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Décisions

CA Reims, ch. soc., 17 mai 1989, n° 2554-88

REIMS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Michaud

Défendeur :

Ethnor (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Crutz

Conseillers :

MM. Marzi, Heintz

Avocats :

Mes Badre, Tremblay

Cons. prud'h. Reims, sect. encadr., du 9…

9 novembre 1988

LA COUR, autrement composée, rend l'arrêt suivant,

Stéphane Michaud a régulièrement en la forme relevé appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Reims du 9 novembre 1988 qui avait condamné la société Ethnor à lui payer une somme de 26 000 F à titre d'indemnité de clientèle et au soutien de son recours fait valoir, qu'en réalité celle-ci doit être calculée en fonction du préjudice subi et expose :

- l'expert avait proposé 3 solutions dont une seule a été retenue sans aucune motivation par le conseil de prud'hommes, alors qu'il aurait dû appliquer les dispositions de l'article 751-9 du Code du travail, en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture des relations de travail entraînant un chômage de 13 mois,

- que des diverses méthodes d'évaluation proposées, il convient de retenir le principe de la première qui a pris en compte les commissions perçues pendant les années précédant la cessation d'activité.

Et Stéphane Michaud demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Ethnor à lui payer une somme de 250 000 F à titre d'indemnité de clientèle ou subsidiairement celle de 125 000 F outre une indemnité de 10 000 F au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ethnor répond :

- que le VRP réclame une indemnité de clientèle comportant à la fois la compensation du chiffre d'affaires réalisé et le préjudice subi par 13 mois de chômage ; que l'expert a analysé trois méthodes d'évaluation de l'indemnité réclamée, la première correspondant à deux années de commissions, inapplicable en l'espèce ; la seconde reposant sur une présomption d'évolution du chiffre d'affaires ; la dernière, plus satisfaisante, correspondant à l'indemnité conventionnelle de rupture qui peut être retenue.

Et la société Ethnor demande à la Cour de confirmer le jugement déféré sans entériner le rapport d'expertise, de lui donner acte de ce qu'elle offre5.2 de payer au VRP une somme de 26 000 F puis de le condamner à lui payer une indemnité de 10 000 F au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Attendu que Michaud a été engagé par la société Ethnor en qualité de VRP exclusif le 16 avril 1982 moyennant une rémunération fixe et un pourcentage sur les ventes sur le chiffre d'affaires supérieur à 1 150 000 F HT ; que cinq avenants sont intervenus, mais qu'à la suite du refus d'adhésion au sixième avenant, la société avait engagé la procédure de licenciement clôturée le 5 décembre 1986 pour faute grave et que le conseil de prud'hommes avait ensuite condamné la société à payer au travailleur les indemnités de préavis et de congés payés, puis avait ordonné une expertise afin de déterminer le montant de l'indemnité de clientèle à laquelle celui-ci pouvait prétendre ; que les prud'hommes ont retenu sans aucune motivation la méthode de calcul fondée sur les dispositions conventionnelles alors que le VRP avait demandé que cette indemnité soit établie en fonction du préjudice réellement subi ; que ce choix arbitraire ne saurait être retenu dans la mesure où le salarié n'avait pas renoncé à ladite indemnité en contrepartie de l'indemnité spéciale et de l'indemnité conventionnelle de rupture instituée par l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 ; qu'en l'espèce, la réalité du préjudice invoqué suppose que trois éléments soient réunis : qu'une clientèle existe, qu'elle soit le fruit de l'activité du VRP, que celui-ci perde dans l'avenir le bénéfice de cette clientèle ; que chacun des critères d'appréciation découle d'un élément fondamental : l'apport personnel de clientèle en nombre et en valeur ; que l'examen du rapport d'expertise laisse apparaître pour la période considérée 1981-1986 que la clientèle n'a pas été développée en nombre mais seulement en valeurselon une progression moyenne de l'ordre de 25 % en négligeant les années 1985 et 1986 incomplètes ; que le nombre de clients est passé de 67 à 63 compte tenu des clients disparus et des nouveaux clients sans que ce résultat n'ait une valeur probante, le nombre de clients ayant été arrêté au 31 décembre 1985; qu'en réalité une diminution de la clientèle préexistante ne peut à elle seule affecter les droits du VRP; qu'il convient de considérer l'ensemble de l'activité pour sélectionner et développer une clientèle intéressante en sacrifiant des clients sans grand rendement dans la mesure où le VRP a obtenu des résultats se traduisant finalement par une augmentation du chiffre d'affaires, que tel est le cas en l'espèce où malgré l'existence d'une clientèle très particulière, le chiffre d'affaire a enregistré une progression positive en valeur même en francs constants de 1981 à 1986sans qu'il ne puisse être fait état de l'augmentation des frais professionnels remboursés séparément en sus des commissions ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu d'admettre le VRP au bénéfice de l'indemnité légale de clientèle prévue à l'article L. 751.9 du Code du travailet de la limiter au montant des commissions perçues au cours des deux dernières années 1985 et 1986 soit ensemble 126 099 F sans autre abattement ni pondération, ni arrondissement, mais qu'il convient d'écarter toutes autres prétentions concernant un préjudice éventuel résultant de l'absence d'emploi pendant une année environ ;

Attendu, enfin, qu'il parait équitable d'allouer à Michaud une indemnité de 5 000 F au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'écarter semblable demande de la société Ethnor qui succombe et supportera les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Fait partiellement droit à l'appel de Stéphane Michaud ; Infirme dans la mesure utile le jugement du Conseil de prud'hommes de Reims du 9 novembre 1988 et statuant à nouveau, Homologue partiellement le rapport d'expertise ; Condamne la société Ethnor à payer à Stéphane Michaud une indemnité de clientèle d'un montant de cent vingt six mille quatre vingt dix neuf francs (126 099 F) ; Rejette tous autres moyen fins et conclusions des parties ; Condamne la société Ethnor à payer à Stéphane Michaud une indemnité de cinq mille francs (5 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et met les entiers dépens à la charge de l'intimée en ce compris les frais d'expertise.