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Décisions

CJCE, 17 janvier 1984, n° 43-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

VBVB, VBBB, GALC, GELC, Borsenverein Des Deutschen Buchhandels EV (Sté)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, NV Club (Sté), NV GB-INNO-BM (Sté), NV Sodal (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mertens de Wilmars

Présidents de chambre :

MM. Koopmans, Bahlmann, Galmot

Avocat général :

M. Verloren Van Themaat

Juges :

MM. Pescatore, Mackenzie Stuart, O'keeffe, Bosco, Due, Everling, Kakouris

Avocats :

MM. de Caluwe, Billiet, Bremer, Lever, Griffith, Brouwer, Peter, Van Bunnen, de Greef.

CJCE n° 43-82

17 janvier 1984

1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 5 et le 15 février 1982, respectivement, la Vereniging Ter Bevordering Van Het Vlaamse Boekwezen (VBVB), établie à Anvers, et la Vereeniging Ter Bevordering Van De Belangen Des Boekhandels (VBBB), établie à Amsterdam, ont introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, des recours visant à l'annulation de la décision 82-123-CEE de la Commission, du 25 novembre 1981, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO L. 54, p. 36).

2. La décision contestée vise l'accord conclu le 21 janvier 1949 entre les deux associations représentatives, chacune, de la grande majorité des éditeurs et libraires flamands et néerlandais, respectivement. Modifié le 2 juillet 1958, l'accord a été notifié a la Commission, conformément aux dispositions du règlement n° 17, le 30 octobre 1962 par la VBBB et le 3 novembre 1962 par la VBVB. Ces notifications étaient accompagnées d'une demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, pour le cas où l'accord serait considéré comme contraire au paragraphe 1 du même article. Il résulte du dossier qu'au moment de notifier leur accord, les requérantes ont notifié également a la Commission les accords et règlements en vigueur à l'intérieur de chacune des deux associations nationales (ci-après : les " accords nationaux ").

3. La procédure a été engagée le 7 décembre 1977 par la Commission. La communication des griefs a eu lieu par deux lettres identiques, adressées aux requérantes les 19 décembre 1977 et 12 janvier 1978, respectivement.

4. Une première audition des parties a eu lieu les 15 et 16 mars 1978, une deuxième audition le 18 octobre 1979 et une réunion supplémentaire des parties le 19 mars 1981. Entre ces dates, les requérantes ont soumis à la Commission diverses propositions alternatives, mais aucune de ces modifications n'a trouvé l'agrément de la Commission. Celle-ci a confirmé sa position par lettre du 27 mars 1981 et pris, le 25 novembre 1981, la décision qui fait l'objet du recours. Par cette décision, la Commission a constaté que l'accord constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, et refusé d'accorder une exemption au titre du paragraphe 3 du même article.

5. Les recours ont été introduits les 5 et 15 février 1982, respectivement. Aux mêmes dates, les requérantes ont introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision litigieuse durant la procédure pendante au principal. Par ordonnance du 31 mars 1982, le président de la Cour a accordé ce sursis, dans certaines limites et sous certaines conditions.

6. L'accord, plus amplement décrit au point 9 de la décision litigieuse, est caractérisé par trois ordres de dispositions étroitement liées :

A) l'obligation, pour tout éditeur, de fixer, pour chacune de ses publications, un prix de vente au consommateur et l'obligation corrélative, pour tous les autres membres des deux associations nationales, de faire en sorte que ce prix soit respecté jusqu'à l'échelon de la vente au détail, les seules exceptions étant celles limitativement prévues par les accords nationaux (ci-après : " système de prix imposes ");

B) un système d'agrément des éditeurs et libraires avec reconnaissance mutuelle des affiliations aux associations nationales, tout commerce étant interdit pour les adhérents avec les éditeurs et libraires non agrées (ci-après : " système d'exclusivité ");

C) l'institution d'une commission chargée de contrôler le respect scrupuleux de l'accord, opérant en coopération avec les commissions similaires fonctionnant dans le cadre des associations nationales, chargée de constater les infractions à l'accord, de faire les représentations appropriées aux intéressés, cette action pouvant aboutir à l'exclusion de l'intéressé des échanges (ci-après : " système de sanctions ").

7. Selon les requérantes, la Commission aurait, à tort, considéré que l'accord comprenait encore le système d'exclusivité. Sans nier la présence de clauses expresses à cet effet, elles soutiennent que celles-ci n'auraient plus été appliquées depuis longtemps et devraient donc être considérées comme périmées. La persistance de ces clauses dans l'accord ne saurait, dès lors, être considérée comme une infraction à l'article 85.

8. Si les requérantes avaient eu l'intention d'abandonner définitivement le système d'exclusivité, le seul moyen de le faire de manière efficace, au regard des règles de concurrence, aurait été, ainsi que la Commission l'a fait remarquer avec raison au point 38 de sa décision, d'apporter une modification formelle à leur accord et de notifier celle-ci dans les formes voulues par le règlement n° 17. Un acte modificatif de ce genre n'étant pas intervenu, la Commission n'a pas pu agir autrement que d'apprécier l'accord selon les termes notifies en 1962. A son tour, la Cour doit donc considérer l'accord dans la forme où il a été notifie en 1962, y compris le système d'exclusivité.

Sur l'application de l'article 85, paragraphe 1

9. A l'article 1 de sa décision, la Commission constate l'incompatibilité de l'accord avec l'article 85, paragraphe 1. Les griefs adressés à l'accord, indiqués aux points 34 à 46 de la décision, peuvent être résumés comme suit.

L'accord litigieux doit être qualifié d' " accord entre entreprises ", au sens de l'article 85, en ce qu'il a pour effet de lier les membres et affiliés de deux associations groupant des éditeurs, des clubs du livre, des importateurs, des représentants exclusifs, des grossistes et des libraires. Il comporte une restriction de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, en raison tant du système collectif d'exclusivité que du système collectif des prix imposés qu'il comporte.

Le système d'exclusivité comporte une interdiction d'acheter ou de détenir des livres édités dans l'autre Etat par un éditeur non agrée ou d'en encourager la vente. Ces dispositions ont pour effet de limiter la plus grande partie du commerce du livre entre la Belgique et les Pays-Bas aux entreprises agréées et empêchent, dès lors, les éditeurs et commerçants agrées de traiter avec des éditeurs et commerçants non agrées de l'autre Etat.

Le système de prix imposés comporte, pour les éditeurs des deux Etats, l'obligation de fixer un seul prix de détail pour chacune de leurs publications et, pour les vendeurs, de ne pas vendre, dans l'autre Etat, un livre à un prix de détail différent de celui qui a été fixé par l'éditeur. Selon la Commission, ce système exclut toute concurrence au niveau des prix pour un même titre entre les libraires des deux Etats. Les commerçants se voient interdire tout effort personnel qui leur permettrait d'accroître leur part de marché en revendant des livres au-dessous du prix fixé par l'éditeur et de faire bénéficier les consommateurs des avantages résultant de mesures de rationalisation.

La majorité des entreprises opérant dans le secteur du livre en Flandre et aux Pays-Bas étant affiliées aux deux associations ou agréées par celles-ci, l'accord comporte une restriction sensible pour la concurrence en ce qu'il vise à soumettre le commerce du livre à une réglementation qui empêche les éditeurs de livres en langue néerlandaise et les libraires de l'un des deux Etats de choisir librement leurs canaux d'approvisionnement et de distribution dans l'autre Etat, ainsi que de fixer leurs conditions d'achat et de vente. L'accord, selon la Commission, est donc de nature à entraver la liberté des échanges entre Etats membres. Ses effets préjudiciables sont d'autant plus sensibles que le commerce du livre entre les Pays-Bas et la Belgique représente un volume très important.

10. A l'encontre de cette partie de la décision, les requérantes font valoir deux séries de griefs, les uns de caractère formel et procédural, les autres concernant les appréciations portées par la Commission sur le contenu de l'accord.

Griefs de caractère formel et procédural

11. La VBVB a formulé, en particulier, de nombreux griefs de caractère formel et procédural ; deux de ces griefs ont été repris et développés par la VBBB, ainsi qu'il sera indiqué ci-après.

12. En premier lieu, la VBVB se plaint de ce que le fonctionnaire qui a signé la communication des griefs n'aurait pas justifié d'un mandat régulièrement accordé par la Commission.

13. En réponse à ce grief, qui n'a pas été autrement précisé dans la requête, la Commission a donné des informations circonstanciées dont il ressort que le signataire du document portant communication des griefs avait été régulièrement pourvu d'instructions et habilité par la Commission, conformément à une pratique expressément approuvée par la Cour.

14. En soulevant ce grief, la requérante méconnaît le fait que les délégations de signature, ainsi que la Cour l'a reconnu dans ses arrêts des 14 juillet 1972 (Ici, 48-69, Recueil p. 619, attendus 10 à 14) et 17 octobre 1972 (Cementhandelaren, 8-72, Recueil p. 977, attendus 10 à 14), constituent le moyen normal par lequel la Commission exerce sa compétence. La requérante n'a apporté aucune indication qui permette de croire qu'en l'occurrence, l'administration communautaire se serait départie de l'observation des règles applicables en la matière. Ce grief doit donc être rejeté.

15. En second lieu, la VBVB fait valoir que l'audition du 18 octobre 1979 se serait déroulée de façon illégale, tous les fonctionnaires mandatés par la Commission pour suivre l'affaire, en vertu de l'article 9 du règlement n° 99-63, n'ayant pas été présents.

16. L'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 dispose qu' " il est procédé aux auditions par les personnes que la Commission mandate à cet effet ". En vertu de cette disposition, seules des personnes dument mandatées par la Commission peuvent procéder aux auditions en la matière. Par contre, au cas où plusieurs personnes ont été mandatées pour suivre une affaire déterminée, cette disposition n'impose aucune obligation en ce qui concerne la présence simultanée, aux auditions, de toutes les personnes désignées ou de certaines d'entre elles. Ce grief doit donc également être rejeté.

17. En troisième lieu, la VBVB fait grief à la Commission de ne pas avoir accepté sa proposition visant à entendre, lors de l'audition, M. F. Van Vlierden, président de la Vereniging Van Letterkundigen, en sa qualité d'auteur.

18. Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, " la Commission donne aux personnes qui l'ont demandé dans leurs observations écrites l'occasion de développer verbalement leur point de vue, si celles-ci ont justifié un intérêt suffisant à cet effet... ". Le paragraphe 2 du même article ajoute que " la Commission peut également donner à toute personne l'occasion d'exprimer oralement son point de vue ". Il apparaît de cet article que la Commission dispose d'une marge d'appréciation raisonnable pour décider de l'intérêt que peut présenter une audition des personnes dont le témoignage peut présenter une importance pour l'instruction du dossier. En fait, il apparaît du procès-verbal des deux auditions que les requérantes ont eu l'occasion de s'expliquer de la manière la plus large et de faire parler en leur nom des personnes représentatives de tous les aspects du marché du livre. La requérante n'a pas apporte d'éléments qui permettraient de penser que la Commission, en n'entendant pas M. Van Vlierden, aurait dans ces circonstances indûment restreint l'instruction de l'affaire et de cette manière limité la possibilité, pour les requérantes, de faire expliquer les divers aspects des problèmes soulevés par les griefs de la Commission. Ce grief doit donc également être écarté.

19. En quatrième lieu, la requérante se plaint du caractère incomplet de la communication des griefs, ainsi que de l'insuffisance ou de l'imprécision de certains parmi les griefs formulés. Elle considère que, de ce fait, la Commission aurait viole l'article 4 du règlement n° 99-63 aux termes duquel elle ne peut, dans ses décisions, retenir que des griefs au sujet desquels les parties concernées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue. La requérante ne donne pas d'indications plus précises sur les éléments de la décision visés par cette critique.

20. Il résulte d'une comparaison entre la communication des griefs et la décision litigieuse que, dans la communication des griefs, la Commission a mis explicitement en évidence les trois éléments retenus en fin de compte pour déclarer l'accord incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, et pour refuser une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, à savoir : le système de prix imposés, le système d'exclusivité et le système de sanctions. Les parties étaient donc pleinement informées de la portée de l'enquête ouverte contre elles et en mesure de se défendre. Ce grief doit donc également être rejeté.

21. En cinquième lieu, la VBVB se plaint de ce que la Commission n'aurait pas donne de réponse à certains des arguments qu'elle avait développés et soutient que, de ce fait, la décision litigieuse devrait être annulée pour insuffisance de motifs. Elle mentionne à ce sujet le fait que la Commission n'aurait attaché aucune importance aux arguments de caractère culturel ni aux arguments tirés de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 10 bis de la Convention d'union de Paris.

22. A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l'ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n'exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (voir, à ce sujet, en dernier lieu, l'arrêt du 9. 11. 1983, Michelin, 322-81, Recueil 1983, p. 3461). La motivation d'une décision faisant grief doit permettre à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité et fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée. Dans cette perspective, il faut admettre que, dans sa motivation, la Commission a suffisamment exposé toutes les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle s'est basée pour aboutir au dispositif de sa décision. Ce grief doit donc être également rejeté.

23. En sixième lieu, la VBVB se plaint du fait que la Commission ne lui aurait pas donne accès au dossier administratif et qu'elle n'aurait pas pu prendre connaissance, pour cette raison, de certains documents ou études que la Commission aurait utilisés en vue de sa décision.

24. Il est à noter que la VBVB n'a pas été en mesure d'identifier un document quelconque dont la Commission aurait fait usage pour fonder sa décision et qui lui serait resté inaccessible. Son grief semble donc plutôt viser le fait qu'elle n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance du dossier de la Commission en vue de constater si celui-ci contiendrait éventuellement des documents susceptibles de l'intéresser.

25. A cet égard, il y a lieu de faire remarquer que si le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les constatations qui sont à la base de sa décision, il n'y a pas de dispositions prescrivant à la Commission l'obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées. En fait, il ne parait pas que la Commission ait fait usage d'un document quelconque qui n'aurait pas été accessible aux parties et sur lequel celles-ci n'auraient pas eu l'occasion de se prononcer. Ce grief doit donc également être rejeté.

26. Le septième grief est exposé simultanément par la VBVB et la VBBB. Les deux requérantes se plaignent de ce que la Commission, dans diverses déclarations, se serait engagée à mener une enquête sur l'ensemble des marchés du livre dans la Communauté avant d'arrêter une décision à leur égard. Elles font état, d'une part, d'une déclaration faite à la fin de l'audition des 15 et 16 mars 1978 par le représentant de la Commission, M. Ferry, d'autre part, des déclarations faites par M. O'Kennedy, membre de la Commission, à la séance du parlement européen du 13 février 1981, à l'occasion de la discussion du rapport de M. B. Beumer sur les prix fixes pour les livres (respectivement compte rendu des séances, JO 1981, annexe, n° 1-266, p. 335, et documents de séance 1980-1981, n° 1 554/80, du 10. 11. 1980), ainsi que des réponses de la Commission à deux questions parlementaires, la première donnée le 10 août 1981 à la question écrite n° 514/81 de M. Beyer de Ryke (JO C 240, p. 20), la deuxième à la question n° 28 de M. Van Miert (JO 1981, annexe, n° 1-273, p. 185).

27. L'analyse de ces déclarations montre qu'à aucun moment, la Commission n'a pris un engagement du genre de celui que lui prêtent les requérantes. Elle n'a pas fait plus que d'annoncer qu'elle était en train de mener des investigations sur les divers marchés du livre dans la Communauté et qu'elle entendait résoudre les problèmes de concurrence posés dans une perspective d'ensemble. Ces déclarations n'ont pas pu l'empêcher de poursuivre, par priorité, un accord particulier au moment où elle avait terminé son instruction à son égard. Ce grief doit donc également être rejeté.

28. Enfin, par un huitième grief, les requérantes se plaignent d'une inconséquence dans l'attitude de la Commission et d'une atteinte aux droits de la défense du fait que la Commission, après avoir reçu simultanément notification des accords nationaux et de l'accord liant les deux associations, et donné à comprendre, dans un premier stade, qu'elle englobait l'ensemble de ces accords dans son investigation, a détache de cet ensemble l'accord dit " transnational " pour en faire l'objet d'une décision distincte. Les requérantes font observer que, nonobstant, la décision litigieuse contient de nombreuses références aux accords nationaux et elles prêtent à la Commission l'intention de vouloir faire tomber indirectement ces accords, sans les mettre ouvertement en cause, par le fait de s'attaquer au seul accord " transnational ", étant donné que le fonctionnement de celui-ci serait la condition nécessaire de l'intégrité des accords nationaux.

29. La Commission admet que l'accord litigieux ne peut effectivement pas être isolé de son contexte et qu'elle a, dès lors, dû se référer nécessairement aux accords nationaux dans la mesure où l'accord " transnational " contient des renvois à ceux-ci. Mais elle se défend d'avoir voulu formuler, pour autant, une appréciation sur la question de savoir si les accords nationaux relèvent du domaine d'application du droit communautaire et, dans l'affirmative, sur la compatibilité de ceux-ci avec les dispositions du traité.

30. Bien que les rapports entre, d'une part, l'accord " transnational " et, d'autre part, les accords nationaux soient incontestables, on ne saurait reprocher à la Commission d'avoir concentré son action sur l'accord passé entre les deux associations. En effet, bien que les clauses de l'accord " transnational " fassent référence aux accords nationaux pour chacun des trois éléments essentiels relevés ci-dessus, il n'en reste pas moins que cet accord est susceptible d'une appréciation en fonction de ses propres objectifs, sans qu'il soit nécessaire, pour autant, de porter un jugement sur les accords nationaux.

31. La Commission a d'ailleurs expressément exclu, au premier point de la motivation, les accords nationaux du champ d'application de sa décision. Il découle du procédé choisi par la Commission que la décision à intervenir de la part de la Cour ne saurait être interprétée comme préjugeant des questions qui n'ont pas fait l'objet du litige. En l'absence de tout préjugé à cet égard, on ne saurait, dès lors, considérer que le procédé utilisé par la Commission aurait porté atteinte aux droits de la défense. Ce grief doit donc être également rejeté.

Sur l'application de l'article 85, paragraphe 1

Griefs de caractère matériel

32. Du point de vue du droit matériel, les requérantes font valoir cinq griefs différents, tirés d'une atteinte à la liberté d'expression, telle qu'elle est notamment garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'une atteinte à l'article 10 bis de la Convention d'union de Paris, d'une divergence entre l'interprétation donnée en la matière par la Commission à l'article 85 du traité et la pratique concordante des Etats membres en la matière, de la méconnaissance, par la Commission, de la structure particulière du marché du livre, enfin, de l'absence de toute atteinte au jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, compte tenu des particularités du territoire linguistique en cause.

1. Grief tiré de l'atteinte à la liberté d'expression

33. Les requérantes font valoir, en substance, que le régime des prix imposés aurait pour effet, grâce à l'organisation optimale du réseau de distribution, de favoriser la multiplicité des titres publiés par les éditeurs et d'assurer ainsi la publication d'ouvrages plus difficilement vendables comme, par exemple, les ouvrages scientifiques et la poésie. Dans ces conditions, la suppression du système des prix imposés, ainsi qu'il serait démontré par l'exemple de certains Etats (les requérantes mentionnent à cet égard l'expérience suédoise et l'expérience française) aurait pour effet de réduire la liberté d'expression et de rendre l'édition dépendante de subventions de l'Etat. L'action de la Commission serait, dès lors, contraire à la liberté d'expression, telle qu'elle a été notamment définie dans l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

34. S'il est vrai que certaines réglementations économiques ne sont pas indifférentes du point de vue de la liberté d'expression, il n'en reste pas moins que les requérantes n'ont pas établi, en l'occurrence, l'existence d'un lien effectif entre la décision de la Commission et la liberté d'expression telle qu'elle est garantie par la Convention européenne, même à supposer que celle-ci puisse être interprétée de façon à inclure des garanties en ce qui concerne la possibilité de publier des livres dans des conditions économiquement rentables. En effet, le fait de soumettre la production et le commerce de livres à des règles dont le seul objectif est d'assurer la liberté des échanges entre Etats membres, dans des conditions normales de concurrence, n'est pas de nature à restreindre la liberté de publication. Il n'est pas contesté que celle-ci reste entière au niveau tant des éditeurs que des entreprises de distribution. Ce grief doit donc être rejeté.

2. Grief tiré de l'atteinte à l'article 10 bis de la Convention d'union de Paris

35. Les requérantes exposent que le système de prix imposés constituerait une garantie contre la pratique dite des " articles d'appel ", c'est-à-dire contre la vente, à des prix anormalement bas, de certains livres dans le seul but d'attirer la clientèle. Elles considèrent que de telles pratiques sont contraires à l'article 10 bis de la Convention d'union de Paris dans la version résultant de l'acte de Lisbonne, du 31 octobre 1958 (manuel des conventions publiée par les bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété industrielle, Genève). Cette convention aurait pour effet de lier également la Communauté et de primer, par voie de conséquence, les règles relatives à la concurrence.

36. Il semble qu'en faisant allusion à l'article 10 bis de la Convention d'union de Paris, les requérantes se refèrent au premier paragraphe de cet article, aux termes duquel " les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'union une protection effective contre la concurrence déloyale ". Elles estiment que la pratique dite des " articles d'appel " constitue un acte de concurrence déloyale au sens de la disposition citée. Comme, selon elles, le système des prix imposés constitue une défense contre de telles pratiques, la Commission n'aurait pas le droit d'en exiger la suppression par application des règles de concurrence du traité.

37. Le fait qu'un système de prix imposés puisse avoir, incidemment, comme conséquence d'empêcher une pratique déloyale comme celle décrite par les requérantes n'est toutefois pas une raison suffisante pour écarter de l'application de l'article 85, paragraphe 1, un secteur entier du marché, comme le marché du livre. Il appartient aux entreprises éventuellement lésées par des pratiques commerciales déloyales de prendre recours aux législations en matière d'usages commerciaux qui existent, sous une forme ou sous une autre, dans tous les Etats membres et qui permettent de remédier aux abus du type de celui que les requérantes ont signalé. Par contre, l'existence de tels abus ne saurait, en aucun cas, justifier une atteinte aux règles de concurrence de la Communauté. Ce grief doit donc être rejeté.

3. Grief tiré de la contrariété entre l'action de la Communauté et la politique suivie en la matière par divers Etats membres

38. Les requérantes exposent qu'en vertu de législations et de pratiques judiciaires concordantes, le système des prix imposés pour le livre serait admis dans tous les Etats membres et, en tout cas, dans la république fédérale d'Allemagne, en France et au Royaume-Uni. La Commission devrait donc accepter comme directive obligatoire cette pratique concordante pour l'orientation de sa propre politique en la matière.

39. La Commission fait valoir à ce sujet que les pratiques prévalant sur les trois marchés considérés ne seraient pas comparables au système institué par l'accord faisant l'objet de la décision attaquée. En outre, elle a fait comprendre que, de toute manière, elle se réserve d'apprécier les pratiques évoquées par les requérantes au regard des exigences du traité.

40. Il y a lieu de faire remarquer à cet égard que des pratiques législatives ou judiciaires nationales, à supposer même qu'elles soient communes à tous les Etats membres, ne sauraient s'imposer dans l'application des règles de concurrence du traité. Il en est ainsi, à plus forte raison, pour ce qui concerne des pratiques d'entreprises privées, même tolérées ou approuvées par l'autorité publique d'un Etat membre. Ce grief doit donc également être rejeté.

4. Grief tiré de la méconnaissance, par la Commission, de la structure particulière du marché du livre

41. Les requérantes, appuyées particulièrement, sur ce point, par les intervenantes GALC et GELC, exposent que la concurrence voulue par le traité devrait être comprise comme une " concurrence effective ", adaptée aux conditions particulières du marché en cause. L'erreur de la Commission consisterait en ce qu'elle n'aurait pas tenu compte de la nature spécifique du livre en tant que produit et du caractère propre et de la structure du marché du livre, en considérant que la compétition au niveau des prix serait le facteur concurrentiel essentiel. Or, chaque livre constituerait un marché en soi et l'élasticité des prix des livres en tant que produits serait minime, de manière que d'autres facteurs de concurrence revêtiraient un intérêt prédominant par rapport au prix. Les requérantes mentionnent à cet égard : la variété de l'offre, la diversité du stock détenu par les libraires, la rapidité d'exécution des commandes, les prestations de service offertes aux consommateurs sous forme d'informations et de conseils.

42. Les requérantes relèvent, en outre, que la pratique des prix imposés laisse entière la liberté de concurrence tant au niveau des éditeurs - qui sont libres de déterminer le choix des titres qu'ils publient et de fixer le prix en fonction de l'état du marché - que dans les rapports entre les différents échelons du circuit de distribution, grossistes et détaillants. Le consommateur ne trouverait que des avantages à ce système, pouvant acheter le même livre à tous les endroits au même prix et bénéficiant, en contrepartie, d'une offre étendue et d'un service optimal.

43. En présence de cette argumentation, la Commission souligne qu'elle ne méconnaît pas la liberté de concurrence entre éditeurs ni le fait que le mécanisme des prix imposés laisse subsister une certaine concurrence à l'intérieur du système de distribution, entre éditeurs, grossistes et détaillants, ayant pour objet le partage de la marge qui existe entre le prix de vente de l'éditeur et le prix appliqué obligatoirement dans les ventes au consommateur. Ces données étant admises, la décision vise, en réalité, selon la Commission, la politique des associations requérantes en matière de marges bénéficiaires et la structure des circuits de distribution qui en est la conséquence. La Commission considère que le système des prix imposés élimine totalement la concurrence de prix au niveau des détaillants et enlève par là tout attrait aux efforts visant à une rationalisation de la distribution dans des conditions telles que le bénéfice en revient au consommateur. Elle met de doute l'analyse des requérantes selon laquelle, dans l'optique du consommateur, le prix du livre serait un facteur négligeable par rapport à d'autres prestations accessoires, comme la diversité de l'offre et le service. Elle estime que l'introduction d'une concurrence de prix au niveau de la distribution finale pourrait être profitable à une meilleure diffusion du livre dans des conditions plus économiques.

44. En prenant position sur l'argumentation des parties, tirée de la structure particulière du marché du livre, qui forme le point central du litige, la Cour rappelle, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, qu'elle se trouve exclusivement saisie de la question de la conformité, avec l'article 85, paragraphe 1, de l'accord " transnational " et que son jugement ne peut, des lors, porter que sur les effets restrictifs de cet accord sur les échanges entre les marchés du livre de langue néerlandaise aux Pays-Bas et en Belgique, respectivement.

45. Elle estime, toutefois, que les particularités de ce marché n'autorisent pas les deux associations à établir, dans leurs rapports réciproques, un système restrictif dont l'effet est d'enlever toute liberté d'action aux distributeurs en matière de détermination du prix de vente, et ceci jusqu'au niveau de la vente finale aux consommateurs. Un tel dispositif contrevient, en effet, à l'article 85, paragraphe 1, dont la lettre a) interdit expressément tous accords qui consistent à " fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ". Au surplus, le système de prix imposés prévu dans l'accord permet à chacune des deux associations de contrôler, du point de vue de la détermination des prix, les débouchés jusqu'au dernier échelon dans l'autre Etat membre et de rendre ainsi impossible l'introduction de méthodes de vente susceptibles de permettre l'approvisionnement des consommateurs dans des conditions économiquement plus favorables, ce qui met les associations requérantes également en conflit avec ce qui est dit à l'article 85, paragraphe 1, lettre b).

46. Ainsi donc, à supposer même que la spécificité du livre comme objet de commerce puisse justifier certaines conditions particulières en matière de distribution et de prix, il convient de conclure qu'en tout état de cause, le fait même, de la part de deux grandes associations nationales d'éditeurs et de libraires, d'étendre, aux échanges intracommunautaires, la réglementation, étroitement contrôlée, qui est en vigueur en leur sein, constitue une restriction suffisamment caractérisée de la concurrence pour justifier l'appréciation portée par la Commission en vertu de l'article 85, paragraphe 1. Le grief soulevé par les requérantes doit donc être rejeté.

5. Grief tiré de l'absence d'atteinte au commerce entre Etats membres

47. Les requérantes font valoir enfin, en ce qui concerne l'application de l'article 85, paragraphe 1, que la Commission aurait considéré à tort que l'accord a pour effet de porter atteinte à la concurrence dans le commerce entre Etats membres. Elles exposent, à ce sujet, que, compte tenu de la Communauté linguistique existant entre les Pays-Bas et la partie flamande de la Belgique, la dimension géographique à prendre en considération serait, non le territoire politique des deux Etats en cause, mais le territoire de la langue néerlandaise, en tant qu'il formerait une unité. Or, à considérer les choses sous cet angle de vue, il s'agirait d'un effet purement interne à la zone considérée et on ne serait donc pas en présence d'une atteinte au marché commun. Cet état de choses aurait été consacré récemment par le traité d'union linguistique néerlandaise du 9 septembre 1980, conclu entre la Belgique et les Pays-Bas (Moniteur belge, 1982, p. 1786, et Staatsblad van het Koninkrijk der Nederlanden, 1981, p. 453).

48. Cette argumentation des requérantes méconnaît les termes formels de l'article 85, qui vise le " commerce entre Etats membres ". En l'occurrence, l'accord affecte indubitablement le commerce entre deux Etats membres, malgré les liens linguistiques existant entre eux. Ce grief doit des lors être également rejet ".

49. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a, à bon droit, considéré l'accord comme tombant sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1.

Sur l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3

50. Au moment de notifier l'accord et pour le cas où celui-ci serait considéré comme incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, les requérantes avaient demandé à la Commission de faire usage du pouvoir que lui réserve l'article 85, paragraphe 3, en déclarant inapplicable à leur accord la prohibition du paragraphe 1. Par l'article 2 de sa décision, la Commission a rejeté cette demande d'exemption. Dans les points 47 à 63 de la motivation, elle a examiné, à la lumière des critères mentionnés par l'article 85, paragraphe 3, pourquoi, à son jugement, l'accord ne constitue pas une contribution à l'amélioration de la production ou de la distribution des produits, pourquoi une partie équitable du profit n'est pas réservée aux utilisateurs, pourquoi les restrictions imposées par l'accord ne lui paraissent pas indispensables et pourquoi, enfin, l'accord exclut la concurrence pour une partie importante des produits en cause.

1. Le refus de la Commission de donner suite aux propositions alternatives des requérantes

51. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les requérantes avaient soumis à la Commission certaines propositions alternatives dont il est fait état dans la motivation de la décision (points 24 à 31). Elles se plaignent de ce que ces propositions, qui auraient pu atténuer l'effet du système de prix imposés, n'ont pas été acceptées par la Commission et que celle-ci, pour sa part, n'a pas mis en avant des propositions concrètes qui auraient permis d'aboutir à une exemption.

52. A cet égard, il y a lieu tout d'abord de relever que l'objet de la procédure administrative préliminaire est de préparer la décision de la Commission concernant l'infraction aux règles de la concurrence, mais que cette procédure est également l'occasion, pour les entreprises concernées, d'adapter les pratiques incriminées aux règles du traité. Dans le cas où une exemption est recherchée en vertu de l'article 85, paragraphe 3, il appartient en premier lieu aux entreprises intéressées de présenter à la Commission les éléments de conviction destinés à établir la justification économique d'une exemption et, au cas où la Commission a des objections à faire valoir, de lui soumettre des alternatives. S'il est vrai que, pour sa part, la Commission peut donner aux entreprises des indications sur d'éventuelles solutions alternatives, elle n'est pas légalement tenue de le faire et, moins encore, d'accepter des propositions qu'elle estime incompatibles avec les conditions de l'article 85, paragraphe 3.

53. Ce grief doit donc être rejeté.

2. La question de l'amélioration de la production et de la distribution du livre

54. Les requérantes, ensemble avec les intervenantes GALC et GELC, exposent que l'accord vise à améliorer la production et la distribution du livre grâce à l'effet de " compensation interne " rendu possible par le système de prix imposés. Elles expliquent à ce sujet que l'existence du prix fixe permet à l'éditeur, grâce au bénéfice réalisé sur les ouvrages à succès, dont la vente est facile et la rotation rapide, d'assumer la charge et le risque de la publication d'ouvrages plus difficiles et moins rentables. A leur tour, les distributeurs seraient en mesure de maintenir des stocks plus étendus et de mieux servir la clientèle en aidant ainsi à la diffusion d'un plus grand nombre d'ouvrages variés.

55. Par contre, la suppression du prix imposé aurait pour effet la concentration du commerce sur les ouvrages qui se vendent facilement avec, pour conséquence, l'abandon des titres plus difficiles. S'il est vrai que les livres à succès se vendraient à meilleur compte, les conséquences négatives seraient, par ailleurs, multiples : les éditeurs ne pourraient plus assumer le risque d'éditer des ouvrages moins prometteurs, les petits éditeurs spécialisés seraient, de ce fait, menacés dans leur existence. La variété des titres publiés serait, en conséquence, réduite, le nombre des librairies détenant un assortiment étendu de livres et assurant un service à la clientèle diminuerait au profit de distributeurs intéressés exclusivement à la vente d'ouvrages à rotation rapide en consentant une réduction de leur marge bénéficiaire. Comme conséquence de cette transformation de la structure de la distribution, il faudrait s'attendre, en contrepartie de la baisse du prix des ouvrages faciles, à une augmentation corrélative du prix de tous les autres ouvrages.

56. La Commission conteste les déductions des requérantes. Elle considère que celles-ci n'ont pas établi l'existence d'une relation de cause à effet entre la suppression du prix imposé et les phénomènes qu'elles ont décrits, tels que la diminution du nombre des titres publiés et la réduction du nombre des librairies caractérisées par la détention d'un stock suffisamment varié. Selon la Commission, le mécanisme de " compensation interne " dépend essentiellement de la politique suivie par les éditeurs dans la détermination de leurs prix de vente et il pourrait fonctionner sans qu'il soit nécessaire de recourir à un système de prix imposés qui concerne essentiellement la distribution et non l'édition des livres. La diminution du nombre des librairies serait déjà amorcée malgré l'existence du système de prix imposés, ce qui démontrerait qu'elle est due à d'autres causes. L'introduction de nouvelles méthodes de vente dans le secteur du livre, comme la création de rayons de librairie dans les grands magasins et les points de vente de la presse, aurait pour effet de favoriser la pénétration du livre dans de nouvelles couches de consommateurs. Somme toute, l'organisation d'un système de distribution efficace pourrait se concevoir parfaitement sans le recours au système contraignant des prix imposés.

57. Les intervenantes aux cotés de la Commission, NV Club, NV GB-INNO-BM et NV Sodal, exposent que la diversité de l'offre, le maintien de stocks, la rapidité de l'exécution des commandes et les autres services rendus à la clientèle sont parfaitement compatibles avec une politique de rabais, comme il serait démontré par l'expérience dans divers Etats membres de la Communauté.

58. En présence de ces arguments, il convient de rappeler, une fois de plus, que l'appréciation de la Cour ne peut porter que sur l'accord " transnational ". Il n'apparaît pas que la Commission ait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle a refusé, compte tenu des caractéristiques de cet accord, de reconnaître que celui-ci est de nature à améliorer la production et la distribution du livre dans la perspective des échanges entre les marchés du livre de langue néerlandaise aux Pays-Bas et en Belgique.

59. Les requérantes, pour leur part, n'ont pas réussi à démontrer que le maintien de l'accord " transnational " soit une condition de l'amélioration de la production et de la distribution du livre, par l'extension, aux échanges entre les deux marchés concernés, des effets du système de " compensation interne ", quelle que soit, en fin de compte, l'appréciation des mérites intrinsèques de ce système, qui ne peut se faire de manière conclusive qu'au regard des accords nationaux.

60. En l'état du litige, il y a donc lieu de rejeter le grief soulevé par les requérantes contre le refus, par la Commission, de reconnaître que l'accord litigieux est de nature à contribuer à l'amélioration de la production ou de la distribution des produits.

61. Les conditions nécessaires à l'octroi de l'exemption prévue à l'article 85, paragraphe 3, ayant un caractère cumulatif, il est, dès lors, superflu d'examiner les moyens relatifs aux autres conditions d'exemption.

62. Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

63. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.

64. Les requérantes et les parties intervenantes qui les ont soutenues ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens ; toutefois, s'agissant des dépens de l'instance en référé, il convient de tenir compte du fait que les intervenantes n'ont pas participé à cette instance.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête :

1°) Les recours sont rejetés.

2°) Les requérantes et les parties intervenantes qui les ont soutenues sont condamnées aux dépens de la procédure principale. Les requérantes sont, en outre, condamnées aux dépens de l'instance en référé.