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Décisions

Conseil Conc., 14 novembre 2002, n° 02-D-68

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre sur le secteur des tuyaux de gaz flexibles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Fontaine, par M. Nasse, vice-président, présidant la séance, Mme Perrot, MM. Charrière-Bournazel, Lasserre, Piot, Robin, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-68

14 novembre 2002

Le Conseil de la concurrence (section III B),

Vu la lettre enregistrée le 31 juillet 1998, sous le numéro F 1073, par laquelle les sociétés Tubiflex, PB Tub et Dipra ont saisi le Conseil de pratiques qualifiées d'anticoncurrentielles au sens des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, mises en œuvre à leur encontre par les sociétés Le Boa et Gazinox ; Vu le livre IV du Code de commerce, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Tubiflex, PB Tub et Dipra, ainsi que Gazinox, Boa AG et GDF ; Vu la décision n° 01-DSA-01 du 11 janvier 2001 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Tubiflex, PB Tub et Dipra ainsi que Boa AG, Gazinox et GDF entendus au cours de la séance du 11 septembre 2002 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs ci-après exposés :

I. - Constatations

A - Le marché

1. Les produits

Les pratiques soumises au Conseil de la concurrence concernent le marché des tuyaux de gaz à usage domestique, servant de raccordement entre les points d'arrivée de gaz et les cuisinières, fours encastrables et autres appareils.

Ce marché se répartit entre trois types de produits dont la terminologie a été fixée par l'arrêté du 2 août 1977. On distingue :

les "tubes", désignant, dans le milieu professionnel du gaz, les conduits classiques en caoutchouc blanc et souple qui équipèrent longtemps l'essentiel des installations domestiques. Ces tubes en caoutchouc ne comportent pas d'embouts mécaniques de raccord, ce dernier se faisant par simple emboîtage au moyen d'un collier de serrage sur les "tétines" du robinet et l'appareil. La durée de vie de ces tubes est de 5 ans ;

les "tuyaux flexibles" comportant à chacune de leurs extrémités des embouts vissables intégrés permettent un raccord mécanique au robinet d'arrivée de gaz (gaz naturel) ou au détendeur de la bouteille (gaz butane ou propane) d'une part, et à l'appareil d'autre part. Les tuyaux flexibles possèdent tous le même pas de vis. Ils diffèrent selon leur composition, dont dépend leur durée de vie ;

On distingue ainsi parmi les "tuyaux flexibles" les flexibles simples, en caoutchouc, d'une durée de vie de 5 ans, les flexibles en caoutchouc avec armature, pouvant, pour certains d'entre eux, comporter une tresse inox ou une gaine inox, et disposant d'une durée de vie de 10 ans, et enfin les flexibles métalliques onduleux, constitués d'une structure en inox entourée d'une tresse métallique et enrobés d'une gaine en plastique, dont la durée de vie, théoriquement illimitée, est estimée en pratique à 30 ans.

les tuyaux rigides en cuivre, installés de manière définitive par des professionnels, notamment à la demande de cuisinistes ;

Les tuyaux flexibles métalliques onduleux étanches au gaz et servant au raccordement du gaz naturel représenteraient environ 56 % du volume des tuyaux flexibles métalliques onduleux. Les tuyaux flexibles métalliques étanches au gaz et servant au raccordement du gaz butane et propane représenteraient environ 44 % du volume des tuyaux flexibles métalliques onduleux.

2. Le cadre réglementaire et juridique

Les tubes et tuyaux doivent être conformes aux normes nationales, ainsi qu'aux réglementations en vigueur, dont l'arrêté du 2 août 1977, modifié, relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz combustibles et d'hydrocarbures et l'arrêté du 4 mars 1996 portant codification des règles de conformité des matériels de gaz.

S'agissant des normes nationales, l'apposition de la marque "NF Gaz" concrétise la conformité de ces produits à la norme AFNOR et porte autorisation de commercialisation. Cette dernière s'obtient également en l'absence d'homologation de la norme, par agrément ministériel. Les matériels provenant d'un État membre de l'Union européenne peuvent être réputés conformes à la norme nationale s'ils bénéficient "d'une attestation du ministre délivrée par le ministre chargé de la Sécurité du gaz reconnaissant que la norme ou la spécification technique présente un niveau de sécurité équivalent à celui offert par la norme française correspondante" (article 5 de l'arrêté du 4 mars 1996). Les normes sont complétées par des "feuilles de travail" dont le non-respect peut conduire à un retrait de la vente par le ministre compétent, même lorsque le produit en cause bénéficie de l'apposition de la marque NF ou de tout autre agrément. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 2 août 1977 modifié, "la levée de l'interdiction est subordonnée à la présentation du matériel éventuellement modifié à un nouvel agrément, à une nouvelle admission à la marque NF Gaz ou à un nouveau certificat de contrôle technique".

Dans le secteur du gaz, l'élaboration des normes est confiée au bureau national du gaz (BNG), rattaché à l'association technique du gaz (ATG), ayant pour activité la normalisation et la certification et regroupant à cet effet les grandes compagnies de gaz françaises ainsi que plusieurs syndicats professionnels représentant les distributeurs de gaz naturel, butane ou propane, ainsi que des fabricants de matériels.

Le BNG prépare, au sein de commissions de normalisation composées d'experts représentant l'ensemble du secteur (professionnels, associations de consommateurs, ministères etc...) des projets de normes qui, une fois approuvés par la commission de normalisation, sont transmis pour homologation et publication à l'AFNOR.

Les essais et tests concernant les tuyaux de gaz flexibles sont confiés à un laboratoire de GDF, mandaté par l'AFNOR et accrédité par le comité français d'accréditation (COFRAC), aux fins de réaliser les essais correspondants afin de vérifier que les produits respectent les normes et feuilles de travail applicables.

Au plan national, plusieurs normes définissent les spécifications techniques des tuyaux flexibles métalliques, dont notamment :

la norme NF D 36-121 concernant les tuyaux flexibles métalliques onduleux pour le raccordement externe des appareils à usage domestique utilisant les combustibles gazeux distribués par réseaux (Gaz naturel) ;

la norme NF D 36-25 sur les tuyaux flexibles métalliques onduleux pour le raccordement externe des appareils domestiques utilisant le butane et le propane distribués par récipients.

Les tuyaux flexibles métalliques pour le raccordement externe des appareils utilisant le butane et le propane distribués par récipient doivent résister à une plus forte pression que les flexibles destinés au gaz naturel, ainsi que le prévoit l'article 11 de l'arrêté du 2 août 1997 modifié relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz combustibles et d'hydrocarbures liquéfiés : "les caractéristiques de ces tubes souples ou tuyaux flexibles doivent être adaptés à la nature et au mode de distribution du gaz utilisé (gaz distribué par réseau ou gaz distribué par récipient)".

La feuille de travail FT 96-06 de janvier 1997 a complété ces normes en modifiant l'essai de résistance au cintrage et l'essai d'endurance à la flexion. Ce document a été rendu applicable à compter du 1er décembre 1997 par le service de certification du gaz de l'AFNOR.

La feuille de travail FT 98-04 d'avril 1999 avait, en accroissant notamment la résistance au chlore des tuyaux flexibles métalliques, pour objectif de compléter les normes NF D 36-121, et NF D 36-125, dont les dispositions étaient applicables à compter du 30 juin 1999.

L'arrêté du 18 septembre 1995 modifiant l'arrêté du 2 août 1977 a rendu obligatoire pour des raisons de sécurité l'usage de tuyaux flexibles, en caoutchouc ou métalliques, à raccordements vissés, dans les installations neuves ou rénovées, à compter du 1er juillet 1996 pour le réseau de distribution public (gaz naturel), et à compter du 1er juillet 1997 pour les installations utilisant le gaz butane et propane. Cet arrêté a eu pour conséquence de restreindre, pour des raisons de sécurité (fuites de gaz occasionnées par des tubes souples arrachés ou mal ajustés), l'usage du tube souple en caoutchouc sans embout, celui-ci restant néanmoins autorisé pour les récipients mobiles de butane, et de favoriser l'émergence des installations réalisées avec des tuyaux flexibles vissables, et des robinets à obturation automatique intégrée (ROAI), équipés d'un dispositif de sécurité coupant l'arrivée de gaz en cas de rupture du tuyau. De manière générale, l'arrêté du 18 septembre 1995 a créé un cadre juridique propice au développement du marché des tuyaux flexibles vissables, au détriment du marché des tubes souples en caoutchouc.

3. Les intervenants

a) Les fabricants de tuyaux flexibles métalliques onduleux

La société Boa AG est une société de droit suisse. Possédant plusieurs filiales, elle fait partie du groupe allemand IWKA et dispose d'un savoir-faire important en matière de fabrication. Elle est actionnaire à hauteur de 10 % de la société Gazinox, grossiste et revendeur de ses produits et participe à son conseil d'administration, ce qui lui permet d'exercer un suivi de cette société, notamment par le biais de sa filiale Le Boa qui assure une activité de veille économique sur le secteur des flexibles métalliques et plus précisément à l'égard de Gazinox. La société Le Boa est une petite structure de 4 personnes ayant réalisé un chiffre d'affaires de 8,3 MF en 1998, dont 98,08 % des participations sont détenues par sa maison-mère, et dont M. Dutat est le directeur général et commercial. M. Meyer, président de la société Le Boa, est également directeur général de la société Boa AG.

Il ressort du dossier et, notamment, d'un projet de lettre en date du 1er septembre 1998, de M. Dutat à M. Bellan, président de la société Gazinox, que la société le Boa a contesté auprès de Gazinox des annulations et des réductions de commandes en faisant valoir, en particulier, qu'elle avait réalisé de lourds investissements pour faire face aux commandes et prévisions de la société Gazinox.

Tubiflex est une société italienne produisant des tuyaux à usage divers (raccordements d'appareils domestiques utilisant les réseaux de gaz, raccordements de ventilation, tuyaux d'échappement, durits...). Elle a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 131 millions de francs en 1997.

Euroflex est une société française fabriquant des tuyaux flexibles pour le secteur sanitaire et le transport du gaz ; elle distribue ses propres produits. Son chiffre d'affaires était en 1997 de 40,5 millions de francs.

La société Tecniflex-Witzenmann est une société à responsabilité limitée détenue intégralement par un associé unique, la société Witzenmann Gmbh. Elle fabrique des tuyaux flexibles métalliques pour différentes applications (gaz, nucléaire, chimie). Son chiffre d'affaires a été, en 1998, de 41,5 MF et, en 1999, de 45,6 MF. Le groupe Witzenmann assure la distribution de ses produits via, notamment, plusieurs sociétés importantes aux activités diversifiées, comme la COMAP, Banides et Debeaurain, et Briffault.

b) Les distributeurs de tuyaux flexibles métalliques onduleux

Les sociétés PB Tub, Dipra et Gurtner assurent la commercialisation des produits de la société Tubiflex, la société PB Tub ayant distribué, en 1998, environ 41 300 tuyaux flexibles métalliques contre 6 500 pour la société Dipra et 31 500 pour la société Gurtner. PB Tub et Dipra font partie du même groupe (Thermador) et ont réalisé, en 1998, un chiffre d'affaires de 55 MF pour PB Tub (dont 9,2 MF sur les flexibles métalliques onduleux) et de 71 MF pour Dipra (dont 3,3 MF pour les flexibles métalliques onduleux). La société Gurtner a réalisé, en 1998, un chiffre d'affaires de 100 millions de francs et elle employait 165 personnes à cette époque.

Gazinox est l'unique grossiste et revendeur des produits de la société Boa AG, ainsi que le détenteur des droits de propriété industrielle permettant la production et la commercialisation des flexibles produits par Boa AG. Anciennement constituée en GIE, Gazinox a été immatriculée en tant que société anonyme le 20 décembre 1996, et est une filiale de Gaz de France (GDF) qui détient 51 % de son capital par l'intermédiaire de la société Cogac SA, les autres actionnaires étant la société Rastello SA (détenant notamment la marque Butagaz) et la société Boa AG. En 1998, le chiffre d'affaires de Gazinox a été de 73,7 MF.

Les parts de marché de ces distributeurs s'élèvent en 1996 à 100 % pour Gazinox, en 1997 à 97 % pour Gazinox et 3 % pour Tubiflex, en 1998 à 63,10 % pour Gazinox, 16,70 % pour Witzenmann, 16,20 % pour Tubiflex et 4 % pour Euroflex.

B - LES PRATIQUES RELEVÉES

Les sociétés Gazinox et IWK sont liées par un contrat d'approvisionnement et de distribution exclusifs ayant pour objet "de définir d'une part les conditions d'approvisionnement en flexibles [de Gazinox] auprès d'IWK et d'autre part, les modalités de distribution des flexibles par [Gazinox], IWK s'engageant notamment à (...) "réserver à [Gazinox] la totalité de sa production (...)" (art. 2.1.) et [Gazinox] à "[s'approvisionner] en flexibles (...) exclusivement auprès d'IWK (...)" (art. 2.2.), le contrat disposant par ailleurs que "[Gazinox peut renoncer éventuellement] à son exclusivité de commercialisation" et que "par ailleurs et par dérogation à l'exclusivité d'approvisionnement (...) dans le cas où pour un pays compris dans sa zone géographique d'intervention (...) le GIE recevrait (...) une offre d'un fournisseur (...) telle que les prix résultant de l'article 4 ci-dessus excéderaient d'au moins 20 % ceux proposés par la concurrence, il en informerait aussitôt IWK qui disposerait alors d'un délai de 6 mois, soit pour aligner son prix sur celui de l'offre concurrente, soit pour renoncer à son exclusivité d'approvisionnement pour ce pays à l'expiration de l'année contractuelle en cours" (art. 2.3.). Enfin, l'article 4 énonce que les prix seront établis "(...) en fonction des éléments comptables suivants faisant apparaître les frais fixes et variables :

a) coûts de la matière première et du matériel au prix de revient,

b) coûts de la main d'œuvre de fabrication et du montage au prix de revient,

c) coûts indirects de production (...),

d) amortissement des investissements (...),

e) coûts de vente, (...),

f) marge de 6 % appliqué au montant cumulé des coûts précédents (...)" ;

1. Des pressions en vue d'imposer un prix minimum de revente

Une télécopie à en-tête de la société Le Boa du 25 mai 1998 signée par M. Dutat, directeur général et commercial, adressée à la société Tubiflex et produite par cette société, énonce :

"Objet : Marché français flexible gaz

1. Je suis désolé du retard que j'ai pris pour vous donner des nouvelles des intentions de Hydra sur le marché français (déplacements, etc...).

Les prix que vous nous avez communiqués semblent (réserve sur la bonne foi de la parole des distributeurs) être les prix remis à la société COMAP.

Nous pensons que ces prix sont anormalement bas face au marché actuel que nous avons créé car une baisse des prix n'augmentera pas le volume sur ce type de marché pour l'instant (trop tôt).

(...)

Vous trouverez également ci-joint les niveaux de prix Marché Client. Si le prix était trop proche des nouveaux caoutchoucs qui ont passé artificiellement leur durée de vie de cinq à dix ans, les ventes de tuyauteries métalliques s'écrouleraient.

J'espère avoir répondu à votre question, en vous rappelant qu'il faut maintenir le plus possible le niveau des prix. Sur l'affaire COMAP, la longueur de 1 mètre était proposée par GAZINOX à 150 00 FF/HT.

2. Comme vous le savez, nous avons protégé le marché français par des brevets techniques mais aussi par des dépôts de modèles axés sur des flexibles transparents avec ligne de couleur. Vous allez recevoir prochainement comme tous nos concurrents une remarque de notre cabinet d'avocats sur votre produit gaz Naturel qui a un look très voisin du Gazinox GN. Je vous demande de comprendre cette réaction qui est surtout axée sur Hydra qui ne respecte pas le niveau de marché. Nous pensons qu'il n'y aura aucun problème pour trouver avec votre société une suite favorable à cette remarque (droit d'usage, etc...)."

Une autre télécopie de la société Le Boa, adressée à la société Tubiflex, le 7 juillet 1998 précise :

"La société Le Boa a adressé à la société Tubiflex une télécopie le 7 juillet 1998 dont le contenu porte sur l'ordre du jour prévisionnel d'une réunion à Lugano le 9 juillet 1998, qui concernait les brevets techniques et esthétiques déposés par Gazinox, et les "autres points" ; ce terme étant explicité de la manière suivante :

"En ce qui concerne les autres points "Accord de licence" rien n'est actuellement réalisé. Je pense que sous la pression de Monsieur Meyer il n'y aura aucun problème pour trouver une solution raisonnable.

Le point de blocage que vous aurez certainement avec M. Bellan concernera PB Tub qui pratique sur le marché français un dumping important.

Pour information, avant votre arrivée, le prix d'achat au mètre de GN pour ce type de client était de 150 F HT.

Connaissez-vous la société Astelav Turin ? Cette société commercialise votre produit sur la France".

Un compte rendu de la réunion de Lugano du 9 juillet 1998, mentionnée dans la télécopie précitée, et établi par M. Quaranta, dirigeant de la société Tubiflex, fait état d'une tentative de M. Bellan, président de la société Gazinox, ainsi que de M. Meyer, de répartir le marché avec la société Tubiflex, contre l'abandon des procédures judiciaires en cours.

Enfin, une note interne à la société Gazinox recueillie dans le cadre de l'enquête et datée du 22 octobre 1998, intitulée "situation concurrentielle", signée par M. Bellan, faisant le point sur l'année 1998, mentionne que, comme suite à l'accord de principe du conseil d'administration, des saisies en contrefaçon suivies d'actions en contrefaçon ont été entreprises en juin 1998 à l'encontre des principaux distributeurs de Tubiflex, mais rajoute qu'"en raison du comportement commercial très agressif de PB Tub et Dipra, deux actions en suspension provisoire de commercialisation ont été lancées en septembre".

Sur la base de ces éléments, il a été fait grief aux sociétés Gazinox et Boa AG, d'avoir abusé de leur position dominante collective sur les marchés des tuyaux flexibles métalliques onduleux à embouts mécaniques, en ayant exercé des pressions sur la société italienne Tubiflex et ses distributeurs PB Tub et Dipra, afin qu'ils élèvent le niveau des prix des produits concurrençant le produit Gazinox ; ces pressions se sont traduites par une utilisation abusive d'actions en contrefaçon, celles-ci ayant, indépendamment de leur justification juridique, été utilisées à plusieurs reprises afin d'essayer de contraindre la société Tubiflex et ses distributeurs à renchérir le prix de leurs produits et à se référer à ceux pratiqués par les sociétés Boa AG et Gazinox ; en ayant ainsi fait obstacle au développement de la concurrence sur les marchés des tuyaux flexibles métalliques onduleux, les pratiques, mises en œuvre par les sociétés Gazinox et Boa AG à l'encontre de la société italienne Tubiflex et de ses distributeurs PB Tub et Dipra, étaient de nature à affaiblir le degré de concurrence sur les marchés nationaux et à exercer une influence sur le courant des échanges entre Etats membres, et elles entreraient donc dans le champ des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité de Rome ;

2. Un comportement de prescripteur de la part de la société Gaz de France

Une lettre d'information des clients d'EDF et de GDF, envoyée par EDF GDF services Yonne, diffusée début février 1997 dans l'ensemble du département et recueillie dans le cadre de l'enquête, mentionnait dans une rubrique intitulée "Quatre conseils pour votre confort et votre sécurité" le message suivant : "Changez régulièrement les tuyaux souples de raccordement des cuisinières. La date limite d'utilisation est inscrite dessus. Si vous avez peur d'oublier, demandez à votre installateur un tuyau Gazinox : il est garanti à vie".

Sur la base de ce document, il a été fait grief à Gaz de France, titulaire d'une mission de service public, et détenteur du monopole légal, d'avoir, en tant que prescripteur, abusé de sa position dominante en recommandant dans une lettre d'information d'EDF GDF services, diffusée début février 1997, aux usagers du département de l'Yonne, l'utilisation de flexibles métalliques onduleux Gazinox, dont la commercialisation était assurée par sa filiale, la société Gazinox. Dans un secteur où les conditions de sécurité constituent un élément déterminant du choix du consommateur, la prescription, par un détenteur du monopole légal du service public du gaz dans un document diffusé auprès du public, du seul produit commercialisé par une de ses filiales, aurait eu pour objet et potentiellement pour effet de constituer une entrave au développement de la concurrence sur le marché des tuyaux flexibles métalliques, cette pratique constituant une infraction aux dispositions de l'article 420-2 du Code de commerce ;

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce que lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure ;

Sur le marché concerné

Considérant, en premier lieu, que la société Boa AG conteste l'analyse aux termes de laquelle les marchés pertinents seraient constitués du marché des tuyaux flexibles métalliques onduleux pour le gaz de ville et le gaz en bouteilles ; qu'elle fait valoir à cet égard que les conditions d'utilisation et les fonctions des tuyaux flexibles métalliques et des tuyaux flexibles en caoutchouc, voire des tubes en caoutchouc sans embouts mécaniques, seraient identiques ; qu'il existerait donc une substituabilité parfaite entre ces produits, les quantités vendues des flexibles en caoutchouc ayant, d'ailleurs, augmenté plus vite que celles des tuyaux flexibles métalliques ; que par ailleurs, l'existence de processus de production différents n'est pas significative en soi pour déterminer l'existence d'un marché pertinent ; qu'en outre, un écart de prix n'implique pas, à lui seul, l'existence de deux marchés distincts et que le niveau des prix des flexibles métalliques sans date de péremption, trois fois supérieur à celui des tuyaux flexibles en caoutchouc d'une durée de 10 ans, s'explique par leur durée de vie qui serait de 30 ans ; que de plus, la stratégie tarifaire de Gazinox et de ses concurrents, concernant le prix des tuyaux flexibles métalliques onduleux, ne serait pas indépendante mais dictée par le prix des tuyaux flexibles en caoutchouc, et de manière générale le fait que les concurrents de la société Gazinox fixent leurs prix par rapport à ceux du leader ne constituerait pas un indice révélant l'existence d'un marché pertinent ; que par ailleurs, les canaux de distribution seraient identiques pour les tuyaux flexibles métalliques onduleux et les tuyaux flexibles en caoutchouc ; qu'enfin, l'échantillon pris par le rapporteur pour examiner les évolutions des prix et les quantités des tuyaux flexibles métalliques onduleux et des tuyaux flexibles en caoutchouc ne serait pas représentatif de la population mère ; que la société Boa AG produit à l'appui de son argumentation une étude économique selon laquelle, le phénomène de report des achats de tubes souples vers les tuyaux flexibles, métalliques onduleux ou non, a été ignoré, ainsi que l'absence de toute enquête de comportement du consommateur ; qu'il résulterait de ces éléments que tubes en caoutchouc et tuyaux flexibles ne formeraient qu'un seul marché ;

Mais considérant que la substituabilité technique ne saurait à elle seule délimiter un marché pertinent; que les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction démontrent que les différences de méthodes de production entre tuyaux flexibles métalliques onduleux et tuyaux flexibles en caoutchouc conduisent à des spécificités perceptibles par le consommateur en termes de prix et d'esthétique; qu'en outre, l'écart de prix important et durable reposant sur une longévité bien supérieure du tuyau flexible métallique onduleux constitue un élément supplémentaire de différenciation objective de ce dernier produit; que de plus, il ressort des éléments du dossier que la stratégie tarifaire poursuivie concernant les tuyaux flexibles métalliques onduleux n'est pas déterminée en fonction des tuyaux flexibles en caoutchouc mais en fonction des coûts de production et des prix pratiqués par les autres fabricants de ces produits, l'indépendance de cette stratégie étant également illustrée par la création de flexibles métalliques onduleux d'entrée de gamme par la société Gazinox, sous les marques Kenox et Metalgaz; que s'agissant des circuits de commercialisation et de clientèle, l'identité des canaux de distribution ne fait pas obstacle à la délimitation de deux marchés de produits différents ; qu'il est avéré que les tuyaux flexibles métalliques onduleux font l'objet d'une demande spécifique du marché locatif ; qu'enfin, il n'est pas contesté que l'échantillon de tuyaux flexibles caoutchouc d'une durée de vie de 10 ans utilisé par le rapporteur est suffisamment représentatif de l'ensemble de la population des tuyaux flexibles caoutchouc d'une durée de vie de 10 ans mis sur le marché ; que cet ensemble d'éléments constitue un faisceau d'indices permettant de circonscrire un marché pertinent des tuyaux flexibles métalliques onduleux; qu'enfin, il convient de relever que l'arrêté du 18 septembre 1995 a rendu obligatoire, pour des raisons de sécurité, l'usage de tuyaux flexibles, en caoutchouc ou métalliques onduleux, à raccordements vissés, dans les installations neuves ou rénovées, ce qui limite l'éventuelle substituabilité entre tuyaux vissables et tubes; qu'on ne saurait conclure d'un phénomène de report relevant d'une évolution réglementaire qu'il démontre une substituabilité entre produits ; que le fait que ce report se fasse vers les tuyaux en caoutchouc et les tuyaux métalliques onduleux n'indique pas davantage de phénomène de substituabilité entre ces deux types de produits ; qu'enfin, aucun élément de l'instruction ou fourni par les sociétés mises en cause ne permet de penser qu'une enquête de consommateurs permettrait de retenir une segmentation différente de celle retenue par l'instruction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les tuyaux flexibles en caoutchouc ne sont pas substituables aux tuyaux flexibles métalliques onduleux, dont la production et la distribution constituent un marché spécifique;

Considérant par ailleurs, qu'au sein de ce marché, il convient de distinguer la production et la distribution des tuyaux flexibles métalliques onduleux utilisés pour le raccordement externe des appareils à usage domestique utilisant le gaz naturel, conformes à la norme NF D 36-121, de la production et de la distribution des tuyaux flexibles métalliques onduleux servant au raccordement des appareils domestiques utilisant le butane et le propane distribués par récipients, conformes à la norme NF D 36-125, qui ne sont pas substituables entre eux; que toutefois, en raison de leurs caractéristiques identiques et de l'unicité des pratiques les affectant, ces deux marchés peuvent, en l'espèce et pour des raisons de commodité, être désignés plus généralement par le terme de marché des tuyaux flexibles métalliques onduleux pour le gaz en réseau ou le gaz propane et butane;

Sur la position dominante collective des sociétés Boa AG et Gazinox sur le marché des tuyaux flexibles métalliques onduleux pour le gaz en réseau ou pour le gaz propane et butane

Considérant qu'ainsi que l'a énoncé le Tribunal de première instance des Communautés européennes, dans un arrêt Irish Sugar, en date du 7 octobre 1999, "une position dominante collective consiste pour plusieurs entreprises à avoir, ensemble, notamment en raison de facteurs de corrélation entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne d'action sur le marché et d'agir dans une mesure appréciable indépendamment des autres concurrents, de leur clientèle et, finalement, des consommateurs (...). Le seul caractère indépendant des entités économiques en cause ne saurait suffire à écarter la possibilité qu'elles occupent une position dominante collective. Par ailleurs, il ne saurait être admis que des entreprises se trouvant dans une relation verticale, sans toutefois être intégrées au point de constituer une seule et même entreprise, aient la possibilité d'exploiter de façon abusive une position dominante collective"; qu'ainsi, une position dominante collective, qui en soi n'est pas illicite, est constituée lorsque plusieurs entreprises, bien que juridiquement indépendantes, se présentent ou agissent ensemble sur un marché spécifique comme une entité collective, tant en raison de liens structurels ou d'une coordination stratégique entre elles, que d'une politique commerciale ou d'approvisionnement commune ; qu'il est possible, ainsi que l'a énoncé le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'arrêt Italiano Vetro en date du 10 mars 1992, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché, si elles "(...) disposaient en commun, par voie d'accord ou de licence, d'une avance technologique leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients, et finalement, des consommateurs (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche, points 38 et 48) " ; qu'enfin, ainsi que l'a rappelé le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'arrêt Airtours, en date du 6 juin 2002 "trois conditions sont nécessaires pour qu'une situation de position dominante collective (...) puisse être créée : en premier lieu, chaque membre de l'oligopole dominant doit pouvoir connaître le comportement des autres membres, afin de vérifier s'ils adoptent la même ligne d'action (...), en deuxième lieu, il est nécessaire que la situation de coordination tacite puisse se maintenir dans la durée, c'est-à-dire qu'il existe une incitation à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune sur le marché (...), en troisième lieu, [il faut] établir que la réaction prévisible des concurrents actuels et potentiels ainsi que des consommateurs ne remettrait pas en cause les résultats attendus de la ligne d'action commune";

Considérant qu'il résulte du dossier que les sociétés Gazinox et Boa AG étaient liées par un contrat d'exclusivité réciproque ; que Boa AG détenait une participation au capital de Gazinox ainsi qu'un siège au conseil d'administration de cette société ; que, par ailleurs, il ressort de l'instruction que Boa AG a pu adapter sa politique commerciale en fonction de données fournies par la société Gazinox et que la société Le Boa, filiale de la société Boa AG, effectuait, pour le compte de cette dernière, un suivi régulier des activités de la société Gazinox ;

Mais considérant, cependant, que la participation de 10 % dans le capital de Gazinox, même complétée par un siège (sans voix délibérative) à son conseil d'administration, constitue un lien structurel de faible portée ; que les engagements réciproques de Gazinox et Boa AG, tels que définis, notamment, à l'article 2.3 du contrat d'approvisionnement et de distribution exclusifs, laissent néanmoins apparaître que Gazinox est en mesure de renoncer unilatéralement à l'exclusivité de commercialisation ou d'approvisionnement sous la condition, pour cette dernière, que les prix pratiqués par Boa AG soient de 20 % supérieurs à ceux de la concurrence ; qu'il résulte de l'article 4 du même contrat que Boa AG est rémunérée par une marge de 6 % appliquée au montant cumulé de ses coûts ; qu'ainsi, ces engagements réciproques traduisent l'accord des deux entreprises sur le partage du profit de monopole, tant que leurs produits étaient les seuls présents sur le marché ; mais que les intérêts à moyen terme des parties, consistant pour Gazinox en une politique de prix élevés assurant une rentabilité financière, et pour Boa AG en une rentabilisation de larges investissements de production par des volumes de vente importants, sont devenus fondamentalement divergents dès l'apparition de produits concurrents et ne peuvent qu'entraîner des stratégies différentes ; qu'enfin, l'évolution des parts de marché des sociétés Boa AG et Gazinox entre les années 1997 et 1998 démontre que ces sociétés n'ont manifestement pas disposé d'un pouvoir de marché tel qu'il leur aurait permis de conserver leurs parts de marché et marges commerciales ; qu'ainsi, il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que les sociétés se trouvaient, au moment des faits, en situation de position dominante collective ;

Sur l'abus

Considérant, au surplus, qu'indépendamment de la position collective des entreprises sur le marché, il convient d'examiner si les pratiques dénoncées pourraient être qualifiées d'abusives ;

Considérant que les sociétés Boa AG et Gazinox contestent la valeur probante du document intitulé "compte rendu de la réunion de Lugano" en ce qu'il aurait été rédigé unilatéralement par M. Quaranta, dirigeant de la société Tubiflex ;

Considérant que le document en cause, rédigé par M. Quaranta et fourni par la société Tubiflex à l'appui de sa saisine, relate le déroulement de la réunion de Lugano entre les représentants des sociétés Tubiflex, Gazinox et Le Boa et fait état de déclarations des personnes présentes ; qu'en application du principe selon lequel nul ne saurait se constituer de preuve à soi même, ce document ne peut, en raison de son caractère unilatéral, être, à lui seul, considéré comme un élément probant des évènements qu'il relate ;

Considérant que, s'agissant des pratiques imputables à Gazinox, l'abus retenu aurait consisté dans le recours à une utilisation abusive d'actions en contrefaçon, car celles-ci auraient, indépendamment de leur bien-fondé, été utilisées à plusieurs reprises comme moyen de pression afin de contraindre la société Tubiflex et ses distributeurs à renchérir le prix de leurs produits par référence à ceux pratiqués par les sociétés Boa AG et Gazinox ;

Mais considérant qu'ainsi que l'a rappelé le Conseil dans la décision n° 02-D-35 du 13 juin 2002, reprenant la décision IV 35.268 du 21 mai 1996 ITT Promedia NV/Belgacom de la Commission européenne, "le fait d'intenter une action en justice, expression du droit fondamental d'accès au juge, ne peut être qualifié d'abus, sauf si une entreprise en position dominante intente des actions en justice (...) qui ne peuvent pas être raisonnablement considérées comme visant à faire valoir ses droits et ne peuvent dès lors servir qu'à harceler l'opposant, et (...) qui sont conçues dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence", ces deux conditions devant être entendues de manière restrictive ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi ni que les actions en contrefaçon intentées par Gazinox étaient manifestement dénuées de tout fondement ni que ces actions auraient été conçues dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence ; qu'ainsi, il n'est pas démontré que Gazinox aurait abusé de son droit d'ester en justice ;

Considérant, par ailleurs, que les tentatives de pressions relevées, quand bien même seraient-elles établies, n'ont pas abouti et n'ont produit aucun effet ; que, dans ces circonstances, un tel comportement ne peut constituer une pratique abusive au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

Considérant que, s'agissant des pratiques imputables à Boa AG, l'abus retenu aurait consisté dans des pressions effectuées sur les sociétés Tubiflex, PB Tub et Dipra afin qu'elles élèvent le niveau des prix des produits concurrençant ceux de Gazinox et Boa AG ; qu'en effet, la télécopie du 25 mai 1998 énonce : "Les prix que vous nous avez communiqués semblent (réserve sur la bonne foi de la parole des distributeurs) être les prix remis à la société COMAP. Nous pensons que ces prix sont anormalement bas face au marché actuel que nous avons créé car une baisse des prix n'augmentera pas le volume sur ce type de marché pour l'instant (trop tôt). (...) Vous trouverez également ci-joint les niveaux de prix Marché client. Si le prix était trop proche des nouveaux caoutchoucs qui ont passé artificiellement leur durée de vie de cinq à dix ans, les ventes de tuyauteries métalliques s'écrouleraient. J'espère avoir répondu à votre question, en vous rappelant qu'il faut maintenir le plus possible le niveau des prix" et celle du 7 juillet 1998 : "le point de blocage que vous aurez certainement avec M. Bellan concernera PB Tub qui pratique sur le marché français un dumping important" ;

Mais considérant qu'à supposer que la télécopie du 25 mai 1998 ait bien constitué une suggestion faite à Tubiflex de s'entendre avec Gazinox, cette tentative d'entente ne concernait pas Boa AG et, au surplus n'a pas été suivie d'effet, puisqu'elle a été repoussée par Tubiflex ; que cette suggestion ne saurait être retenue comme constituant une pratique abusive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que les pratiques relevées à l'encontre des sociétés Boa AG et Gazinox constituent des pratiques abusives au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

Sur la prescription du produit Gazinox par GDF

Considérant qu'en diffusant le document incriminé auprès de sa clientèle du département de l'Yonne, dans le cadre d'une campagne d'information ayant pour objectif la sécurité des installations et répondant aux recommandations de sécurité des pouvoirs publics, la société Gaz de France a utilisé le nom propre d'une marque -Gazinox- pour désigner un type de produit ; qu'il n'est pas établi que la mention du produit Gazinox était le seul moyen de répondre aux recommandations de sécurité des pouvoirs publics, lesquelles ne portent d'ailleurs pas spécifiquement sur les tuyaux flexibles métalliques onduleux mais sur l'ensemble des tuyaux vissables, qu'ils soient métalliques onduleux ou non ; que cette mention, émanant d'une entreprise de très grande notoriété et titulaire d'un monopole légal, prend valeur de prescription, nonobstant le fait que les mentions relevées constituaient une recommandation et non une obligation ; que ce faisant, la société Gaz de France a confondu les obligations de sécurité relevant de sa mission de service public avec ses intérêts d'actionnaire majoritaire de la société Gazinox, la prescription de cette marque étant susceptible de détourner la clientèle de Gaz de France des produits de marques concurrentes ;

Mais considérant que la mention incriminée n'avait pas d'objet anticoncurrentiel dans la mesure où le produit Gazinox était, au moment des faits, le seul produit sur le marché et que, par la suite, lorsque des produits concurrents sont apparus sur le marché, la société Gaz de France a assuré la promotion de l'ensemble de ces produits ;

Considérant que la diffusion du document incriminé n'a pas eu d'effet anticoncurrentiel sensible dans la mesure où il n'a été distribué que dans le seul département de l'Yonne, soit à moins de 0,5 % des particuliers qui forment la clientèle de Gaz de France dans la France entière ;

Considérant qu'aucune des pratiques reprochées aux sociétés Boa AG, Gazinox et GDF n'étant établie, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce :

DÉCIDE : - Article unique : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure à l'encontre des sociétés Boa AG, Gazinox et GDF.