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Décisions

Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-13.425

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Groupe Volkswaqen France (Sté)

Défendeur :

Delaby (ès qual.), Veltour (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Aubert

Avocats :

SCP Defrenois, Levis, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

T. com. Soissons, du 10 juill. 1998

10 juillet 1998

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 1999), que la société VAG France, devenue Groupe Volkswagen France (la société concédante), importateur exclusif en France des véhicules de marque Volkswagen et Audi, a conclu, le 18 janvier 1990, un contrat de concession exclusive avec la société Veltour (la société concessionnaire) pour la distribution des véhicules automobiles dans la région de Soissons en disposant, néanmoins, à Villers-Cotterêts d'une structure propre de distribution et de service, VAG services; que la société concessionnaire a connu des difficultés de trésorerie à la fin de l'exercice 1993 et a reçu diverses aides de la société concédante pour lui permettre de poursuivre son activité jusqu'à la mise en place d'une cession; que la société Holdel s'étant présentée comme repreneur, le tribunal a nommé M. Berkowicz aux fonctions de mandataire ad hoc par ordonnance du 24 avril 1995 afin d'assister la société concessionnaire dans la négociation ; que la négociation ayant échoué, la société concessionnaire a déclaré la cessation de ses paiements le 22 décembre 1995 et a été mise en redressement judiciaire le même jour, M. Berkowicz étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire; que le tribunal a arrêté le plan de cession des actifs de la société concessionnaire le 18 octobre 1996 et désigné M. Delaby en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que M. Berkowicz et M. Delaby ont assigné, le 6 janvier 1997, la société concédante pour la voir condamner à réparer le préjudice subi par les créanciers de la société concessionnaire en raison de l'aggravation du passif découlant du soutien apporté à une exploitation déficitaire et des conditions dans lesquelles elle avait procédé à la cession séparée de sa propre structure commerciale; que M. Berkowicz s'est ensuite désisté de sa demande;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société concédante fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action du commissaire à l'exécution du plan, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la combinaison des articles 67, alinéa 1er, et 68 de la loi du 25 janvier 1985 que le commissaire à l'exécution du plan est en principe nommé pour la durée du plan, mais que, par exception, sa mission ne dure que jusqu'au paiement intégral du prix de cession, que ce paiement ait lieu avant ou après l'expiration du plan; qu'ainsi, en déclarant recevable l'action en responsabilité engagée le 6 janvier 1997 par M. Delaby, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société concessionnaire, à l'encontre de la société concédante, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le prix de cession n'avait pas déjà été intégralement payé à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 67, alinéa 1er, et 88 de la loi du 25 janvier 1985;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que l'article 88 de la loi du 25 janvier 1985 a pour seul objet de prolonger au-delà de la durée du plan de cession la mission du commissaire à l'exécution du plan jusqu'au paiement intégral du prix de cession;, que la cour d'appel n'ayant pas eu à constater que la durée du plan était expirée lors de l'introduction de l'action, n'avait pas à rechercher la date à laquelle le prix de cession avait été payé; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : Attendu que la société concédante fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se prononçant comme elle a fait, après avoir constaté que les créanciers du concessionnaire connaissaient les négociations en vue de sa cession et qu'ils s'étaient engagés sur le principe d'un abandon de créance, ce dont il résultait que ceux-ci avaient connaissance de la situation financière de la société concessionnaire lorsque la société concédante lui a apporté son concours, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du Code civil; 2°) qu'en se prononçant comme elle a fait, après avoir constaté que la société concessionnaire ne se trouvait pas dans une situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel, qui n'a pas fait apparaître que la société concédante avait pratiqué une politique de crédit ruineux, devant nécessairement et évidemment provoquer une croissance continue et insurmontable des charges financières de la société concessionnaire, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil; 3°) que, dans ses conclusions régulièrement signifiées le 26 septembre 1998, la société concédante avait fait valoir que la société Holdel avait subordonné le rachat de la société concessionnaire à l'acquisition préalable, par elle-même, de la société VAG services située à Villers-Cotterêts et que M. Berkowicz, mandataire ad hoc désigné par le Tribunal de commerce de Soissons pour aider la société concessionnaire dans ses négociations, avait donné son accord pour cette cession préalable; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, pourtant de nature à établir l'absence de toute faute du concédant résultant de la cession de la société VAG services, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'après avoir décidé, en accord avec la société concessionnaire, de céder à un repreneur cette société et la société VAG services et justifié son soutien financier par la recherche de cette cession conjointe, la société concédante a négocié avec la société Holdel, candidate à la reprise, la cession séparée de la société VAG services à l'insu de la société concessionnaire, et qu'en s'abstenant de lier la vente des deux entités, tandis qu'elle savait que la cession conjointe était une condition de survie de la société concessionnaire, elle a compromis l'unique chance pour la société concessionnaire de retrouver une viabilité économique et financière et fait le jeu de la société Holdel qui a ensuite rompu les pourparlers de cession; qu'il retient, encore, que la société concédante a engagé sa responsabilité à l'égard des créanciers de la société concessionnaire qui ont eu connaissance de la poursuite de l'approvisionnement de la concession de la négociation engagée en vue de la cession et de l'éventualité d'un abandon de créance pour avoir entretenu auprès d'eux la croyance illusoire en une reprise et différé ainsi, de plusieurs mois, l'ouverture d'une procédure collective; que, par ces seuls motifset répondant ainsi en les écartant aux conclusions évoquées à la troisième branche, la cour d'appel, qui a caractérisé la faute commise par la société concédante ayant causé un préjudice aux créanciers de la société concessionnaire, a légalement justifié sa décision; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société concédante fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 2 957 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen: 1°) que, dans ses conclusions régulièrement signifiées le 20 novembre 1998, la société concédante faisait valoir que sa créance sur la société concessionnaire n'étant que de 2 005 904,51 francs, elle ne pouvait avoir envisagé d'abandonner une créance de 2 300 000 francs si la cession de la société concessionnaire avait été réalisée en même temps que celle de la société VAG services; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, pourtant de nature à réduire considérablement le montant des dommages-intérêts tels que fixés par les juges du fond, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que, dans ses conclusions régulièrement signifiées le 20 novembre 1998, la société concédante faisait valoir, d'une part, que la BNP n'avait jamais précisé le montant de la créance à laquelle elle consentait à renoncer et, d'autre part, qu'il avait été convenu avec la société Holdel que le concédant ne renoncerait à sa créance qu'à hauteur de la somme de 1 468 041,81 francs, ceci résultant notamment d'un courrier adressé à cette société le 21 septembre 1995 ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, pourtant de nature à réduire le montant des dommages-intérêts tels que fixés par les juges du fond, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu qu'en fixant le montant du préjudice subi par les créanciers de la société concessionnaire au montant des abandons de créance consentis par les créanciers dans la perspective d'une reprise par la société Holdel, la cour d'appel, répondant par là même aux conclusions invoquées, a estimé que les abandons de créance promis respectivement par la société concédante et par la BNP s'élevaient aux sommes de 2 300 000 francs et 495 000 francs, représentant 100 % et 50 % de leurs créances respectives; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.