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Décisions

Ministre de l’Économie, 29 août 2002, n° ECOC0200420Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Mr Bricolage

Ministre de l’Économie n° ECOC0200420Y

29 août 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 9 juillet 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition de la société française Tabur SA (ci-après groupe Tabur) par la société Mr Bricolage SA (ci-après groupe Mr Bricolage). Cette acquisition a été formalisée par un contrat signé le 28 juin 2002.

I. - Les parties et l'opération

La société Mr Bricolage SA est détenue à 52,7 % par la SAS SIMB, elle-même contrôlée à 100 % par la Société anonyme coopérative ANPF, à son tour contrôlée par l'ensemble des adhérents à l'enseigne Mr Bricolage. Ce réseau de grandes surfaces spécialisées dans le bricolage (GSB) est en effet composé de 285 magasins indépendants adhérents et de 32 magasins détenus en propre (dont deux en Espagne). Le groupe est donc dirigé par ses propres adhérents.

Le groupe Mr Bricolage est spécialisé dans la vente de matériel de bricolage et a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 176,4 millions d'euro, dont 170,9 en France. La société Tabur SA est un holding financier détenu à 80,4 % par la société SNP, elle-même contrôlée par la famille Tabur.

Le groupe Tabur exploite un réseau de magasins également spécialisés dans la distribution de matériel de bricolage, sous les enseignes Bricogite, Caténa, Super Caténa et B3 Bricolage. Ce réseau se compose de 36 magasins détenus en propre et de 216 magasins adhérents indépendants, liés au groupe par des contrats de franchise.

Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Tabur en 2001, entièrement réalisé en France, s'élève à 194 millions d'euro.

L'opération consiste, d'une part, en un apport en nature (87 %) et, d'autre part, en une cession (13 %) des actions et des droits de vote de la société Tabur SA par ses actionnaires à la société Mr Bricolage SA. À l'issue de l'opération, la société Mr Bricolage SA détiendra 100 % des titres et des droits de vote de la société Tabur SA. L'opération constitue ainsi une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce en ce qu'elle entraîne le changement de contrôle de la société Tabur SA au profit exclusif de la société Mr Bricolage SA.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. - La définition des marchés

Les marchés de produits

En tant que distributeurs de produits de bricolage, les parties à l'opération sont présentes sur deux marchés distincts que sont (i) le marché amont de l'approvisionnement, en tant qu'acheteurs, et (ii) le marché de la grande distribution spécialisée dans le bricolage, en tant qu'intermédiaires et vendeurs aux consommateurs finals.

(i) Le marché de l'approvisionnement

Le marché amont de l'approvisionnement comprend la vente de produits de bricolage, de jardinage et de matériaux par les producteurs à des clients professionnels intermédiaires que sont les grossistes et les centrales d'achat ou de référencement. La part du nouvel ensemble dans les achats de matériel de bricolage en France est environ de [0-10] %. La question d'une délimitation plus fine par famille de produit, conformément au raisonnement adopté par la Commission dans sa décision Carrefour/Promodès (cf. note 1), peut être posée. Les parties ont ainsi proposé une subdivision du marché en dix segments distincts : jardinage, outillage, quincaillerie, plomberie-sanitaire, électricité-luminaires, bois et dérivés, bâti-matériaux, décoration, revêtements murs-sols-carrelage. Selon cette segmentation, la part de la nouvelle entité dans les achats de produits issus de ces catégories est, dans la plupart des catégories retenues, inférieure à 20 % et inférieure à 25 % pour ce qui est de l'outillage et de la catégorie électricité-luminaire. Encore convient-il de noter que ces estimations ne portent que sur les volumes d'achat des grandes surfaces de bricolage, à l'exclusion des achats effectués par d'autres catégories d'opérateurs, et notamment les négociants en matériaux de construction et, pour certaines catégories de produits, les grandes surfaces alimentaires. Ce biais de calcul a pour effet de surestimer très significativement la part du nouvel ensemble.

Il convient de souligner que la concentration entre Mr Bricolage et Tabur s'inscrit dans un contexte de consolidation du secteur de la distribution de matériel de bricolage, tant au niveau national que communautaire. En matière de puissance d'achat, un raisonnement fondé sur la seule appréciation des parts des principaux acheteurs dans les ventes des producteurs situés sur les marchés amonts n'est pas à lui seul pertinent. En effet, chaque distributeur constitue une " porte d'entrée " sur le marché, du point de vue du producteur. Au-delà d'un certain degré de concentration, chacune de ces portes d'entrée devient incontournable pour le producteur : un déréférencement de l'une des grandes enseignes nationales, qui représenterait de 15 à 20 % de ses ventes, viendrait peser très fortement sur ses marges et ne serait pas économiquement soutenable.

Au cas d'espèce, la concentration notifiée au ministre est cependant d'ampleur trop limitée pour que l'opération soulève, en elle-même, des difficultés significatives sur les marchés amonts de l'approvisionnement, compte tenu notamment de la part que représentent les enseignes concurrentes dans les achats de produits de bricolage et compte tenu du fait qu'il existe encore à ce jour suffisamment de canaux d'accès aux marchés : on recense une douzaine de centrales d'achat spécialisées dans le bricolage, dont les plus importantes représentent moins de 15 % des achats du secteur. A ces canaux de distribution il convient de rajouter, pour une part de la gamme, les achats effectués par les négociants en matériaux (Saint Gobain/Point P, Pinault Bois et Matériaux) ainsi que les achats effectués par la grande distribution alimentaire.

(ii) Le marché de la grande distribution spécialisée dans le bricolage

La pratique décisionnelle des autorités de concurrence communautaires distingue plusieurs canaux de distribution d'articles de bricolage (cf. note 2), à savoir le commerce de détail, le commerce de gros et les grandes surfaces de bricolage (GSB). Pour sa part, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationales a également relevé qu'une distinction devait être faite, en matière de commerce de détail non alimentaire, entre les grandes surfaces généralistes, les grandes surfaces spécialisées et le petit commerce traditionnel. Le Conseil de la concurrence a notamment souligné le développement des grandes surfaces spécialisées dans le bricolage autour de quelques grandes enseignes de notoriété nationale (cf. note 3).

Conformément à ces analyses tant communautaire que nationale, les parties ont estimé que les commerces de proximité d'une surface inférieure à 300 m2 " (quincailleries, drogueries, bazars, etc.) constituaient une catégorie d'opérateurs distincte de celle des magasins de grande surface disposant d'un assortiment de produits et de services plus large. En conséquence, ce canal de distribution doit être exclu du marché pertinent sur lequel évoluent les parties.

Au sein de la catégorie des magasins offrant une surface de vente réservée au bricolage supérieure à 300 m2, il y a également lieu de distinguer les grandes surfaces spécialisées dans le bricolage du rayon bricolage des grandes surfaces alimentaires (GSA) ou des grandes surfaces spécialisées dans la jardinerie ou encore du rayon libre-service des négociants en matériaux de construction.

En premier lieu, en ce qui concerne les grandes surfaces alimentaires de type hypermarché (GSA), force est de constater qu'elles disposent souvent de rayons réservés à la vente d'articles de bricolage d'une surface exceptionnellement supérieure à 300 m2. Toutefois, il ressort des tests de marché que la surface dédiée au rayon bricolage est rarement supérieure à 3 % de la surface totale du magasin et que cette proportion aurait tendance à se réduire depuis quelques années. Alors que le secteur du bricolage a progressé de 4,4 % en 1999, de 3 % en 2000 et de 3,4 % en 2001, le chiffre d'affaires des rayons bricolage des GSA a décru de 1 % en 1999, de 2,3 % en 2000 et de 2,1 % en 2001.

Par ailleurs, les GSA gèrent en moyenne 8 000 références d'articles de bricolage tandis que les GSB proposent entre 45 000 à 70 000 références d'articles de bricolage dans leurs magasins, ce qui démontre une forte asymétrie dans l'offre faite aux consommateurs dans les deux types de grandes surfaces. En outre, plusieurs réponses aux tests de marché soulignent qu'une " distinction doit être faite en fonction des besoins de la clientèle, qui se répartissent entre les articles de bricolage de dépannage, dont le consommateur a besoin rapidement (ex. ampoules), et les articles d'équipement comportant les produits de décoration et les produits d'aménagement d'intérieur et d'extérieur ". A ce titre, il est à noter que les principaux fournisseurs des GSA sont précisément essentiellement des fabricants de produits consommables (piles, ampoules électriques, etc.). La concurrence qui pourrait le cas échéant s'exercer entre les deux formes de distribution ne porterait donc en tout état de cause que sur une faible part de la gamme d'articles de bricolage qui sont proposés dans les GSB.

Il faut enfin souligner que les GSB proposent généralement des services complémentaires (conseils, ateliers de découpe, stages d'initiation au bricolage, livraison ou mise à disposition de véhicule de transport, etc.) que les GSA ne proposent pas. L'achat dans une GSB ou dans une GSA ne peut donc être considéré comme équivalent aux yeux de la clientèle.

Par conséquent, il convient de constater que les GSA et les GSB ne se situent pas sur le même marché pertinent.

En ce qui concerne, en second lieu, les grandes surfaces spécialisées dans la jardinerie, la plupart des réponses issues des tests de marché indique que les jardineries vendent très peu, voire pas du tout, d'articles de bricolage. Lorsque néanmoins certaines enseignes ou magasins disposent d'un rayon bricolage, celui-ci est très orienté sur l'extérieur de la maison ou le petit outillage de jardinage, ce qui représente là encore une très faible part de la gamme de produits proposés par les GSB. Cette constatation est confirmée par le fait que le nombre de références gérées par les jardineries qui disposent d'un rayon bricolage n'excède pas 1 500 unités. En conséquence, il convient également d'exclure les grandes surfaces spécialisées dans la jardinerie du marché pertinent sur lequel se situent les parties à l'opération.

Pour ce qui concerne, en dernier lieu, les négociants en matériaux de construction, la Commission a défini le marché comme étant " une activité traditionnelle par laquelle les négociants vendent sur stocks l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment (cf. note 4) ". Elle considère en outre que ce marché peut être divisé " entre des négociants généralistes, vendant toutes sortes de matériaux, et des négociants spécialistes, qui se limitent à un ou deux produits (tels que le carrelage, menuiserie, isolation,...) (cf. note 5) ".

Les opérateurs présents sur ce marché s'adressent donc en principe principalement à des professionnels du bâtiment et non à des particuliers comme les GSB. Les négociants offrent une gamme de produits beaucoup plus large en matériaux de construction et de gros œuvre que les GSB qui proposent des gammes de produits davantage tournées vers l'aménagement et la décoration de la maison. De plus, les négociants présentent généralement des stocks de matériaux beaucoup plus importants que les GSB.

Force est de reconnaître pourtant que les négociants tendent à s'orienter, en partie, vers une clientèle de particuliers, dont la demande est moins cyclique que celle des professionnels. La part des ventes réalisées par les négociants en matériaux de construction auprès de particuliers peut représenter jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires des négociants, selon les réponses aux questionnaires adressés par la DGCCRF dans le cadre de l'instruction de la présente affaire. Les parties considèrent en conséquence que le rayon libre-service dont disposent certains de ces négociants constitue une alternative sérieuse à celle des GSB aux yeux de la clientèle de particuliers et qu'il convient dès lors de tenir compte de ce rayon pour apprécier la dimension du marché pertinent sur lequel les parties à l'opération sont présentes.

Cette affirmation doit néanmoins être nuancée. Les résultats des tests indiquent que les négociants n'estiment pas évoluer sur les mêmes marchés que les GSB, " même si de petites zones de recouvrement existent. La clientèle des GSB est essentiellement constituée de bricoleurs légers, aptes à réaliser des travaux de construction simples ou des travaux de décoration ". A l'inverse, les particuliers qui s'adressent aux négociants en matériaux constituent une clientèle de " bricoleurs lourds ", capables de réaliser des travaux de construction conséquents et " ayant des attentes proches de celles des professionnels ". Par ailleurs, les tests de marché ont révélé que les rayons libre-service ne s'adressent pas nécessairement en premier lieu aux particuliers mais à l'ensemble de la clientèle. Il est à noter en effet que les horaires d'ouverture des points de vente des négociants sont encore fréquemment restreints (fermeture sur l'heure du déjeuner, ainsi que le samedi ou le samedi après-midi), ce qui ne facilite pas l'accès aux particuliers désireux de réaliser leurs achats en dehors de leurs horaires de travail, même en présence d'un rayon libre-service.

Compte tenu de la composition de la clientèle des négociants en matériaux de construction, la frontière entre le marché du négoce de matériaux et la distribution au détail d'articles de bricolage n'est pas étanche. Toutefois, le degré de substitution entre ces deux canaux distincts dépend fortement de la stratégie des différents réseaux de négociants. Il convient par conséquent d'apprécier la pression concurrentielle exercée sur les parties à l'opération par les négociants en matériaux de construction au cas par cas, en fonction de la situation de chaque marché géographique retenu.

Ces différents éléments permettent donc de définir le marché pertinent sur lequel évoluent les parties à l'opération comme étant les grandes surfaces spécialisées dans le bricolage, dont la taille dépasse 300 m2, qui disposent généralement d'un nombre de référence supérieur à 10 000 unités et qui s'adressent à une clientèle quasi exclusivement composée de particuliers. Compte tenu de ces critères, il convient de comprendre également dans ce marché la branche " hard-discount " développée par plusieurs des principaux réseaux GSB, sous des enseignes particulières (Leroy-Merlin/Bricoman ; Castorama/Brico-Dépôt ; Bricorama/Batkor notamment), qui vise plus particulièrement une clientèle de particuliers avertis et attirée par des prix très attractifs mais qui constitue une alternative comparable à celle des GSB traditionnelles.

Marchés géographiques

Comme l'ont relevé plusieurs décisions de la Commission ou du ministre, la zone de chalandise d'enseignes de distribution dépend de nombreux facteurs dont la taille des magasins, l'infrastructure de transport, le caractère périssable ou non des produits.

Pour ce qui est de la distribution alimentaire, le ministre a précisé dans l'arrêté du 5 juillet 2000 concernant la concentration entre Carrefour et Promodès que : " selon la taille des magasins, les temps de déplacement généralement retenus sont compris entre dix et quinze minutes de temps de déplacement en voiture pour les supermarchés et quinze à trente minutes pour les hypermarchés ; que les commissions départementales d'équipement commercial et la Commission nationale fondent leurs analyses sur des zones définies à partir de ces mêmes fourchettes de temps de déplacement et que celles-ci ne sont pas contestées par les parties ; que, si l'on tient compte des différences d'attractivité liées au critère de la taille, les temps habituellement retenus peuvent être fixés pour les supermarchés de moins de 1 500 m2 à 10 minutes maximum, pour les supermarchés de 1 500 à 2 499 m2 à quinze minutes environ ; que, pour les hypermarchés de moins de 10 000 m2, le temps de déplacement moyen peut être estimé à quinze à vingt minutes, lorsqu'ils sont sur un site isolé, et à trente minutes dans le cas d'une implantation en centre commercial ; qu'enfin pour les hypermarchés de plus de 10 000 m2 le temps moyen peut être établi à trente minutes ".

Dans le cas du bricolage, la Commission, dans sa décision M.1333-Kingfischer Castorama, mentionne par ailleurs des zones de chalandise de l'ordre de 20 km. Ces marchés pourraient éventuellement être plus étendus dans le cas où des zones de chalandises se recouvrent et que ces recouvrements assurent une transmission des conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence dans ces zones.

Les tests de marché effectués dans le cadre de l'instruction de la présente affaire corroborent ces ordres de grandeurs : dans le cas de surface de bricolage de dimension moyenne (2 000 à 3 000 m2), la zone d'attractivité est généralement de l'ordre de quinze à vingt minutes. Les points de vente beaucoup plus importants en superficie ou présentant une taille relativement plus élevée par rapport aux concurrents immédiats, ou bien encore se trouvant à proximité d'un hypermarché de grande superficie, peuvent drainer une clientèle dans une zone plus étendue pouvant aller jusqu'à trente minutes.

Par contre, la question de savoir si dans certains cas les marchés géographiques peuvent être la réunion de plusieurs zones de chalandise qui se recoupent peut être laissée ouverte. En effet, en l'espèce, dans les zones sur lesquelles apparaissent de sérieux doutes quant au maintien d'une concurrence effective suite à l'opération de concentration, aucune intersection de plusieurs zones de chalandise n'est apparue.

Au-delà de ces principes généraux relatifs à la délimitation des zones de chalandise, chaque zone doit faire l'objet d'une analyse au cas par cas afin de prendre en compte un certain nombre de facteurs dont l'influence peut être non négligeable. Parmi ces derniers, sont en particulier à retenir le coût du déplacement et la direction naturelle des flux de déplacement.

Tout d'abord, le coût de déplacement peut amener à réduire la zone d'attractivité. Il apparaît en effet que la facture moyenne dans les GSB est de l'ordre de 30 euro. Le coût de déplacement doit donc être rapporté à ce montant, avec la nuance toutefois qu'un même déplacement vers un grand centre urbain peut viser à répondre à différents besoins (achats alimentaires dans un hypermarché, achats de bricolage, démarches administratives...). Il apparaît par ailleurs que la présence d'un péage autoroutier est un élément beaucoup plus dissuasif pour le consommateur que le coût de l'essence consommée pour effectuer le déplacement.

Ensuite, les flux de déplacement naturels doivent être pris en compte afin d'évaluer vers quelles enseignes il est le plus probable que s'effectue le report de clientèle en cas d'augmentation de prix. Ainsi, dans une agglomération relativement importante, disposant naturellement d'une forte attractivité du fait des services administratifs dont elle dispose, ainsi que de la gamme de magasins et des hypermarchés qu'elle offre, un magasin de bricolage de format équivalent pourra représenter une concurrence pour un autre magasin de bricolage situé en dehors de l'agglomération tout en restant dans la zone de chalandise d'une vingtaine de minutes : les consommateurs ont naturellement de multiples raisons de se rendre dans cette agglomération. L'inverse ne sera cependant pas nécessairement toujours vrai : un magasin implanté en zone rurale pourra subir la concurrence des magasins implantés dans un grande agglomération, mais ne sera pas en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur ces mêmes magasins. Les conditions de concurrence peuvent donc être asymétriques en fonction de l'implantation des surfaces de vente. Ainsi, même si un point de vente se trouve à l'intérieur de la zone mais en périphérie de cette dernière, il est nécessaire de relativiser son poids dans le jeu de la concurrence. Cela devra être le cas à plus forte raison lorsque l'enseigne en limite de zone est de plus petite taille que celles présentes dans l'agglomération, mal desservie au niveau routier ou nécessitant le paiement d'un péage.

III. - Analyse concurrentielle

Dans le cadre de l'opération de concentration notifiée, le ministre examine " si elle est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante ". Au-delà de la création ou du renforcement d'une position dominante, il apparaît en effet que dans certaines situations de marchés oligopolistiques, certains mécanismes peuvent conduire à une restriction de la concurrence et à une augmentation des prix ou une limitation des capacités proposées aux consommateurs. Il peut s'agir en particulier d'effets unilatéraux. En dehors de la création ou du renforcement d'une position dominante simple, sur un marché oligopolistique, une concentration peut réduire la concurrence alors même qu'elle n'augmente pas le risque d'une position dominante collective, ou en tout cas d'effets coordonnés réussis, simplement parce que dans certaines conditions il devient profitable pour les parties à la concentration d'augmenter unilatéralement leurs prix ou de diminuer la quantité de produits proposés, dès lors que cela ne se traduira pas par une perte de chiffre d'affaires au profit des concurrents, mais par un report depuis l'un des établissements de l'entreprise fusionnée (celui qui a augmenté ses prix) vers les ou l'un des autres. Cela suppose naturellement un bon degré de substituabilité des établissements au sein de l'entreprise. Or, dans le cas de la distribution de matériel de bricolage, tous les magasins ne sont pas, sur un marché géographique donné, des substituts parfaits. Les facteurs qui mènent à cette différenciation sont notamment l'éloignement et la gamme offerte, qui découle elle de la surface de vente disponible. Le jeu de la concurrence n'est alors pas uniforme et est plus intense entre les concurrents qui sont des substituts proches. Dans le cas où les deux substituts les plus proches sont parties à la concentration, une augmentation unilatérale des prix dans un des deux magasins ou dans les deux peut devenir profitable. Une telle augmentation de prix n'aurait vraisemblablement pas été possible avant la concentration : l'augmentation de prix dans un seul des deux magasins n'aurait pas été profitable pour ces magasins puisque les clients se seraient immédiatement reportés dans de très fortes proportions sur le substitut proche et une augmentation concomitante dans les deux magasins n'aurait pas été durable en l'absence des mécanismes à l'œuvre dans les situations de positions dominantes collectives (transparence des prix, mécanismes de représailles, faible pouvoir de marché des concurrents résiduels ou futurs, etc.). Après la concentration, par contre, la situation peut, dans certains cas, être différente. Dans l'hypothèse où les deux magasins sont les substituts les plus proches et représentent pour les clients leurs premier et deuxième choix, les autres enseignes venant loin derrière et constituant des substituts imparfaits, une augmentation de prix dans l'un des magasins, voire dans les deux, peut rester profitable lorsque les clients perdus du fait de cette augmentation se reportent sur leur second choix et sont donc " récupérés " par l'autre magasin de l'entreprise fusionnée. La proportion, parmi les clients perdus par l'un des magasins des parties à la suite d'une augmentation de prix, qui est récupérée par l'autre magasin est un des éléments déterminants pour évaluer la profitabilité d'une augmentation unilatérale des prix. Cette proportion est habituellement dénommée " ratio de diversion ". Dans le cas d'un marché de biens homogènes, le ratio de diversion peut être souvent évalué, en première approximation, comme proportionnel à la part de marché du magasin, sur le marché déduction faite du magasin qui augmente ses prix. Sur un marché sur lequel les biens sont différenciés, une telle approche sous-estime le ratio de diversion lorsque les deux magasins parties à la concentration sont les substituts les plus proches, soit par leur gamme et leur format, soit par leurs modalités et délais d'accès (distance, péage). Dans cette hypothèse, le report vers le substitut proche s'effectue dans des proportions supérieures à la part de marché de ce point de vente, ce qui conduit à des ratios de diversion plus élevés. Pour qu'une augmentation unilatérale des prix soit substantielle sur un marché différencié, il apparaît cependant nécessaire qu'une part importante des parts de marchés soient liées à des clients qui considèrent effectivement les deux magasins comme leurs premier et deuxième choix et qu'il soit peu probable que les magasins concurrents des parties puissent à court terme repositionner leur offre pour accroître le degré de substituabilité entre leur offre et celle des parties. On peut enfin relever que le ratio de diversion mesure l'augmentation de la marge réalisée par les parties. Si, du fait des effets unilatéraux, une opération de concentration sur un marché oligopolistique se traduit fréquemment par une augmentation du taux de marge, cette augmentation ne se traduira pas nécessairement par une hausse des prix. L'opération peut en effet conduire à des gains d'efficacité, qui peuvent dans certains cas être en partie répercutés sur les consommateurs. Il est dès lors nécessaire d'apprécier l'impact des gains d'efficacité résultant directement de la concentration, et qui n'auraient pu être obtenus par un autre moyen de manière moins dommageable pour la concurrence, sur les coûts supportés par les parties. La hausse des prix qui pourra le cas échéant découler de l'opération de concentration sera la résultante du taux de marge supérieur découlant des effets unilatéraux appliqué à un coût de production inférieur, découlant des gains d'efficacité, dans la mesure où l'existence de tels gains a pu être établie.

Analyse des zones affectées

L'analyse de la localisation et des conditions de concurrence des magasins des groupes Mr. Bricolage et Tabur fait apparaître onze zones susceptibles d'être affectées: Beauvais (60, Oise), Brive-la-Gaillarde (19, Corrèze), Sablé-sur-Sarthe (72, Sarthe), Abbeville (80, Somme), St-Omer (62, Pas-de-Calais), Issoire (63 Puy-de-Dôme), Saint-Dizier (52, Haute-Marne), Touques (14, Calvados), Vichy (03, Allier), Alençon (61, Orne), Saint-Dié (88, Vosges).

Zone de Beauvais (60 - Oise)

L'opération entraîne des chevauchements sur l'agglomération de Beauvais avec la présence d'un magasin Mr Bricolage (1 500 m2) et d'un magasin Tabur Côté Bricolage (8 000 m2). Les concurrents présents sur l'agglomération sont Brico Dépôt (5 500 m2) et Bricorama (2 000 m2). Autrement dit, sur l'agglomération de Beauvais, le nouvel ensemble disposera de [50-60] % des surfaces de vente, Brico Dépôt de [30-40] % et celle de Bricorama de [10-20] %. Si l'on étend la zone de chalandise à une vingtaine de minutes, on relève la présence de deux magasins Caténa, l'un de 400 m2 à Auneuil et l'autre de 850 m2 à Breteuil. Les concurrents les plus proches sont ensuite situés à Clermont (Bricomarché, 4 041 m2) et à Bury (Bricomarché, 1 200 m2). Le Bricomarché de Bury, situé à vingt-cinq minutes de Beauvais, a une surface de vente bien inférieure à celle de Tabur Côté Bricolage ou du Brico Dépôt de Beauvais, est en limite de la zone de chalandise de Beauvais et n'est pas adossé à un autre pôle d'attractivité, type hypermarché. Aussi, il y a peu de chance que la clientèle considère ce magasin comme un substitut immédiat. Le Bricomarché de Clermont, quant à lui, par sa taille plus importante, pourrait capter une part de clientèle en cas de hausses de prix importantes, malgré son éloignement. Le concurrent disposant d'une surface supérieure à 6 000 m2 le plus proche est situé aux environs de Creil (Castorama de Saint-Maximin, 10 000 m2), c'est-à-dire à environ quarante-cinq minutes de Beauvais par autoroute (avec un péage de 2,5 euro), ce qui constitue un trajet trop long et trop coûteux pour que la clientèle considère ce magasin comme un substitut immédiat. La zone de concurrence ne peut donc vraisemblablement s'étendre jusque-là.

En conséquence, en tenant compte d'une zone d'une vingtaine de minutes autour de Beauvais, la concentration amènera les parties à détenir [40-50] % des parts de marché, avec un concurrent à [20-30] %. En dépit de ces parts de marché relativement élevées, on relève que les deux enseignes parties à la concentration ne sont pas des substituts immédiats, du fait notamment de leurs formats différents : 1 500 m2 pour Mr. Bricolage et 8 000 m2 pour Tabur Côté Bricolage. Ce dernier dispose par ailleurs d'un concurrent beaucoup plus immédiat avec le Bricodépôt de 5 500 m2. Il est donc fort probable qu'une augmentation de prix de la part des parties mène à un report important vers la concurrence et ne soit ainsi pas profitable. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur la zone de Beauvais.

Zone de Brive-la-Gaillarde (19 - Corrèze)

Dans la zone de Brive-la-Gaillarde, l'opération conduit à un léger chevauchement des activités de Bricogite/Caténa et de Mr. Bricolage, puisque l'enseigne Mr. Bricolage de 534 m2 d'Objat vient s'ajouter à la présence de Bricogite et B3 dans l'agglomération de Brive-la-Gaillarde. Une telle addition ne semble pas devoir poser de problème de concurrence dans l'agglomération de Brive-la-Gaillarde, puisqu'un concurrent important y est présent : un Briconaute de 4 500 m2, qui peut rivaliser avec le Bricogite de 3 975 m2 et le B3 de 1 118 m2. Il est à noter que le Briconaute de 3 190 m2 de Tulle ne semble pas être un substitut crédible aux enseignes de Brive puisqu'il s'agit également de l'enseigne Briconaute, déjà présente à Brive, et que Tulle est à vingt-cinq minutes en voiture de Brive et à plus de quarante minutes d'Objat. De même, le Mr. Bricolage d'Objat ne peut être considéré comme un concurrent des enseignes de Brive, du fait de sa petite taille (534 m2) comparée à celle des enseignes de Brive (1 118 m2, 3 975 m2 et 4 500 m2). La réciproque n'est cependant pas vraie : par leur taille et leur nombre, les enseignes de Brive ont une attractivité potentielle pour des clients du Mr. Bricolage d'Objat, dont elles ne sont distantes que d'une quinzaine de minutes au plus. En rapprochant les enseignes Bricogite/B3 et Mr. Bricolage, l'opération réduit le niveau de concurrence que représente Brive par rapport à Objat. Une augmentation de prix dans le Mr. Bricolage d'Objat pourrait alors conduire à un report de certains clients vers Brive, dont deux des trois enseignes appartiennent aux parties, rendant une telle augmentation profitable pour le groupe. Cependant, le magasin Mr. Bricolage d'Objat étant un magasin franchisé, ce type de raisonnement, reposant sur la maximisation du profit commun d'un groupe, au détriment, le cas échéant, d'une des entités du groupe, trouve plus difficilement lieu à s'appliquer. Outre la faible addition de parts de marché sur cette zone, la différence de format entre les magasins des parties et l'alternative que constitue le Briconaute de Brives du point de vue des habitants d'Objat permettent de conclure que l'opération ne soulève pas de doute sérieux quant au maintien du niveau de concurrence sur la zone.

Zone de Sablé-sur-Sarthe (72 - Sarthe)

A Sablé-sur-Sarthe, les parties détiennent la seule enseigne de bricolage : un magasin Bricogite de 2 375 m2. En considérant une zone de chalandise d'une vingtaine de minutes autour de Sablé, les autres enseignes disponibles sont : (i) à la Flèche, un Bricomarché de 3 300 m2 et un Mr. Bricolage de 2 400 m2 et (ii) à Chateauneuf-sur-Sarthe, un Mr. Bricolage de 800 m2. Le Caténa de 1 500 m2 sis à Château-Gontier et le Bricomarché de 762 m2 de Roézé-sur-Sarthe sont bien au-delà de cette zone de chalandise. En conséquence, sur cette zone, les parties détiendront à l'issue de l'opération [60-70] % des surfaces. Cependant, il apparaît que les flux de déplacement naturels sont entre Sablé-sur-Sarthe et Le Mans ou entre La Flèche et Le Mans, ou bien entre ces deux villes et Angers, mais rarement entre Sablé et la Flèche. En effet, les habitants de la zone peuvent être amenés fréquemment à se déplacer sur Le Mans ou Angers, toutes deux situées à un peu plus de trente minutes de La Flèche ou Sablé-sur-Sarthe, pour raisons professionnelles ou pour faire des courses dans des hypermarchés, dont ni Sablé ni La Flèche ne disposent. Il apparaît ainsi qu'il n'y a pas véritablement chevauchement entre le Bricogite de Sablé et le Mr. Bricolage de La Flèche et que ces enseignes sont sous l'influence de celles présentes au Mans ou à Angers. L'opération ne soulève donc pas de doutes sérieux quant au maintien du même niveau de concurrence sur la zone de Sablé-sur-Sarthe/La Flèche.

Zone de Abbeville (80 - Somme)

Dans l'agglomération d'Abbeville, seuls Bricogite (2 000 m2) et Mr. Bricolage (1 600 m2) sont présents. Si l'on étend la zone de chalandise à vingt minutes, d'autres enseignes sont présentes mais sont des substituts peu crédibles du fait de leur faible superficie et de leur éloignement. Les seules enseignes qui semblent pouvoir apporter une concurrence aux entreprises fusionnées sont les Bricomarché de Friville-Escarbotin et de Bouttencourt qui ne font cependant, respectivement, que 1 800 m2 et 1 200 m2 alors qu'ils sont situés, respectivement, à dix-huit et seize minutes d'Abbeville. Compte tenu de leur éloignement relatif et de leur format modeste, il est peu probable que ces enseignes exerceront une pression concurrentielle significative sur les points de vente d'Abbeville : une augmentation de prix dans un des deux magasins d'Abbeville entraînera un report des clients qui iront majoritairement vers le deuxième magasin d'Abbeville et très peu vers les Bricomarché de Friville-Escarbotin et de Bouttencourt. Les autres enseignes situées dans un rayon de vingt minutes autour d'Abbeville sont au moins aussi éloignées et de superficie inférieure à 1 000 m2. On relève toutefois qu'Abbeville se situe à vingt-cinq minutes d'Amiens qui représente, du point de vue des habitants d'Abbeville, une zone commerciale attractive, compte tenu de la densité de son tissu commercial. On relève notamment l'existence d'un Leroy-Merlin de 7 000 m2 situé au nord d'Amiens et un de 8 000 m2 situé au sud, tous deux directement accessibles par l'autoroute. Bien que le coût du péage autoroutier (2,5 euro) puisse dissuader certains habitants d'Abbeville de se rendre à Amiens exclusivement pour des achats de matériel de bricolage sauf dans le cas d'achats exceptionnels d'un montant important on peut cependant faire valoir qu'Abbeville n'étant pas dotée de centre commercial important ou d'hypermarchés, le coût du péage doit être rapporté non aux seules dépenses de bricolage, mais aussi aux dépenses alimentaires ou autres effectuées par les consommateurs à l'occasion d'un déplacement à Amiens. Il s'en conclut qu'à l'issue de l'opération, la pression concurrentielle exercée par les grandes surfaces de bricolage d'Amiens sera de nature à garantir le maintien d'une concurrence effective sur la zone d'Abbeville.

Zone de Saint-Omer (62 - Pas-de-Calais)

Dans l'agglomération de Saint-Omer, le seul concurrent, [en projet], rectification suite à une erreur matérielle [disposera] (*) d'une superficie de 1 200 m2, alors que les parties sont présentes à travers deux Mr. Bricolage de 1 340 m2 et 1 140 m2. L'addition de parts de marché se limite à l'apport de la Quincaillerie Huet, d'une surface de 578 m2, franchisé du groupe Tabur. L'opération ne vient donc pas modifier très substantiellement les conditions de concurrence sur l'agglomération. Dans une zone de chalandise d'une vingtaine de minutes, le seul concurrent, outre le magasin [en projet] (*) de Saint-Omer, est un Bricomarché de 2 187 m2 à Hazebrouck, soit à vingt-cinq minutes de Saint-Omer. En dépit de son éloignement relatif, ce magasin peut, dans une certaine mesure, exercer une pression concurrentielle sur les magasins de Saint-Omer, compte tenu de sa surface de vente significativement plus importante. En outre, bien que Béthune se situe à trente-cinq minutes de Saint-Omer, on relève que cette agglomération est dotée d'un Castorama et d'un Leroy-Merlin d'une surface de 10 000 m2 chacun. Compte tenu de l'attractivité de telles surfaces de vente, comparées à celles implantées sur l'agglomération de Saint-Omer, il apparaît que ces deux magasins sont, dans une mesure significative, à même d'exercer une pression concurrentielle sur les magasins des parties implantées à Saint-Omer. En conséquence, l'opération n'a pas pour effet de porter atteinte à la concurrence sur la zone de Saint-Omer.

Zone d'Issoire (63 - Puy-de-Dôme)

Sur l'agglomération d'Issoire, Mr. Bricolage (4 400 m2) et Bricogite (2 300 m2) sont les seuls distributeurs spécialisés dans le bricolage. La présence d'un magasin Carrefour à proximité ne constitue qu'une concurrence marginale, compte tenu de la faiblesse de la gamme offerte par les grandes surfaces alimentaires comparativement à celle proposée par les grandes surfaces de bricolage : en dehors d'opérations ponctuelles de promotion, les grandes surfaces alimentaires ne constituent une alternative que pour un assortiment réduit de consommables ou des achats de dépannage. On relève cependant la présence à Issoire d'un établissement à l'enseigne Gédimat. Bien que ces magasins soient principalement orientés vers une clientèle de professionnels, les parties mentionnent que le magasin Gédimat d'Issoire a un positionnement plus orienté vers les particuliers que d'autres magasins de l'enseigne : il dispose d'une surface en libre-service de 1 500 m2 et est ouvert le samedi toute la journée, ce qui est rarement le cas des établissements de négoce de matériaux. Au sud de Clermont-Ferrand, à vingt-cinq minutes d'Issoire par une autoroute sans péage, sont notamment implantés un Castorama de 10 000 m2 et un Obi de 10 300 m2. Compte tenu de l'attractivité de l'agglomération de Clermont-Ferrand du point de vue des habitants d'Issoire, de la surface importante de ces deux magasins et de la gamme étendue de produits qu'ils offrent, comparée à l'offre des points de vente implantés à Issoire, il peut être considéré que le rayon d'attractivité de ces deux magasins s'étend jusqu'à Issoire. Sur une zone de chalandise ainsi définie, la part de marché des parties s'élève à [20-30] % (ou [20-30] % si l'on considère le magasin Gédimat comme un concurrent des parties). On peut cependant faire valoir que l'opération conduit, sur ce marché pertinent, à la fusion des deux points de vente qui constituaient, avant la concentration les deux substituts les plus proches du point de vue des habitants d'Issoire, du fait de leur implantation géographique et de leur positionnement commercial. II apparaît toutefois au cas d'espèce que, sans qu'il soit besoin d'examiner dans quelle mesure l'opération conduirait à des gains d'efficacité susceptibles de se répercuter sur les coûts des points de vente, implantés à Issoire, de la nouvelle entité, la part de marché de la nouvelle entité est suffisamment limitée pour que puisse être écartée la possibilité que l'opération ne conduise à des effets unilatéraux susceptibles de porter atteinte à la concurrence (cf. note 6) sur la zone de chalandise d'Issoire.

Zone de Saint-Dizier (52 - Haute-Marne)

Sur l'agglomération de Saint-Dizier, l'opération entraîne le rapprochement d'un magasin Mr. Bricolage de 2 900 m2 et d'un Bricogite de 1 900 m2. Deux concurrents sont situés à Saint-Dizier, un Bricomarché de 3 200 m2 et un Bricomat de 900 m2. A l'issue de l'opération, la part de marché des parties sur l'agglomération de Saint-Dizier sera de [50-60] %. A Vitry-le-François, situé à vingt minutes de Saint-Dizier, sur la route de Chalons-en-Champagne, sont implantés un Bricorama de 4 500 m2 et un Bricomarché de 2 280 m2. A l'issue de l'opération, les parties seront soumises à la concurrence du Bricomarché de Saint-Dizier, qui offre la plus grande surface de vente de Saint-Dizier et, dans une moindre mesure, des établissements concurrents situés à Vitry-le-François, dont l'un dispose d'une surface de vente sensiblement supérieure à celle des magasins implantés à Saint-Dizier. En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur la zone de Saint-Dizier.

Zone de Touques (14 - Calvados)

Sur la zone réunissant Touques et Saint-Arnoult, qui sont des communes contiguës, les seuls distributeurs spécialisés dans le bricolage sont Mr. Bricolage (1 200 m2) et Bricogite (1 331 m2). On peut mentionner également la présence d'un point de vente Point P, qui dispose d'une surface en libre-service de l'ordre de 600 à 800 m2, mais est essentiellement actif sur le marché du négoce des matériaux de construction et ne constitue une alternative aux parties que sur une faible part de la gamme. Le concurrent le plus proche, Bricomarché, est situé à Pont-l'Evêque, soit à environ dix minutes de la zone Touques - Saint Arnoult. Toutefois, sa surface de vente est de 800 m2, autrement dit inférieure à celle de chacun des deux magasins de la nouvelle entité. Ce magasin représente, par conséquent, une alternative moins attractive que l'offre des parties pour la clientèle de Touques Saint Arnoult. Sur une zone de chalandise étendue à une vingtaine de minutes de trajet se trouvent encore d'autres établissements concurrents, à Dives-sur-Mer (1 200 m2), à Ouilly-le-Vicomte (1 200 m2) et à Honfleur (1 200 m2). Les parties exploitent par ailleurs à Honfleur un magasin Caténa d'une surface de 400 m2. Sur une zone de chalandise ainsi définie, la part de marché des parties s'élève à [40-50] %. On relève que les magasins concurrents se situent à la périphérie de la zone de chalandise et représentent des surfaces comparables à celles des magasins Mr. Bricolage et Bricogite de Touques et Saint-Arnoult. En conséquence, ces établissements représentent une alternative relativement moins attractive pour la clientèle de Touques - Saint-Arnoult.

De plus gros concurrents sont présents sur la ville de Caen (Castorama, 12 500 m2, Leroy Merlin, 9 000 m2), distante d'une cinquantaine de kilomètres. Toutefois, le trajet nécessite au moins quarante minutes par l'autoroute et s'accompagne d'un péage de 2,70 euro, ce qui est de nature à fortement décourager la clientèle de la zone Touques - Saint-Arnoult de se rendre jusqu'à Caen pour ses achats en matière de bricolage. Compte tenu du tissu commercial existant sur la zone de Touques (3 hypermarchés Leclerc de 2 710 m2, 3 000 m2 et 4 750 m2, situés respectivement à Touques, Honfleur et Lisieux), il n'est pas établi que les habitants de Touques se rendent de manière fréquente et habituelle à Caen pour y effectuer des dépenses de consommation courante. Dès lors, s'il ne peut être totalement exclu que les magasins situés à Caen exerce une certaine forme de pression concurrentielle sur les magasins de Touques, celle-ci ne serait en tout état de cause que marginale. Dans ces conditions, il est permis de se demander si l'opération n'est pas susceptible de favoriser l'apparition d'effets unilatéraux de nature à porter atteinte à la concurrence : une augmentation des prix dans l'un ou l'autre des points de vente de Touques ou de Saint-Arnoult pourrait n'entraîner qu'un faible report de la demande sur la concurrence, compte tenu de son éloignement ou de la faiblesse des superficies des magasins concurrents les plus proches. Les parties soulignent toutefois que, si le magasin à l'enseigne Bricogîte est intégré au groupe Tabur, le magasin à l'enseigne Mr. Bricolage est un franchisé. Elles font valoir qu'un raisonnement fondé sur les effets unilatéraux de la concentration, qui repose sur une logique de maximisation du profit collectif des enseignes du groupe, peut se trouver en contradiction avec l'objectif de maximisation de son profit individuel que poursuit le franchisé. Au sein du groupe Mr. Bricolage, la rémunération du franchiseur est assise sur une redevance sur les achats du franchisé, dont le montant, réparti en cinq tranches, varie de [...] %. Du point de vue du franchiseur, une augmentation de prix dans le magasin franchisé n'est pas immédiatement profitable, dans la mesure où elle aurait pour effet de diminuer le volume d'achat du franchisé, et donc les redevances versées au franchiseur. Du point de vue du franchisé, une telle augmentation ne serait pas non plus profitable si l'on fait l'hypothèse que les prix aujourd'hui pratiqués par le franchisé à l'enseigne Mr. Bricolage visent à maximiser son profit individuel, compte tenu des reports qui se feraient sur le magasin Bricogîte en cas d'augmentation des prix du Mr. Bricolage. Une augmentation unilatérale des prix dans le magasin intégré Bricogîte ne serait pas non plus profitable du point de vue de la nouvelle entité. En effet, la perte de clientèle qui en résulterait ne serait pas compensée par le report de clientèle sur le magasin franchisé à l'enseigne Mr. Bricolage : la marge moyenne pratiquée par les magasins sous enseigne Bricogîte est de l'ordre de [...] %, tandis que, ainsi qu'il a été exposé, la redevance perçue par la nouvelle entité sur les magasins franchisés est au maximum de [...] %. La perte de clientèle, liée à l'augmentation des prix sur le magasin intégré, ne serait pas compensée par l'augmentation des redevances perçues sur le magasin franchisé. Une augmentation unilatérale des prix du magasin à l'enseigne Bricogîte ne serait ainsi pas non plus profitable du point de vue de la nouvelle entité. Il s'en conclut dès lors que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner dans quelle mesure la concentration permettrait aux parties de réaliser des gains d'efficacité, notamment en termes de coûts logistiques, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de Touques - Saint-Arnoult.

Zone de Vichy (03 - Allier)

Dans l'agglomération de Vichy, quatre enseignes de Bricolage sont présentes, deux appartenant aux parties (Mr. Bricolage, de 2 550 m2, à Charmeil, et B3, de 1 005 m2, à Vichy) et deux appartenant à des concurrents : un Multibrico de 300 m2 et un Bricomarché de 1 200 m2. Si l'on considère une zone de quinze à vingt minutes autour de Vichy, d'autres enseignes concurrentes sont présentes à Gannat (Bricomarché de 1 200 m2 et Maxibrico de 1 300 m2). Sur la zone de chalandise ainsi définie, la part de marché des parties s'élèvera, à l'issue de l'opération, à [40-50] %. Il n'apparaît pas, qu'à l'issue de l'opération, les parties seraient en mesure de s'abstraire de la concurrence exercée en tout premier lieu par le Bricomarché de Vichy, ainsi, que dans une mesure toutefois moindre, de celle des enseignes implantées à Gannat. On peut en outre noter que, en dépit de leur proximité géographique, il n'est pas établi que le Mr. Bricolage de Charmeil et le B3 de Vichy puissent être regardés comme des substituts proches, compte tenu de leur sensible différence de superficie.

Zone d'Alençon (61 - Orne)

Sur l'agglomération d'Alençon, les parties détiennent un Bricogîte de 3 693 m2 et un Mr. Bricolage de 2 500 m2. Le seul concurrent est un Bricomarché de 2 100 m2.

Si l'on considère une zone de chalandise plus importante, de l'ordre d'une vingtaine de minutes, on note la présence à Mamers d'un Brico Pro et d'un Bricomarché, ayant des superficies de 1 133 m2 et 1 900 m2 respectivement et distants d'environ vingt minutes d'Alençon.

Sur la zone ainsi définie, les parties détiendront, à l'issue de l'opération, une part de marché en superficie de [50-60] %.

En dépit de leur éloignement relatif, il n'est pas exclu que certaines des surfaces commerciales de l'agglomération du Mans puissent en outre constituer une alternative à l'offre des parties, compte tenu de leur superficie largement plus importante que celles offertes sur Alençon. Le magasin Castorama implanté route d'Alençon, au Mans, situé à trente-six minutes d'Alençon par la RN 138 (sans péage), peut ainsi constituer une alternative aux magasins d'Alençon, son relatif éloignement étant compensé par l'attractivité d'une surface de vente de 11 600 m2. A l'appui de cette analyse, les parties font valoir que le magasin Auchan du Mans Nord, localisé dans le même centre commercial que le Castorama de la route d'Alençon, effectue de la publicité par voie d'affichage extérieur sur l'agglomération d'Alençon et propose le remboursement de l'autoroute (2,70 euro par l'A 28) à ses clients venant d'Alençon. Les parties ont par ailleurs précisé que les dépliants publicitaires de Bricoman (situé à proximité du Castorama de la route d'Alençon) et Bricodépot (Allonnes, à l'ouest du Mans) sont régulièrement distribués sur Alençon. Ces éléments viennent corroborer l'hypothèse de l'attractivité de l'agglomération du Mans du point de vue des habitants d'Alençon.

Il s'en conclut que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone d'Alençon.

Zone de Saint-Dié - Gérardmer (88 - Vosges)

Sur l'agglomération de Saint-Dié et ses environs immédiats, l'opération entraîne la réunion des deux seuls grands opérateurs présents, à savoir le Mr. Bricolage (5 794 m2) de Saint-Dié et le B3 Bricolage de Sainte-Marguerite (3 040 m2).

Les concurrents les plus proches, dans un rayon d'une vingtaine de minutes, ne représentent que des surfaces très inférieures (Brico Pro de Moyenmoutier, 620 m2, et B9 de Fraize, 980 m2). Ils ne constituent que des substituts très peu attractifs pour la clientèle de Saint-Dié.

Sur une zone de chalandise étendue à une trentaine de minutes de trajet se trouvent un Bricomarché (2 500 m2) à Bruyères et un Weldom (875 m2) à Rambervilliers. Leurs surfaces sont néanmoins inférieures, voire très inférieures, à celles de chacun des deux magasins de la nouvelle entité à Saint-Dié. Il y a donc peu de chance que la clientèle de Saint-Dié se tourne vers ces magasins relativement éloignés et situés dans des communes plus petites et moins attractives.

La ville de Gérardmer, située également à environ trente minutes de Saint-Dié, ne représente pas non plus une alternative dans la mesure où le seul distributeur de bricolage présent sur Gérardmer est également Mr. Bricolage, qui représente une surface de 1 226 m2.

Les magasins à l'enseigne Gédimat implantés dans la région de Saint-Dié ne constituent pas une alternative à l'offre des parties : leurs surfaces de vente en libre-service sont très faibles (de 200 à 650 m2) et leur positionnement commercial est très largement orienté vers les professionnels. Il est à cet égard symptomatique de relever que les horaires d'ouverture de ces magasins se prêtent peu à une fréquentation par des non-professionnels : ces magasins sont fermés pendant les heures de déjeuner ainsi que le samedi après-midi.

En conséquence, l'opération a pour effet de créer une position dominante au profit de la nouvelle entité sur l'agglomération de Saint-Dié, dans laquelle elle détiendra une part de marché de [80-90] %.

Cependant, les parties se sont engagées, par lettre en date du 12 août 2002, à ne pas prolonger le contrat de franchise du magasin B3 Bricolage situé dans l'agglomération de Saint-Dié (Sainte-Marguerite, 88100) au-delà du 31 décembre 2002. Cet engagement a pour effet de supprimer toute addition de part de marché dans la ville de Saint-Dié et son agglomération. L'engagement souscrit ne délie pas les parties de leurs obligations contractuelles envers leur cocontractant : il appartiendra aux parties contractantes de trouver un accord, sous le contrôle, le cas échéant, du juge civil ou commercial.

En conclusion, et compte tenu de l'engagement souscrit par les parties, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) Aff. M. 1684, Carrefour/Promodès, 25 janvier 2000.

(2) Aff. M.1333, Castorama Kingfisher, 17 décembre 1998.

(3) Avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-04 du 21 janvier 1997.

(4) Aff. M. 486, Holdercim/Origny-Desvroises, 5 août 1994.

(5) Aff. M. 764, Saint Gobain/Poliet, 4 juillet 1996, et M. 1974, Cie de Saint Gobain/Raab Karcher, 22 juin 2000.

(6) A titre d'illustration, les autorités américaines de concurrence considèrent que de tels effets anticoncurrentiels sont peu susceptibles de se produire lorsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 35 % (US Horizontal Merger Guidelines, point 2.211).