CA Chambéry, ch. com., 11 juin 2002, n° 00-01145
CHAMBÉRY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association des Agents Immobiliers de Tignes, Agence Immotignes (SA), Agence du Roc Blanc (SA), Agence Gestignes (SARL), Agence Descamps (SA), Agence Euro-Immobilier (SARL), Agence du Glacier (SARL), Sogit (SARL)
Défendeur :
Société des Téléphériques de la Grande Motte (STGM)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Beraudo
Conseillers :
Mme Cuny, M. Betous
Avoués :
SCP Buttin-Richard-Fillard, Me Dantagnan
Avocats :
Mes Azema, Vovan
EXPOSE DU LITIGE
La Société des Téléphériques de la Grande Motte (STGM) est concessionnaire de l'exploitation des remontées mécaniques de la station de Tignes.
Elle vend des forfaits permettant d'utiliser lesdites remontées mécaniques directement au public ainsi qu'à divers opérateurs économiques (agences de voyages, tours opérateurs, agences immobilières, hôtels...).
Par acte du 18 septembre 1998, l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, l'Agence Immotignes, l'Agence du Roc Blanc, l'Agence Gestignes, l'Agence Euro-Immobilier, l'Agence du Glacier, l'Agence Descamps, la société Les Campanules, la société Tarantini La Vanoise, la société Le Paquis, la société Le Gentiana, la société L'Aiguille Percée, la société Le Refuge, la société Vita Tignes ont fait assigner la STGM devant le Tribunal de grande instance d'Albertville statuant en matière commerciale :
Par jugement en date du 29 février 2000 auquel le présent arrêt se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, le Tribunal de grande instance d'Albertville statuant en matière commerciale a :
- constaté le désistement d'instance des sociétés Les Campanules, Tarantini La Vanoise, Le Paquis, Le Gentiana, L'Aiguille Percée, Le Refuge et Vita Tignes, désistement accepté par la défenderesse et l'intervention volontaire de la société Sogit,
- déclaré l'agence Gestignes et la société Sogit irrecevables en leurs actions,
- déclaré l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, l'Agence Immotignes, l'Agence du Roc Blanc, l'Agence Euro-Immobilier, l'Agence du Glacier et l'Agence Descamps recevables en leurs actions,
- dit ces actions mal fondées,
- les a déboutées de leurs demandes,
- a condamné l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, l'Agence Immotignes, l'Agence du Roc Blanc, l'Agence Gestignes, l'agence Euro-Immobilier, l'Agence du Glacier, l'Agence Descamps et la société Sogit à payer chacune à la société STGM la somme de 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- les a condamnées solidairement aux dépens.
L'Association des Agents Immobiliers de Tignes, la SA Agence Immotignes, la SA Agence du Roc Blanc, la SARL Agence Gestignes, la SA Agence Descamps, la SARL Agence Euro-Immobiler, la SARL Agence du glacier et la SARL Sogit ont relevé appel de ce jugement.
Elles font valoir dans leurs dernières écritures signifiées le 25 février 2002 :
- qu'elles justifient être titulaires de l'habilitation préfectorale leur permettant d'exercer l'activité d'agent de voyages et donc de commercialiser des produits touristiques et qu'elles justifient également que les opérations réalisées au titre de l'habilitation ne revêtent pas un caractère prépondérant mais complémentaire, que leur action est dès lors recevable,
- que le législateur a consacré le rapprochement des activités d'agence de voyage et d'agence immobilière par une loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 permettant aux agents immobiliers, habilités à cet effet, d'exercer l'activité d'agent de voyage dans les mêmes conditions que ces derniers, une réciprocité étant d'ailleurs également accordée aux agents de voyage qui peuvent exercer l'activité d'agent immobilier, que les agents immobiliers titulaires de l'habilitation préfectorale réalisent des opérations de vente de séjours à forfait au même titre que les agences de voyages et qu'ils ne sont pas placés dans une situation différente de celle où se trouvent les agences de voyages proprement dites,
- que dans son rapport de 1997, le Conseil de la concurrence a précisé que se situent dans un même marché " les produits et les services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer, pour satisfaire à une même demande ",
- que les conventions de commercialisation des produits " packages " régularisées par la STGM avec les tours opérateurs et les agences de voyages, ainsi que celles régularisées avec les agences immobilières ou qui leur ont été à tout le moins proposées, prévoient d'ailleurs toutes deux dans leur article 1er que le but de la convention est la commercialisation de séjours comprenant une prestation de transports par remontées mécaniques et une prestation d'hébergement,
- qu'il ressort par ailleurs du catalogue de l'Office de Tourisme de Tignes que parmi les hébergements de la station, figurent les agences immobilières comme les agences de voyages, notamment les deux agences de voyages locales : Snow Tignes Travel et Tignes Organisation, lesquelles vont bien s'adresser à une clientèle similaire,
- que de même, le site Internet de la station accessible au monde entier répertorie, s'agissant de l'hébergement, les agences immobilières au même titre que les agences de voyages,
- que tant la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, que le Conseil de la concurrence considèrent que l'exploitant de remontées mécaniques ne peut légitimement opérer une distinction entre les agences de voyages, tours opérateurs, hôteliers et agents immobiliers, dès lors que ces derniers sont soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1992, lesquels sont tous des professionnels du tourisme, se retrouvant dans une même situation concurrentielle dans la station de ski considérée,
- que la cour réformera le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les agences immobilières titulaires de l'habilitation préfectorale leur permettant de commercialiser des produits touristiques ne pouvaient être classées dans la même catégorie d'opérateurs économiques que les tours opérateurs et agents de voyages,
- que l'obligation légale qui pèse sur le producteur et le prestataire de services de communiquer à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente, prévue à l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et destinée à améliorer la transparence tarifaire, est de nature à permettre aux professionnels susceptibles d'être victimes de pratiques commerciales discriminatoires de s'assurer qu'ils ne sont pas l'objet d'un traitement différent de celui réservé à leurs concurrents, que si l'administration admet qu'il est possible de faire un traitement différencié des opérateurs économiques lorsque la diversité des conditions de vente est justifiée par la différence des situations, encore faut-il établir et justifier la situation différente invoquée,
- qu'elles sont légitimement fondées à solliciter de la STGM la communication de ses tarifs, conditions générales et particulières de vente et de mise à disposition des forfaits applicables chaque saison tels qu'ils sont proposés à l'ensemble des professionnels du tourisme intervenant sur la station de Tignes, que c'est d'ailleurs ce qui a été jugé par le Conseil de la concurrence lors de sa décision n° 99-MC-10 du 16 décembre 1999 et lors de sa décision n° 2000-D-87 du 13 février 2001,
- que l'effort publicitaire consenti par le tour opérateur ou agent de voyages est au moins si ce n'est mieux réalisé par les hébergeurs et notamment les agents immobiliers de la station de Tignes, que les agents immobiliers réalisent et diffusent leurs propres catalogues dans le monde entier, et que ces catalogues vantent exclusivement les mérites de la station de Tignes à l'inverse des catalogues des tours opérateurs qui vantent les mérites de différentes stations concurrentes, que les agents immobiliers ont en outre créé leur propre site Internet, qu'en tout état de cause, s'agissant des agences de voyage implantées à Tignes, on voit mal quels services supplémentaires elles apporteraient à la STGM par rapport à ceux rendus par les agences immobilières de Tignes,
- que si la possibilité offerte aux agents immobiliers de joindre les forfaits de remontées mécaniques à leur activité principale est profitable à ceux-ci, elle l'est tout autant pour les agences de voyages, que l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec les tours opérateurs par rapport à celui réalisé avec les agents immobiliers est inopérant dans la mesure où la loi de 1992 ne distingue absolument pas entre les investissements financiers de chacun des intervenants, où le nombre des tours opérateurs est bien plus important que celui des agents immobiliers et où chaque agent pris isolément réalise un chiffre d'affaires correspondant aux forfaits de remontées mécaniques bien supérieur à celui réalisé par la moyenne des tours opérateurs, que la prévente des forfaits est sans incidence dès lors que c'est l'intermédiaire qui en conserve le prix et que les agents immobiliers assurent la même prévente,
- que le fait pour la STGM d'accorder une remise à une seule catégorie de distributeurs dont sont en particulier exclus les agents immobiliers constitue une pratique discriminatoire, répréhensible et de nature à engager la responsabilité de celle-ci sur le fondement de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
- que la STGM est le concessionnaire unique pour l'exploitation des remontées mécaniques donnant accès au domaine skiable de Tignes ou de l'espace Killy lorsque l'hébergement est situé à Tignes, qu'elle est en situation de monopole, qu'elle constitue un partenaire obligé, que de par sa situation de monopole, elle impose aux agents immobiliers des conditions défavorables et contraignantes sachant que ceux-ci ne peuvent les refuser s'ils entendent approvisionner en forfaits de ski leurs clients communs, qu'ainsi l'hébergeur doit s'engager à commercialiser systématiquement des séjours comprenant de façon indissociable l'hébergement et les remontées mécaniques, la vente des forfaits par l'hébergeur ne peut être réalisée que jusqu'au vendredi soir, l'hébergeur doit communiquer les tarifs qu'il applique et les copies des vouchers des tours opérateurs sur lesquels apparaissent les conditions générales de vente de l'hébergeur, que l'acceptation par la STGM de prendre en charge le risque financier d'impayés est subordonnée à l'accomplissement par l'hébergeur de nombreuses démarches longues et coûteuses,
- que ce comportement et notamment l'obligation de " packager " la vente des forfaits de remontées mécaniques et une prestation d'hébergement sans que soit précisé le coût de chaque prestation rend impossible la concurrence entre les différents distributeurs de forfaits de remontées mécaniques.
Elles demandent à la cour de :
"- Recevoir l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, les agences immobilières du Roc Blanc, Immotignes, Descamps, Euro-Immobiler du Glacier en leur appel, les déclarant bien fondées et y faisant droit,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action formée à l'encontre de la STGM,
- Le réformer pour le surplus,
- Ordonner la communication par la société des Téléphériques de la Grande Motte de ses conditions générales de vente et barèmes de prix applicables à l'ensemble des professionnels dûment certifiés comme exhaustifs par le Commissaire aux Comptes, au profit de chacun des appelants,
- Dire et juger que la société des Téléphériques de la Grande Motte a commis des pratiques discriminatoires à l'encontre de chacun des appelants et abuse de l'état de dépendance économique dans lequel chacun d'eux se trouve à son égard,
- Lui faire injonction de cesser ces pratiques discriminatoires et cet abus d'état de dépendance économique et ce, sous astreinte de 76 euro par forfait acheté sans qu'une remise ne soit accordée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- Ordonner à la société des Téléphériques de la Grande Motte d'appliquer les mêmes conditions tarifaires aux agents immobiliers que celles consenties aux tours opérateurs et agences de voyages,
- Condamner la société des Téléphériques de la Grande Motte à verser les sommes suivantes, sauf à parfaire :
Au titre de la saison 1996/1997 :
Agence du Glacier : 10 928,76 euro TTC
Agence Euro Immobilier : 21 587,85 euro TTC
Agence Immotignes : 13 199,49 euro TTC
Au titre de la saison 1997/1998 :
Agence Euro-Immobiler : 24 771,90 euro TTC
Agence Immotignes : 6 198,62 euro TTC
Agence du Glacier : 12 277,25 euro TTC
Au titre de la saison 1998/1999 :
Agence du Roc Blanc : 9 259,63 euro TTC
Agence Immotignes : 20 886,21 euro TTC
Agence du Glacier : 11 486,06 euro TTC
Agence Descamps : 6 886,11 euro TTC
Agence Euro Immobilier : 28 726,56 euro TTC
Au titre de la saison 1999/2000
Agence du Roc Blanc : 11 616,28 euro TTC
Agence Immotignes : 15 604,79 euro TTC
Agence Euro-Immobiler : 27 217,43 euro TTC
Agence Descamps : 7 248,52 euro TTC
- Donner injonction à la société des Téléphériques de la Grande Motte de procéder au calcul des sommes dues à chaque appelant en fonction des barèmes applicables au titre des saisons 2000/2001 et 2001/2002;
- Subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira à la cour pour les déterminer,
- Condamner la société des Téléphériques de la Grande Motte à verser à chacun des appelants la somme de 2 287 euro au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC.
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application au profit de la SCP Buttin-Richard-Fillard, des dispositions de l'article 699 du NCPC".
Dans des conclusions signifiées le 10 avril 2002, la STGM expose :
- que la SARL Sogit ne justifie pas d'une habilitation,
- que la quasi-totalité des habilitations sont proches de la date de l'assignation ou postérieures à celle-ci de sorte qu'elles ne peuvent valider des prétentions correspondant à une période antérieure à leur délivrance,
- que les appelants ne démontrent pas que les prestations qu'ils fournissent dans le cadre de leur activité principale, à savoir les locations et ventes d'appartements, gardent un caractère prépondérant par rapport aux prestations relatives à la délivrance de titres de transports,
- qu'il existe une différence de situations entre les tours opérateurs et agents de voyages et les agents immobiliers, qu'ils appartiennent à des catégories professionnelles différentes, régies chacune par des catégories réglementaires particulières, qui se positionnent sur le marché de la vente de forfaits de remontées mécaniques à des stades tout à fait différents justifiant un traitement différencié,
- que l'activité du tour opérateur ou de l'agent de voyage correspond à l'assemblage de diverses prestations permettant la préfabrication d'un produit complet tout en prenant directement un risque économique, ce qui n'est pas le cas des agents immobiliers pour lesquels la STGM accepte de prendre à sa charge le risque d'impayés sur la vente des forfaits de remontées mécaniques vendus par les circuits de distribution, qu'ainsi si la faculté de vendre des remontées mécaniques apparaît tout à fait accessoire pour l'agent immobilier et complémentaire à son activité naturelle, elle apparaît en revanche tout à fait primordiale pour le tour opérateur, que les agents immobiliers réservent du reste souvent une partie de leur parc locatif aux tours opérateurs,
- qu'agents immobiliers et agents de voyages et tours opérateurs apparaissent donc bien comme des catégories différentes d'opérateurs économiques, catégories qui peuvent bénéficier de traitements différenciés au regard de leurs situations différentes, que le fait allégué que le catalogue de l'Office du Tourisme de Tignes mentionne parmi les hébergeurs de la station les agences immobilières comme les agences de voyages locales possédant une licence spécifique est sans influence sur le fait qu'il s'agit d'opérateurs économiques totalement différents comme peuvent l'être par ailleurs les hôteliers,
- que rien ne s'oppose à ce que soient élaborées des conditions contractuelles pour chaque catégorie de clients et de n'en réserver la communication qu'à leurs destinataires naturels, qu'elle a toujours communiqué aux demandeurs ses barèmes de prix et de conditions générales de vente qui sont applicables à cette catégorie socio-professionnelle, conformément aux dispositions de l'article 33 de l'ordonnance de 1986 ainsi qu'à la doctrine et à la jurisprudence, qu'elle est même allée plus loin que sa stricte obligation réglementaire en communiquant aux appelants, en ce qui concerne la saison 1996/1997, les conditions tarifaires consenties aux autres catégories d'opérateurs,
- que le fait pour elle d'accorder une remise ou tout autre avantage à une seule catégorie de distributeurs, dans la mesure où, comme en l'espèce, des contreparties sérieuses lui sont apportées, ne constitue en aucun cas une pratique discriminatoire, que les agents immobiliers ne peuvent solliciter les mêmes conditions et avantages que ceux accordés aux tours opérateurs dans la mesure où ils ne sont pas à même de fournir les mêmes prestations, d'apporter les mêmes contreparties et où ils interviennent à des stades totalement différents quant à la distribution des forfaits des remontées mécaniques, que s'ils ont créé un site Internet, cette création est récente, qu'ils n'ont rien investi, l'ensemble du financement étant issu de la collectivité locale, que les tours opérateurs doivent quant à eux assurer seuls les charges des opérations de communication,
- que le chiffre d'affaires réalisé avec les tours opérateurs est trois fois supérieur à celui réalisé avec les agents immobiliers,
- que le quantum des réclamations n'est pas justifié, que ce n'est pas à elle de le déterminer et qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de pallier la carence d'une partie dans la charge de la preuve qui lui incombe,
- que les conditions de l'article 8 § 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée ne sont pas réunies, qu'il n'y a ni abus de dépendance économique, ni entrave à la concurrence, que si elle a imposé des obligations aux agents immobiliers, d'une part, elles ont une contrepartie et d'autre part elles sont également imposées aux autres opérateurs, qu'il est justifié que l'hébergeur s'engage à commercialiser systématiquement des séjours comprenant de façon indissociable l'hébergement et les remontées mécaniques, que tandis que les locations débutent le samedi, il est logique que les " packages " soient vendus préalablement au début du séjour, que la prévente est une prise de risque par le client puisqu'il ne peut connaître à l'avance les conditions météorologiques, que cette prise de risque justifie l'octroi d'un tarif privilégié, que la nécessité pour les agents immobiliers de communiquer les différents tarifs appliqués est destinée à lui permettre de vérifier que les prix ne sont pas artificiellement gonflés, ce qui affecterait l'image de la station et la rentabilité de l'exploitation des remontées mécaniques, qu'il n'y a pas de démarches longues et coûteuses pour la prise en charge par elle d'impayés.
Elle demande à la cour de :
Vu l'appel interjeté du 29 février 2000 rendu par le Tribunal de grande instance d'Albertville,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandeurs redevables en leurs prétentions,
- Constater qu'aucune demande n'est formée en cause d'appel par les agences Gestignes et la SARL Sogit,
- En tout état de cause, les déclarer irrecevables car nouvelles en cause d'appel,
Subsidiairement;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Ce faisant,
- Dire et juger que les agences immobilières et les agences de voyage n'appartiennent pas à la même catégorie d'opérateurs économiques et n'interviennent pas sur le même marché,
- Constater que la STGM a régulièrement communiqué aux appelants les barèmes de prix et les conditions générales de vente applicables à cette catégorie socio-professionnelle,
- Constater que la STGM a même communiqué les conditions tarifaires consenties aux autres catégories d'opérateurs,
En conséquence,
- Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
- Dire et juger que les agents immobiliers ne sauraient en aucun cas bénéficier des conditions et avantages consentis aux agences de voyages et tours opérateurs,
- Dire et juger que la STGM n'a commis aucune pratique discriminatoire à l'encontre des appelants,
En conséquence,
- Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
- Constater que la STGM n'a commis aucun abus d'un quelconque état de dépendance économique et que le jeu de la concurrence n'a en aucun cas été perturbé,
En conséquence,
- Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
- Les débouter de l'ensemble de leurs demandes de condamnation pécuniaires et d'injonction de la STGM de procéder à des calculs de sommes dues pour les saisons 2000/2001 et 2001/2002,
- Rejeter purement et simplement la demande d'expertise formée par les appelants,
- Condamner chaque appelant au paiement d'une somme de 2 000 euro au profit de la STGM par application de l'article 700 du NCPC,
- Les condamner aux entiers dépens, avec pour ceux d'appel application au profit de Maître Dantagnan, avoué, des dispositions de l'article 699 du NCPC,
Sur ce, LA COUR
Sur la recevabilité de l'action des appelants
Attendu que les appelants, en dehors de leur activité normale et naturelle d'agents immobiliers, commercialisent auprès des touristes des " packages " comprenant logement et remontées mécaniques et exercent ainsi une activité de vente de séjours;
que c'est au titre de cette activité de vente de séjours qu'ils ont pris l'initiative de la présente action;
que la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 applicable aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours aux opérations consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, de services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, de services liés à l'accueil touristique dispose en son article 12 :
" Par dérogation aux dispositions de l'article 4, les gestionnaires d'hébergement ou leurs groupements, les agents immobiliers et administrateurs de biens dont l'activité est régie par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce qui ont été habilités à cet effet dans les conditions fixées par la voie réglementaire, peuvent réaliser les opérations mentionnées à l'article 1er, sous réserve que, dans chaque cas, les prestations qu'ils fournissent dans le cadre de leur activité principale gardent un caractère prépondérant par rapport aux autres prestations ou que ces dernières revêtent un caractère complémentaire ";
que l'article 66 du décret 94-490 du 15 juin 1994 précise que les opérations réalisées au titre de l'habilitation ne doivent pas revêtir un caractère prépondérant et doivent représenter, dans chaque cas, moins de 50 % de la valeur globale de la prestation vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris, à moins qu'elles ne présentent un caractère complémentaire et, dans ce cas, que chacune des prestations vendues ou offertes à la vente à un prix tout compris ne dépasse pas un montant fixé par arrêté du ministre chargé du tourisme;
que l'arrêté du 22 novembre 1994 relatif aux prestations présentant un caractère complémentaire prévoit que les prestations offertes à la vente à un prix tout compris ne peuvent dépasser un montant de 7 000 F pour les agents immobiliers et les administrateurs de biens dont l'activité est régie par la loi 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que l'habilitation visée à ce texte a été obtenue :
- par l'Agence Immotignes par arrêté du 7 mai 1997,
- par l'Agence du Roc Blanc par arrêté du 18 août 1997,
- par l'Agence Gestignes par arrêté du 27 août 2001,
- par l'Agence Descamps par arrêté du 28 juin 1999,
- par l'Agence Euro-Immobiler par arrêté du 28 août 1996,
- par l'Agence du Glacier par arrêté du 18 août 1997;
qu'ainsi, l'Agence Gestignes a donc obtenu pendant la procédure d'appel l'habilitation dont s'agit;
que la société Sogit n'a quant à elle pas davantage justifié de cette habilitation en cause d'appel que devant le Tribunal;
que par ailleurs il résulte de l'article 12 précité de la loi du 13 juillet 1992 que l'habilitation permet aux agents immobiliers et administrateurs de biens qui en bénéficient de réaliser les opérations visées à l'article 1er de cette loi sous réserve toutefois " que dans chaque cas, les prestations qu'ils fournissent dans le cadre de leur activité principale conserve un caractère prépondérant par rapport aux autres prestations ou que ces dernières revêtent un caractère complémentaire " au sens de l'article 66 du décret du 15 juin 1994 et de l'arrêté du 22 novembre 1994;
que cette disposition qui a pour effet de déterminer l'objet de l'habilitation ne saurait constituer une condition de recevabilité de l'action des appelants;
que la seule condition de la recevabilité à agir des agents immobiliers demandeurs et appelants tient à l'existence ou à l'absence d'habilitation;
qu'en conséquence le tribunal a à bon droit admis la recevabilité de l'action des agences Immotignes, du Roc Blanc, Descamps, Euro-Immobilier, du Glacier;
qu'il a également à bon droit admis, au soutien des intérêts des agents immobiliers régulièrement habilités, la recevabilité de l'action de l'Association des Agents Immobiliers de Tignes qui regroupe la collectivité des agents immobiliers et défend leurs intérêts étant précisé que la STGM ne soulève aucun moyen d'irrecevabilité spécifique à cette association;
que dès lors que l'agence Gestignes a obtenu depuis le jugement dont appel l'habilitation qui lui faisait défaut devant le tribunal, la fin de non-recevoir tirée du défaut de celle-ci qui était susceptible d'être régularisée l'a été conformément à l'article 126 du nouveau Code de procédure civile; que la cause d'irrecevabilité de l'action de cette agence a disparu conformément à l'article 126 du nouveau Code de procédure civile;
qu'il convient par réformation du jugement entrepris à cet égard de rejeter l'exception d'irrecevabilité de son action, et de dire que seules ses prétentions afférentes à des périodes postérieures à l'obtention de l'habilitation seront recevables, comme cela sera d'ailleurs le cas pour les autres agences immobilières dont la recevabilité de l'action avait été admise par les premiers juges;
que de surcroît, et à supposer même que l'exigence du caractère prépondérant de l'activité principale par rapport aux autres prestations ou du caractère complémentaire des prestations réalisées au titre de l'habilitation puisse s'analyser comme constituant une condition de l'intérêt à agir des agences immobilières parties à la présente procédure et donc de la recevabilité de leur action, force est de constater qu'il n'apparaît pas sérieusement contesté, au vu des tarifs versés au dossier, qu'au sein du " package " proposé, la prestation d'hébergement a bien un caractère prépondérant ou, qu'à défaut, chacune des prestations d'hébergement et de forfait de remontées mécaniques ne dépasse pas 7 000 F;
Sur la demande tendant à la communication par la STGM de ses conditions générales de vente et barèmes de prix applicables à l'ensemble des professionnels, dûment certifiés comme exhaustifs par le Commissaire aux Comptes au profit de chacun des appelants
Attendu que l'article L. 44 1-6 du Code de commerce (ancien article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) dispose que " Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente. Celles-ci comprennent les conditions de règlement et, le cas échéant, les rabais et ristournes ";
que la société STGM estime satisfaire à cette obligation en communiquant aux agents immobiliers ses barèmes de prix et conditions générales de vente applicables à cette catégorie socio-professionnelle;
que les appelantes prétendent quant à elles à la communication des barèmes de prix et conditions générales et particulières de vente applicables chaque saison tels qu'ils sont proposés à l'ensemble des professionnels;
que la transparence tarifaire vise à prévenir les pratiques de prix discriminatoires en donnant à l'acheteur ou au demandeur de services le droit d'obtenir une information complète sur les prix et conditions de vente du ou des fournisseurs;
que pour permettre un contrôle réel et l'engagement, le cas échéant, de discussions utiles, et satisfaire à l'esprit et au but de la législation en la matière, la communication ne doit pas être limitée aux seuls barème de prix et conditions de vente applicables à la catégorie de clients à laquelle l'acheteur ou demandeur de services appartient effectivement ou à laquelle le fournisseur considère qu'il appartient;
- que tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services, à la seule condition d'exercer une activité professionnelle justifiant sa demande, doit pouvoir obtenir de ses fournisseurs communication de l'ensemble des prix et des conditions de vente applicables à l'ensemble des clients dudit fournisseur;
que peu importe que des lettres, notes de services, articles émanant de la DGCCRF aient pu conclure à la possibilité d'élaborer des barèmes et conditions contractuelles pour chaque catégorie de clients et ne communiquer à ceux-ci que les barèmes et conditions contractuelles de la catégorie à laquelle ils appartiennent;
que de tels documents ne peuvent en effet avoir force de loi et prévaloir sur l'esprit même de la loi;
que de surcroît les lettres, notes de services et articles dont se prévaut la STGM ne sont pas des documents actuels puisqu'ils remontent déjà à 1994 et 1995;
qu'il convient, par infirmation du jugement entrepris, de faire droit à la demande de communication des appelants dont l'action est recevable, sans toutefois imposer à la SGTM de faire certifier les documents communiqués comme exhaustifs par le Commissaire aux Comptes dont ce n'est pas l'objet de la mission;
Sur la réalité des pratiques discriminatoires
Attendu que selon l'article L. 442-6 du Code de commerce (ancien article 36 de l'ordonnance 1243/86 du 1er décembre 1986) : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
1°) De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ";
qu'un traitement différencié ne constitue pas une pratique discriminatoire lorsque les entreprises en cause opèrent sur des marchés distincts ou lorsqu'il est compensé de la part de l'entreprise bénéficiaire par une contrepartie réelle;
Attendu qu'en l'espèce il est notamment reproché à la STGM de pratiquer des conditions tarifaires distinctes entre les différents distributeurs et notamment d'accorder aux agents de voyages et aux tours opérateurs une remise sur le prix d'achat des forfaits de ski pour l'espace Killy au-delà d'un chiffre d'affaires annuel de 500 000 F dont les agents immobiliers ne bénéficient pas;
Attendu que les tours opérateurs et les agents de voyage d'une part et les agents immobiliers d'autre part appartiennent à des catégories professionnelles différentes, régies chacune par une réglementation particulière;
que l'activité du tour opérateur ou de l'agent de voyage a pour objet l'assemblage de diverses prestations permettant la préfabrication d'un produit complet tout en prenant directement un risque économique; que dans le cadre de cette activité, il a naturellement vocation à vendre à ses clients des prestations de transport par remontées mécaniques; mais qu'il vend également d'autres prestations, y compris lorsqu'il s'agit d'un agent de voyage local comme Snow Tignes Travel ou Tignes Organisation; qu'à cet égard, l'examen du guide de Tignes 1998 révèle que l'agence Snow Tignes Travel propose par exemple des prestations d'hébergement, des forfaits, la location du matériel de ski, le lit fait et ménage quotidien, l'accès au sauna et à la piscine;
que l'agent immobilier aquant à lui pour activité naturelle et principale la location et la vente de biens immobiliers; que la fourniture de forfaits de remontées mécaniques n'est pas inhérente à son activité, qu'elle n'en fait pas partie intégrante; qu'elle peut constituer une activité complémentaire moyennant une habilitation spéciale et sous réserve que son activité naturelle et principale demeure prépondérante de sorte qu'il est nécessairement limité dans l'importance des prestations qu'il peut fournir en complément à l'hébergement;
qu'ainsi l'agent immobilier voit bien son activité favorisée par la possibilité de proposer à sa clientèle des forfaits de remontées mécaniques à des tarifs préférentiels, ce qui n'est pas le cas de l'agent de voyage ou du tour opérateur dont la fourniture de telles prestations est de toute façon inhérente à son activité;
qu'il ressort en outre des pièces du dossier que les tours opérateurs et les agents de voyage offrent à la STGM un service tout à fait différent de celui des agents immobiliers et lui procurent des contreparties réelles sans commune mesure avec celles procurées par ceux-ci;
que le tour opérateur et l'agent de voyage souscrivent notamment l'obligation de réaliser et de diffuser en quantité importante un catalogue de qualité, vantant les mérites de la station et plus particulièrement de son domaine skiable; que les agents immobiliers n'ont aucune obligation de promotion à l'égard de la STGM;
que les tours opérateurs financent un réseau de distribution coûteux généralement organisé en agences, ce qui entraîne des coûts d'exploitation importants tant en ce qui concerne l'investissement que la gestion; que tel n'est pas le cas des agents immobiliers;
que les tours opérateurs et agents de voyage s'engagent à assurer la prévente des forfaits de remontées mécaniques puisqu'ils perçoivent un acompte à l'occasion de la commande et le solde du prix total de la prestation, englobant bien évidemment les forfaits de remontées mécaniques, bien avant que la prestation ne soit rendue sur les pistes;
que s'il y a bien aussi prévente par les agents immobiliers, il ressort des pièces du dossier que la STGM accepte de prendre en charge le risque d'impayé sur la part " remontées mécaniques " du " package " après dépôt de bilan d'un tour opérateur dans la mesure où l'hébergeur démontrera avoir accompli toutes les diligences nécessaires et raisonnables relatives au recouvrement des sommes dues;
qu'enfin, abstraction faite du nombre des agents de voyages et tours opérateurs par rapport aux agents immobiliers, il est établi et non sérieusement contesté que globalement, le chiffre d'affaires réalisé par la STGM avec les tours opérateurs et agents de voyages est trois fois supérieur à celui réalisé avec les agents immobiliers;
qu'en réalité, les tours opérateurs et agents de voyages s'adressent à une clientèle beaucoup plus large que les agents immobiliers d'une part parce qu'ils sont le plus souvent organisés de telle manière qu'ils sont en mesure d'avoir un réel impact au niveau tant international que national et d'autre part parce qu'ils s'adressent à une clientèle aussi bien hôtelière que de locataires et proposent des produits à la fois plus nombreux et plus différenciés;
que les appelants qui prétendent qu'ils diffusent leurs propres catalogues dans le monde entier ne démontrent pas la réalité d'une telle diffusion dans des conditions comparables aux agents de voyage ou tours opérateurs étant par exemple observé que des catalogues de ceux-ci sont édités dans la langue du pays destinataire;
qu'au surplus, tous les catalogues d'agents immobiliers ne sont pas de véritables catalogues; qu'il en est qui consistent en tarifs ou folders de présentations;
que de plus, les agents immobiliers entretiennent des relations étroites avec les tours opérateurs et agents de voyage à qui ils réservent fréquemment une partie de leur parc locatif;
qu'à cet égard, ils sont des clients de ceux-ci;
que le fait allégué par les appelants que le catalogue de l'Office du tourisme de Tignes et le site Internet de la station (Tignes net) mentionnent parmi les hébergeurs de la station les agences immobilières comme les agences de voyages locales n'implique nullement l'appartenance des uns et des autres à la même catégorie professionnelle et leur intervention sur un marché identique;
qu'il en est de même de la diffusion par l'Office du Tourisme de Tignes des coordonnées des clients potentiels demandeurs de renseignements à l'ensemble des professionnels concernés à savoir tours opérateurs, agents de voyages, agents immobiliers et hôteliers étant observé qu'il n'apparaît pas que les hôteliers, qui font partie des destinataires de cette diffusion, revendiquent quant à eux l'appartenance à la catégorie professionnelle des tours opérateurs et agents de voyage et le bénéfice de la part de la STGM des mêmes conditions tarifaires que ceux-ci;
que si les agents immobiliers justifient avoir créé un site Internet, cette création ne suffit pas à compenser la différence d'impact par rapport aux tours opérateurs et agents de voyages, lesquels bien évidemment ont aussi de leur côté et de longue date un site Internet;
qu'en vain, ils se prévalent de ce qu'ils diffusent un catalogue vantant exclusivement les mérites de Tignes d'autant que la diffusion d'un catalogue portant sur des stations nombreuses et variées peut constituer un atout dans la mesure où il est susceptible de capter une clientèle qui n'était pas à l'origine déterminée à séjourner à Tignes, un catalogue limité à Tignes s'adressant plutôt à une personne d'ores et déjà axée sur cette destination ou au moins tentée par cette destination;
qu'enfin, il ne peut être déduit de ce que le groupe de travail de la Commission des Téléphériques a estimé, lors de sa réunion du 31 octobre 1997, que les professionnels qui ne sont pas soumis aux contraintes de la loi de 1992 ne peuvent exiger de l'exploitant de remontées mécaniques les mêmes conditions que ceux qui y sont soumis que les tours opérateurs et agents de voyages ainsi que les agents immobiliers bénéficiant de l'habilitation prévue à l'article 12 peuvent quant à eux tous bénéficier des mêmes conditions de la part de ce partenaire; qu'en effet, le raisonnement à contrario n'est pas un raisonnement qui s'impose pour l'application et l'interprétation de la loi;
que dès lors que les tours opérateurs et les agents de voyages d'une part et les agents immobiliers d'autre part ne se situent pas sur un marché strictement identiqueet que les premiers procurent à la STGM des contreparties réelles que ne procurent pas les seconds, il ne peut être utilement et valablement reproché à la STGM une pratique discriminatoire à l'encontre de chacun des appelants au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce;
Sur l'abus de dépendance économique
Attendu que selon l'article L. 420-2 paragraphe 2 du Code de commerce (ancien article 8 paragraphe 2 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986) : " Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de ici concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l'article L. 442-6 ";
Attendu que l'état de dépendance économique se caractérise par l'impossibilité de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions équivalentes; qu'une telle situation s'apprécie en tenant compte de la notoriété de la marque du fournisseur et de l'importance de sa part sur le marché considéré et dans le chiffre d'affaires du revendeur ainsi que de l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents;
que l'article L. 420-2 § 2 propose une liste non limitative des abus qui peuvent être perpétrés par une entreprise en situation de domination, absolue ou relative, à l'encontre des opérateurs les plus faibles;
que les abus de domination ne sont prohibés que lorsqu'ils ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'entraver le libre jeu de la concurrence;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la STGM, filiale de la Compagnie des Alpes qui est le premier exploitant de remontées mécaniques en Europe et détient le quasi monopole sur les stations de la Tarentaise, elle-même filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, est le concessionnaire unique pour l'exploitation des remontées mécaniques donnant accès au domaine skiable de Tignes et qu'elle est bien par suite en situation de position dominante;
qu'il a été précédemment décidé qu'il ne pouvait lui être reproché des pratiques discriminatoires à l'encontre des agents immobiliers par rapport aux tours opérateurs et agents de voyages;
que pour caractériser une exploitation abusive de position dominante, les appelants soutiennent également que la STGM leur impose des conditions défavorables et contraignantes qu'ils ne peuvent refuser s'ils entendent approvisionner leurs clients en forfaits de remontées mécaniques à savoir :
- l'obligation de commercialiser de façon indissociable l'hébergement et les remontées mécaniques,
- la réalisation de la vente des forfaits touristiques avant le vendredi soir pour la semaine suivante,
- la communication des différents tarifs qu'ils appliquent mais également les copies des vouchers des tours opérateurs sur lesquels les conditions générales de vente et d'hébergements apparaissent, ce qui pose un problème de confidentialité puisque la STGM a ainsi accès à l'ensemble du fichier clients des hébergeurs,
- la subordination de la prise en charge du risque financier d'impayés à l'accomplissement de nombreuses démarches longues et coûteuses;
qu'ils ne peuvent se plaindre de s'être vus imposer l'obligation de lier la vente de forfaits de remontées mécaniques et la vente d'un hébergement dès lors que leur vocation principale et essentielle est l'hébergement, que la plupart des clients de la station en période hivernale viennent en vue de la pratique du ski, que selon les textes mêmes; la vente d'hébergements doit rester prépondérante en ce qui les concerne, la vente de forfait de remontées mécanique ayant un caractère complémentaire;
que de plus, l'obligation de vendre indissociablement les forfaits de remontées mécaniques avec un hébergement se justifie dès lors qu'il est question d'obtenir des tarifs préférentiels; qu'ainsi que le fait observer la STGM, l'objet même de l'accord de partenariat (qui vise des produits de package) conclu au plus grand bénéfice de l'agent immobilier est bien d'assurer une commercialisation complète des prestations dans le souci légitime d'assurer l'occupation optimale de nombreux lits;
qu'il n'est pas anormal que les " packages " ne puissent être vendus par les hébergeurs que jusqu'au vendredi soir pour la semaine suivante dès lors que les locations commencent lé samedi, que l'effort financier consenti par la STGM justifie la vérification de la réalité de la prévente et qu'il importe d'éviter que des cliente de passage bénéficient d'un tarif qui ne leur est pas destiné;
que la communication des grilles tarifaires qui permet à la STGM de vérifier que les hébergeurs ne gonflent pas artificiellement les prix ne pose pas de réels problèmes de confidentialité dans la mesure où la STGM qui en est destinataire n'est pas en situation de concurrence avec les hébergeurs;
que la prise en charge par la STGM du risque financier d'impayés relatifs à la vente de forfaits au cas de dépôt de bilan d'un tour opérateur qui constitue un avantage certain pour les agents immobiliers ne contraint pas ceux-ci à des démarches longues et coûteuses puisqu'il suffit qu'ils justifient avoir accompli les diligences nécessaires et raisonnables à savoir avoir émis une facture, vérifié le paiement à l'échéance et relancé le débiteur en cas d'impayés;
que par ailleurs, les appelants s'abstiennent d'expliciter en quoi les faits ci-dessus évoqués dont ils estiment qu'ils caractérisent un abus de position dominante auraient pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché;
qu'ainsi il n'est pas démontré de violation à la prohibition édictée par l'article L. 420-2 du Code de commerce;
qu'en définitive la demande tendant à voir dire et juger que la STGM a commis des pratiques discriminatoires à l'encontre des appelants et abuse de l'état de dépendance économique dans lequel chacun d'eux se trouve à son égard est mal fondée;
qu'il n'y a pas lieu par suite de lui faire injonction de cesser ces pratiques discriminatoires et cet abus de dépendance économique sous astreinte de 76 euro par forfait acheté sans qu'une remise ne soit accordée à compter de la signification du présent arrêt et de lui ordonner d'appliquer aux agents immobiliers les mêmes conditions que celles consenties aux tours opérateurs et agents de voyages;
que les appelants doivent également être déboutés de leurs demandes tendant à la condamnation de la STGM au paiement de sommes correspondant au manque à gagner subi du fait qu'ils n' ont pas bénéficié des mêmes remises que les agents de voyages ou tours-opérateurs pour l'espace Killy pour les saisons 1996/1997, 1997/1998, 1998/1999, 1999/2000 et à en outre, à sa condamnation à procéder au calcul des sommes dues du même chef pour les années 2000/2001 et 2001/2002 ou à l'institution d'une expertise à cette fin, étant observé que ces demandes ne sont de surcroît recevables de la part de chacun des intéressés que pour la période postérieure à l'obtention de l'habilitation prévue par l'article 12 de la loi de 1992;
Sur les demandes accessoires au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu qu'il n'est pas inéquitable vu les éléments du litige et sa solution de laisser à la charge de chacune des parties l'intégralité des frais que lui a occasionnés la présente procédure en première instance puis en cause d'appel et que les dépens de première instance et d'appel de la présente action seront supportés comme ci-après indiqués au dispositif de la présente décision;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevable l'appel de l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, de la SA Agence Immotignes, de la SA Agence du Roc Blanc, de la SARL agence Gestignes, de la SA Agence Descamps, de la SARL Agence Euro-Immobilier, de la SARL Agence du Glacier et de la SARL Sogit; Constate que le présent appel ne concerne pas la disposition du jugement entrepris ayant constaté le désistement d'instance des sociétés Les Campaniles, Tarantini La Vanoise, Le Paquis, Le Gentiana, L'Aiguille Percée, Le Refuge et Vita Tignes, désistement accepté par la défenderesse, et l'intervention volontaire de la société Sogit; Confirme ledit jugement sauf : en ce qu'il a déclaré l'Agence Gestignes irrecevable en son action, en ce qu'il a débouté les appelantes recevables en leur action de leur demande de communication par la STGM de ses conditions générales de ventes et barèmes de prix applicables à l'ensemble des professionnels, en ce qui concerne la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et en ce qui concerne les dépens; Statuant à nouveau de ces chef et y ajoutant, Constate que l'agence Gestignes a obtenu pendant l'instance d'appel l'habilitation prévue à l'article 12 de la loi 92-645 du 13 juillet 1992; La déclare recevable en son action; Constate qu'elle ne formule aucune réclamation pécuniaire au titre du manque à gagner du fait des pratiques discriminatoires et de l'abus de position dominante imputés à la STGM; Précise que les réclamations de l'Association des Agents Immobiliers de Tignes, de la SA Agence Immotignes, de la SA Agence du Roc Blanc, de la SARL Agence Gestignes, de la SA Agence Descamps, de la SARL Agence Euro-Immobilier et de la SARL Agence du Glacier ne sont de toute façon recevables qu'en ce qu'elles portent sur des périodes postérieures à l'obtention; de l'habilitation prévue à l'article 12 de la loi 92-645 du 13 juillet 1992; Condamne la STGM à communiquer aux appelantes ci-dessus reconnues recevables en leur action les conditions générales et barèmes de prix applicables à l'ensemble des professionnels; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Partage les dépens de première instance et d'appel dans la proportion de 2/3 à la charge des appelants et un tiers à la charge de l'intimée, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.