Cass. com., 3 décembre 2002, n° 00-16.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Seda (Sté)
Défendeur :
Philippe Geny "entreprise et communication" (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Philippe Geny "entreprise et communication" (la société Philippe Geny) que sur le pourvoi principal formé par la société SEDA ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 6 avril 2000) que, depuis 1992, la société SEDA, centrale d'exploitation du réseau des points de vente à l'enseigne "Point S", avait confié à la société Philippe Geny l'ensemble de la communication externe du réseau ; qu'à la suite d'un différend survenu au cours d'une réunion du 15 décembre 1998, la société SEDA a rompu ces relations ; que la société Philippe Geny l'a assignée pour avoir paiement, outre de factures impayées, de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat verbal d'agence en communication qu'elle prétendait avoir été conclu entre elles ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches, et sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première, troisième et quatrième branches, les moyens étant réunis : - Attendu que la société Philippe Geny fait grief à l'arrêt d'avoir réduit à 800 000 F le montant de l'indemnité qui lui était allouée en raison de la brusque rupture par la société SEDA du contrat les unissant et que la société SEDA reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait rompu brutalement et abusivement les relations commerciales avec la société Philippe Geny et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière la somme de 800 000 F à titre d'indemnité de rupture alors, selon le moyen : 1°) que le tribunal de commerce avait alloué une somme supérieure correspondant à un délai de préavis de six mois, que les usages ont admis en cas de rupture d'un contrat de conseil en communication ; que la qualité de conseil en communication résulte, selon le tribunal de commerce, non pas du caractère complet de la mission de communication confié au mandataire, mais de son caractère déterminant, pour l'entreprise considérée ; qu'en exigeant une mission complète, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que le tribunal de commerce avait relevé, en toute hypothèse, que les contrats d'achat d'espaces conclus avec un tiers par la société SEDA l'avaient été sous la seule initiative de Philippe Geny, ce qui démontrait le rôle de cette dernière jusques et y compris dans cette mission particulière, et le caractère complet de sa mission de communication au sein de l'entrepris SEDA ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces motifs, qui démontraient le caractère complet de la mission de la société Philippe Geny, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3°) qu'en se déterminant par de tels motifs, qui ne permettent pas de déterminer le fondement légal de sa décision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, violant ainsi les articles 12 et 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) qu'ayant réfuté la qualification de contrat d'agence conseil en communication sur laquelle les premiers juges s'étaient fondés pour fixer la durée du préavis à six mois, c'est sans aucun motif que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris de ce chef, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5°) qu'en se fondant sur des usages, sans rechercher si la société SEDA était informée desdits usages et y avait adhéré, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, pour apprécier la durée du préavis que la société SEDA aurait dû respecter, les juges du fond, après avoir retenu que, depuis 1992, la société Philippe Geny avait reçu de cette dernière la mission de définir et mettre en œuvre la stratégie de communication du réseau, à l'exception des achats d'espace, se sont fondés sur le fait que ces relations se sont poursuivies jusqu'en 1998;que s'étant ainsi référés aux relations commerciales antérieures des parties, conformément à l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-6, I, 4 du Code de commerce, c'est souverainement qu'ils ont décidé que ce délai était de six mois et, par ces seuls motifs, ont justifié leur décision;d'où il suit que les première et quatrième branches du premier moyen du pourvoi principal ne sont pas fondées et que la troisième branche du même moyen et les deux premières branches du moyen unique du pourvoi incident, qui visent des motifs surabondants de l'arrêt par lesquels la cour d'appel s'est prononcée sur la qualification juridique la mission confiée à la société Philippe Geny, ne peuvent être accueillies ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche ; - Attendu que la société SEDA fait le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'elle avait soutenu que la rupture des relations commerciales était imputable à la société Philippe Geny qui avait refusé de collaborer avec la société Essentiel en vue de développer et harmoniser ses moyens de communication et d'actions publicitaires, si bien qu'en affirmant que la société SEDA avait rompu ses relations avec la société Philippe Geny de manière abusive, unilatérale, brutale et sans motif légitime, commettant ainsi une déloyauté contractuelle, sans s'expliquer sur les moyens soulevés par la société SEDA, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux conclusions de la société SEDA qui invoquaient ce moyen, la société Philippe Geny avait répliqué qu'en réalité, la société SEDA avait confié à la société Essentiel la mission qui était la sienne depuis 1992, soit la détermination de sa stratégie de communication sur trois ans et l'orchestration, avec des partenaires spécialisés, de la mise en œuvre de l'ensemble des moyens de communication retenus, de sorte que, sous le couvert d'une proposition de collaboration avec la société Essentiel, c'était son remplacement pur et simple par cette dernière qui lui était imposé ; qu'en énonçant dès lors qu'avant même la décision du 15 décembre 1998, la société SEDA avait décidé de prendre un autre "chef d'orchestre" pour sa communication externe, la cour d'appel a répondu, pour les écarter, aux conclusions prétendument omises ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche : - Attendu que la société Philippe Geny fait grief à l'arrêt d'avoir réduit à 800 000 F le montant de l'indemnité qui lui était allouée en raison de la brusque rupture par la société SEDA du contrat les unissant alors, selon le moyen, que le préjudice résultant de la brusque rupture d'un contrat d'agence de communication, constituant une part importante du chiffre d'affaires de l'agent, ne consiste pas uniquement en la perte stricte des bénéfices que rapportait ce contrat, mais dans la nécessité pour le mandataire de réorganiser son entreprise et d'investir dans la recherche de nouveaux clients susceptibles de lui procurer un chiffre d'affaires équivalent ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas indemnisé l'intégralité du préjudice, en violation de l'article 1147 du Code civil et de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'en retenant que seul le préjudice réel doit être indemnisé et que celui subi par la société Philippe Geny résulte, non de la perte de son chiffre d'affaires avec la société SEDA, mais de celle des bénéfices qu'elle pouvait escompter tirer du maintien de ses relations avec cette société, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 1149 du Code civil ; que le grief n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : - Attendu que la société SEDA fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Philippe Geny la somme de 313 262,14 F au titre de factures impayées alors, selon le moyen : 1°) qu'elle contestait avoir commandé à la société Philippe Geny les prestations objet de la facture du 31 décembre 1998, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'il appartient à celui qui demande l'exécution d'une obligation de la prouver, si bien qu'en statuant comme elle a fait sans rechercher de quel élément résultait la preuve de l'engagement de la société SEDA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la société Philippe Geny était chargée des programmes de communication du réseau Point S depuis 1992 et que ses prestations n'avaient fait l'objet d'aucune réclamation avant le 15 décembre 1998, l'arrêt en déduit que "le travail fourni en septembre 1998 en vue du plan de communication 1999 est indubitablement dû" ; qu'en l'état de ces motifs, d'où il ressort que les juges du fond se sont fondés sur la présomption, souverainement déduite par eux des faits et circonstances de la cause, que la société SEDA avait commandé les travaux nécessaires à la présentation d'un plan de communication pour l'année à venir, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision au regard de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.