance technique en matière d'embauche. Dès lors que Mme Dausch avait toujours fonctionné avec des apprenties fournies par la COOP qui "jusqu'en 1986 pratiquait une politique d'engagement des apprentis", puis a travaillé avec une vendeuse à temps partiel "proposée" par la COOP, les relations internes entre les parties faisaient que Mme Dausch n'avait quasiment pas d'autre choix que d'accepter la proposition qui lui était ainsi faite.
En conséquence, et bien que Mme Dausch exploite la succursale à ses risques et périls en supportant éventuellement le déficit de sa gestion, l'existence entre elle-même et la COOP de liens de subordination étroits, découlant d'un contrat fixant strictement ses conditions de travail et limitant sa latitude en matière d'embauche du personnel, limite se retrouvant également dans ce contrat, entraîne la non application à Mme Dausch du statut défini aux articles L. 782-1 et suivants du Code du travail, celle-ci devant être, conformément à la jurisprudence de la cour (Colmar Ch. Soc. 21-5-81 UCA/Netzger), assimilée à une gérante salariée.
Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris.
II- Sur la rupture
Il résulte clairement du procès-verbal de comparution personnelle que "jusqu'en 1986, la COOP pratiquait une politique d'engagement d'apprentis (environ une cinquantaine). Des mesures de restrictions sur certains secteurs géographiques l'ont poussée à ne plus engager d'apprentis ou très peu. En mai 1987, elle a été amenée à proposer à Mme Dausch soit de mettre une vendeuse COOP à sa disposition, soit qu'elle engage une employée. Mme Dausch n'était pas enchantée de cette proposition, mais l'absence d'apprenti m' (la COOP) y obligeait."
Dès lors qu'il est reconnu et établi que Mme Dausch rémunérait sur ses deniers la vendeuse, laquelle ne pouvait que coûter plus cher qu'un apprenti, la modification par la COOP de sa politique d'embauche était à l'origine de la modification de la rémunération de sa salariée.
La rupture lui est donc imputable.
Il est établi que dans une lettre envoyée le 4 novembre 1987 Mme Dausch demandait un entretien à son employeur "au sujet de mon travail au magasin, de mon salaire, étant donné que je dois payer moi-même mon personnel". Par ce courrier, envoyé avant réception le 30 novembre 1987 du courrier du 30 octobre 1987 de la COOP lui demandant de payer sous quinzaine un déficit d'inventaire de 66 126 F pour la période du 27 juin 1984 au 5 août 1987, Mme Dausch exprimait clairement qu'elle n'avait pas acceptée cette modification substantielle, ce qu'elle devait réitérer par lettre recommandée du 14 décembre 1987, sans que cela provoque une quelconque réaction de son employeur.
En quittant son travail après l'inventaire du 4 janvier 1988, et en saisissant le 4 mars 1988 le Conseil de prud'hommes, Mme Dausch a pris l'initiative de la rupture, laquelle est imputable à l'employeur.
Outre que la COOP n'a jamais entamé la procédure de licenciement et a saisi la juridiction commerciale le 24 novembre 1988, soit postérieurement à l'introduction par la salariée de la procédure prud'homale, l'intimée n'a énoncé aucune motif de rupture, celui tiré de "l'accumulation d'importants manquants" n'ayant été porté à la connaissance de Mme Dausch qu'en réponse à son courrier du 4 novembre 1987 (LR par porteur du 30 octobre 1987 reçue le 30 novembre 1987, l'intimée se gardant bien d'en fournir l'AR) et à sa saisine du Conseil de prud'homme.
La rupture est donc illégitime.
A titre superfétatoire, il convient d'observer que la COOP se contente d'affirmer, sans l'étayer par la moindre pièce, que la moyenne du déficit d'inventaire dans ses autres succursales est d'environ 1% : dès lors qu'effectivement Mme Dausch a eu des déficits d'inventaire allant de 0,16% en 1985 à 2,96% en 1987 selon la lettre du 30 octobre 1987 de l'employeur réceptionnée le 30 novembre 1987 par celle-ci, il n'est nullement prouvé que ce déficit soit anormal, encore moins qu'il lui soit exclusivement imputable.
De même, la COOP reproche à Mme Dausch un déficit d'inventaire "de 6,35% en ce qui concerne le dernier inventaire couvrant la période du 2 décembre 1987 au 4 juin 1988" (Mémoire de Me Wachsmann du 6 septembre 1993 page 5). Outre que Mme Dausch avait arrêté son travail après l'inventaire du 4 janvier 1988, ce qui rend, eu égard à la période ainsi couverte, le chiffre avancé de 6,35% plus que sujet à caution, il y a lieu d'observer :
* qu'entre l'inventaire du 5 août 1987 et celui du 4 janvier 1988, le déficit s'élève à un montant de 76 022 F (réclamé devant la 1re chambre commerciale du Tribunal de Strasbourg) dont il convient de déduire celui réclamé de 66 126 F couvrant la période allant du 27 juin 1984 au 5 août 1987, soit en définitive un montant de 9 896 F,
* que ce déficit n'est de toute façon pas totalement imputable à Mme Dausch, la lecture de ses bulletins de paie faisant apparaître son absence pour maladie (entre le 30 octobre 1987 et le 28 novembre 1987 notamment) et son remplacement corrélatif ainsi que pendant la période du 24 août 1987 au 5 septembre 1987,
* qu'enfin ce déficit ne saurait être retenu pour légitimer la rupture, ayant été constaté postérieurement aux courriers de Mme Dausch en date des 4 novembre 1987 et 14 décembre 1987, c'est-à-dire postérieurement à l'introduction de la procédure.
Enfin il est constant que l'appelante n'a fait l'objet d'aucune remarque écrite de la part de l'intimée en 11 années de service et l'intimée n'a jamais contesté les allégations de l'appelante selon laquelle son chiffre d'affaires mensuel était passé en quatre ans de 90 000 F à 220 000 F. Ceci est en outre corroboré par la lecture des bulletins de paie de Mme Dausch qui font apparaître : en 1986, un chiffre d'affaires mensuel variant entre 179 740 F et 220 627 F, en en 1987 une variation entre 176 618 F et 206 965 F, preuve que la gestion de l'appelante n'était pas aussi déficiente que le prétend l'intimée.
En conséquence, l'intimée ne démontrant pas, à supposer le déficit d'inventaire exact, en quoi il est imputable à la seule salariée, notamment en ne démontrant nullement la mauvaise gestion, le détournement ou la faute grave de l'appelante à l'origine de ces manquants, la rupture est imputable à l'employeur, même si la salariée en a pris l'initiative, ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et est irrégulière en la forme.
III- Sur les montants
A) Dommages-intérêts pour rupture abusive
Compte tenu de l'ancienneté de l'appelante dans l'entreprise, laquelle occupe habituellement plus de il salariés, des circonstances ayant présidé à la rupture, et notamment du silence opposé par l'intimée aux courriers de sa salariée des 4 novembre et 14 décembre 1987 la mettant en demeure de rembourser sous quinzaine le déficit d'inventaire accumulé depuis le 27 juin 1984, la cour a au dossier les éléments suffisants pour fixer, eu égard à une rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois de 8 300 F, à 80 000 F le montant des dommages-intérêts dû à Mme Dausch en réparation de son préjudice.
En outre, en application de l'article 1153-1 du Code civil, les intérêts légaux sur ce montant sont dus à compter du 20 janvier 1992, jour du jugement à titre de dommages-intérêts complémentaires.
B) Préavis
Mme Dausch étant salariée et la rupture, imputable à l'employeur, s'analysant en un licenciement, aucun préavis n'est dû par Mme Dausch à son employeur dont l'appel incident ne peut qu'être rejeté.
Au contraire, c'est Mme Dausch qui, en l'absence de faute grave en l'espèce, devrait avoir droit à un préavis qu'elle ne réclame pas.
IV- Pour le surplus
L'intimée succombant pour l'essentiel doit être condamnée aux dépens des deux instances et sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ne saurait prospérer.
En outre l'équité condamne de la faire participer à concurrence de 3 500 F. aux frais irrépétibles des deux instances que celle-ci a dû exposer.
Enfin, en application de l'article L. 122-14-4 al. 2 du Code du travail, il convient d'ordonner le remboursement d'office par l'Union des Coopérateurs d'Alsace à l'ASSEDIC du Bas-Rhin des indemnités de chômage versées par cet organisme du jour de la rupture (5.1.1988) au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage.
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ; Déclare tant l'appel principal de Mme Dausch que l'appel incident de l'Union des Coopérateurs d'Alsace réguliers et recevables en la forme ; Au fond, dit le premier partiellement fondé et le second infondé ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Requalifie le contrat de gérante mandataire liant les parties en contrat de gérance salariée ; Dit que la rupture du 5 janvier 1988 intervenue à l'initiative de Mme Dausch est imputable à l'employeur et illégitime et s'analyse donc en un licenciement abusif ; Condamne l'Union des Coopérateurs d'Alsace à payer à Mme Dausch un montant de 80 000 F à titre de dommages-intérêts, augmenté des intérêts légaux à compter du 20 janvier 1992, jour du jugement ; La condamne en outre aux dépens des deux instances et au paiement d'un montant de 3 500 F au titre de l'article 700 du NCPC au profit de l'appelante ; Rejette la demande de l'union des Coopérateurs d'Alsace présentée au titre de l'article 700 du NCPC et son appel incident.