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Décisions

CA Douai, 2e ch., 17 septembre 1998, n° 96-03387

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agricole de Francières (SA)

Défendeur :

Bonduelle (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gosselin

Conseillers :

Mmes Laplane, Fontaine

Avoués :

Mes Levasseur-Castille-Lambert, Masurel-Thery

Avocats :

Mes Bonat, Lemistre.

TGI Hazebrouck, du 28 févr. 1996

28 février 1996

Par jugement rendu le 28/02/1996, le Tribunal de grande instance d'Hazebrouck statuant commercialement a dit que le non-renouvellement des contrats annuels entre la société Bonduelle et la société Agricole de Francières ne présentait aucun caractère abusif ;

a rejeté le surplus des demandes des parties ;

a condamné la société Agricole de Francières à payer à la société Bonduelle la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 10 avril 1996, la SA société agricole des Francieres a fait appel de cette décision.

Par conclusions déposées les 08/08/1996 et 01/08/1997, la société Agricole de Francières demande de dire que la société Bonduelle a commis un abus dans l'exercice de son droit de ne plus contracter avec elle, de condamner la société Bonduelle au paiement de la somme de 10 275 000 F outre les intérêts au taux légal à compter du 07/01/1994 ;

de dire que les intérêts échus et à échoir seront capitalisés dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;

de condamner la société Bonduelle au paiement de la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Elle expose :

- que les contrats annuels ont été conclus avec la société Agricole de Francières sans discontinuer de 74 à 93 ;

- que si Bonduelle n'avait pas à motiver sa décision de rupture unilatérale de leurs relations, elle doit néanmoins la justifier ; que les motifs allégués ne sont pas légitimes ;

- qu'en effet Bonduelle ne peut lui reprocher de s'être affranchie de la procédure de conciliation prévue aux contrats de culture ;

- qu'un manquement au devoir de loyauté dans l'exécution du contrat peut dégénérer en abus de droit lors de sa rupture ;

- que la société Agricole de Francières étant dans un état de dépendance complet vis-à-vis de Bonduelle ;

- que la rupture a été brutale et n'est pas intervenue en temps utile pour lui permettre de trouver un autre cocontractant ;

- que Bonduelle a ainsi agi avec malice, et avec mauvaise foi ;

- que la rupture est donc abusive ;

Par conclusions déposées le 10 décembre 1996, la SA Bonduelle sollicite la confirmation de la décision entreprise, y ajoutant la condamnation de la société Agricole de Francières au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Elle fait valoir :

- que la seule limite apportée au droit de ne pas renouveler est que l'exercice de ce droit ne soit pas abusif ;

- que l'abus ne peut résulter de la motivation du non-renouvellement puisque ce dernier n'a pas à être motivé ;

- qu'un cocontractant peut être sanctionné au titre de l'obligation de loyauté s'il laisse voir que le contrat va être renouvelé et qu'en fait il ne le renouvelle pas ;

- qu'en l'espèce elle a prévenu la société Agricole de Francières en temps utile ;

- qu'elle n'a nullement agi dans l'intention de lui nuire ;

- qu'elle devait réduire de façon significative sa production ;

- qu'avec le groupement des producteurs il a été choisi d'exclure tout d'abord la société Agricole de Francières qui s'était affranchie de toute procédure de conciliation dans le cadre d'un litige sur la qualité d'une livraison d'épinards ;

- que la société Agricole de Francières n'établit aucun préjudice réparable ;

SUR CE

Le tribunal a considéré à juste titre que l'ancienneté des rapports contractuels ne pouvait donner à un contrat à durée déterminée une durée indéterminée ;

La société Bonduelle était en droit de refuser le non-renouvellement du contrat annuel passé avec la société Agricole de Francières à condition que cette rupture n'ait pas un caractère abusif ;

Enfin la société Bonduelle n'avait pas à donner de motif au non renouvellement du contrat passé avec la société Agricole de Francières, cette dernière ne disposant donc pas d'un droit à la poursuite du contrat;

Aussi l'abus de droit ne saurait-il être constitué par les motifs de rupture même s'ils se révélaient fallacieux ou non sérieux ;

En conséquence il n'est pas nécessaire d'examiner les motifs invoqués par Bonduelle à l'appui de la rupture ;

D'autre part il résulte des pièces produites par la société Agricole de Francières qu'en 1996, 1997 soit quatre ans après la rupture elle n'avait toujours pas trouvé d'autre cocontractant ;

Il s'ensuit que cette situation ne peut être imputée à la société Bonduelle ;

Aussi la société Agricole de Francières ne peut-elle démontrer l'intention de nuire qui aurait animé la société Bonduelle, en soutenant qu'elle l'avait informée, trop tard dans la saison, du non-renouvellement du contrat, l'empêchant ainsi volontairement de trouver un autre partenaire ;

Par ailleurs l'abus de droit peut être assimilé au manquement de loyauté contractuelle ;

En l'espèce la rupture a été dénoncée avant l'expiration contractuelle du contrat ;

Or s'agissant d'un contrat à durée déterminée, cette mesure n'était pas obligatoire ;

Il résulte des procédures mises en place par la société Bonduelle et le groupement des producteurs que la décision d'éviction était portée à la connaissance du producteur concerné courant novembre, que les contrats avec les nouveaux producteurs étaient conclus fin février ;

La société Agricole de Francières a été prévenue fin octobre 1993 du non-renouvellement du contrat pour la prochaine campagne ;

La société Agricole de Francières n'établit pas s'être engagée dans des investissements importants sur la demande de Bonduelle ;

Enfin l'ancienneté des relations contractuelles ne saurait à elle seule constituer un élément fautif à la charge de Bonduelle dans la rupture ;

Ainsi la société Agricole de Francières ne démontre pas à l'encontre de l'intimée de manquement à son obligation de loyauté ;

Enfin la société Agricole de Francières qui réservait moins de 65 hectares aux cultures destinées à Bonduelle sur une exploitation de 1 200 hectares ne saurait soutenir être en état de dépendance économique vis-à-vis de Bonduelle ;

D'autre part les relations entre les usines de Bonduelle et les producteurs sont organisées de façon collective ; le groupement des producteurs assure la représentation collective de ses adhérents auprès de Bonduelle et le respect des régies de production et de qualité préalablement déterminées ;

Chaque année des producteurs reprennent leur liberté et cessent leurs relations avec Bonduelle ;

De même celle-ci qui doit s'adapter aux tendances du marché ne renouvelle pas un certain nombre de contrats ;

Mais c'est en concertation avec le groupement des producteurs qu'elle décide de l'éviction de tel ou tel producteur ;

Dans ces conditions il ne saurait y avoir abus de position dominante de la part de Bonduelle ;

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé ;

Il sera alloué à la société Bonduelle la somme globale de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les dispositions au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Agricole de Francières à payer à la société Bonduelle la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Agricole de Francières aux dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Masurel-Thery, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.