Ministre de l’Économie, 21 octobre 2002, n° ECOC0200407Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Président de la société APRI Prévoyance
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le Président,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 16 septembre 2002, vous avez notifié la fusion-absorption des institutions de prévoyance APRI Prévoyance (ci-après " APRI ") et IPRIS Prévoyance (ci-après " IPRIS "), par apport à APRI de l'ensemble des biens, droits et obligations, actif et passif détenus par IPRIS et dissolution d'IPRIS.
APRI et IPRIS sont deux institutions de prévoyance (ci-après " IP ") régies par les dispositions du titre III du livre IX du Code de la sécurité sociale.
APRI est une IP à caractère interprofessionnel et national, créée en 1983 en vue d'offrir aux salariés et anciens salariés (dénommés membres participants) des entreprises adhérentes, des services d'assurance de la personne destinés, d'une part, à garantir les participants contre certains risques (décès, incapacité et invalidité, dommages corporels résultant d'accident ou de maladie) et, d'autre part, à leur permettre de bénéficier de pensions de retraite et d'indemnités ou de primes de départ en retraite. APRI offre ses services principalement dans le cadre collectif des entreprises adhérentes.
IPRIS est également une IP à caractère interprofessionnel et national, créée en 1994 en vue d'offrir aux salariés et anciens salariés (dénommés membres participants) des entreprises adhérentes, des services d'assurance de la personne destinés à garantir les participants contre certains risques (décès, incapacité et invalidité, dommages corporels résultant d'accident ou de maladie). IPRIS offre ses services dans le cadre collectif des entreprises adhérentes.
Les dispositions du Code de commerce instaurant un contrôle des concentrations s'appliquent à toutes les entreprises, quel que soit leur statut ou leur nature juridique, y compris s'agissant des institutions de prévoyance définies par l'article L. 931-1 du Code de la sécurité sociale comme des " personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des participants ".
Il est utile de rappeler à ce propos l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 juillet 2000 (Fédération française des sociétés d'assurances), par lequel cette juridiction a notamment considéré qu'il résulte de l'interprétation des articles 81 et 82 du traité de Rome par la Cour de justice des Communautés européennes " qu'une entité gérant un régime de retraite ou de prévoyance complémentaire, instauré par une convention collective conclue entre les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé et auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les travailleurs de ce secteur, est une entreprise ".
En ce qui concerne la contrôlabilité de la présente opération, il convient tout d'abord de remarquer que APRI et IPRIS, ainsi que deux autres IP, sont adhérentes au groupe de protection sociale " Groupe APRI ", organisé autour de deux associations : " l'association de moyens communs Groupe APRI " et " l'association sommitale GROUPAPRI ".
De tels liens sont fréquents entre IP. En effet, la majorité des IP, au nombre d'au moins 74, se sont regroupées au sein d'associations appelées groupes de protection sociale, qui comptent souvent, outre une ou plusieurs IP, des institutions de retraite complémentaire, des mutuelles, des sociétés de gestion d'épargne salariale et des sociétés d'assurance. Ces regroupements permettent notamment la mise en commun de moyens de fonctionnement, la mise en place de sociétés de gestion centralisée des portefeuilles d'actifs, la négociation groupée de services de réassurance, la conception de nouveaux services d'assurance communs, la présentation d'une offre globale par le groupe et, d'une manière générale, la définition d'orientations stratégiques communes.
Outre ces groupes de protection sociale, certaines IP se regroupent au sein d'autres structures juridiques telles que GIE, unions d'institutions de prévoyances et groupements paritaires de prévoyance. Selon le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) ces groupements paritaires de prévoyance constituent en particulier " une véritable alternative à la fusion " (cf. note 1) pour les IP.
Je note par ailleurs que l'accord relatif sur les retraites complémentaires obligatoires passé le 10 février 2001 entre les commissions paritaires de l'AGIRC et de l'ARRCO, qui prévoit notamment une réduction du nombre des institutions de retraite complémentaire par regroupements de ces dernières au sein de 25 entités, devrait avoir pour effet d'accentuer parallèlement ce mouvement de rapprochements des IP, que ce soit au sein des groupes de protection sociale existant qui associent les deux types d'institutions ou entre groupes et associations diverses.
Or, ainsi que le précise la Commission européenne (cf. note 2) , " il y a concentration lorsque, [...] deux ou plusieurs entreprises, tout en conservant leur personnalité juridique propre, établissent sur une base contractuelle une gestion économique en commun. [...]. Si cette opération entraîne une fusion de fait entre les entreprises concernées avec création d'une véritable unité économique commune, il s'agit d'une concentration ". La question peut donc se poser de savoir si l'établissement de liens étroits entre IP, tels que l'adhésion d'une IP à un groupe de protection sociale, la création d'un tel groupe ou toute autre opération de regroupement évoquée supra conduit, dans certains cas, à la constitution d'une véritable unité économique et doit donc être considérée comme une concentration.
Au cas d'espèce, il convient d'examiner si les liens entretenus par APRI et IPRIS avant leur fusion, notamment dans le cadre du Groupe APRI, ont conduit ces deux IP à constituer une véritable unité économique. Si tel est le cas, la présente opération ne peut donc que revêtir le caractère d'une restructuration intragroupe et non d'une concentration.
L'association de moyens communs Groupe APRI a pour objet la gestion des moyens matériels et des ressources en personnel mis en commun par ses membres en vue d'exécuter les missions que lui confient ses membres. Selon les statuts de l'association, celle-ci peut notamment " réaliser toutes prestations de services dans les domaines financiers, juridique, logistique, technique, informatique, mobilier... ". Selon ses statuts, l'association sommitale GROUPAPRI, pour sa part, a notamment pour objet " de définir, en liaison étroite avec ses membres, les grandes orientations politiques du groupe, notamment liées à son développement, dans le cadre de la déontologie propre aux institutions de retraite complémentaire ".
Outre ces éléments de droit, on peut par ailleurs relever plusieurs éléments de fait notables, relatives à la qualité des liens entretenus par l'ensemble des membres du Groupe APRI. Il s'agit en premier lieu de l'existence avérée d'une politique de communication commune au niveau du Groupe APRI et d'un projet de constitution d'une société de gestion commune des actifs détenus par les membres du groupe. En outre, le Groupe APRI semble envisager l'éventualité de se voir soumis à l'obligation de production de comptes combinés, prévue par l'article L. 931-4 du Code de sécurité sociale, dans les conditions d'un décret non encore publié (cf. note 3) .
Cependant, ces éléments relatives à l'existence d'une politique d'ensemble du groupe ne permettent pas, au cas d'espèce, de démontrer en eux-mêmes, avec certitude, l'existence d'une unité économique véritable au sens précité. Il convient donc d'examiner les éléments de fait caractérisant plus spécifiquement la nature des liens entre APRI et IPRIS.
Il ressort ainsi des informations contenues dans votre dossier de notification ainsi que des éléments et déclarations recueillis auprès de vos services et de la direction comptable du groupe dans le cadre de l'instruction de ce dossier, que APRI et IPRIS ont adopté une politique commerciale commune dès l'adhésion d'IPRIS au Groupe APRI le 24 janvier 1999. Cette politique commune s'est en particulier traduite par :
la mise à disposition du Groupe APRI des personnels d'IPRIS chargés de la commercialisation des produits IPRIS ;
la cessation du recours au courtage par IPRIS au profit d'une gestion directe des contrats IPRIS par APRI ;
l'extinction de toute nouvelle recherche d'adhésion d'entreprises à IPRIS, les nouveaux contrats d'adhésion étant systématiquement souscrits auprès d'APRI ;
la négociation, par le Groupe APRI, de nouvelles garanties de réassurance d'IPRIS auprès de la CNP et la résiliation des contrats de réassurance précédemment conclu par IPRIS auprès de deux autres réassureurs.
Au vu des éléments du dossier, force est donc de constater que l'adhésion d'IPRIS au Groupe APRI en 1999 a eu d'ores et déjà pour effet une intégration poussée d'IPRIS au sein du groupe ainsi que la reprise de l'essentiel de la gestion commerciale des activités de ce dernier par APRI.
Sur la base de ces éléments, il convient donc de conclure que l'opération notifiée ne constitue pas une concentration au sens des dispositions des articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
NOTE (S) :
(1) Cf. rapport annuel 2000 du CTIP.
(2) Cf. point 7 de la communication concernant la notion de concentration au sens du règlement (CE) n° 4064-89 ; JOCE 98-C 66/02 du 2 mars 1998.
(3) Selon le règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2000-05 du 7 décembre 2000, seraient notamment soumis à cette obligation, les entreprises d'assurances qui ont des services communs assez étendus pour engendrer un comportement commercial commun ou qui entretiennent entre elles des liens de réassurance importants et durables.