Cass. crim., 4 septembre 2002, n° 01-84.051
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Desgrange
Avocats :
Mes Hémery, Ricard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Danièle, la société W, 1°) contre l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Nanterre, en date du 13 novembre 2000, qui a autorisé des enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à procéder à des opérations de visites domiciliaires et a donné commissions rogatoires aux mêmes fins, à d'autres présidents de tribunaux de grande instance ; 2°) contre l'ordonnance modificative de ce magistrat, en date du 20 novembre 2000, qui, dans la même procédure, a désigné un officier de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et saisie de documents ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles L. 420-1 et L. 450-4 du nouveau Code de commerce, dans leur rédaction au jour des ordonnances attaquées (articles 7 et 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
"en ce que les ordonnances attaquées ont autorisé Jean-Pierre Y, chef de service régional, chef de la Direction nationale des enquêtes de concurrence, à procéder ou faire procéder, dans les locaux de la société W, situés [adresse] (10000) Troyes, et [adresse] (10700) Lhuître, ainsi qu'au domicile de Danièle X, situé [adresse] (92200) Neuilly-sur-Seine, à des opérations de visite et de saisie de documents, ont laissé le soin à Jean-Pierre Y de désigner, parmi les enquêteurs habilités par des arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous son autorité pour effectuer lesdites visites et saisies dans les limites de sa compétence territoriale, ont constaté le concours à lui apporter de Jean Z, directeur régional à Marseille, chef de brigade interrégionale d'enquêtes Provence-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon et Corse, de Jean-Paul A, directeur départemental au Mans, de Rémi B, chef de service départemental à Auxerre, à qui elles ont laissé le soin de désigner, parmi les enquêteurs habilités par des arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous leur autorité pour effectuer lesdites visites et saisies dans les limites de leur compétence territoriale, ont désigné l'officier de police judiciaire C D pour assister aux opérations de visite et de saisie au domicile de Danièle X et ont donné commission rogatoire aux présidents des tribunaux de grande instance de Troyes, du Mans, d'Auxerre et de Tarascon pour exercer leur contrôle sur lesdites opérations de visites et de saisie ayant lieu dans le ressort de leur tribunal et pour désigner les officiers de police judiciaire territorialement compétents ;
"aux motifs que "vu l'arrêté du 4 avril 2000 portant délégation de signature ; vu la demande d'enquête du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en date du 8 novembre 2000 relative au secteur de la destruction d'armements et de munitions, signée par Jérôme E, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en application de l'arrêté du 4 avril susvisé ; (...) attendu que, par sa requête du 9 novembre 2000, Jean-Pierre Y nous demande de visiter les locaux de plusieurs entreprises et un domicile et de saisir les documents de nature à apporter la preuve de pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce (ex-article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986) ; que cette requête nous est présentée à l'occasion d'une enquête relative au secteur de la destruction d'armements et de munitions demandée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; que par cette demande, en date du 8 novembre 2000, ce dernier prescrit au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des investigations de nature à apporter la preuve de pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 421-1 du Code de commerce (ex-article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986) ; qu'il a également demandé à Jean-Pierre Y, chef de service régional, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, ou à tout autre fonctionnaire de catégorie A désigné par lui pour le représenter, de saisir le président du tribunal de grande instance compétent aux fins d'user des pouvoirs de visite et de saisie prévus par l'article L. 450-4 du Code précité ; qu'il a, en outre, souhaité le concours de Jean Z, directeur régional à Marseille, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Provence-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon et Corse, de Jean-Paul A, directeur départemental au Mans et de Rémi B, chef de service départemental à Auxerre, pour la réalisation de cette enquête dans les locaux situés dans les circonscriptions sur lesquelles ils ont autorité ; attendu que la requête s'inscrit dans le cadre de l'enquête ainsi demandée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et que l'auteur de la requête est titulaire de l'un des grades prévus à l'article 1er du 2 août 1995 susvisé, et qu'en tant que fonctionnaire de catégorie A, il est habilité au sens de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993 ; attendu que la présente requête est ainsi recevable" (cf ordonnance du 13 novembre 2000, attaquée, pp. 1 et 2) ;
"alors que la demande d'autorisation de procéder à des visites domiciliaires ainsi qu'à la saisie de documents, ne peut être accueillie que si elle est présentée dans le cadre d'une enquête demandée soit par le ministre chargé de l'économie, soit par le conseil de la concurrence ; que le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne peut se saisir, de lui-même, d'une telle enquête ; qu'en accueillant la demande d'autorisation qui lui a été soumise, après avoir constaté que la demande d'enquête, dans le cadre de laquelle cette demande d'autorisation a été présentée et qui enjoignait au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de procéder à des investigations relatives au secteur de la destruction d'armements et de munitions, a été signée par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ce dont il résultait que ce dernier s'est, en réalité, et sous le couvert d'une délégation de signature, qui lui a été donnée par le ministre chargé de l'économie, saisi, de sa propre initiative, d'une telle conséquence légale de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
"alors qu'en tout état de cause, la décision de délégation de compétence doit, à peine d'illégalité, fixer avec une précision suffisante, l'objet et l'étendue des compétences déléguées ; qu'en accueillant la demande d'autorisation qui lui a été soumise en relevant que cette demande était présentée dans le cadre d'une enquête, engagée en vertu d'une demande d'enquête, signée par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en vertu d'une délégation de signature, qui lui a été donnée, le 4 avril 2000, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, alors que ladite délégation de signature, aux termes de laquelle le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a reçu délégation permanente à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, ne fixait pas avec une précision suffisante l'objet et l'étendue des compétences déléguées au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'ayant énoncé que la visite autorisée s'inscrivait dans le cadre d'une demande d'enquête du ministre chargé de l'économie, en vertu de la délégation de signature accordée par l'arrêté du 4 avril 2000 à Jérôme E, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et dont il n'est pas allégué qu'elle soit assortie de restrictions, l'ordonnance a satisfait aux dispositions légales et conventionnelles invoquées; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 420-1 et L. 450-4 du nouveau Code de commerce dans leur rédaction au jour des ordonnances attaquées (articles 7 et 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence), ensemble le principe du respect des droits de la défense ;
"en ce que les ordonnances attaquées ont autorisé Jean-Pierre Y, chef de service régional, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, à procéder ou faire procéder, dans les locaux de la société W, situés [adresse] (10000) Troyes, et [adresse] (10700) Lhuître, ainsi qu'au domicile de Danièle X, situé [adresse] (92200) Neuilly-sur-Seine, à des opérations de visite et de saisie de documents, ont laissé le soin à Jean-Pierre B de désigner, parmi les enquêteurs habilités par des arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous son autorité pour effectuer lesdites visites et saisies dans les limites de sa compétence territoriale, ont constaté le concours à lui apporter de Jean Z, directeur régional à Marseille, chef de brigade interrégionale d'enquêtes Provence-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon et Corse, de Jean-Paul A, directeur départemental au Mans, de Rémi B, chef de service départemental à Auxerre, à qui elles ont laissé le soin de désigner, parmi les enquêteurs habilités par des arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous leur autorité pour effectuer lesdites visites et saisies dans les limites de leur compétence territoriale, ont désigné l'officier de police judiciaire C D pour assister aux opérations de visite et de saisie au domicile de Danièle X et ont donné commission rogatoire aux présidents des tribunaux de grande instance de Troyes, du Mans, d'Auxerre et de Tarascon pour exercer leur contrôle sur lesdites opérations de visites et de saisie ayant lieu dans le ressort de leur tribunal et pour désigner les officiers de police judiciaire territorialement compétents, en n'indiquant uniquement que les entreprises, sises dans le ressort territorial du tribunal de grande instance de Nanterre, ainsi que Danièle X, pouvaient saisir le président du tribunal de grande instance de Nanterre jusqu'à la fin des opérations de visite et de saisie et saisir a posteriori "les autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents ainsi appréhendées" ;
"alors que le principe du respect des droits de la défense, ainsi que le droit à un procès équitable, dont ce principe est l'une des composantes, postulent, pour être effectifs, que l'ordonnance autorisant une visite domiciliaire et la saisie de documents indique à la personne, dont le siège, l'établissement ou le domicile peuvent faire l'objet de la visite et de la saisie autorisées, qu'elle a le droit de saisir le juge sous l'autorité et le contrôle duquel peuvent avoir lieu ladite visite et ladite saisie ; qu'en omettant d'indiquer que la société W pouvait saisir le président du Tribunal de grande instance de Troyes, pendant la durée des opérations de visite et de saisie autorisées dans ses établissements, situés à Troyes et à Lhuître, de toute irrégularité qui entacherait lesdites opérations, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a violé les textes susvisés ;
"alors que le principe du respect des droits de la défense, ainsi que le droit à un procès équitable, dont ce principe est l'une des composantes, postulent, pour être effectifs, que l'ordonnance autorisant une visite domiciliaire et la saisie de documents indique, de manière exacte, à la personne, dont le siège, l'établissement ou le domicile peuvent faire l'objet de la visite et de la saisie autorisées, la juridiction compétente pour juger a posteriori des contestations relatives à toute irrégularité ayant entaché lesdites opérations ; qu'en indiquant à la société W et à Danièle X qu'elles pouvaient saisir a posteriori les autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents ainsi appréhendés, alors que les contestations relatives à toute irrégularité ayant entaché des opérations de visite domiciliaire et de saisie relèvent de la compétence du juge qui les a autorisées, le président du Tribunal de grande instance de Nanterre a violé les textes susvisés" ;
Attendu que l'article 450-4 du Code de commerce ne fait pas obligation au juge d'indiquer dans son ordonnance, les conditions et modalités de sa saisine en cas de contestation relative au déroulement des visites et saisies autorisées; d'où il suit que le moyen, inopérant, doit être écarté ;
Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi