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Décisions

Cass. com., 14 janvier 2003, n° 00-10.656

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Montreux Publications (Sté)

Défendeur :

M6 Intractions (SA), Métropole Télévision (SA), Tournon Egmont (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Bénabent, Me Capron

Paris, du 22 sept. 1999

22 septembre 1999

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 22 septembre 1999), que la société M6 Interaction (société M6 I), filiale de la société Métropole Télévision dite M6 (société M6), est titulaire de la marque " classe mannequin " déposée à l'INPI le 25 janvier 1994 et enregistrée sous le n° 94 503 434, pour désigner en classes 9, 16, 25, 38, 41 et 42, les livres, journaux, périodiques, revues, photographies et plus généralement tous produits d'imprimerie ; qu'elle diffuse sous cette marque une série télévisée destinée aux adolescents sur la chaîne M6 ; que, par contrat du 10 mai 1994, elle a concédé une licence d'exploitation et de reproduction des droits dérivés de la série pour divers produits à la société Tournon-Egmont (société TE) qui édite une revue mensuelle destinée aux adolescents, intitulée " classe mannequin magazine " et commercialise des produits dérivés ; qu'alléguant que la société Can Publishing, actuellement dénommée Montreux publications (société Can Publishing) avait fait paraître courant décembre 1994, dans la revue Union un article de huit pages, illustré de photographies pornographiques, sous le titre " classe mannequin ", les sociétés M6, M6 I et TE ont assigné cette société en contrefaçon de marque, atteinte aux droits d'auteur de la revue et de la série télévisée, dénigrement et concurrence parasitaire et ont sollicité l'allocation de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Can Publishing fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée coupable de contrefaçon de marque, alors, selon le moyen : 1°) que constitue un acte de contrefaçon l'usage d'une marque déposée pour un produit identique à ceux désignés dans l'enregistrement mais non dans son utilisation pour désigner une œuvre de l'esprit ; qu'à l'opposé de la revue elle-même, qui constitue bien un produit offert à la vente, un article, inséré dans une revue et ne faisant l'objet d'aucune offre de vente autonome, ne constitue pas un produit, mais exclusivement une œuvre de l'esprit ; qu'en décidant que l'emploi pour intituler cet article, d'une dénomination déposée à titre de marque pour désigner des produits d'imprimerie, constituait une contrefaçon de cette marque, la cour d'appel a violé l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que la seule reproduction de la marque ne caractérise par elle-même la contrefaçon que pour des produits identiques ; qu'à l'égard des produits similaires, la contrefaçon n'est constituée qu'en présence d'un risque de confusion ; qu'en se bornant à relever l'emploi de la dénomination déposée pour un " produit semblable " sans préciser s'il était identique ou similaire et si, dans ce dernier cas, il en résultait un risque de confusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux de l'enregistrement ; que l'arrêt relève par motifs adoptés, que la société Can Publishing a utilisé à l'identique, la marque déposée par la société M6 I pour désigner un article illustré de photographies, alors que l'acte de dépôt visait les photographies, journaux, périodiques et tous produits d'imprimerie ; que c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a retenu l'existence d'une contrefaçon de la marque " classe mannequin ", peu important que cet article n'ait pas fait l'objet d'une vente autonome dès lors que son intitulé reproduisait la marque déposée pour des produits identiques ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Can Publishing reproche encore à l'arrêt sa condamnation à paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la société M6 I du fait de la contrefaçon du titre " classe mannequin ", alors, selon le moyen : 1°) qu'un titre ne peut être protégé par le droit d'auteur qu'à condition de présenter en lui-même un caractère original révélant l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en retenant seulement que le titre " classe mannequin " ne "constitue pas le mode normal de désignation de la création à laquelle il s'applique" la Cour d'appel qui s'est référée au caractère non descriptif du titre, notion propre au droit des marques et étrangère au droit d'auteur, a statué par un motif impropre à établir l'originalité du titre, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 112-1 et L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que la qualité d'auteur appartient à celui sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ; qu'en accueillant l'action de la société M6 I fondée sur le droit d'auteur attaché au titre d'un magasine et d'une série télévisée, après avoir elle-même constaté que ce magasine était édité par la société TE et que la série télévisée était diffusée par la société M6, ce dont il résultait qu'à supposer que le titre "classe mannequin " fût protégeable par le droit d'auteur, le titulaire de ce droit d'auteur n'était pas la société M6 I, la cour d'appel a violé les articles L. 112-1, L. 112-4 et L. 113-1 du Code de la procédure intellectuelle ; 3°) qu'en allouant à la société M6 I une seconde indemnité pour réparer un préjudice déjà indemnisé par les dommages-intérêts alloués au titre de la contrefaçon de marque, pour le même fait, la cour d'appel a consacré une double réparation du même préjudice en violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des conclusions de la société Can Publishing que celle-ci ait contesté le droit d'auteur de la société M6 I sur le titre Classe mannequin ; que dès lors ce moyen, nouveau, mélangé de droit et de fait, est irrecevable ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Can Publishing fait encore reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts aux sociétés M6, M6 I et TE, alors, selon le moyen : 1°) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir qu'en raison de la clientèle très spécifique de sa revue, l'article incriminé n'était pas en pratique accessible au public intéressé par la série télévisée et le magazine, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que dès lors que la publication litigieuse n'était pas en elle-même illicite, le seul usage de la dénomination litigieuse, déjà doublement sanctionné au titre de la contrefaçon de marque et de droit d'auteur, ne pouvait donner lieu à une troisième condamnation au profit de la société M6 I sans violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le recours pour intituler un article illustré de photographies pornographiques à une marque antérieure destinée à désigner une série de films télévisés et une revue adressées à des adolescents, construites " autour du thème de l'innocence et de la jeunesse " était de nature à porter atteinte à cette image en l'avilissant, la cour d'appel, en prononçant une condamnation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, distincte des condamnations précédentes, a, répondant aux conclusions prétendument éludées, pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.