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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 20 décembre 2002, n° 02-3168

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Warczyglowa

Défendeur :

Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Filhouse

Conseillers :

Mme Magne, M. de Guardia

Avocats :

Mes Reinhard-Delran, Peignard

Cons. prud'h. Nîmes, du 5 juill. 2002

5 juillet 2002

Faits et procédure

La SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et Marie-Paule Warczyglowa ont conclu le 17 mai 1988 un contrat de franchise par lequel celle-ci vendait des produits de beauté "Yves Rocher" et des services par le biais d'un magasin exploité sous l'enseigne " Yves Rocher ". Ce contrat était résilié à compter du 2 octobre 1995, date à laquelle il était remplacé par un contrat de gérance libre comportant la charge de distribuer les produits en consignation.

La SA Yves Rocher a résilié le contrat de gérance libre par lettre du 5 mai 2000.

S'estimant fondée à prétendre à l'existence d'un contrat de travail, la gérante a saisi le Conseil de prud'hommes de Nîmes qui, par décision en date du 5 juillet 2000, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Vannes.

Marie-Paule Warczyglowa a régulièrement formé contredit.

Elle conclut à l'infirmation et au renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes.

La SA Yves Rocher demande à la cour de confirmer le jugement et de lui allouer les sommes de 4 000 euro à titre de dommages-intérêts et de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Motifs de la décision

Attendu que pour prétendre à la confirmation du jugement, la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher fait essentiellement valoir que la franchisée ou la gérante libre aurait disposé d'une totale autonomie de gestion, et qu'elle se serait contentée de "conseiller" les prix de vente ;

Mais attendu que, selon l'article L781-1, 2° du Code du travail, les dispositions du Code du travail qui visent les apprentis ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise;

Qu'ainsi, dès lors que les conditions sus-énoncées sont, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination;

Qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que tant le contrat de franchise que le contrat de gérance libre avaient pour objet de vendre des produits de beauté et des soins esthétiques dans un magasin dénommé "centre de beauté Yves Rocher", exploité dans des conditions uniformes tenant en particulier à la décoration, aux aménagements et à "tout autre domaine que la SA LBV Yves Rocher considérait comme approprié" ;

Qu'à cette fin, celle-ci a établi les plans et projets de l'installation du centre et fourni la "liste des équipements reconnus comme nécessaires" à son exploitation ;

Qu'en dépit des énonciations rappelant que les prix indiqués dans le livre vert avaient un "caractère indicatif" et ne constituaient que des "prix conseillés, laissant la possibilité de les adapter", il résulte du contrat de franchise et des différents documents produits que la société entreprenait des actions publicitaires "à sa seule initiative" et mettait à la disposition de la franchisée des documents publicitaires qu'elle devait remettre à la clientèle "selon les instructions promotionnelles qui lui étaient données et auxquelles elle s'engageait à se conformer strictement";

Que, pour sa part, le contrat de gérance était assorti d'une obligation de distribution des produits en consignation par laquelle le distributeur était uniquement le dépositaire des marchandises avec mandat de les vendre moyennant une commission calculée sur le chiffre d'affaires consignation prix public;

Qu'à l'occasion de chaque campagne publicitaire (en pratique, en permanence), la franchisée, comme la gérante libre, devaient exposer les articles faisant l'objet des diverses offres ou promotions ;

Que c'est dans ces conditions que la Sté Yves Rocher pouvait écrire dans des messages en date des 24 et 27 janvier 2000 qu'elle avait décidé de prolonger telle offre ou que toute cliente prononçant un mot de passe se verrait attribuer un cadeau ;

Que dans d'autres documents, elle rappelle les offres en cours, précise les modifications de prix et envoie même "de nouvelles étiquettes à positionner sur les nouveaux présentoirs" ainsi que "des adhésifs pour le masquage du prix barré" ;

Attendu qu'ainsi, Marie-Paule Warczyglowa se trouvait dans l'impossibilité de pratiquer une politique personnelle de prix et que les conditions énoncées à l'article L. 781-1, 2° du Code du travail étaient, en fait, réunies;

Attendu que les dispositions du Code du travail doivent être appliquées ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au cas d'espèce ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirmant le jugement dont appel, et statuant à nouveau, Dit que les dispositions du Code du travail sont applicables ; Renvoie l'affaire au Conseil de prud'hommes de Nîmes ; Condamne la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Marie-Paule Warczyglowa la somme de 1 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.