CA Lyon, 3e ch., 26 avril 2002, n° 2000-00738
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Adéquation Vidéo (SARL), Dubois (ès qual.)
Défendeur :
Hacha Vidéo (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moussa
Conseillers :
M. Santelli, Mme Miret
Avoués :
SCP Aguiraud-Nouvellet, SCP Dutrievoz
Avocats :
Mes Parado, Le Gal
Exposé du litige
- Procédure et prétentions des parties
La société Hacha Vidéo s'est constituée en janvier 1996 avec pour activité l'exploitation d'un vidéo club, dont l'objet était de louer des cassettes vidéo à des particuliers.
A cette fin, elle est rentrée en contact avec la société Adéquation Vidéo, laquelle a une activité de location au profit d'autres vidéos clubs d'un stock de cassettes dont elle est propriétaire.
C'est ainsi que la société Adéquation vidéo a fourni à la société Hacha Vidéo un stock de cassettes vidéo sous forme de la location mensuelle de 2 000 cassettes.
Alléguant que le stock de cassettes qui lui était fourni par la société Adéquation Vidéo ne comporte pas de nouveautés en quantité suffisante, la société Hacha Vidéo n'a pas réglé les factures établies mensuellement par la société Adéquation Vidéo.
C'est dans ces conditions que la société Adéquation Vidéo a fait citer devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon la société Hacha Vidéo.
Cette société a été condamnée à payer à la société Adéquation Vidéo la somme de 119 810,75 F correspondant aux factures qu'elle lui réclamait.
La société Hacha Vidéo a restitué son stock de cassettes vidéo à la société Adéquation Vidéo.
Par acte du 5 mars 1998, la société Hacha Vidéo a fait citer devant le Tribunal de commerce de Lyon la société Adéquation Vidéo pour que soit prononcée la nullité du contrat les liant.
Par demande reconventionnelle, la société Adéquation Vidéo a demandé la condamnation de la société Hacha Vidéo au paiement de ces factures restées impayées.
Par jugement du 24 janvier 2000, le Tribunal de commerce de Lyon a débouté la société Hacha Vidéo de sa demande en nullité du contrat ainsi que de celle en restitution des sommes qu'elle avait versées à la société Adéquation Vidéo.
Il déboutait également la société Adéquation Vidéo de sa demande en paiement des factures pour un montant de 119 815,75 F.
Par déclaration du 31 janvier 2000, la société Adéquation Vidéo a relevé appel de cette décision en ce qu'elle l'avait déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Elle expose :
- que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande en paiement des factures restées impayées,
-qu'en effet, la société Hacha Vidéo a accepté sans protester les factures qui ont été émises,
- que contrairement à ce que dit la société Hacha Vidéo, les prestations ont bien été effectuées,
- qu'il est impossible d'invoquer le non respect de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui ne prévoit pas la nullité des factures émises en infraction de ce texte,
-que la somme 119 815,75 F lui est bien due,
- que la société Hacha Vidéo ne peut prétendre que le contrat était un contrat de franchise puisqu'aucun des éléments caractérisant ce contrat n'est démontré,
- qu'il s'agit d'une location de cassettes vidéo,
- que l'utilisation de l'enseigne " Vidéo Megastar " ne l'a été qu'à titre gratuit pour être agréable à la société Hacha Vidéo,
- qu'ainsi la société Hacha Vidéo doit être déboutée de sa demande.
Elle réclame la réformation du jugement déféré, la société Hacha Vidéo devant être condamnée à lui payer les sommes correspondant aux factures restées impayées.
Elle sollicite que lui soit allouée une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle demande que la société Hacha Vidéo soit déboutée de ses demandes.
La société Hacha Vidéo réplique et expose :
- que le contrat liant les parties était bien un contrat de franchise puisque tous les vidéos clubs étaient réunis sous une enseigne commune " Vidéo Megastar ",
- qu'il y avait communication d'un savoir-faire et une immixtion d'Adéquation Vidéo dans ses affaires,
- que la société Adéquation Vidéo devait lui apporter une assistance,
- qu'elle n'avait aucune liberté dans le choix des cassettes louées,
- qu'en conséquence, il convient, sur appel incident, de prononcer la nullité de ce contrat au motif que la loi Doubin sur les franchises n'a pas été respectée,
- qu'en conséquence, il doit lui être restituée la somme de 463 019,04 F qu'elle a versée indûment,
- que les factures émises par la société Adéquation Vidéo ne répondent pas aux exigences de l'ordonnance du 1er décembre 1986, notamment, en ce que les quantités de cassettes vidéo livrées n'étaient pas mentionnées dans les factures, ni le prix unitaire de location,
- que les factures avaient été émises au nom de " Vidéo Megastar-Saint Rambert-Hervé Lalouette " et non à son nom propre,
- que la société Adéquation Vidéo doit être déboutée de sa demande en paiement.
Elle réclame la confirmation du jugement déféré sur ce point et la condamnation de la Société Adéquation Vidéo à lui payer le montant des sommes indûment versées.
Elle réclame que lui soit allouée la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Adéquation Vidéo a été mise en liquidation judiciaire.
En conséquence, Maître Dubois, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de cette société, a conclu le 26 octobre 2001 pour demander qu'il lui soit donné acte qu'il reprend l'instance à la suite de la liquidation judiciaire de la société Adéquation Vidéo et forme ainsi les mêmes demandes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2001.
MOTIFS ET DECISION :
Attendu qu'il convient, la société Adéquation Vidéo ayant été mise en liquidation judiciaire, de donner acte à Maître Dubois qu'il a repris l'instance en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société ;
I- Sur la demande en paiement de la société Adéquation Vidéo
Attendu que la société Adéquation Vidéo fait état de l'acceptation par la société Hacha Vidéo de factures émises, dont cependant, cette dernière conteste la validité, au motif principal qu'elles ont été établies en violation des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui imposent la présence de mentions, absentes en l'espèce ;
Attendu que s'agissant d'une location de cassettes vidéo, il convenait que le nombre de cassettes données en location apparaisse explicitement sur les factures avec la mention du coût unitaire réclamé à ce titre pour permettre un contrôle de la réalisation de la prestation et pour identifier le redevable, le fait pour la société Hacha Vidéo de n'avoir pas protesté à la réception des factures ne permettant pas d'en déduire que ces factures auraient pour autant une valeur probante et ne pourraient plus de ce fait être contestées par celui qui les a reçues ;
Attendu que l'absence des mentions prévues par l'ordonnance du 1er décembre 1986 rend manifestement ces factures irrégulières;
Attendu que la société Hacha Vidéo critique au surplus les factures émises au motif qu'il y figure " Vidéo Megastar-Saint Rambert-Hervé Lalouette " et non celui de Hacha Vidéo dont l'existence est établie ;
Attendu qu'il résulte en effet des pièces communiquées par la société Hacha Vidéo que les factures litigieuses sont toutes émises au nom de cette entité qui n'apparaît pas avoir d'existence juridique et qui ne saurait de toute façon se confondre avec la société Hacha Vidéo qui est dotée d'une personnalité morale propre, sauf à démontrer, ce qui n'est pas fait, que cette dernière exercerait son activité sous cette enseigne ;
Attendu qu'il ressort de ces éléments que les factures émises par la société Adéquation Vidéo ne peuvent être retenues en ce que leur validité est contestable, et que c'est à bon droit que le premier juge les a écartées, en déboutant la société Adéquation Vidéo de sa demande en paiement;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer de ce chef le jugement déféré ;
II- Sur le contrat de franchise :
Attendu qu'il appartient à la société Hacha Vidéo qui invoque, pour en réclamer l'annulation, un contrat de franchise qui aurait été conclu entre elle et la société Adéquation Vidéo, de démontrer que les relations contractuelles qu'elle a entretenues avec la société Adéquation Vidéo s'inscrivaient bien dans un tel cadre juridique ;
Attendu qu'à défaut par la loi d'en donner une définition précise, il convient de retenir qu'un contrat ne peut être qualifié " contrat de franchise " que pour autant qu'il réunit des éléments spécifiques parmi lesquels la mise à disposition par le franchiseur d'une marque ou d'une enseigne en vue d'être utilisée par le franchisé, la communication au franchisé d'un savoir-faire acquis par le franchiseur et enfin la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d'une assistance commerciale et technique pendant toute la durée du contrat ;
Attendu que la société Hacha Vidéo produit des factures sur lesquelles figure la mention " Location de stock " et qu'elles font référence à la location de cassettes vidéo, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société Adéquation Vidéo ;
Attendu que l'on ne peut déduire de cette seule énonciation qu'un contrat de franchise a été conclu entre les parties, alors que la société Hacha Vidéo ne fournit aucun élément caractérisant un tel contrat, notamment quant à une obligation d'approvisionnement exclusif du franchisé auprès du franchiseur, le fait que la société Adéquation Vidéo ait autorisé l'utilisation par la société Hacha Vidéo d'une enseigne dénommée Vidéo Megastar ne suffisant pas à établir l'existence d'une franchise, ni non plus le fait que la société Hacha Vidéo soit le fournisseur d'un ensemble de magasins vidéo club fonctionnant selon le même système de location de cassettes vidéo ;
Attendu qu'il est impossible de tirer quelque conséquence que ce soit quant à la qualification d'un contrat de franchise de compte-rendus établis par la société Adéquation Vidéo dont le contenu est pour le moins extravagant, le fait que la société Adéquation Vidéo, en qualité de loueur de cassettes vidéo, ait porté une attention particulière à l'activité de son client n'étant pas de nature à établir qu'elle s'est pour autant immiscée dans la gestion d'un affilié à un réseau ;
Attendu qu'il convient en conséquence de débouter la société Hacha Vidéo de sa demande en nullité d'un contrat mal qualifié ;
Attendu qu'il ne peut être fait droit à la demande corrélative de la société Hacha Vidéo en remboursement des sommes versées à la société Adéquation Vidéo, dès lors que la nullité du contrat n'est pas prononcée et que les paiements intervenus ont trouvé leur contrepartie dans l'exécution du contrat de location ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer de ce chef le jugement déféré ;
III- Sur les autres demandes :
Attendu que ni la société Hacha Vidéo, ni la société Adéquation Vidéo ne démontre l'existence d'un préjudice résultant d'une faute commise par l'autre, de sorte qu'à supposer même que des fautes soient établies, leur demande en dommages et intérêts n'en serait pas fondée pour autant à défaut de prouver un préjudice ;
Attendu qu'elles doivent être ainsi chacune déboutées de leur demande à ce titre ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre partie ;
Attendu qu'il convient que chacune des parties supporte les dépens qu'elle a exposés en appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Donne acte à Maître Dubois qu'il a repris l'instance en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Adéquation Vidéo ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : Déboute chacune des parties de sa demande en dommages et intérêts ; Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés en appel.