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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 11 mai 2001, n° 1998-24402

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

PII Péri Informatique Industries (SA)

Défendeur :

Japan CBM Corporation(Sté), Aures Electronique (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Schoendoerffer, Regniez

Avoués :

SCP Garnier, SCP Varin-Petit, Me Beaufume

Avocats :

Mes Salzmann, Perrin, Hudon

T. com. Evry, 4e ch., du 10 sept. 1998

10 septembre 1998

La société Péri Informatique Industries (ci-après PII) distribuait depuis 1984 pour le compte de la société de droit japonais Citizen Business Machines (ci-après CBM) des produits, tels que des imprimantes de tickets, fabriqués au Japon et commercialisés sous la marque Citizen. En 1995 CBM a également fait appel pour la distribution de ses produits en France à la société Aures.

En mai/juin 1995 est paru dans la revue " Performances de la distribution " publiée par la société Morgane un entrefilet mentionnant qu'une société " Ultec importait désormais les imprimantes de codes à barres Citizen dont PII assurait jusqu'ici la distribution exclusive ", PII ayant demandé une rectification en précisant qu'elle n'avait jamais été titulaire d'aucune exclusivité et n'avait jamais distribué d'imprimantes de codes à barre, la même revue dans son numéro d'octobre 1995 a indiqué que PII assurait conserver l'exclusivité des imprimantes de tickets Citizen et précisé qu'Aures Informatique (et non pas Ultec) avait signé un accord avec Citizen pour la distribution de ses produits. PII a mis en demeure Morgane par lettre recommandée du 20 novembre 1995 de publier un droit de réponse sous la forme du communiqué suivant :

" Contrairement à ce qu'affirme Performances de la Distribution dans ses livraisons des mois de mai/juin 1995 et d'octobre 1995, nous tenons à préciser que la société Péri Informatique Industries n'est pas et n'a jamais été titulaire d'aucune exclusivité de quelque marque que ce soit, n'a jamais prétendu en bénéficier et n'a de ce fait pu perdre quelque exclusivité que ce soit. "

Morgane n'ayant pas publié ce communiqué, PII l'a fait assigner par acte du 26 février 1996 en concurrence déloyale devant le Tribunal de commerce d'Evry, de même qu'Aures à laquelle elle reprochait d'avoir débauché un de ses salariés et détourné l'un de ses clients.

Cette procédure n'a pas été suivie par PII et a fait l'objet d'une mesure de radiation.

Par acte du 22 juillet 1996, PII a introduit une nouvelle action devant le Tribunal d'Evry à l'encontre des sociétés Aures et CBM, imputant d'une part à CBM la rupture brutale et abusive de l'accord de distribution exclusive qui les liait depuis 1984, d'autre part à CBM et Aures l'organisation d'une campagne de publicité mensongère destinée à la dénigrer et d'autres actes de concurrence déloyale (débauchage et détournement de clientèle). Elle réclamait que ses adversaires soient condamnées à lui payer la somme de 27 781 702 F à titre de dommages intérêts et à supporter le coût de cinq mesures de publication.

CBM avait conclu au débouté faisant valoir que PII était mal fondée à lui reprocher le retrait d'une exclusivité qu'elle ne lui avait jamais accordée et qu'elle était étrangère aux autres faits incriminés qui n'auraient pu concerner qu'Aures.

Aures avait également conclu au débouté. Soulignant la contradiction existant entre la nouvelle assignation de PII et celle précédemment signifiée au mois de février, elle contestait les faits de concurrence déloyale qui lui étaient imputés.

Le Tribunal de commerce d'Evry, par un jugement en date du 10 septembre 1998 a :

- débouté la société Péri Systèmes Informatiques de toutes ses demandes,

- débouté les sociétés Aures Electronique et Citizen Business Machines de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamné la société Péri Systèmes Informatiques à payer à chacune des sociétés Aures Electronique et Citizen Business Machines la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

Ayant interjeté appel, PII, réitérant son argumentation et ses demandes de première instance, prie la cour aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 décembre 2000 de :

- réformer le jugement du 10 septembre 1998 en toutes ses dispositions,

- dire et juger que l'accord entre CBM et Aures portant sur la distribution par cette dernière des produits Citizen est intervenu en violation des droits détenus par PII en vertu du contrat non écrit de distribution conclu avec CBM en 1984,

- dire et juger que la campagne publicitaire ainsi que les actions menées de concert entre CBM et Aures en vue de désorganiser l'entreprise de PII sont constitutives de concurrence déloyale,

- en conséquence, condamner solidairement la société CBM et la société Aures :

- à payer à PII la somme totale de 27 781 702 F sauf à parfaire à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi par cette dernière, avec intérêts légaux,

- à faire publier à leurs frais l'arrêt à intervenir dans les revues Le Figaro, Les Echos, Performances de la distribution, Distributique, 01 informatique,

- à lui payer la somme de 100 000 F au titre l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 10 février 2000 Aures Electronique demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise,

et, y ajoutant,

- condamner l'appelante à verser la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

CBM dans ses écritures signifiées également le 10 février 2000 prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société PII de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société CBM,

- condamner l'appelante au paiement de la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La cour vise expressément les dernières conclusions, ci-dessus mentionnées, respectivement signifiées par les parties.

Sur ce, LA COUR :

Sur les relations contractuelles entre PII et CBM

Considérant que PII reproche à nouveau à CBM d'avoir rompu de façon brutale et abusive l'accord de distribution non écrit qui les liaient depuis 1984 ; qu'elle expose qu'il existait entre les parties un contrat non écrit, par lequel CBM lui avait consenti une exclusivité pour la France, et que cette société a rompu de manière brutale et abusive, en faisant appel à Aures pour distribuer également ses produits, sans l'informer préalablement de cette décision unilatérale, engageant notamment sa responsabilité en application de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, selon lequel "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, industriel ou artisan ... de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établis, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels" ;

Mais considérant que CBM qui rappelle n'avoir jamais conclu de contrat écrit avec CBM, indique que sa politique générale consiste à avoir sur chaque territoire un ou plusieurs distributeurs officiels (c'est-à-dire des " entreprises sérieuses avec lesquelles elle met en place des relations d'affaires suivies ") mais jamais exclusifs; qu'elle justifie avoir informé PII en 1992 de ce qu'elle explorait la possibilité de désigner la société Brite comme distributeur supplémentaire sur le marché français et avoir eu recours à d'autres distributeurs que PII comme Tradi Son Electronique en 1994-1995 ; qu'elle expose n'avoir jamais cessé ses relations commerciales avec PII qui a continué depuis 1996 à distribuer ses produits qu'elle indique, sans être démentie, lui fournir dans les mêmes conditions que celles faites à Aures Electronique; qu'elle ajoute exactement que l'appelante n'est pas fondée dans ces conditions à lui reprocher une rupture de leurs relations commerciales, l'absence d'exclusivité ayant correspondu à la volonté commune des parties, alors que PII distribuait également avant les faits litigieux des imprimantes de tickets de marque Epson, et que l'appelante indiquait elle-même dans une lettre qu'elle lui avait adressée en mars 1996, " il est admissible pour nous d'avoir un collègue en France distribuant les produits CBM aussi longtemps que les conditions d 'une compétition loyale seront imposées à tous " ou encore insistait, dans les correspondances échangées avec Morgane en 1995, et dans sa première assignation dirigée contre cette société et Aures Electronique en février 1996, sur le fait qu'elle n'avait et ne prétendait à aucune exclusivité ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu' il a débouté PII de ses demandes fondées sur une prétendue rupture brutale et abusive d'un contrat non écrit de distribution exclusive;

Sur les griefs de concurrence déloyale

Considérant qu'aucun élément nouveau en appel ne conduit à remettre en cause la décision du tribunal en ce qu'il a débouté PII de ses demandes en concurrence déloyale ;

Considérant en effet que les publicités incriminées par PII dans lesquelles Aures annonce en mars/avril 1996 être désormais le " distributeur officiel " de CBM sur le marché français, n'ont, contrairement à ce que prétend l'appelante, aucun caractère mensonger, Aures étant bien devenue distributeur officiel de CBM, sans que PII ait pour autant perdu cette qualité, distincte de celle de distributeur exclusif ;

Considérant que si M. Vignal a été embauché par Aures comme agent technico-commercial après avoir démissionné de PII, ce salarié n'était lié par aucune clause de non-concurrence, et l'appelante qui le présente -sans l'établir- comme ayant été son " principal responsable commercial " ne peut pas faire grief à son adversaire de l'avoir chargé de la distribution des produits Citizen sur un secteur géographique d'ailleurs déterminé (l'ouest de la France) ;

Considérant enfin que s'il est constant que le chiffre d'affaires d'Aures a connu en 1996 une augmentation parallèle à la baisse du volume d'activités de PII, cette situation résultant de l'intervention licite d'un nouveau distributeur Citizen ne révèle aucun agissement fautif de la part d'Aures, vers laquelle se sont dirigés d'anciens clients de PII, sans qu'il soit en rien démontré que les clients concernés auraient été détournés au moyen de procédés déloyaux ; qu'en particulier, la circonstance que le client SIAB avec lequel Aures avait tenu une réunion en présence d'un représentant de CBM en mars 1996, ait passé toutes ses commandes de produits Citizen à Aures à partir de mars 1997, n'est, contrairement à ce que prétend l'appelante, pas révélatrice de manœuvres déloyales qui auraient été commises par ses adversaires ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ; que l'équité commande d'allouer, respectivement à CBM et Aures, des indemnités complémentaires de 25 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'en poursuivant en appel la présente instance dans laquelle elle fonde au premier chef ses demandes sur la violation d'un prétendu accord de distribution exclusif, dont elle avait avec force dénié l'existence, tant dans divers courriers versés aux débats, que dans le cadre d'une précédente procédure dirigée contre Morgane et Aures, PII a agi avec une légèreté blâmable caractérisée constitutive d'abus, qui justifie qu'elle soit condamnée par application de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile au paiement d'une amende civile de 8 000 F ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant, Condamne la société Péri Informatique Industries à payer des indemnités complémentaires de 25 000 F respectivement aux sociétés Japan CBM Corporation, et Aures Electronique par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne au paiement d'une amende civile de 8 000 F par application de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société Péri Informatique Industries aux dépens d'appel ; Admet les SCP Varin Petit et Me Beaufume au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.