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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 19 juin 2002, n° 98-15135

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tele Boutet Vidéo (SARL)

Défendeur :

Bang & Olufsen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

M. Blin, Mme Acquaviva

Avoués :

SCP Tollinchi-Perret-Vigneron, SCP Sider

Avocats :

Mes Pacini, Chatelain

CA Aix-en-Provence n° 98-15135

19 juin 2002

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 16 juin 1997, la SA Bang & Olufsen France a assigné devant le Tribunal de commerce d'Antibes la SARL Télé Boutet Vidéo afin d'obtenir qu'il lui fût fait défense sous astreinte d'exposer ou de vendre les produits de cette marque commercialisés par un réseau de distribution sélective et qu'elle fût condamnée au paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial et de celle de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 12 juin 1998, il a été fait droit aux demandes dans leur principe, l'astreinte, les dommages-intérêts et les frais non compris dans les dépens étant fixés aux sommes respectives de 15 000, 5 000 et 5 000 F. Le 6 août 1998, la société Télé Boutet Vidéo a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives déposées le 26 décembre 2001, la société appelante propose tout d'abord une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt de la société intimée aux motifs que le 11 janvier 1983, elle a conclu avec la société Bang & Olufsen France; 97-99, rue de Damrémont à Paris (18e) un contrat de distribution et que la société appelante, dont le siège social est différent, ne justifie pas être la même personne morale ou venir à ses droits.

La société Télé Boutet Vidéo fait ensuite valoir :

- que le contrat du 11 janvier 1983, auquel est d'ailleurs partie la société Bang & Olufsen Danemark, prévoyait une faculté de résiliation sous préavis de trois mois qui n'a jamais été mise en œuvre,

- que le tribunal de commerce a cru devoir estimer qu'il avait été résilié tacitement pour n'avoir donné lieu à aucune exécution depuis plus de dix ans, ce qu'il appartenait à la société Bang & Olufsen France de démontrer,

- que le chiffre minimal d'achat prévu au contrat n'a jamais été fixé par la société Bang & Olufsen France ou la société Bang & Olufsen Danemark,

- qu'un revendeur hors réseau qui justifie d'une source d'approvisionnement dont le caractère illicite n'est pas établi ne se rend pas coupable de concurrence déloyale,

- que les premiers juges ont violé les dispositions des articles 85 § I et 3 et 1, 2 et 3 du règlement n° 123-85 de la Commission,

- qu'il est de principe que le fait pour un revendeur de commercialiser des produits en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficiait à sa connaissance un concessionnaire exclusif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale,

- que la Société Bang & Olufsen France ne prouve pas que le contrat du 11 janvier 1983 n'a pas connu exécution,

- que le revendeur Bang & Olufsen Nice lui a livré sans difficulté,

- que le procès-verbal de constat du 11 décembre 1996 est sans valeur probante en ce qui concerne le matériel décrit.

La société appelante demande en conséquence, outre l'infirmation de la décision entreprise, que la société Bang & Olufsen France soit déclarée irrecevable en sa demande, qu'elle en soit déboutée et qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Bang & Olufsen France fait valoir par conclusions récapitulatives déposées le 23 janvier 2002 :

- que son réseau de distribution a fait l'objet d'une lettre de classement de la Commission des Communautés européennes du 10 août 1989,

- que le contrat du 11 janvier 1983 n'a jamais été réellement exécuté et les deux parties ont cessé toute relation il y a plus de dix ans,

- qu'elle justifie de son identité sociale depuis 1983,

- que la société Télé Boutet Vidéo ne justifie pas de l'exécution du contrat,

- que l'approvisionnement par des intermédiaires non-agréés auprès de distributeurs agréés en violation d'un réseau de distribution sélectif est constitutif de concurrence déloyale,

- que le préjudice qui lui a été causé est considérable.

Formant appel incident, la société Bang & Olufsen France demande dès lors, outre la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts, sa condamnation au paiement de la somme de 15 500 euro à titre de dommages-intérêts et de celle de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'instruction a été déclarée close le 31 janvier 2002, les avoués en ayant été informés par lettre du 7 janvier 2002 et les débats fixés au 6 février 2002. L'affaire a cependant été renvoyée au 15 mai 2002 en raison de la grève du barreau de Grasse.

Motifs de la décision :

Attendu que la recevabilité des appels, tant principal qu'incident, n'est pas contestée ; qu'en l'absence de moyen constitutif de fin de non-recevoir susceptible d'être relevé d'office, il convient de les déclarer recevables.

Attendu, sur la fin de non-recevoir proposée par la société Télé Boutet Vidéo, que cette contestation est en toute hypothèse inopérante puisque l'action de la société Bang & Olufsen France n'a aucun fondement contractuel;

- qu'au demeurant, la société Bang & Olufsen France justifie de la continuité de sa personnalité morale depuis 1983 par la production, outre des extraits successifs du registre du commerce et des sociétés, du procès-verbal de son assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 1982 ayant décidé le transfert de son siège social du 99, rue Damrémont à Paris (18e) au rue du Port à Clichy (Seine-Saint-Denis), du procès-verbal du conseil d'administration du 4 septembre 1992 ayant décidé ledit transfert au 19, rue des Bretons à la Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et du procès-verbal du 6 octobre 1999 ayant transféré son siège à son adresse actuelle, 141, rue Jules-Guesde à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Attendu que la révocation d'un contrat à durée indéterminée peut être tacite sans qu'il soit nécessaire d'imposer à la partie qui s'en prévaut la charge d'apporter la preuve écrite du consentement mutuel des parties ;

- qu'il appartient à la partie qui invoque la poursuite des relations contractuelles d'en rapporter la preuve par tous moyens ;

- que la société Télé Boutet Vidéo, qui ne verse aux débats que le contrat du 11 janvier 1983 à l'exclusion de toute autre pièce, ne justifie d'aucune exécution de ce contrat alors, au surplus, qu'elle reconnaît s'être approvisionnée en produits Bang & Olufsen auprès d'un revendeur agréé;

- que le contrat du 11 janvier 1983 ne stipulait aucune durée et était résiliable sous préavis de trois mois ;

- qu'à la date des constatations de l'huissier de justice requis par la société Bang & Olufsen France, la société Télé Boutet Vidéo et celle-ci n'étaient plus liées par un contrat inexécuté depuis plus de dix années ;

- que la société Télé Boutet Vidéo est donc étrangère au réseau de distribution sélective mis en place par la société Bang & Olufsen France et dont la licéité, d'ailleurs admise par la Commission des Communautés européennes, n'est pas contestée.

Attendu que si la vente hors réseau n'est pas en elle-même constitutive de concurrence déloyale, le tiers qui se procure des produits auprès d'un membre agréé participe directement à la violation de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive;

- que sa responsabilité est engagée en application des dispositions de l'article 36-6 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 applicable aux faits de l'espèce.

Attendu qu'il résulte des énonciations non contestées du procès-verbal de constat que le gérant de la société appelante, M. Georges Casazza, a reconnu avoir " rarement " acheté un produit Bang & Olufsen à un revendeur agréé pour " le revendre au même prix à son client "

- que la société Télé Boutet Vidéo qui connaissait, pour l'avoir approuvée en signant le contrat du 11 janvier 1983, l'interdiction faite au revendeur agréé a ainsi engagé sa responsabilité à l'égard de la société intimée.

Attendu que l'atteinte ainsi portée à la Société Bang & Olufsen France n'étant que sporadique en l'état des éléments soumis à la Cour, il convient de confirmer le jugement entrepris.

Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande d'écarter en l'espèce l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels, a Confirme la décision entreprise, Condamne la société Télé Boutet Vidéo à payer à la société Bang & Olufsen France la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Télé Boutet Vidéo aux dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle Pierre Sider & Jean-Michel Sider, titulaire d'un office d'avoué près la Cour, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.