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Décisions

CA Paris, 18e ch. A, 27 octobre 1997, n° 96-32466

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Duchemin

Défendeur :

Huot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Quenson

Conseillers :

Mmes Dujardin, Boitaud

Avocats :

Mes Zanotto, Mauclair

Cons. prud'h. Paris, sect. encadr., du 3…

3 juillet 1995

Monsieur Eric Duchemin a relevé appel d'un jugement rendu le 3 juillet 1995 par le Conseil des prud'hommes de Paris qui a condamné la société Huot à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et l'a débouté de sa demande relative à l'indemnité de clientèle.

Devant la cour, Monsieur Duchemin conclut à la confirmation du jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués et sollicite le paiement de la somme de 126 236,03 F au titre de l'indemnité de clientèle ainsi que celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Huot conclut au débouté de l'intégralité des demandes.

MOTIVATION

Sur la rupture

Monsieur Duchemin, engagé en qualité de VRP multicartes à compter du 14 avril 1992, a acquis par contrat du même jour, la clientèle de son prédécesseur, pour un montant de 126 236,03 F.

Un an après son engagement, soit le 26 avril 1993, Monsieur Duchemin était licencié pour insuffisance du chiffre d'affaires.

L'employeur explique que de octobre 1991 à mars 1992 soit au cours des six mois qui ont précédé la cession de carte, le prédécesseur de Monsieur Duchemin avait perçu des commissions brutes à hauteur de 38 000 F tandis que pour la période des six mois qui suivirent, Monsieur Duchemin n'a perçu que 19 000 F, soit un baisse de 50 %.

Monsieur Duchemin conteste la réalité de l'insuffisance incriminée et soutient qu'une période de 6 mois d'activité est trop courte pour l'appréhender sérieusement.

Si les chiffres avancés par la société Huot ne sont pas contestés, la période d'activité prise en considération ne permettait pas à l'employeur d'apprécier à leur juste mesure les capacités professionnelles du représentant ni d'en déduire un préjudice qui résulterait d'une perte de clientèle, d'autant qu'il fallait à Monsieur Duchemin un temps nécessaire pour être présenté à la clientèle. Par ailleurs, celui-ci n'a fait l'objet d'aucune mise en garde préalable à son licenciement.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la rupture était précipitée et abusive.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de clientèle

Monsieur Duchemin soutient qu'ayant racheté la carte de son prédécesseur avec l'accord de son employeur, il est en droit de se prévaloir de l'apport et du développement de la clientèle réalisée par ce dernier, et fait valoir à cet égard que d'une part la société Huot a maintenu des relations d'affaires avec cette clientèle et que d'autre part, la valeur de la clientèle apparaît à tout le moins identique à ce qu'elle était en 1991, la somme réclamée correspondant à la valeur des commissions générées par la clientèle au cours des années 1990 et 1991.

La société Huot s'oppose à cette demande en soutenant que l'état de la clientèle doit être appréciée au jour de la rupture du contrat et que Monsieur Duchemin ne peut prétendre à une indemnité réparant un préjudice dès lors que le dernier mois complet commissionné par celui-ci fait apparaître la somme de 595,33 F de commissions.

Subsidiairement, elle estime que cette indemnité doit être calculée sur la base des commissions personnellement générées par l'intéressé, soit une commission moyenne mensuelle de 3 169 F dont il faut déduire 30 % représentant les frais de déplacement et de représentation.

Sur ce,

L'indemnité de clientèle est accordée quand la rupture est à l'initiative de l'employeur, ce qui est le cas en l'espèce.

Par ailleurs, il doit être tenu compte comme d'une clientèle apportée par le représentant, de celle dont l'intéressé a indemnisé son prédécesseur, avec l'accord de l'employeur, lorsque le représentant l'a maintenue.

Le moyen tiré de la baisse du chiffre d'affaires au cours d'une période de six mois d'activité du représentant, ne suffit pas à démontrer que la société Huot n'a pas conservé la clientèle visitée après le départ de l'intéressé.

Une indemnité de clientèle est donc due à Monsieur Duchemin.

La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 80 000 F l'indemnité de clientèle due à Monsieur Duchemin.

Les circonstances de la cause commandent d'allouer à M. Duchemin une somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : Réforme le jugement en sa disposition relative à l'indemnité de clientèle ; Condamne la société Huot à payer à Monsieur Duchemin une somme de 80 000 F (quatre vingt mille francs) à ce titre ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant, Condamne la société Huot à payer à Monsieur Duchemin une somme de 6 000 F (six mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Huot aux dépens d'appel.