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Décisions

CCE, 15 décembre 1986, n° 87-69

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

X/Open Group

CCE n° 87-69

15 décembre 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, Vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification, faite le 19 août 1985, d'une série d'accords, y compris l'" accord créant l'X/Open Group " conclu entre Compagnie des machines Bull, France, Digital Equipment Corporation International (Europe), Suisse, L.M. Ericsson, Suède, International Computers Ltd, Royaume-Uni, Nixdorf Computer AG, République fédérale d'Allemagne, Ing. C. Olivetti & C. SpA, Italie, Philips International BV, Pays-Bas, Sperry Corporation (maintenant Unisys), États-Unis, et Siemens Aktiengesellschaft, République fédérale d'Allemagne, et l'accord conclu ultérieurement en vertu de ce dernier entre ces entreprises et AT&T Information Systems Inc., États-Unis, vu l'essentiel du contenu de la notification publié conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

Généralités

(1) Tous les ordinateurs requièrent un système d'exploitation qui fournit les instructions de fonctionnement que l'ordinateur doit exécuter pour remplir ses tâches. Historiquement, le concept d'architecture de machine a fait que le logiciel des systèmes d'exploitation était très étroitement lié aux composants du matériel de sorte que les systèmes d'exploitation conçus pour une architecture donnée ne pouvaient normalement pas être utilisés sur des machines d'architecture différentes. Les tâches que les utilisateurs veulent faire faire par leurs ordinateurs sont exécutées par des programmes d'application; ces derniers sont écrits en vue d'être utilisés avec un système d'exploitation déterminé et ne peuvent normalement fonctionner qu'avec ce système. Les investissements des utilisateurs en programmes d'application sont substantiels. Les utilisateurs qui envisagent l'acquisition d'un nouvel ordinateur sur lequel leurs programmes d'application existants ne pourront tourner le font en sachant qu'une telle décision peut entraîner l'opération coûteuse et de longue haleine de récrire les programmes existants ou l'acquisition d'une gamme de nouveaux programmes d'application. Les utilisateurs ont donc eu tendance à être enfermés dans les systèmes qu'ils avaient acquis, ce qui a limité leur choix ainsi que l'importance du prix et de la qualité en tant que paramètres de la concurrence entre fournisseurs de matériels et de logiciels.

(2) Ces dernières années, cependant, en commençant par les petits systèmes informatiques, plusieurs systèmes d'exploitation étendus indépendants du matériel, ont été développés et mis sur le marché pour des usages commerciaux. Pour les sociétés de logiciels, le développement de " systèmes ouverts " signifie que le marché des programmes qu'elles écrivent pour un tel système n'est pas limité aux utilisateurs de machines d'une architecture déterminée. Pour les utilisateurs, le développement de " systèmes ouverts " signifie qu'ils peuvent mélanger et appairer des matériels et des logiciels provenant des différents fournisseurs qui se fondent sur un même système et qu'ils peuvent transférer des programmes d'application entre ordinateurs (" portabilité ") pour faire face aux besoins en fonction de l'accroissement des activités, ce qui protège leurs investissements dans des programmes de cette nature pour l'avenir.

Le produit

(3) Unix (3) est un système d'exploitation mis au point à l'origine dans les années 1970 par les Laboratoires Bell d'AT&T qui en ont depuis lors développé et offert plusieurs versions; la version Unix système V est offerte depuis 1983. En 1985 AT&T a publié une " définition d'interface système V " destinée à fournir pour les applications une interface standard au système d'exploitation Unix.

(4) L'une des caractéristiques de la conception d'Unix est qu'il offre un degré élevé de portabilité et d'indépendance vis-à-vis du matériel. Il s'ensuit qu'un programme d'application écrit pour un système d'exploitation Unix peut-être transféré, sans ou avec peu de modifications, d'un ordinateur à un autre de fabrication ou de capacité différents. Cette caractéristique devrait permettre aux utilisateurs de changer de matériels sans perdre leurs investissements en logiciels.

(5) Plusieurs autres sociétés ont développé des variétés d'Unix, soit sous licence d'AT&T soit en se fondant librement sur les principes d'Unix et en évitant ainsi de devoir verser une redevance à AT&T. Seules les versions mises au point par AT&T sont offertes sous le nom d'Unix. En raison de l'absence ou du peu de standardisation, que ce soit entre les diverses versions d'Unix lui-même ou entre les diverses variétés dérivées d'Unix, le logiciel d'application écrit pour une version ou une variété donnée ne peut fonctionner sans modification avec une autre. Il existe aujourd'hui quelque 30 à 35 versions commerciales différentes qui sont utilisées sur des machines de capacités très diverses.

Les parties et la notification

(6) Le 19 août 1985, plusieurs accords ont été notifiés auxquels participent les entreprises suivantes:

- Compagnie des machines Bull, France,

- International Computers Limited, Royaume-Uni,

- Nixdorf Computer AG, République fédérale d'Allemagne,

- Ing. C. Olivetti & C., SpA, Italie,

- Siemens Aktiengesellschaft, République fédérale d'Allemagne,

- Philips International BV, Pays-Bas.

Depuis lors, les entreprises suivantes sont également devenues parties aux accords:

- LM Ericsson, Suède,

- Digital Equipment Corporation International (Europe), Suisse,

- Sperry Corporation (maintenant Unisys), États-Unis.

Les parties aux accords notifiés sont citées ci-après en tant que " les membres ".

(7) Les accords notifiés le 19 août 1985 sont les suivants:

- accord créant l'X/Open Group (ci-après " accord de groupe "),

- accord de non-divulgation,

- convention d'arbitrage.

Ces accords ont tous été conclus le 26 juin 1985 avec effet rétroactif au 30 novembre 1984.

(8) Conformément à une clause incluse dans l'accord de groupe, les membres ont également conclu un accord d'échange de renseignements avec AT&T Information Systems Inc., États-Unis, qui a pris effet le 27 septembre 1985 et dont une copie a été transmise à la Commission le 27 novembre 1985.

Les accords entre les membres

(9) L'objectif principal de l'X/Open Group établi par les membres est de tirer parti de la portabilité d'Unix pour accroître le volume des applications disponibles sur les systèmes informatiques des membres. Ce but doit être atteint par la création d'une norme industrielle ouverte consistant en un environnement commun d'application (" ECA "), stable mais évolutif, pour les logiciels fondés sur la définition d'interface système V d'AT&T.

(10) Le groupe définira cet environnement logiciel par sélection d'interfaces existantes; il n'a aucune intention première de créer de nouvelles interfaces. Le groupe fera procéder en temps utile à la standardisation des interfaces retenues par les organisations de normalisation nationales et internationales appropriées.

(11) Les décision du groupe seront prises à la majorité simple.

(12) Aux termes de l'accord de groupe, les membres examineront en particulier les demandes d'admission émanant de grands constructeurs de l'indutrie européenne de la technologie de l'information qui disposent d'une expérience propre établie concernant les système d'exploitation Unix dans cette industrie et qui s'engagent sur les objectifs du groupe.

(13) Interprétant cette clause, les membres ont indiqué qu'en vue d'assurer la capacité d'un candidat de consacrer des ressources au groupe, ils attendent que son chiffre d'affaires en technologie de l'information soit supérieur à 500 millions de dollars des États-Unis et qu'il démontre sa volonté de contribuer aux normes et lignes directrices ainsi qu'un engagement existant à l'égard des normes établies.

(14) En outre, les membres ont indiqué être conscients que les candidats qui ne réunissent pas ces critères peuvent néanmoins avoir des qualifications spéciales qui contribueront substantiellement à la réalisation des objectifs du groupe et qu'ils devraient donc être acceptés comme membres.

(15) Un membre peut démissionner à tout moment.

(16) L'accord de groupe restera en vigueur (en ce qui concerne les membres restants du groupe) aussi longtemps qu'existera le groupe.

(17) Pour rendre les discussions du groupe aussi productives que possible, l'accord de groupe prévoit un échange de renseignements techniques et d'informations sur le marché - mais non sur la commercialisation - entre les membres. Les membres ont indiqué que les renseignements techniques concerneront l'environnement Unix et que les informations sur le marché concerneront l'industrie européenne du logiciel et les besoins tant des sociétés de logiciels indépendantes que des utilisateurs finals. S'agissant des informations sur le marché, ils ont également indiqué qu'elles pourront inclure l'analyse de la structure actuelle du marché concerné pour les systèmes d'exploitation Unix. Cette analyse peut comprendre une catégorisation du marché concerné par référence au type de sytème d'exploitation (Unix, type particulier d'Unix ou autre) ou au type de matériel informatique. Elle peut aussi inclure des prévisions quant à la structure future du marché à partir de la réunion des renseignements provenant d'offrants de logiciels, de revendeurs et de groupes d'utilisateurs.

(18) La non-divulgation de renseignements confidentiels est considérée comme un élément vital de la qualité de membre. L'accord de non-divulgation prévoit la protection de ces renseignements contre l'usage non autorisé et la divulgation.

(19) Une définition des interfaces que le groupe a actuellement identifiées comme composants de l'ECA est publiée dans l'" X/open Portability Guide " qui est vendu au public. Un accord relatif aux droits d'auteur prévoit la propriété conjointe de tous les droits d'auteur présents et futurs afférents à ce manuel.

(20) Le groupe établira et tiendra à jour à l'intention des utilisateurs finals un catalogue des logiciels appropriés des membres et des fournisseurs tiers. Les membres ont indiqué que les logiciels conçus par des tiers et concurrents de produits développés par l'un ou l'autre membre du groupe ne seront pas exclus du catalogue.

(21) Les membres ne sont pas tenus de concevoir leurs produits en conformité avec l'un quelconque des éléments de l'ECA et il leur est loisible d'offrir des systèmes Unix avec des facilités additionnelles aux éléments de l'ECA ou qui améliorent ceux-ci. Ils sont également libres de choisir leurs fournisseurs et de faire leur propre publicité pour les produits qui mettent en œuvre l'ECA ou des élements de celui-ci.

(22) La convention d'arbitrage fixe la procédure à suivre en cas de litiges entre les membres.

L'accord entre les membres et AT&T

(23) En vertu de l'accord d'échange de renseignements, un échange de certains renseignements entre AT&T et les membres est envisagé par le biais de certains comité déterminés. Aux termes de l'accord, ces renseignements peuvent inclure des matières non publiées propres à l'évaluation du système d'exploitation Unix System V d'AT&T et des logiciels s'y rapportant, des stratégies non publiées pour orienter les efforts des parties dans la normalisation du système V et des versions non publiées de la séquence de programmes d'AT&T pour vérifier les applications sous système V. L'objet de cet échange est de donner aux membres la vision avancée nécessaire des modifications et actualisation futures de la définition d'interface système V pour permettre aux membres de maintenir la compatibilité entre ladite définition d'AT&T et l'X/Open Portability Guide. Il est prévu de modifier le guide afin de tenir compte de ces modifications et actualisations. Pour que les interfaces définies par AT&T puissent répondre aux besoins du marché et être adoptées par les membres, ces derniers fourniront à AT&T les renseignements techniques et informations sur le marché nécessaires à cet effet. Il n'est pas prévu d'échanger des renseignements sur la commercialisation.

(24) La confidentialité des renseignements fournis en vertu de cet accord est assurée par un accord de non-divulgation que chaque membre doit conclure avec AT&T, aux conditions annexées à l'accord d'échange de renseignements.

Les arguments des membres

(25) À l'appui de leur demande d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les membres ont exposé que l'établissement d'un environnement commun d'application pour les logiciels destinés à être utilisés dans des systèmes d'exploitation Unix constituera un développement important dans le soutien des normes ouvertes en général puisque les élements de l'ECA seront définis par référence aux normes internationales, qu'elles soient officielles ou de fait. Ils soutiennent en outre que leur définition et leur adoption d'aspects des systèmes d'exploitation Unix créent pour les offrants indépendants de logiciel un grand marché potentiel, techniquement cohérent, qui présente les attraits d'économies d'échelle nécessaires pour encourager ces offrants à concevoir leurs produits en conformité avec cet environnement. Les utilisateurs en tireront donc profit puisque la gamme de logiciels disponibles sera nettement plus grande et moins limitée par la conception du système informatique lui-même. Les membres considèrent que la promotion d'une base stable pour investir en logiciels d'application encouragera de nouveaux investissements et développements et la concurrence sur le marché de la technologie de l'information. Étant donné que les éléments de l'ECA qui seront approuvés ou adoptés par le groupe seront uniquement des éléments de base ou de niveau inférieur, les membres peuvent construire sur ces élements en concevant leurs propres produits concurrents. Les membres ont également exposé que les accords accroissent la possibilité pour chaque membre de concurrencer d'autres grandes entreprises de la technologie de l'information et que cet avantage sera étendu aux non-membres puisque les élements de l'ECA définis et adoptés par le groupe seront publiés et à la disposition de tous demandeurs.

Observations des tiers

(26) À la suite de la publication de l'essentiel du contenu de la notification au Journal officiel, l'Institut der Anwaltschaft fuer Büroorganisation et Bürotechnik GmbH en République fédérale d'Allemagne a informé la Commission qu'il soutient la demande présentée par les membres de l'X/Open Group. L'institut, filiale du Deutsche Anwaltverein, a été créé par cette association d'avocats allemands en vue, notamment, de conseiller les cabinets d'avocats dans l'utilisation de la technolgie moderne. Dans ses commentaires, l'institut souligne que, du point de vue des utilisateurs du marché sur lequel opèrent les avocats allemands, seule une coopération entre constructeurs telle que celle décrite dans la notification peut satifaire les besoins des utilisateurs en matière de portabilité.

(27) Aucune autre observation de tiers n'a été reçue.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(28) Aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

Distorsion de concurrence

(30) L'objectif des membres de l'X/Open Group est d'établir une interface standard pour une version déterminée d'Unix. Il n'existe aucune obligation pour les membres de concevoir leurs ordinateurs de telle sorte qu'ils puissent fonctionner avec la version d'Unix en question et il est peu probable qu'ils concevront tous leurs produits en vue d'une utilisation avec ce système d'exploitation, notamment parce que ce faisant ils obligeraient à changer de système informatique les utlisateurs qui ont fait des investissements substantiels dans des logiciels d'application destinés à fonctionner avec un système d'exploitation propre à l'un des membres. Il faut toutefois s'attendre à ce que les membres fassent un effort considérable pour concevoir et développer des ordinateurs sur lesquels peuvent fonctionner des programmes d'application qui mettent en œuvre l'ECA et pour concevoir eux-mêmes ces logiciels.

(31) Les membres sont tous des entreprises d'une taille importante dans l'industrie informatique, qui sont toutes sises dans la Communauté ou y exercent des activités. S'ils sont de force variable sur les marchés pour différentes catégories d'ordinateurs et si leur position sur ces marchés diffère d'État membre à État membre, ils constituent néanmoins, pris collectivement, un potentiel substantiel pour les sociétes de logiciels qui offrent leurs produits en vue d'une utilisation dans le Marché commun, du fait que les programmes d'application qui mettent en œuvre l'ECA peuvent fonctionner sur une large gamme de machines offertes par les membres. Les sociétés de logiciels devraient donc être très intéressées à concevoir des programmes d'application qui mettent en œuvre les définitions du groupe, ce qui, à son tour, peut également inciter d'autres constructeurs de matériels à les mettre en œuvre.

(32) Les définitions qu'adopte le groupe sont mises à la disposition du public. À cet égard, elles constituent une norme industrielle ouverte. Contrairement aux membres, cependant, les non-membres ne peuvent influer sur les résultats des travaux du groupe et n'obtiennent ni le savoir-faire ni la compréhension technique relatifs à ces résultats que les membres sont susceptibles d'acquérir. En outre, les non-membres ne peuvent appliquer la norme avant qu'elle ait été rendue publiquement disponible alors que les membres sont plus tôt en mesure de mettre en œuvre les interfaces définies par le groupe, puisqu'ils connaissent plus tôt les définitions finales ainsi que, éventuellement, l'orientation des travaux. Dans une industrie où le temps d'avance peut être un facteur d'une importance considérable, l'appartenance au groupe peut ainsi conférer aux membres un avantage concurrentiel sensible sur les autres offrants de matériels et logiciels. Si l'on considère l'importance croissante que revêtira vraisemblablement la norme, cet avantage en temps d'avance affecte directement les possibilités pour les non-membres d'entrer sur le marché. Il est de nature différente de l'avantage concurrentiel que les participants à un projet de recherche et développement espèrent naturellement obtenir sur leurs concurrents en offrant un nouveau produit sur le marché; ils espèrent que leur nouveau produit entraînera une demande des utilisateurs, mais leurs concurrents ne sont pas empêchés de développer un produit concurrent, alors que, dans le cas présent, les non-membres qui désirent appliquer la norme ne peuvent le faire avant qu'elle devienne publiquement disponible et, partant, sont mis dans une situation de dépendance par rapport aux définitions des membres et à leur publication.

(33) Si le groupe était ouvert à toute entreprise disposée à s'engager sur les objectifs du groupe, aucune entreprise ne serait empêchée de faire concurrence aux membres du groupe sur une base d'égalité.

(34) Aux termes de l'accord de groupe, les membres décident de l'admission de nouveaux membres mais ils examineront en particulier les candidatures de grands constructeurs de l'industrie européenne de la technologie de l'information disposant d'une expérience Unix et s'engageant sur les objectifs du groupe (points 11 et 12). Les sociétés concurrentes qui s'engagent sur les objectifs du groupe mais ne sont pas de " grands constructeurs " réalisant un chiffre d'affaires en technologie de l'information supérieur à 500 millions de dollars des États-Unis (point 13) sont susceptibles d'être exclues de l'admission. Même les sociétés réunissant ces critères peuvent, cependant, être exclues de l'admission puisque celle-ci doit être approuvée à la majorité (point 11). Les membres disposent par conséquent du pouvoir d'exclure des candidats qui réunissent les critères fixés pour l'admission. Étant donné que le groupe examinera " en particulier " les sociétés réunissant lesdites conditions d'admission, il apparaît également que les sociétés ne remplissant pas ces conditions mais qui ont " des qualifications spéciales qui contribueront substantiellement à la réalisation des objectifs du groupe " (point 14), peuvent néanmoins être admises au groupe. Outre qu'elles excluent l'admission de sociétés concurrentes, les conditions d'admission laissent ainsi la porte ouverte à un traitement éventuellement discriminatoire des candidatures.

(35) En l'espèce, une distorsion sensible de la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 peut découler de décisions futures du groupe en matières d'interfaces en combinaison avec des décisions sur l'admission de nouveaux membres au groupe.

(36) L'échange de renseignements entre les membres (point 17) et entre ceux-ci et AT&T (point 23) concerne des renseignements techniques relatifs à l'environnement Unix et des informations sur le marché concernant les besoins des utilisateurs. L'objectif particulier du groupe, à savoir la création d'une norme industrielle ouverte, ne peut être réalisé sans un échange de renseignements techniques entre les membres et avec AT&T et les parties ne peuvent considérer et évaluer ces renseignements techniques en faisant abstraction de la structure et des besoins du marché. Il est donc naturel de prévoir l'échange de ces renseignements.

(37) Les membres sont concurrents dans l'offre de machines sur lesquelles peuvent fonctionner des programmes d'application qui mettent en œuvre l'ECA. Ils sont aussi concurrents d'AT&T bien que les programmes mettant en œuvre l'ECA ne puissent fonctionner avec la version d'Unix utilisée par AT&T sans certaines modifications. Toutefois, ni l'accord de groupe ni l'accord entre les membres et AT&T ne prévoient un échange de renseignements sur les prix, la clientèle, les positions sur le marché, les plans de production ou d'autres informations sensibles concernant les marchés des produits des parties. L'accord de groupe prévoit uniquement d'échanger les informations nécessaires aux membres pour établir l'ECA et l'accord avec AT&T prévoit uniquement l'échange des renseignements nécessaires pour permettre aux membres la prévision nécessaire des modifications et actualisations futures de la définition d'interface système V pour maintenir la compatibilité entre ladite définition d'AT&T et l'X/Open Portability Guide.

(38) L'échange de renseignements ne limite pas les parties dans leur liberté de déterminer leur comportement sur le marché de manière indépendante. Dans le contexte de l'espèce, il n'y a aucun motif de présumer que l'échange de renseignements ira au-delà de ce que prévoient les accords ou qu'il entraînera un comportement concerté des parties. S'agissant, notamment, de l'échange de renseignements sur le marché, on peut noter que, en l'absence d'une coopération plus ample entre les parties, une étude des marchés en commun, destinée à recueillir les renseignements et à constater des faits et les conditions du marché, n'affecte pas par elle-même la concurrence; la concurrence entre les membres n'est pas non plus affectée par l'établissement en commun d'analyses structurelles. Dans la mesure où les membres conçoivent leurs produits pour qu'ils soient conformes à l'ECA, un échange de renseignements tel que celui prévu peut, en fait, aider à accroître la concurrence entre les membres et entre ceux-ci et AT&T parce qu'en l'absence d'un tel échange de renseignements les utilisateurs pourraient ne pas être libérés de leur dépendance vis-à-vis d'un fournisseur unique. En fonction des éléments disponibles, on peut donc conclure que les clauses relatives à l'échange de renseignements n'ont pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

(39) L'accord de non-divulgation est une simple sauvegarde juridique naturelle et la convention d'arbitrage ne fait que fixer la procédure à suivre en cas de litige. Aucun de ces accords n'a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

Commerce entre États membres

(40) Les membres se proposent de commercialiser dans tous les États membres de la Communauté européenne les produits qui mettront en œuvre les définitions du groupe. L'accord de groupe peut donc influencer directement le flux des produits fabriqués par les membres et indirectement celui des produits fabriqués par des non-membres et concurrents de ceux des membres. Les échanges entre États membres sont, dès lors, susceptibles d'être affectés de manière sensible.

Conclusion

(41) Partant, l'accord de groupe est visé par les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 en ce qu'il concerne les critères d'admission et l'exigence de décisions à la majorité pour admettre de nouveaux membres.

B. Article 85 paragraphe 3

Bilan global des avantages et inconvénients

(42) En l'espèce, la Commission considère que les avantages découlant de la création d'une norme industrielle ouverte (notamment la création proposée d'une plus large disponibilité de logiciels et une plus grande flexibilité offerte aux utilisateurs dans le choix de matériels et de logiciels provenant de sources différentes) l'emportent aisément sur les distorsions de concurrence résultant des règles qui régissent l'admission et qui sont indispensables pour atteindre les objectifs de l'accord de groupe. En fait, les avantages concurrentiels que confèrent aux membres leur capacité de restreindre l'admission au groupe et les distorsions de concurrence qui en découlent, sont réduits par l'intention déclarée du groupe de mettre les résultats de la coopération à disposition aussi largement et rapidement que possible. Cette même intention accroît également les avantages objectifs que promouvra la coopération. La Commission considère que la volonté du groupe de mettre les résultats à disposition aussi rapidement que possible est un élément essentiel dans sa décision d'accorder une exemption.

Les motifs détaillés amenant à conclure que l'article 85 paragraphe 3 est applicable sont exposés ci-après.

Promotion du progrès technique

(43) L'accord de groupe contribue à promouvoir le progrès technique en instituant un environnement commun d'application pour les logiciels destinés à fonctionner avec des systèmes d'exploitation Unix. Grâce à cette norme industrielle ouverte, des sociétés de logiciel indépendantes, et éventuellement les membres, pourront développer des programmes d'application qui, dans le cas contraire, auraient pu ne pas être développés parce que, en l'absence de l'accord, les marchés à cibler n'auraient pas offert des perspectives commerciales suffisantes justifiant le début du travail de conception. L'intention déclarée du groupe est de mettre les résultats de la coopération à disposition aussi largement et rapidement que possible. Par conséquent, les constructeurs de matériels et sociétés de logiciels non-membres disposeront dans un délai minimal des renseignements nécessaires leur permettant de fabriquer des produits compatibles.

Profit des utilisateurs

(44) En raison de l'accord, les utilisateurs sont susceptibles de se voir offrir un plus large choix de programmes d'application qui ou bien exécutent le même travail ou bien exécutent des travaux pour lesquels, en l'absence de l'accord, aucun programme n'aurait été disponible. De plus, l'accord implique que les programmes qui seront développés seront nettement moins limités par l'architecture des ordinateurs. Les principaux investissements des utilisateurs étant réalisés dans les logiciels, les utilisateurs ne désirent généralement pas acquérir une nouvelle machine sur laquelle leurs logiciels existants ne peuvent fonctionner, ce qui a tendu à rendre les utilisateurs dépendants des constructeurs de leurs systèmes. Étant donné que le groupe définit un environnement commun d'application, l'accord de groupe implique, par conséquent, que les utilisateurs auront de meilleures possibilités de mélanger les matériels et logiciels provenant de fournisseurs différents et de remplacer leur matériel sans devoir aussi remplacer leur logiciel. Ceci constitue un avantage majeur pour les utilisateurs, comparativement à la situation actuelle (point 26).

Caractère indispensable

(45) Les objectifs du groupe ne pourraient être atteints si toute entreprise disposée à s'engager sur les objectifs du groupe avait le droit d'en devenir membre. Ceci créerait des difficultés pratiques et logistiques dans la gestion du travail et empêcherait éventuellement l'adoption de propositions appropriées. La manière dont l'adhésion au groupe est limitée est indispensable pour atteindre les objectifs positifs du groupe. L'accord de groupe requiert que les membres soient des grands constructeurs de l'industrie européenne de la technologie de l'information disposant d'une expérience Unix. C'est seulement de telles entreprises que l'on peut normalement attendre qu'elles soient en mesure de mettre des ressources appropriées de toutes sortes à la disposition des activités du groupe. L'accord requiert, en outre, que l'admission des nouveaux membres soit approuvée par un vote majoritaire. Ceci permet à une majorité des membres d'empêcher l'admission de sociétés qui pourraient avoir un effet négatif sur la coopération et sur la réalisation des objectifs du groupe. Les membres sont le mieux à même de déterminer et de mesurer les avantages et les inconvénients de l'admission d'un nouveau membre pour l'efficacité des travaux du groupe. La simple difficulté pratique de réunir des représentants des membres ayant pouvoir d'engager leur société sans discussions interminables augmente considérablement avec le nombre des membres. La condition du vote majoritaire donne également aux membres une autre possibilité de limiter le nombre des membres à un niveau maniable. Le fait que les membres sont en mesure d'admettre des candidats qui ne réunissent pas les critères généraux implique, d'autre part, qu'il est possible d'admettre des sociétés qui ne sont pas de grands contructeurs mais qui peuvent être à même de contribuer substantiellement aux travaux du groupe. Parce que des jugements tant qualitatifs que quantitatifs peuvent être requis pour garantir que de nouveaux membres n'entravent pas les travaux du groupe, un certain pouvoir discrétionnaire d'admission est nécessaire.

Non-élimination de la concurrence

(46) Les produits que les membres développeront et qui mettront en œuvre les définitions du groupe seront offerts par les membres en concurrence mutuelle et en concurrence avec des produits similaires développés et offerts par des tiers. Partant, l'accord de groupe ne donne pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

Conclusion

(47) Toutes les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 sont dès lors réunies.

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(48) L'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17 dispose que, lorsque la Commission rend une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité, elle indique la date à partir de laquelle sa décision prend effet. Cette date ne saurait être antérieure au jour de la notification.

(49) L'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17 dispose que la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges.

(50) L'accord de groupe a été notifié le 19 août 1985. Il a été conclu avec effet rétroactif au 30 novembre 1984 et ce pour une période indéterminée (point 16).

(51) La période allant jusqu'au 30 novembre 1990 devrait donner aux membres suffisamment de temps pour décider des définitions à adopter. De plus, cette période permettra à la Commission de réévaluer la coopération entre les membres et ses répercussions sur les non-membres dans un délai raisonnable. Il est, dès lors, opportun d'accorder une exemption du 19 août 1985 au 30 novembre 1990.

(52) Bien que les conditions d'admission soient indispensables, elles peuvent être appliquées de façon déraisonnable. Afin d'assurer que les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 sont réunies pendant la période susvisée, il est, dès lors, nécessaire que le groupe soumette à la Commission un rapport annuel sur les cas dans lesquels des demandes d'admission auront été rejetées et qu'il informe immédiatement la Commission de tout changement intervenant dans la liste des membres,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables pour la période allant du 19 août 1985 au 30 novembre 1990 à l'" accord créant l'X/Open Group " conclu par les parties mentionnées ci-après à l'article 5 points 1 à 9, dénommées ci-dessous " les membres ".

Article 2

La présente décision est assortie des charges suivantes:

a) les membres garantissent que la Commission sera immédiatement informée de tout changement dans la liste des membres de l'X/Open Group;

b) les membres garantissent que la Commission recevra un rapport annuel sur tous les cas dans lesquels une demande d'admission à l'X/Open Group aura été rejetée dans la période de référence. Le premier rapport de cette nature sera soumis au plus tard le 30 novembre 1987 et les rapports ultérieurs au plus tard le 30 novembre des années suivantes.

Article 3

En fonction des éléments dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir, en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité, à l'égard de l'accord de non-divulgation et de la convention d'arbitrage conclus entre les membres.

Article 4

En fonction des éléments dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir, en vertu de l'article 85 paragraphe 1, à l'égard de l'accord d'échange de renseignements conclu entre les parties mentionnées à l'article 5 points 1 à 10.

Article 5

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

1) Compagnie des machines Bull

121, avenue de Malakoff,

F-75116 Paris;

2) Digital Equipment Corporation International

(Europe),

12, avenue des Morgines,

case postale 510,

CH-1213 Petit-Lancy 1, Genève;

3) Telefonaktiebolaget L. M. Ericsson,

S-126 25 Stockholm;

4) International Computers Limited,

ICL House,

Putney,

GB-London SW15 1SW;

5) Nixdorf Computer AG,

Fürstenallee 7,

D-4790 Paderborn;

6) Ing. C. Olivetti & C., SpA,

via G. Jervis 77,

I-10015 Ivrea;

7) Philips International BV,

PO box 218,

Groenewoudseweg 1,

NL-5600 MD Eindhoven;

8) Siemens Aktiengesellschaft,

Wittelsbacherplatz 2,

D-8000 München 2;

9) Unisys Corporation,

Mail Station B307M,

PO box 500,

Blue Bell,

PA 19424-USA;

10) AT&T Information Systems,

100 Southgate Parkway,

Morris Township 07960,

Morristown,

New Jersey,

USA.

Notes

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 250 du 7.10.1986, p. 2.

(3) Unix est une marque déposée des AT&T Bell Laboratories.